par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 31 janvier 2012, 10-19807
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Cour de cassation, chambre sociale
31 janvier 2012, 10-19.807

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Métaux Spéciaux MSSA, dont l'activité relève de la convention collective nationale des industries chimiques, suivant contrat à durée déterminée du 28 octobre 2005, en qualité de cadre à la direction financière, chargé d'animer l'équipe comptable pour la mise en place des nouvelles normes comptables ; que son contrat de travail stipulait une convention de forfait en jours telle que prévue à l'accord conclu le 3 février 2000 et relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail à la société Métaux Spéciaux MSSA ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;


Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité de fin de mission et limiter aux sommes de 88,42 euros et 97,26 euros la condamnation de l'employeur au titre d'un rappel de congés payés et de la prime de précarité, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié travaillait sans respecter la durée maximale du travail, retient que ceci était conforme à son contrat de travail et aux accords collectifs régissant la profession et que le paiement des heures effectuées au-delà de la durée maximale quotidienne ne pouvait être imposé à l'employeur du fait de l'existence de la convention de forfait en jours ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni les stipulations non étendues de l'article 12 de l'accord cadre du 8 février 1999 sur l'organisation et la durée du travail dans l'industrie chimique, qui, dans le cas de forfait en jours, ne déterminent pas les modalités et les caractéristiques principales des conventions susceptibles d'être conclues mais renvoient à la convention écrite conclue avec le salarié concerné le soin de fixer les modalités de mise en oeuvre et de contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que la nécessité d'un entretien annuel d'activité du cadre avec sa hiérarchie, ni celles de l'accord d'entreprise du 3 février 2000, qui se bornent à affirmer que les cadres soumis à un forfait en jours sont tenus de respecter la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire, ne sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était privée d'effet et que le salarié pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont elle devait vérifier l'existence et le nombre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt retient que le fait de n'avoir pas vu le contrat de travail à durée déterminée renouvelé à son terme ne peut pas caractériser une intention fautive de l'employeur ou une volonté de causer un préjudice au salarié concerné ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait avoir subi, lors d'un entretien avec son supérieur hiérarchique, des propos vexatoires lui ayant causé une préjudice moral, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des congés payés afférents, d'une indemnité de fin de mission et de dommages-intérêts pour préjudice moral, et limite aux sommes de 88,42 euros et 97,26 euros la condamnation de l'employeur au titre d'un rappel de congés payés et de la prime de précarité, l'arrêt rendu le 30 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Métaux Spéciaux MSSA aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Métaux Spéciaux MSSA à payer à la SCP Bouzidi et Bouhanna la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR limité la condamnation de l'employeur au paiement des sommes de 88,42 € au titre du rappel de congés payés et de 97,26 € au titre de la prime de précarité et débouté le salarié de ses autres demandes et notamment de celles au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférents, de l'indemnité de fin de mission et de condamnation de l'employeur à produire sous astreinte diverses pièces ;

AUX MOTIFS QU'il résulte du contrat de travail à durée déterminée signé par les parties le 28 octobre 2005 que Monsieur X... devait travailler 218 jours par an au maximum et 211,53 jours en moyenne ; qu'en application de l'article 4.3 de l'accord du 3 février 2000, il n'était pas soumis à une durée quotidienne de travail n'ayant pas l'obligation de respecter les durées maximales de travail ; que l'accord en question prévoit expressément que les cadres ne peuvent être occuper selon l'horaire collectif applicable au sein du service auquel ils sont intégrés ; que leur durée de travail sera fixée par des conventions individuelles de forfait en jours travaillés ; que dans le cadre de ces conventions, ils ne seront pas soumis à une durée quotidienne de travail de 7 h 36 en moyenne ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a été engagé en qualité de cadre à la direction financière ; que son contrat de travail était conclu pour faire face à un surcroît d'activité lié à la mise en place de nouvelles normes comptables ; qu'ainsi, Monsieur X... était soumis au régime du forfait jour en sa qualité de cadre ; que les accords conventionnels prévoyaient expressément cette modalité d'exécution de la prestation de travail au regard des spécificités des fonctions de cadre ; que Monsieur X... était chargé d'animer l'équipe comptable ; qu'il ne peut pas contester la réalité de l'autonomie dont il bénéficiait pour organiser son travail et son emploi du temps ; que la convention de forfait était destinée à lui permettre de remplir ses prestations contractuelles en toute indépendance et au mieux des objectifs fixés ; que les attestations produites faisant état des horaires importants réalisés par Monsieur X... ne sont aucunement probantes concernant la réalité d'heures supplémentaires opposables à l'employeur ; qu'elles confirment le fait que le salarié travaillait sans respecter la durée maximale du travail conformément à son contrat de travail et aux accords collectifs régissant la profession ; que le paiement des heures effectuées au-delà de la durée quotidienne ne peut pas être imposé à l'employeur du fait de l'existence de la convention de forfait jour ; que Monsieur X... sera en conséquence débouté de ses demandes relatives à des heures supplémentaires et à des dommages et intérêts pour préjudice moral qui ne s'avèrent pas fondés ; que le fait de n'avoir pas vu le contrat de travail à durée déterminée renouvelé à son terme ne peut pas caractériser une intention fautive de l'employeur ou une volonté de causer un préjudice au salarié concerné ; qu'eu égard au rejet de la demande de paiement de rappel de salaire, l'indemnité de fin de mission afférente réclamée n'est pas fondée ; qu'elle sera rejetée ; que le salarié ne peut pas réclamer la condamnation de l'employeur à produire des pièces sous astreinte du fait de sa propre carence dans l'administration de la preuve ; qu'en outre, les documents réclamés ne peuvent pas faire échec à la réalité de la convention de forfait jour acceptée dans le cadre du contrat de travail ; que les demandes présentées au titre de la production de pièces seront écartées ;

