par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 7 décembre 2011, 10-22875
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Cour de cassation, chambre sociale
7 décembre 2011, 10-22.875
Cette décision est visée dans la définition :
Accident du travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 juin 2010), que Mme X... a été engagée par la société Aventis Pasteur devenue Sanofi Pasteur à compter du 22 août 2002 en qualité de responsable Afrique occidentale et centrale et affectée en Côte d'Ivoire ; que le 28 avril 2004 elle a été victime d'une agression à Abidjan, prise en charge par la Caisse des Français de l'Etranger en application de l'article L. 762-8 du code de la sécurité sociale au titre des prestations légales ; que sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en application de la législation des accidents du travail a été déclarée irrecevable par décision définitive du 18 avril 2007 au motif que la législation professionnelle ne lui était pas applicable dès lors qu'elle était expatriée ; qu'après avoir été déclarée inapte par le médecin du travail puis licenciée le 18 février 2008, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant à la réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie le 28 avril 2004 par Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ que les salariés expatriés qui ont adhéré à l'assurance volontaire accidents du travail bénéficient de l'ensemble des prestations prévues par le livre IV du code de la sécurité sociale, les litiges relatifs à l'indemnisation des accidents du travail qu'ils subissent étant réglés conformément aux dispositions des chapitres 2 à 4 du titre IV du livre 1er du même code ; qu'il s'en évince que ces salariés, qui ont fait le choix de s'assurer et ainsi de s'extraire du droit commun de la responsabilité pour bénéficier de prestations spécifiques, ne peuvent, pas plus que les salariés bénéficiant de droit du livre IV du code de la sécurité sociale, solliciter devant un conseil de prud'hommes l'indemnisation des conséquences d'un accident du travail dont ils ont été victime sous couvert de voir sanctionner un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme X..., salariée expatriée, était affiliée volontaire à la Caisse des Français de l'Etranger qui lui a accordé le bénéfice des prestations accidents du travail suite à l'agression survenue le 28 avril 2004 ; qu'elle ne pouvait donc pas agir devant les juridictions prud'homales pour obtenir l'indemnisation des conséquences de cet accident du travail, même en invoquant un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, seules les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale étant compétentes pour en connaître ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de Mme X... pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité pour les faits intervenus le 28 avril 2004 était recevable devant les juridictions prud'homales au prétexte que par arrêt du 18 avril 2007, la cour d'appel de Montpellier avait jugé, à tort, irrecevable sa demande formée devant les juridictions du contentieux général de sécurité sociale du fait que la législation française sur les accidents du travail n'aurait pas été applicable en raison de la qualité d'expatriée de la salariée, quand cette circonstance ne pouvait conférer aucune compétence aux juridictions prud'homales en matière d'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 762-8, L. 766-12 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que l'employeur n'est tenu d'assurer la sécurité de ses salariés que dans leurs activités ayant un lien direct avec l'exécution de leur contrat de travail et non à chaque instant de leur vie privée ; qu'à ce titre, il n'est pas responsable des agressions subies par les salariés expatriés, et non pas simplement en déplacement professionnel, en dehors du temps et du lieu de leur travail ; qu'en effet les salariés expatriés résident habituellement à l'étranger où leur présence, dans la région du lieu normal de leur travail, n'est pas plus en lien avec l'exécution de leur contrat de travail que la présence des salariés résidents en France à proximité de leur lieu habituel d'emploi ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme X..., salariée expatriée, résidait habituellement à Abidjan ; qu'en jugeant la société Sanofi Pasteur responsable pour l'agression subie par la salariée, alors qu'elle attendait, dans une voiture qu'elle conduisait elle-même, son conjoint qui retirait de l'argent dans une agence bancaire d'Abidjan, au prétexte que Mme X... avait été victime d'une agression alors qu'elle se trouvait du fait de son contrat de travail en Côte d'Ivoire, lieu jugé particulièrement exposé au risque, indépendamment de toute caractérisation d'un lien direct entre l'agression et l'exécution du contrat de travail, étendant ainsi l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur à toutes les hypothèses où la région du lieu de travail est particulièrement criminogène, même si l'agression subie est sans lien direct avec l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'à supposer même que l'employeur soit tenu d'une obligation de sécurité en dehors des lieux et horaires habituels de travail, cette obligation ne peut être que de moyens ; qu'en faisant en l'espèce peser sur l'employeur une obligation de sécurité de résultat pour une agression subie en dehors des lieux et temps de travail dans l'accomplissement d'une action relevant de la vie privée, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;
