par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 mars 2011, 10-30283
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 mars 2011, 10-30.283

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte de son intervention à la SCP X..., prise en la personne de M. Y..., nommée en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société France immobilier group ;

Attendu que M. Z..., avocat inscrit au barreau de Paris en qualité de membre de la partnership Oppenheimer, Wolff et Donnelly, groupement constitué dans l'Etat du Minnesota (USA), a assuré la défense de la société France immobilier group (FIG) dans un litige avec la société SFI relatif à l'exécution d'un contrat de licence de marque ; que leur reprochant d'avoir, à l'occasion de cette affaire, manqué à leur devoir de conseil, la société FIG a engagé une action en responsabilité contre le groupement et l'avocat ;

Sur le second moyen qui est de pur droit :

Vu l'article XIV, § 4 et 5, de la Convention franco-américaine d'établissement du 25 novembre 1959 ;

Attendu qu'en application de ce texte, les partnerships constituées conformément aux lois et règlements en vigueur aux Etats-Unis d'Amérique voient leur personnalité morale reconnue en France ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la partnership Oppenheimer, Wolff et Donnelly, l'arrêt énonce que le cabinet américain est dépourvu en France de la personnalité juridique ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 du code civil, 32 du code de procédure civile et 131 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées contre M. Z..., après avoir constaté que, dans ses rapports avec la partnership, l'avocat s'était engagé à consacrer son travail au développement du cabinet en contrepartie d'une rémunération prélevée sur les revenus du bureau parisien, de la mise à disposition de moyens, de la prise en charge de ses cotisations et dépenses professionnelles et de la souscription, pour lui, d'une assurance de responsabilité professionnelle et que, dans ses relations avec le client, il avait toujours agi au nom du cabinet, sans percevoir de rémunération à titre personnel, l'arrêt énonce que la responsabilité de l'avocat ne pouvait pas être recherchée, dès lors que le praticien était intervenu auprès du client en qualité de partner, titre professionnel correspondant en droit français, non à celui d'avocat exerçant à titre individuel ou d'avocat associé, mais à celui de collaborateur de cabinet, situation statutaire qui n'avait pas été dissimulée au client ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si l'avocat est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par un collaborateur, cette responsabilité n'est pas exclusive de celle qui est encourue par ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Z... et la partnership Oppenheimer, Wolff et Donnelly aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et de la partnership Oppenheimer, Wolff et Donnelly et les condamne ensemble à payer au liquidateur de la société FIG la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la société France immobilier group et la société X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a déclaré irrecevables les demandes formées par la société France immobilier group à l'encontre de Maître Bruno Z... ;

Aux motifs propres, sur la fin de non-recevoir opposée par M. Bruno Z..., qu'il ressort de la convention conclue le 14 janvier 2002 entre le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly et M. Bruno Z..., versée en original et traduite par un expert inscrit sur la liste de la Cour, et intitulée « Agreement for contract partner relationship » c'est-à-dire, en français « Accord afférent au statut d'associé » que l'avocat, qui a le statut, non pas d'employé, mais d'« associé », s'engage à consacrer son temps et ses efforts au développement du cabinet qui, de son côté, s'engage notamment à mettre à la disposition de l'avocat tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à souscrire pour lui une assurance de responsabilité professionnelle, à acquitter ses cotisations ordinales, à rembourser ses dépenses professionnelles et à lui verser une rémunération par prélèvements sur les revenus du bureau installé à Paris ; que, comme l'a justement énoncé le Tribunal de grande instance, il résulte des éléments qui précèdent que, si le terme « partner » employé dans la convention, est traduit par le mot « associé », il ne correspond aucunement au statut d'avocat associé tel qu'il est prévu par l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en outre, les premiers juges ont exactement relevé que M. Bruno Z... n'a pas perçu d'honoraires à titre personnel et que, précisément, pour mettre fin à une contestation d'honoraires opposant la société F. I. G. au cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly, le Cabinet était représenté par M. Frédéric A..., « avocat et associé gérant habilité à signer le protocole » ; que, dans ces circonstances, la société F. I. G. savait que M. Z... n'exerçait pas à titre individuel alors surtout qu'elle écrit, en ses dernières conclusions, « que, dès le mois de juillet 1998, la société EK Finances a confié la défense de ses intérêts à M° Bruno Z..., avocat, exerçant alors son activité au sein du Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly, cabinet d'avocats de droit américain » ; que, même si la convention intitulée « Agreement for contract partner relation ship » est datée du 14 janvier 2002 avec prise d'effet au 1er février 1999, la société F. I.. G. ne prouve aucunement qu'elle aurait contracté avec M. Bruno Z... personnellement, pas plus qu'elle ne démontre qu'il aurait caché sa situation de collaborateur du Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly ; que la société FIG est donc irrecevable à agir contre M. Bruno Z... et qu'il y a lieu, sur ce point également, de confirmer le jugement dont appel (arrêt attaqué, p. 3, 3ème et 4ème considérant) ;

1°/ Alors que le contrat de collaboration libérale permet à l'avocat collaborateur de développer une clientèle personnelle ; que le statut de collaborateur d'un avocat n'est donc à lui seul nullement exclusif de la possibilité pour celui-ci d'assurer personnellement la défense d'un client ; qu'en se fondant sur le fait que Monsieur Z... aurait été le collaborateur du Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly et qu'il n'aurait pas caché cette situation que la société France immobilier group n'aurait pas ignorée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 131 et 132 du décret du 27 novembre 1991, ensemble de l'article 1147 du code civil ;

