par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 30 mai 2012, 11-13898
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
30 mai 2012, 11-13.898

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 janvier 2011), que la SCP d'avocats Scheuer Verhnet et associés (l'avocat) a engagé une action contre la Caisse autonome de règlements des avocats de Montpellier (la CARPA) pour obtenir la restitution de fonds qui lui avaient été confiés dans les années 1980 et qui ont été déposés sur un sous-compte individuel avant d'être transférés sur un compte spécial ouvert au nom du bâtonnier-séquestre, à défaut d'identification des bénéficiaires ;

Attendu que l'avocat reproche à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article 15 de l'arrêté du 5 juillet 1996 les fonds déposés par l'avocat sur le compte CARPA restent à la disposition de l'intéressé ou de tout ayant droit jusqu'à prescription ; qu'à compter de cette prescription qui s'applique au litige en raison duquel l'avocat a reçu les fonds déposés, l'avocat redevient dépositaire de ces sommes et peut en demander la restitution ; qu'en déboutant l'avocat de sa demande relative à la restitution des fonds aux motifs que l'avocat n'avait pas vocation à redevenir dépositaire des fonds en dépit de la prescription acquise, la cour d'appel a violé l'article précité ;

2°/ que les sommes déposées sur le compte de séquestre pour le temps de la prescription, faute de pouvoir être identifiées, ne peuvent demeurer sous la responsabilité de la CARPA et doivent être restituées à l'avocat qui en a effectué le dépôt sur son compte, une fois cette prescription intervenue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que les sommes avaient été déposées sur le compte de l'avocat au cours des années 1982-1983, que le sous-compte était ouvert au nom personnel de l'avocat et que compte tenu de l'impossibilité d'affecter ces sommes faute d'identification des déposants, il avait été décidé dès 1994 avec le bâtonnier-séquestre que ces sommes seraient déposées sur le compte de séquestre pendant la durée de la prescription et que celle-ci étant acquise, les sommes devaient donc être restituées à l'avocat, la cour d'appel a violé l'article 15 de l'arrêté du 5 juillet 1996 ;

3°/ que le dépositaire doit restituer la somme déposée à celui qui la lui a confiée ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou encore à celui qui a été indiqué pour le recevoir ; que celui qui réclame la restitution d'un dépôt doit rapporter la preuve, non pas qu'il est propriétaire mais simplement de l'une de ces qualités ; qu'en refusant la restitution à l'avocat des sommes déposées sur son sous-compte ouvert à son nom aux motifs qu'elles demeuraient sous la responsabilité du dépositaire obligé, la CARPA, cependant qu'en sa qualité de dépositaire initial, l'avocat était en droit de se voir restituer les sommes dont la caisse avait en tout état de cause en charge la restitution, celles-ci ne lui appartenant pas, la cour d'appel a violé les articles 1915, 1937 et 1938 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit énoncé, par motif adopté, que le dépôt effectué auprès de la CARPA s'analyse en un dépôt irrégulier, à charge pour la caisse, propriétaire des fonds ainsi confiés, de laisser à la disposition du bénéficiaire ou de son ayant droit une somme équivalente jusqu'à prescription, la cour d'appel en a exactement déduit qu'une fois cette prescription acquise, laquelle a pour seul effet d'éteindre l'obligation qui pesait, jusque-là, sur la caisse de représenter les fonds par équivalent, l'avocat déposant n'est pas fondé à en réclamer la restitution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP Scheuer-Vernhet et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Scheuer-Vernhet et associés ; la condamne à payer à la Caisse autonome de règlements des avocats de Montpellier la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société Scheuer-Vernh et associés

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la SCP Scheuer Vernhet et associés de sa demande tendant à ce que soit ordonnée notamment la restitution de la somme de 46 445, 88 € avec intérêts de droit selon les sommes depuis diverses dates, avec anatocisme,

AUX MOTIFS OUE

" l'article 240 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 portant organisation de la profession d'avocat dispose que

" Les fonds, effets ou valeurs (... j reçus par les avocats sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des réglements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la caisse des dépôts et consignations. " l'article 15 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements de fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients'dispose, dans ses trois derniers alinéas, que :

" Si les fonds déposés au titre d'une affaire ne peuvent être remis au bénéficiaire, l'avocat en informe la caisse de règlements pécuniaires des avocats.

La caisse doit enregistrer ces fonds sur un compte spécial.

Les fonds restent à la disposition de l'intéressé ou de tout ayant droit jusqu'à prescription. "

S'agissant d'un dépôt obligatoire, seul peut être dépositaire, tant que l'état de l'affaire le justifie, celui désigné par l'article 240 du décret du 27 novembre1991 susvisé, donc la CARPA ; qu'au regard de ces dispositions, l'avocat n'a pas vocation à redevenir dépositaire des fonds qui lui ont été remis par ou pour son client.

L'avant dernier alinéa de l'article 15 de l'arrêté susvisé du 5 juillet 1996 se situe dans l'exact prolongement de ce principe, les, fonds non attribuables restant sous la responsabilité du dépositaire obligé.


L'intéressé au sens de la réglementation susvisée est celui que désigne une décision de justice passée en force de chose jugée ou une transaction ; la prescription à laquelle l'article 15 fait référence est celle qui s'applique au litige à raison duquel l'avocat a reçu les, fonds déposés et se situe dans les seuls rapports entre son client et le ou les contradicteurs de celui-ci ; l'avocat n'est pas l'ayant droit de l'intéressé et ne peut donc, hors l'instruction du juge ou celle du client si celui-ci a recouvré la plénitude de ses droits sur les fonds par lui remis, prétendre entrer en possession des fonds obligatoirement confiés à la CARPA ",

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

" La SCP SCHEUER VERNHET & ASSOCIES expose que la CAISSE AUTONOME DE REGLEMENTS DES AVOCATS lui a adressé un relevé comportant une liste d'affaires non mouvementées, qui était intitulé : " Relevé des affaires stagnantes non soldées ".