4°/ que le débiteur d'une obligation de sécurité, même de résultat, peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant un événement de force majeure ; qu'en l'espèce, l'employeur se prévalait de la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité ; qu'en omettant de dire en quoi les circonstances de l'agression n'étaient pas de nature à caractériser la force majeure exonératoire de responsabilité pour l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'employeur, qui contestait dans le cadre de la procédure engagée devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale l'application de la législation sur les accidents du travail pour mettre en cause la recevabilité de l'action introduite devant cette juridiction, n'est pas recevable à invoquer au soutien de son pourvoi les effets de cette législation et la compétence exclusive des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ;
Attendu, ensuite, que le salarié dont l'affection n'est pas prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles, peut engager une action contre son employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle ;
Et attendu qu'après avoir relevé que la salariée, qui se trouvait du fait de son contrat de travail dans un lieu particulièrement exposé au risque, avait, à plusieurs reprises, alerté son employeur sur l'accroissement des dangers encourus par les ressortissants français à Abidjan, lui demandant expressément d'organiser son rapatriement et un retour sécurisé en France, la cour d'appel a constaté, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur n'avait apporté aucune réponse aux craintes exprimées par la salariée, qu'il s'était contenté de faire état du lieu contractuel sans prendre en compte le danger encouru par elle et n'avait pris aucune mesure de protection pour prévenir un dommage prévisible ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu en déduire que l'employeur avait manqué à ses obligations contractuelles sans qu'une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité puisse être reprochée à la salariée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanofi Pasteur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sanofi Pasteur à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sanofi Pasteur.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la Société SANOFI PASTEUR au paiement de 35.000 à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie le avril 2004 par Madame X... ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité de la demande de Madame X... : Par arrêt du 18 avril 2007, la cour d'Appel de MONTPELLIER a confirmé la décision d'irrecevabilité rendue par le Tribunal des Affaires de la sécurité sociale au motif que la législation française sur les accidents du travail n'étant pas applicable à Madame X... en sa qualité de salariée expatriée, elle ne pouvait rechercher la faute inexcusable de son employeur visée à l'article L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Si l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que, sous réserve notamment des dispositions de l'article LAS 1-1 du même code, aucune action en réparation des accidents du travail ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit, il convient de constater que Madame X... a été déclarée irrecevable à agir sur le terrain de la faute inexcusable au motif que la législation française sur les accidents du travail ne lui était pas applicable, de telle sorte que la Société SANOFI PASTEUR est malvenue à lui opposer la disposition susvisée. Par ailleurs. Madame X... ne fait nullement état d'une faute inexcusable au sens du texte précité, mais demande à la Cour déjuger que la Société SANOFI PASTEUR n'a pas respecté son obligation contractuelle de sécurité. Il ne peut donc lui être opposé l'incompétence du Conseil des Prud'hommes pour statuer sur la faute inexcusable de son employeur. La demande de Madame X... en reconnaissance de faute inexcusable n'a pas été rejetée, mais déclarée irrecevable ; il ne peut donc lui être fait grief de former une demande déjà tranchée devant les juridictions exclusivement compétentes contrairement à ce que soutient la Société SANOFI PASTEUR. En application de l'article 1147 du Code civil et en vertu du contrat de travail, les salariés peuvent prétendre à la réparation des conséquences du non-respect par l'employeur de l'article L 4121 -1 du Code du travail qui dispose : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (...)" La prise en charge de l'agression dont Madame X... a été victime par la Caisse des Français de l'Etranger (CFE) au titre d'un accident d'origine professionnelle sans aucune considération de la faute de l'employeur, est sans incidence sur le droit de la salariée de mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de la Société SANOFI PASTEUR. Il convient donc de conclure que Madame X... est recevable en sa demande tendant à engager la responsabilité de son employeur en application de l'article L. 4121-1 du Code du travail.