ALORS D'UNE PART QUE même si l'accord d'entreprise autorise le recours au forfait de salaire, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ; qu'en vertu de l'article L.3121-39 du Code du travail, l'application à un salarié d'une clause de forfait annuel en jour est subordonnée à l'existence de dispositions conventionnelles l'autorisant, l'accord collectif mettant en place de tels forfaits devant préciser, non seulement les catégories de salariés concernés, mais aussi le volume des forfaits et encore les principales caractéristiques des forfaits ; que l'application d'un tel forfait annuel en jour suppose en outre établi l'accord exprès du salarié concerné, lequel doit être impérativement formalisé par écrit ; que pour retenir que Monsieur X..., en sa qualité de cadre, était soumis au régime du forfait jour, ce qu'il contestait, la Cour d'appel qui se borne à relever qu'il résulte de son « contrat de travail à durée déterminée … que Monsieur X... devait travailler 218 jours par an au maximum et 211,53 jours en moyenne», que l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail à la société MSSA du 3 février 2000 « prévoit expressément que les cadres ne peuvent occuper selon l'horaire collectif applicable au sein du service auquel ils sont intégrés » « que leur durée de travail sera fixée par des conventions individuelles de forfait en jours travaillés » et que «dans le cadre de ces conventions ils ne seront pas soumis à une durée quotidienne de travail de 7 h 36 en moyenne », n'a nullement caractérisé l'existence d'une convention individuelle de forfait en jours travaillés conclue entre l'employeur et l'exposant, formalisée par écrit et à laquelle le salarié aurait donné son consentement exprès et n'a, par là même, pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-39, L 3121-40, L 3121-43 et suivants du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART QUE la convention annuelle de forfait en jours ne peut être conclue qu'avec les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; que l'exposant contestait avoir la qualité de cadre autonome ; qu'en se bornant à affirmer que le salarié «ne peut pas contester la réalité de l'autonomie dont il bénéficiait pour organiser son travail et son emploi du temps» sans assortir sa décision d'aucun motif sur ce point, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien fondé de sa demande ; qu'en énonçant, pour débouter l'exposant de ses demandes, que les attestations produites faisant état des horaires importants réalisés par Monsieur X... ne sont aucunement probantes concernant la réalité d'heures supplémentaires opposables à l'employeur et que le salarié ne peut réclamer la condamnation de l'employeur à produire des pièces sous astreinte «du fait de sa propre carence dans l'administration de la preuve», la Cour d'appel qui a fait peser sur le salarié la charge exclusive de rapporter la preuve de la réalité du nombre des heures supplémentaires accomplies a violé les dispositions de l'article L 3171-4 du Code du travail;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'au soutien de sa demande tendant à voir ordonner la condamnation de l'employeur à produire des pièces sous astreinte, l'exposant avait notamment fait valoir que pour le calcul des heures de travail effectuées, l'accord d'entreprise du 3 février 2000 prévoyait la mise en place d'un système déclaratif de suivi du temps de travail applicable aux cadres non dirigeants suivant des lecteurs de cartes et réclamait par conséquent, notamment la liste de ses entrées et sorties d'après le système de pointage ou de lecteur de carte ainsi prévu ; que pour débouter l'exposant de ses demandes à ce titre, la Cour d'appel qui se borne à affirmer que le salarié ne peut pas réclamer la condamnation de l'employeur à produire des pièces sous astreinte « du fait de sa propre carence dans l'administration de la preuve », a méconnu les règles applicables à la charge de la preuve des heures de travail accomplies par le salarié et a violé les dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail;

ALORS ENFIN, à titre subsidiaire, QUE même en cas de convention de forfait en jours, l'employeur est tenu au respect des dispositions relatives au repos quotidien ; que pour infirmer le jugement entrepris, lequel avait condamné l'employeur à payer diverses sommes au titre du non respect du repos quotidien de 11 heures, du repos compensateur et des congés payés y afférents, la Cour d'appel qui énonce que le paiement des heures effectuées au-delà de la durée quotidienne ne peut pas être imposé à l'employeur du fait de l'existence de la convention de forfait jour a violé les dispositions des articles L 3121-48 et L 3131-1 du Code du travail;

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR limité la condamnation de l'employeur au paiement des sommes de 88,42 € au titre du rappel de congés payés et de 97,26 € au titre de la prime de précarité et débouté le salarié de ses autres demandes et notamment de celle à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X... sera débouté de ses demandes relatives à des dommages et intérêts pour préjudice moral qui ne s'avèrent pas fondés ; que le fait de n'avoir pas vu le contrat de travail à durée déterminée renouvelé à son terme ne peut pas caractériser une intention fautive de l'employeur ou une volonté de causer un préjudice au salarié concerné ;


ALORS QU' au soutien de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, l'exposant avait fait valoir que lors de l'entretien qu'il avait eu avec son supérieur hiérarchique, Monsieur Bruno Y... concernant le renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée, il avait été humilié à plusieurs reprises et traité de «petit» et d'incompétent, produisant à cet égard diverses pièces de nature à démontrer ce fait ; qu'en retenant que l'exposant devait être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral qui ne s'avère pas fondée dès lors que « le fait de n'avoir pas vu le contrat de travail à durée déterminée renouvelé à son terme ne peut pas caractériser une intention fautive de l'employeur ou une volonté de causer un préjudice au salarié concerné » sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les faits précis ainsi relatés par le salarié et les propos qui avaient été tenus à son encontre lors de l'entretien avec son supérieur hiérarchique, Monsieur Bruno Y..., n'étaient pas avérés, justifiant par là même la réalité du préjudice moral dont il demandait réparation et ce, indépendamment du défaut de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.



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Baumann Avocat Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.