Expliquant que la prescription de dix ans prévue à l'article 2277-1 du code civil est accomplie dans les dossiers concernés, la requérante prétend que ces sommes doivent maintenant lui revenir.

En tout état de cause, en vertu des dispositions de l'article 240 du décret du 27 novembre 1991 les fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse de règlements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la Caisse des Dépôts.

Il ressort du relevé produit par la requérante que les sommes qui y sont portées sont identifiables et se rapportent à des dossiers dans lesquels les personnes concernées sont nommées.

Ces sommes appartiennent donc à des tiers et ont été déposées auprès de la CAISSE AUTONOME DE REGLEMENTS DES AVOCATS par la requérante qui les a reçues de ces tiers.

En tant que telles, ces sommes doivent être restituées à leurs propriétaires sur leur demande et n'appartiennent pas à leur avocat.

Elles ne peuvent d'ailleurs être versées à ce dernier que si une autorisation de prélèvement lui a été consentie par son client pour le paiement de ses honoraires ou pour le paiement de l'état de frais consécutif à une condamnation aux dépens avec distraction.

De surcroît, il appartient à l'avocat dépositaire des fonds pour le compte de ses clients, de s'assurer de l'identification de ces fonds.

Les dispositions des articles 2270-1 et 2277-1 du code civil ne peuvent de surcroît, pas recevoir application en l'espèce, puisque le délai de dix ans invoqué concerne les actions en responsabilité extra contractuelle ou l'action en responsabilité encourue par les personnes habilitées à représenter ou ester en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait.
Or, le dépôt de fonds opéré auprès des caisses de règlements pécuniaires des avocats s'analyse comme un dépôt irrégulier puisqu'il porte sur une chose fongible et le destinataire final des fonds est le client.

L'avocat qui intervient pour le compte de son client en vertu d'un mandat ad litem est le déposant et la caisse de règlements pécuniaires des avocats le dépositaire.

Dès lors, ces fonds deviennent propriété de la Caisse auprès de laquelle ils ont été déposés, l'avocat déposant ne disposant pour le compte de son client que d'un droit de créance.

L'arrêté du 5 juillet 1996 en son article 15 prévoit que si les fonds déposés au titre d'une affaire ne peuvent être remis au bénéficiaire, l'avocat en informe la caisse de règlements pécuniaires des avocats les fonds restent à la disposition de l'intéressé ou de tout ayant droit jusqu'à prescription.

L'avocat qui a déposé ces sommes pour le compte de ses clients, ne peut donc valablement en solliciter le remboursement pour son propre compte.

Pour le surplus, la requérante ne justifie pas du bien fondé de sa demande tendant à ce qu'un attendu des conclusions signifiées le 27 octobre 2008 par la défenderesse soit biffé.

En l'état de ces éléments, elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ",

ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 15 de l'arrêté du 5 juillet 1996 les fonds déposés par l'avocat sur le compte CARPA restent à la disposition de l'intéressé ou de tout ayant droit jusqu'à prescription ; qu'à compter de cette prescription qui s'applique au litige à raison duquel l'avocat a reçu les fonds déposés, l'avocat redevient dépositaire de ces sommes et peut en demander la restitution ; qu'en déboutant la SCP SCHEUER VERNHET et associés de sa demande relative à la restitution des fonds aux motifs que l'avocat n'avait pas vocation à redevenir dépositaire des fonds en dépit de la prescription acquise, la cour d'appel a violé l'article précité.

ALORS, D'AUTRE PART. QUE les sommes déposées sur le compte de séquestre pour le temps de la prescription, faute de pourvoir être identifiées ne peuvent demeurer sous la responsabilité de la caisse autonome de règlements des avocats et doivent être restituées à l'avocat qui en a effectué le dépôt sur son compte, une fois cette prescription intervenue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que les sommes avaient été déposées sur le compte de la SCP SCHEUER VERNHET au cours des années 1982-1983, que le sous compte était ouvert au nom personnel de la SCP et que compte tenu de l'impossibilité d'affecter ces sommes faute d'indentification des déposants, il avait été décidé dès 1994 avec le Bâtonnier séquestre que ces sommes seraient déposées sur le compte de séquestre pendant la durée de la prescription et que celle-ci étant acquise, les sommes devaient donc être restituées à la scp, la cour d'appel a violé l'article 15 de l'arrêté du 5 juillet 1996,


ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le dépositaire doit restituer la somme dérposée à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou encore à celui qui a été indiqué pour le recevoir ; que celui qui réclame la restitution d'un dépôt doit rapporter la preuve, non pas qu'il est propriétaire mais simplement de l'une de ces qualités ; qu'en refusant la restitution à la SCP SCHEUER VERNHET des sommes déposées sur son sous compte ouvert à son nom aux motifs qu'elles demeuraient sous la responsabilité du dépositaire obligé, la CARPA cependant qu'en sa qualité de dépositaire initial, la SCP était en droit de se voir restituer les sommes dont la caisse avait en tout en état de cause en charge la restitution, celles-ci ne lui appartenant pas, la cour d'appel a violé les articles 1915, 1937 et 1938 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.