Sur le respect par la Société SANOFI PASTEUR de son obligation de sécurité à l'encontre de Madame X... : Il n'appartient pas à la Cour de juger si l'agression dont Madame X... a été victime, constitue un accident de travail ou de trajet, mais de statuer sur la responsabilité de la Société SANOFI PASTEUR dans la survenance de ce dommage au regard de son obligation de sécurité. Madame X... a été victime d'une agression alors qu'elle se trouvait du fait de son contrat de travail dans un lieu particulièrement exposé au risque. Pour conclure à l'absence de risques particuliers à Abidjan à l'époque de l'agression dont Madame X... a été victime, la Société SANOFI PASTEUR se contente de produire le document consultable sur le site de l'ambassade de France en Côte d'Ivoire mis à jour en mars 2006 et rappelant l'historique des événements ayant affecté les ressortissants français depuis septembre 2002.
Le fait que ce document, qui n'a vocation qu'à rappeler en termes succincts les éléments jugés les plus marquants, ne mentionne aucun événement entre octobre 2003 et juin 2004, n'est pas de nature à contredire les nombreux éléments produits par Madame X... établissant, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'existence de risques ne relevant pas du droit commun, mais d'une situation politique très perturbée compromettant gravement la sécurité des ressortissants français. Ce risque était connu de la Société SANOFI PASTEUR qui avait été alertée par Madame X... en termes très circonstanciés sur l'accroissement des dangers encourus par les ressortissants français. Elle avait en effet demandé expressément par fax du 31 mars 2004 non seulement à pouvoir organiser le rapatriement de ses biens et animaux, mais aussi à quitter son domicile d'Abidjan pour un retour sécurisé en France. Par fax du 14 avril 2004, Madame X... rappelait sa demande concernant le rapatriement de ses biens indiquant qu'elle comprenait que la réponse sur l'exercice de ses fonctions en France puisse prendre plus de temps. Il lui a été répondu dès le 16 avril 2004 que si le rapatriement de ses biens pouvait être organisé, il n'était pas envisageable qu'elle exerce sa mission en France étant nommée sur un poste devant s'exercer à plein temps en Côte d'Ivoire. Aucune réponse n'a été apportée sur les craintes exprimées par Madame X... sur sa sécurité et la Société SANOFI PASTEUR s'est contentée de faire état du lieu contractuel de travail sans prendre en compte le danger que son maintien faisait encourir à la salariée. La Société SANOFI PASTEUR n'a donc pris aucune mesure de protection pour prévenir le dommage dont le caractère prévisible est amplement démontré. Alors qu'il n'est nullement établi que Madame X... en prenant des risques inconsidérés au moment de l'agression a commis une faute de nature à exonérer la Société SANOFI PASTEUR de sa responsabilité, il convient de conclure que le manquement de l'employeur est à l'origine de l'agression subie par la salariée. Le fait que Madame X... ait bénéficié pendant son arrêt de travail du maintien de son salaire et qu'elle se soit vue reconnaître une incapacité à hauteur de 40 à compter du 1er juin 2007 lui ouvrant droit à une rente mensuelle de 727,42 ne répare pas l'intégralité du préjudice subi par la salariée du fait de cette agression. En effet, si elle n'a pas subi de préjudice économique pendant l'arrêt de travail et si son incapacité lui ouvre droit à une rente, elle n'a été indemnisée ni des souffrances morales et physiques subies ni de l'intégralité du préjudice professionnel résultant de son incapacité.
