par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 3 novembre 2010, 09-65254
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Cour de cassation, chambre sociale
3 novembre 2010, 09-65.254

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 18 mai 2004 en qualité de rédacteur en chef du journal Paris-Normandie par la société Normande de presse républicaine, aux droits de laquelle se trouve la société Normande de presse, d'édition et d'impression ; que par lettre du 14 mai 2007, le salarié, faisant grief à son employeur de l'avoir remplacé dans ses fonctions sans qu'une nouvelle affectation ne lui soit proposée, a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission, l'arrêt retient que l'analyse des attestations produites par le salarié révèle seulement qu'une nouvelle équipe a été mise en place après l'arrivée du nouveau président-directeur général, M. Y..., qui a annoncé en janvier 2007 que M. X... quitterait le journal fin mars 2007 et serait remplacé par Mme Z..., que l'intéressé manquait d'activité professionnelle à partir du mois d'avril 2007 et se trouvait à son domicile, qu'il en était très affecté, qu'il avait demandé à plusieurs reprises un rendez-vous avec M. Y... pour clarifier sa situation et qu'un calcul de ses indemnités de licenciement avait été effectué par le service des ressources humaines ; que selon les communiqués de presse, Mme Z... a repris le 1er mars 2007 les fonctions de M. X... avec lequel elle devait travailler jusqu'à la sortie de la nouvelle formule du journal Paris-Normandie le 27 mars 2007, pour devenir ensuite seule rédactrice en chef, son prédécesseur devant être nommé au sein du groupe Hersant Média ; qu'il n'est pas avéré que la société Normande de presse d'édition et d'impression ait pris des engagements précis sur le délai et les conditions de réalisation d'une rupture du contrat de travail du salarié ou d'une nouvelle affectation ; qu'il n'apparaît pas que M. X... ait adressé à son employeur la moindre protestation écrite sur sa situation consécutive à son remplacement par Mme Z... avant sa lettre de prise d'acte de la rupture ; que les faits invoqués par l'intéressé au soutien de sa prise d'acte ne sont donc pas établis ;

