par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 17 mai 2011, 10-17397
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Cour de cassation, chambre commerciale
17 mai 2011, 10-17.397
Cette décision est visée dans la définition :
Prêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 mars 2010), que suivant actes reçus les 2 décembre 1992 et 28 octobre 1997 par M. X... (le notaire), associé de la SCP X...- Y... (la SCP), l'Union de crédit pour le bâtiment, devenue l'UCB entreprises (la banque), a consenti deux prêts immobiliers à la société Melieshôtel, aux droits de laquelle se trouve la société Meli hôtel (l'emprunteur) ; que le 24 mars 2005, l'emprunteur a suspendu les remboursements en raison d'une erreur affectant le calcul du taux effectif global stipulé par les prêts, puis a assigné, le 18 octobre 2005, la banque en nullité des prêts pour erreur et dol, et à défaut, en nullité des stipulations d'intérêts ; que la banque a assigné le notaire et la SCP en intervention forcée et garantie ;
Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité pour vice du consentement du prêt conclu le 2 décembre 1992, alors, selon le moyen, que la prescription extinctive décennale édictée par l'article L. 110-4 du code de commerce n'est pas applicable à l'action en nullité pour vice du consentement soumise aux seules dispositions de l'article 1304, alinéa 2, du code civil ; qu'en énonçant, pour déclarer prescrite l'action en nullité pour vice du consentement du prêt conclu le 2 décembre 1992, introduite moins de cinq ans après la découverte du vice, que cette action n'avait pas été introduite avant l'expiration du délai de dix ans prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 1304, alinéa 2, du code civil ;
Mais attendu que l'action en nullité d'un prêt fondée sur une erreur ou un dol résultant de l'erreur affectant la stipulation du taux effectif global se prescrit, dans les relations entre professionnels, dans le délai de cinq ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant ce taux ; que s'agissant d'un prêt, le point de départ de cette prescription est la date de la convention ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt, qui a constaté que l'action en nullité du prêt conclu le 2 décembre 1992 a été introduite le 18 octobre 2005, se trouve justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en nullité de l'acte de prêt du 28 octobre 1997 pour vice de consentement, alors, selon le moyen, que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel qui, pour juger que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve d'une erreur dans le taux effectif global, s'est fondée sur le fait que les calculs de l'analyste financier avaient été effectués à partir d'une date de première échéance du prêt non conforme aux stipulations contractuelles, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les juges peuvent prendre en considération des faits que les parties n'ont pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, mais qui appartiennent aux débats ; que l'analyse financière et le contrat de prêt ayant été produits aux débats, la cour d'appel, qui a pris en compte les énonciations de ces éléments pour en apprécier souverainement la valeur, n'a pas violé le principe de la contradiction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans le prêt du 28 octobre 1997, alors, selon le moyen, que lorsque la mention du taux effectif global figurant dans l'acte de prêt est erronée, le délai de la prescription quinquennale de l'action en annulation des stipulations d'intérêts ne commence à courir qu'à compter de la révélation à l'emprunteur d'une telle erreur, si celle-ci n'est pas décelable à la lecture de l'acte lui-même ; qu'en se bornant à énoncer que le point de départ de la prescription était la date de signature du prêt, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'emprunteur n'avait pas été, avant l'analyse financière effectuée en mars 2005, dans l'impossibilité de découvrir le vice affectant le taux effectif global figurant dans le prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 et 1907 du code civil et L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de l'erreur dans le calcul du taux effectif global, de sorte que la question de la date à laquelle cette erreur aurait été portée à sa connaissance ne se posait pas ; qu'ainsi, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche devenue inopérante ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Meli hôtel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer, d'une part à la société UCB entreprises la somme de 2 500 euros, et d'autre part, à M. X... et à la SCP X...- Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société Meli hôtel
La société Meli Hôtel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité pour vice du consentement du prêt conclu le 2 décembre 1992 ;