Compte des éléments médicaux produits sur l'intensité des douleurs morale et physique subies par Madame X... du fait de son agression, il convient de fixer son indemnisation à ce titre à hauteur de 15.000,00 . Par ailleurs, le retentissement professionnel de l'incapacité dont est atteinte Madame X... du fait de l'agression dont elle a été victime justifie que lui soit accordée la somme de 10.000,00 . La Société SANOFI PASTEUR sera donc condamnée au paiement de la somme 35.000,00 à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie 28 avril 2004 par Madame X... » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Madame Sabine X... avait manifesté auprès de son employeur ses craintes en matière de sécurité ; attendu qu'elle avait demandé à plusieurs reprises de quitter la maison isolée qu'elle habitait au profit d'une résidence au sein de laquelle elle n'aurait pas eu cet isolement ; attendu que malgré de multiples relances de sa part, la Société SANOFI PASTEUR n'avait pas jugé utile d'entendre les demandes de sa salariée ; attendu que Madame Sabine X..., pour valider ses dires, verse aux débats de multiples informations sur l'existence de risques potentiels ne relevant pas du fait divers de droit commun, mais d'une situation politique largement instable ;
En conséquence le Conseil de Prud'hommes de céans constatera que la Société SANOFI PASTEUR n'a pas pris toutes dispositions utiles et nécessaires pour assurer la sécurité de Madame Sabine X... et qu'elle n'a donc pas respecté ses obligations liées à l'application de l'article 1147 du Code civil » ;
1) ALORS QUE les salariés expatriés qui ont adhéré à l'assurance volontaire accidents du travail bénéficient de l'ensemble des prestations prévues par le livre IV du Code de la Sécurité Sociale, les litiges relatifs à l'indemnisation des accidents du travail qu'ils subissent étant réglés conformément aux dispositions des chapitres 2 à 4 du titre IV du livre 1er du même Code ; qu'il s'en évince que ces salariés, qui ont fait le choix de s'assurer et ainsi de s'extraire du droit commun de la responsabilité pour bénéficier de prestations spécifiques, ne peuvent, pas plus que les salariés bénéficiant de droit du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, solliciter devant un Conseil de Prud'hommes l'indemnisation des conséquences d'un accident du travail dont ils ont été victime sous couvert de voir sanctionner un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, il était constant que Madame X..., salariée expatriée, était affiliée volontaire à la Caisse des Français de l'Etranger qui lui a accordé le bénéfice des prestations accidents du travail suite à l'agression survenue le 28 avril 2004 ; qu'elle ne pouvait donc pas agir devant les juridictions prud'homales pour obtenir l'indemnisation des conséquences de cet accident du travail, même en invoquant un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, seules les juridictions du contentieux général de la Sécurité Sociale étant compétentes pour en connaître ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de Madame X... pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité pour les faits intervenus le 28 avril 2004 était recevable devant les juridictions prud'homales au prétexte que par arrêt du 18 avril 2007, la cour d'Appel de MONTPELLIER avait jugé, à tort, irrecevable sa demande formée devant les juridictions du contentieux général de Sécurité Sociale du fait que la législation française sur les accidents du travail n'aurait pas été applicable en raison de la qualité d'expatriée de la salariée, quand cette circonstance ne pouvait conférer aucune compétence aux juridictions prud'homales en matière d'accident du travail, la Cour d'Appel a violé les articles L. 762-8, L. 766-12 du Code de la Sécurité Sociale ;
2) ALORS subsidiairement QUE l'employeur n'est tenu d'assurer la sécurité de ses salariés que dans leurs activités ayant un lien direct avec l'exécution de leur contrat de travail et non à chaque instant de leur vie privée ; qu'à ce titre, il n'est pas responsable des agressions subies par les salariés expatriés, et non pas simplement en déplacement professionnel, en dehors du temps et du lieu de leur travail ; qu'en effet les salariés expatriés résident habituellement à l'étranger où leur présence, dans la région du lieu normal de leur travail, n'est pas plus en lien avec l'exécution de leur contrat de travail que la présence des salariés résidents en France à proximité de leur lieu habituel d'emploi ; qu'en l'espèce, il était constant que Madame X..., salariée expatriée, résidait habituellement à Abidjan ; qu'en jugeant la société SANOFI PASTEUR responsable pour l'agression subie par la salariée, alors qu'elle attendait, dans une voiture qu'elle conduisait elle-même, son conjoint qui retirait de l'argent dans une agence bancaire d'Abidjan, au prétexte que Madame X... avait été victime d'une agression alors qu'elle se trouvait du fait de son contrat de travail en Côte d'Ivoire, lieu jugé particulièrement exposé au risque, indépendamment de toute caractérisation d'un lien direct entre l'agression et l'exécution du contrat de travail, étendant ainsi l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur à toutes les hypothèses où la région du lieu de travail est particulièrement criminogène, même si l'agression subie est sans lien direct avec l'exécution du contrat de travail, la Cour d'Appel a violé l'article L. 4121-1 du Code du travail et l'article 1147 du Code civil ;