Attendu cependant que l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été remplacé dans ses fonctions de rédacteur en chef à compter du 28 mars 2007 et qu'aucune autre affectation ne lui avait été proposée, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de fournir à son salarié le travail convenu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Normande de presse, d'édition et d'impression aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Normande de presse, d'édition et d'impression à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la prise d'acte, par Monsieur X..., de la rupture de son contrat de travail produisait l'effet d'une démission et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE les indications figurant sur les agendas professionnels communiqués par Michel X... ne renseignent pas sur le contenu des entretiens qu'il a pu avoir avec l'employeur, notamment les 11 décembre 2006, 8 février, 2 mars et 7 mai 2007, et il ne résulte pas des autres pièces versées aux débats que la SNPEI lui aurait alors proposé un poste en Polynésie française ou une séparation dans le cadre d'un licenciement à l'amiable, qu'elle lui aurait indiqué qu'il n'était plus nécessaire de se présenter sur son lieu de travail, qu'elle l'aurait contraint à prendre ses congés payés en attendant de recevoir une proposition de licenciement amiable puis à rester à son domicile, qu'elle lui aurait demandé de démissionner dans le cadre d'une rupture amiable du contrat de travail ; que l'analyse des attestations produites par Michel X... révèle seulement qu'une nouvelle équipe a été mise en place après l'arrivée du nouveau PDG Michel Y..., qui a annoncé en janvier 2007 que ce rédacteur en chef quitterait le journal fin mars 2007 et serait remplacé par Sophie Z..., en évoquant des pistes de mutation dont une opportunité vers les DOM TOM, qui l'intéressé manquait d'activité professionnelle à partir du mois d'avril 2007 et se trouvait à son domicile en semaine, qu'il en était très affecté, qu'il avait demandé à plusieurs reprises un rendez-vous avec Monsieur Y... pour clarifier sa situation, et qu'un calcul de ses indemnités de licenciement avait été effectué par le service des ressources humaines ; qu'il a effectivement été transmis en copie à Michel X... le 19 février 2007 un courriel du directeur de ressources humaines portant sur le calcul de l'indemnité de licenciement à laquelle il pouvait prétendre ; que selon les communiqués de presse, Sophie Z... avait repris le 1er mars 2007 les fonctions de Michel X... avec lequel elle devait travailler en tandem jusqu'à la sortie de la nouvelle formule du journal Paris-Normandie le 27 mars 2007, pour devenir ensuite seule rédactrice en chef, son prédécesseur devant être nommé à un nouveau poste au sein du groupe Hersant media ; qu'ont été mentionnés comme rédacteurs en chef sur les éditions du journal précité Michel X... le 26 mars 2007, Sophie Z... et Michel X... le 27 mars 2007 et Sophie Z... le 28 mars 2007 ; que si la société SNPEI a donné instruction le 19 mars 2007 à la mutuelle d'entreprise de procéder à la radiation de Michel X... à compter du 1er avril 2007, cette mutuelle a informé l'intéressé par courrier du 10 mai 2007 que l'employeur avait annulé sa demande par mail du 21 mars 2007 ; qu'il n'est pas avéré que la société SNPEI, qui admet seulement qu'un départ négocié a été envisagé à l'initiative de Michel X... au cours du premier semestre 2007 et que pour cette raison elle l'a remplacé dans ses fonctions de rédacteur en chef par Sophie Z..., ait pris des engagements précis sur le détail et les conditions de réalisation d'une rupture de son contrat de travail, ou sur une nouvelle affectation ; rien ne confirme que des assurances concernant une transaction aient été données à l'intéressé dans le cadre des entretiens avec l'employeur, notamment par Olivier de C..., directeur des ressources humaines du groupe Hersant media ; qu'il n'apparaît pas que Michel X... ait adressé à son employeur la moindre protestation écrite sur sa situation consécutive à son remplacement par Sophie Z... avant sa lettre recommandée du 14 mai 2007 lui notifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ; que les faits reprochés par Michel X... à son employeur qui auraient été de nature à justifier cette rupture n'étant pas établis, c'est avec raison que le conseil de prud'hommes a considéré que sa prise d'acte de la rupture produisait l'effet d'une démission ;

ALORS QUE, D'UNE PART, la prise d'acte, par le salarié, de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient et si le salarié parvient à les établir ; qu'ayant constaté que Monsieur X..., qui reprochait à son employeur de l'avoir remplacé, sans lui avoir proposé de nouvelle affectation, mais sans l'avoir non plus licencié, fournissait la preuve de ce qu'une nouvelle équipe avait été mise en place et de ce que lui-même avait été remplacé à son poste de rédacteur en chef, ce dont il résultait que les faits qu'il reprochait à son employeur étaient établis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail en statuant comme elle l'a fait ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, tout jugement doit être motivé ; qu'en énonçant que les faits reprochés par Monsieur X... à son employeur n'étaient pas établis, sans analyser les attestations émanant de Monsieur D..., Monsieur E..., Madame F..., Monsieur G...et Madame H..., qui tendaient à établir non seulement qu'une nouvelle équipe avait été mise en place, mais encore que Monsieur X... avait fait l'objet d'une mise à l'écart contre son gré, et sans indiquer en quoi ces éléments n'étaient pas probants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET ALORS ENFIN QUE en cas de litige faisant suite à la prise d'acte, par le salarié, de la rupture de son contrat de travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier l'existence et le sérieux des faits reprochés à l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les deux parties ; que si c'est au salarié, auteur de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, qu'il incombe de prouver les faits qu'il a reprochés à son employeur, il appartient tout autant à ce dernier de prouver les faits qu'il allègue à son tour ; qu'ayant retenu que la SNPEI admettait qu'« un départ négocié » avait été envisagé à l'initiative de Monsieur X... au cours du premier trimestre 2007 et que pour cette raison elle l'avait remplacé dans ses fonctions de rédacteur en chef par Madame Z..., la cour d'appel, en ne faisant pas peser sur l'employeur la charge de la preuve de cette allégation selon laquelle la décision de remplacer Monsieur X... n'était imputable qu'à lui même, a violé l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.