AUX MOTIFS QUE c'est en vain que la société Meli Hôtel prétend que le point de départ de la prescription serait repoussé dès lors qu'il s'agirait d'une action en nullité fondée sur une erreur dans la stipulation des intérêts ; que, s'il est exact qu'en cas d'erreur, le délai ne commence à courir qu'à compter du jour de la découverte du vice (article 1304, alinéa 2, du code civil), encore faut-il que la découverte du vice prétendu survienne dans le délai de 10 ans imparti et que l'action soit introduite avant l'expiration de ce même délai ; que tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, la prescription est acquise ;
ALORS QUE la prescription extinctive décennale édictée par l'article L. 110-4 du code de commerce n'est pas applicable à l'action en nullité pour vice du consentement soumise aux seules dispositions de l'article 1304, alinéa 2, du code civil ; qu'en énonçant, pour déclarer prescrite l'action en nullité pour vice du consentement du prêt conclu le 2 décembre 1992, introduite moins de cinq ans après la découverte du vice, que cette action n'avait pas été introduite avant l'expiration du délai de dix ans prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 1304, alinéa 2, du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Meli Hôtel fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en nullité de l'acte de prêt du 28 octobre 1997 pour vice de consentement ;
AUX MOTIFS QUE, selon les calculs effectués par la Sarl Actualisation Systèmes Dudognon, dans sa note technique établie en date du 14 mars 2005, le TEG appliqué aurait été de 5, 95 % au lieu des 5, 57 % mentionnés dans l'acte ; que, cependant, il résulte de l'examen de la note cidessus que les calculs relatifs au taux effectif global ont été effectués à partir d'une supposition non conforme aux stipulations contractuelles puisque le raisonnement a été conduit en retenant une hypothèse « si la première mensualité de remboursement intervient un mois après l'attribution du prêt » (note page 4, in fine, et page 5, in limine), alors que l'acte prévoit (page 5) que la première échéance sera fixée au 10 du mois suivant le mois du 1er versement du prêt, la date exacte étant indiquée « lorsque nous établirons le 1er chèque de versement du prêt », et que l'acte précise ensuite (également page 5) que le versement du prêt se fera par « un chèque de 6. 000. 000 de francs le jour de la signature de l'acte le solde », le remboursement du précédent prêt étant « effectué par chèque le 30 octobre 1997 au plus tard » ; que l'acte ayant été établi le 28 octobre 1997, le premier remboursement devait intervenir le 10 novembre 1997 et non un mois après l'attribution du prêt ; que, dans ces conditions, indépendamment des contestations sur les éléments à intégrer ou non dans le calcul du taux effectif global, les calculs effectués par la Sarl Actualisation Systèmes Dudognon à partir d'une hypothèse ne correspondant pas aux stipulations contractuelles ne peuvent être retenus comme preuve d'une erreur dans le TEG ;
ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel qui, pour juger que l'exposante ne rapportait pas la preuve d'une erreur dans le TEG, s'est fondée sur le fait que les calculs de l'analyste financier avaient été effectués à partir d'une date de première échéance du prêt non conforme aux stipulations contractuelles, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Meli Hôtel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans le prêt du 28 octobre 1997 ;
AUX MOTIFS QUE, outre le fait qu'il a été ci-avant retenu qu'aucune erreur n'était établie, s'agissant d'un prêt professionnel, si la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts engagée par l'emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global, le point de départ de cette prescription est, en l'espèce, s'agissant d'un prêt, la date de la convention ; que, dès lors, la convention ayant été conclue le 28 octobre 1997, la prescription de 5 ans était acquise lorsque l'action a été introduite (le 18 octobre 2005) ; que la demande est donc irrecevable ;
ALORS QUE, lorsque la mention du taux effectif global figurant dans l'acte de prêt est erronée, le délai de la prescription quinquennale de l'action en annulation des stipulations d'intérêts ne commence à courir qu'à compter de la révélation à l'emprunteur d'une telle erreur, si celle-ci n'est pas décelable à la lecture de l'acte lui-même ; qu'en se bornant à énoncer que le point de départ de la prescription était la date de signature du prêt, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'exposante n'avait pas été, avant l'analyse financière effectuée en mars 2005, dans l'impossibilité de découvrir le vice affectant le taux effectif global figurant dans le prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 et 1907 du code civil et L 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;
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Prêt
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.