3) ALORS QU'à supposer même que l'employeur soit tenu d'une obligation de sécurité en dehors des lieux et horaires habituels de travail, cette obligation ne peut être que de moyens ; qu'en faisant en l'espèce peser sur l'employeur une obligation de sécurité de résultat pour une agression subie en dehors des lieux et temps de travail dans l'accomplissement d'une action relevant de la vie privée, la Cour d'Appel a violé l'article L. 4121-1 du Code du travail et l'article 1147 du Code civil ;
4) ALORS en tout état de cause QUE le débiteur d'une obligation de sécurité, même de résultat, peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant un événement de force majeure ; qu'en l'espèce, l'employeur se prévalait de la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité ; qu'en omettant de dire en quoi les circonstances de l'agression n'étaient pas de nature à caractériser la force majeure exonératoire de responsabilité pour l'employeur, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... est illicite et condamné la Société SANOFI PASTEUR au paiement de la somme de 90.000,00 à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 1226-15 du Code du travail ;
AUX MOTIFS QUE « l'article Ll132-1 du Code du travail fait interdiction à tout employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail conformément aux dispositions de l'article R. 4624-31 et il résulte de l'article L. 122 6-12 du même code, que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement et ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. En l'espèce. Madame X... en arrêt maladie depuis le 28 avril 2004 a été examinée le 12 novembre 2006 par le docteur Y..., médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise. Madame le docteur Y..., a rendu un avis d'inaptitude de Madame X... à son emploi de "Responsable Afrique Occidentale et Centrale" en une seule visite au visa de l'article R 241 -51 -1 du Code du travail devenu article R 4624-31. Elle précisait toutefois : « Reclassement envisageable à un poste sédentaire, voire à domicile, non basé sur le siège lyonnais sans déplacements. Des aménagements matériels pourraient être nécessaires pour un travail sur écran. A revoir donc en fonction des propositions." Par lettre du 30 novembre 2007, la Société SANOFI PASTEUR informait Madame X... qu'elle prenait en considération les remarques formulées par le médecin du travail, la tiendrait informée dans les meilleurs délais de la suite à donner à sa situation et lui demandait de faire parvenir un curriculum vitae actualisé. Par lettre du 11 janvier 2008, la Société SANOFI PASTEUR informait Madame X... qu'une recherche active d'emploi avait été faite au regard de ses qualifications, compétences et expériences au sein de SANOFI PASTEUR à l'exclusion du siège puis au sein du Groupe SANOFI AVENTIS et concluait : "Après examen des quelques postes ouverts au recrutement, nous avons le regret de vous informer que votre reclassement sur un poste aussi comparable que possible à celui que vous occupiez précédemment s'avère impossible. En effet, la plupart de ces postes sont des postes d'opérateurs techniques en production, et les autres sont incompatibles avec les restrictions édictées par le médecin du travail." Madame X... a été licenciée par lettre du 18 février 2008 visant l'application de l'article L. 122-32-6 du Code du travail devenu L 1226-14, au motif de son inaptitude et de l'impossibilité de procéder à son reclassement, étant précisé à propos des postes ouverts au recrutement : "la plupart de ces postes sont de s postes d'opérateurs techniques de production et les autres sont incompatibles avec les restrictions édictées par le médecin du travail." La Société SANOFI PASTEUR avait informé Madame X... par lettre du 30 octobre 2007 qu'elle devait effectuer la visite de reprise auprès du médecin du travail de l'entreprise en précisant : « Seul notre médecin du travail connaît avec précision les postes de l'entreprise et est donc en mesure d'apprécier votre aptitude au travail, objet de cette visite." Si l'inaptitude prononcée en une seule fois lors de cette visite de reprise n'est pas contestée, il convient de relever qu'elle ne porte que sur le poste de "Responsable Afrique Occidentale et Centrale" que Madame X... exerçait en Côte d'Ivoire, le médecin ayant estimé qu'elle était dans l'incapacité de reprendre