2°/ Alors en outre qu'en statuant comme elle a fait, sans répondre au moyen des conclusions de la société France immobilier group, invoquant l'aveu judiciaire de Maître Z..., dans ses conclusions signifiées le 13 février 2007, de ce qu'il avait été personnellement chargé par la société EK Finances de la défense de ses intérêts en sa qualité d'avocat au barreau de Paris, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors, à tout le moins, que Maître Z... ayant reconnu avoir été chargé par la société France immobilier group de la défense de ses intérêts, il lui appartenait d'établir la preuve que la cliente avait contracté avec lui, non à titre personnel, mais en sa qualité prétendue de collaborateur du cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly ; qu'en mettant tout au contraire cette preuve à la charge de la société France immobilier group, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que les pièces du dossier font apparaître que les actes de la procédure opposant la société EK Finances à la société SFI devant le tribunal de commerce mentionnent le cabinet Oppenheimer, Wolff et Donnelly aux côtés de Maître Z... (jugement, p. 4, dernier §, in limine) ;

4°/ Alors en toute hypothèse que l'avocat, lorsqu'il exerce ses activités professionnelles en qualité de collaborateur, doit obligatoirement indiquer, outre son propre nom, le nom de l'avocat pour lequel il agit ; qu'en l'espèce, la société France immobilier group faisait valoir que Maître Z... était toujours apparu en nom propre dans toutes les procédures où il l'avait représentée et que les conclusions versées aux débats par la partie adverse ne le mentionnaient jamais comme plaidant pour le cabinet Oppenheimer, Wolff et Donnelly ; qu'en statuant par ce seul motif sans rechercher précisément si, dans les actes de procédure accomplis dans l'intérêt de la société EK Finances, Maître Z... avait déclaré agir pour le compte de ce cabinet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 131 et 132 du décret du 27 novembre 1991, ensemble de l'article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a également déclaré irrecevables les demandes formées par la société France immobilier group à l'encontre du cabinet Oppenheimer, Wolff et Donnelly ;

Aux motifs sur la fin de non-recevoir opposée par le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly, qu'aux termes de l'article 32 du code de procédure civile : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir » ; qu'en l'espèce, il ressort d'une lettre adressée par le Directeur de l'exercice professionnel de l'Ordre des avocats au barreau de Paris en date du 18 mai 2006 que « le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly, partnership de l'Etat de Minnesota (U. S. A.) a été inscrit au tableau du barreau de Paris le 16 mars 1993 en tant que groupement étranger constitué sous l'empire d'une législation étrangère, conformément aux dispositions de l'article 50. XIII de la loi du 31 décembre 1971 modifiée » ; que « Monsieur Boyton Rawling était lors de son inscription l'unique associé représentant ce cabinet, fonction qu'il a cessé d'exercer le 30 décembre 1999, date de son retrait ; que « à l'issue de sa séance du 9 décembre 2003, le Conseil de l'Ordre a pris acte du retrait de ce partnerschip du tableau de l'Ordre des avocats à l'effet du 1er janvier 2004 » ; que « selon le principe en vigueur en Common Law, un partnership de droit américain …. est dépourvu de personnalité morale même s'il en possède certains attributs (patrimoine, capacité d'ester en justice) » ; que « les personnes qui composent la dénomination sociale de ce groupement étranger n'ont jamais été inscrite au barreau de Paris, l'inscription dudit groupement au barreau s'étant faite sous l'ancienne dénomination qui était celle de la S. A. de conseil juridique qui exerçait auparavant à Paris sous la forme de société anonyme » ; que la société F. I. G. qui estime que cette lettre est insuffisante pour administrer la preuve de l'absence de personnalité juridique, ne prouve aucunement, quant à elle, que les renseignements fournis par le Directeur de l'exercice professionnel de l'Ordre des avocats au barreau de Paris seraient erronés ; qu'il y a donc lieu de retenir que, si le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly possède, en Common Law, certains attributs de la personnalité morale, il est, en droit français, dépourvu de la personnalité juridique et, partant, du droit d'ester en justice ; qu'il suit de là que la société FIG, qui ne peut utilement tirer argument d'une prétendue nullité de fond de l'acte introductif d'instance qu'elle a elle-même fait délivrer, est irrecevable à agir contre le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly ; que, sur ce point, le jugement frappé d'appel sera confirmé (arrêt attaqué, p. 3, 1er considérant) ;

Alors qu'il se déduit de la combinaison des dispositions de l'article XIV, 4, a) de la convention d'établissement franco-américaine du 25 novembre 1959 avec celles de l'article XIV, 5) que les partnerships constituées conformément aux lois et règlements en vigueur aux Etats-Unis voient leur personnalité morale reconnue en France ; qu'en statuant comme elle a fait bien qu'il ressorte de ses propres énonciations que le Cabinet Oppenheimer, Wolff & Donnelly était une partnership de l'Etat de Minnesota (USA), et après avoir en outre relevé qu'il était doté d'un patrimoine et de la capacité d'ester en justice, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés, ensemble l'article 32 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.