ce poste à l'issue de son arrêt maladie. Alors que le médecin du travail envisageait de manière explicite un reclassement possible en posant des limites à l'aptitude de Madame X... en prévoyant une nouvelle visite "en fonction des propositions", il convient de relever que la Société SANOFI PASTEUR n'a fait aucune proposition de reclassement à Madame X... et n'a nullement repris contact avec le médecin du travail pour envisager les aménagements matériels que ce dernier se proposait d'examiner ou un aménagement du temps de travail. Elle ne justifie donc pas de l'impossibilité à laquelle elle s'est heurtée de donner suite au reclassement envisagé par le médecin du travail. En se contentant de rechercher, même au sein du groupe, des postes disponibles en faisant état des restrictions posées par le médecin du travail, sans s'interroger sérieusement sur les possibilités de transformation d'emplois, pour les rendre compatibles avec l'aptitude de la salariée, ou d'aménagement du temps de travail, la Société SANOFI PASTEUR a méconnu les exigences de l'article L 1226-10 du Code du travail et le licenciement Madame X... doit donc être jugé illicite. Aucune réintégration n'ayant été envisagée par les parties, il convient de faire application de l'article L. 1226-15 du Code du travail prévoyant le versement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et d'accorder à Madame X... compte tenu des éléments versés aux débats la somme de 90.000,00 à titre de dommages et intérêts.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Attendu que ce licenciement est intervenu suite à un accident de travail qui a privé Madame Sabine X... de nombreuses capacités tant physiques que psychiques, la mettant ainsi dans l'impossibilité d'exercer convenablement son métier ; attendu qu'il ressort de cet état de fait que Madame Sabine X... se trouve en état d'invalidité partielle évaluée à 40% ; attendu que la société SANOFI PASTEUR a tenté de rechercher un poste de reclassement de compétences identiques, et qu'elle s'est heurtée aux difficultés liées à l'état de Madame Sabine X... ; attendu que la Société SANOFI PASTEUR a donc bien effectué une certaine recherche de reclassement ; attendu cependant que la Société SANOFI PASTEUR n'a pas recherché d'autres postes de travail, impliquant une reconversion de Madame Sabine X... ; attendu au surplus que le Conseil de Prud'hommes de Prud'hommes de Lyon constate, qu'étant donné l'importance du Groupe SANOFI, il lui est apparu impossible qu'il n'existe pas au sein de l'un des établissements une possibilité d'adaptation ; attendu que la Société SANOFI PASTEUR ne rapporte pas la preuve d'une telle recherche, et donc d'une quelconque offre à Madame Sabine X... ; attendu en conséquence que le Conseil de Prud'hommes de Prud'hommes de Lyon constate que la Société SANOFI PASTEUR n'a pas respecté son obligation de reclassement ; en conséquence le Conseil de Prud'hommes de Lyon dit que le licenciement de Madame Sabine X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1) ALORS QUE satisfait à son obligation de reclassement l'employeur qui établit l'absence de poste susceptible d'être proposé au salarié inapte, même après adaptations ou aménagements ; qu'en l'espèce, l'exposante justifiait précisément avoir recensé les postes disponibles dans son entreprise et procédé à des recherches au sein du groupe ayant révélé l'impossibilité de reclasser Madame X..., même après adaptation, sur un poste en adéquation à la fois avec ses compétences en matière de développement commercial et les prescriptions du médecin du travail imposant notamment un travail sédentaire, mais pas au siège de l'entreprise ; qu'en affirmant péremptoirement que l'employeur ne se serait pas interrogé sérieusement sur les possibilités de transformation d'emplois pour les rendre compatibles avec l'aptitude de la salariée ou d'aménagement du temps de travail, sans dire en quoi les éléments précis avancés par l'employeur qui avait poursuivi activement pendant plusieurs semaines les recherches de reclassement, ne permettaient pas d'exclure toute possibilité de reclassement, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
2) ALORS QU'en affirmant péremptoirement que l'employeur n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement faute de s'être interrogé sérieusement sur les possibilités de transformation d'emplois pour les rendre compatibles avec l'aptitude de la salariée ou d'aménagement du temps de travail, sans dire quels aménagements auraient pu être envisagés sur les postes disponibles, tous recensés par l'employeur, quand le médecin du travail exigeait un « poste sédentaire, voir à domicile, non basé sur le siège lyonnais, sans déplacements », la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du Code de la Sécurité Sociale.
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Accident du travail
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.