par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 octobre 2010, 09-16451
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 octobre 2010, 09-16.451

Cette décision est visée dans la définition :
Libéralité




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que, soutenant que le contrat d'assurance-vie désignant ses deux filles, Mmes X... et Y..., en qualité de bénéficiaires, constituait une donation, Mme Z..., veuve A..., a, le 15 mars 2006, assigné Mme Y... en révocation de cette libéralité pour cause d'ingratitude ; que, le 20 mars 2006, elle a déposé plainte, avec constitution de partie civile, à l'encontre de celle-ci pour abus de faiblesse ;

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2009) d'avoir confirmé le jugement ayant déclaré irrecevable l'action révocatoire, alors, selon le moyen, que l'article 957 du code civil qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit imputé au gratifié ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié ; qu'en considérant, dans cette dernière hypothèse, que la recevabilité de la demande en révocation supposait que le délai d'un an prévu par l'article 957 n'ait pas été expiré au jour de l'engagement de l'action publique, la cour d'appel en a violé les dispositions ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que si l'article 957 du code civil, qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié, c'est à la condition que le délai d'un an ne soit pas expiré au jour de la mise en mouvement de l'action publique par le demandeur à la révocation ; qu'ayant relevé que les délits reprochés à la donataire avaient été commis au mois de novembre 2003, constaté que la donatrice en avait eu connaissance le 4 février 2004 et relevé, par motifs adoptés, que la plainte avec constitution de partie civile n'avait été déposée que le 20 mars 2006, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action révocatoire engagée le 15 mars 2006 était tardive et, par suite, irrecevable ; qu'en sa première branche, le moyen n'est pas fondé ;

Sur les trois dernières branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Z..., veuve A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par de la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme Z..., veuve A...

Il est fait grief à la Cour d'appel de Paris d'avoir confirmé le jugement ayant déclaré irrecevable la demande Madame Z... veuve A... en révocation d'une donation entre vifs, pour cause d'ingratitude ;

AUX MOTIFS QUE Mme Z... veuve A... sollicite la révocation de la donation résultant de la désignation de Mme Dominique A... épouse Y... comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie qu'elle a accepté sur le fondement de l'article 955 du code civil en ce qu'il prévoit la révocation pour cause d'ingratitude si le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de délits ou d'injures graves ; qu'en vertu de l'article 957, la demande en révocation doit être formée dans l'année à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ; qu'en l'espèce, Madame Z... veuve A... invoque à l'appui de sa demande un certain nombre d'opérations financières effectuées par Mme Dominique A... épouse Y... et à son profit le 6 novembre 2003 ; que pour dire l'action prescrite, le premier juge a relevé qu'à supposer que l'état de santé de Mme Z... veuve A... ne lui ait pas permis d'appréhender la réalité et la portée des opérations réalisées, il résultait du courrier du 4 février 2004 par lequel elle convoquait sa fille devant un conseil de famille pour s'expliquer sur ses agissements qu'elle avait à cette date connaissance des faits allégués de sorte que le délai d'un an était expiré lorsque l'action avait été engagée ; que l'article 957 n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, le point de départ du délai soit retardé au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits imputés au gratifié, c'est ainsi que l'a justement retenu le premier juge, à la condition que le délai d'un an du jour du délit imputé au donataire ou de la connaissance du délit par le donateur ne soit pas déjà expiré au moment de l'engagement de l'action publique ; que force est de constater que Mme Z... veuve A... qui ne conteste pas avoir eu connaissance des délits qu'elle reproche à sa fille au plus tard le 4 février 2004 et n'avait même pas déposé plainte au moment où elle a introduit la présente procédure, le 15 mars 2006, ne peut se prévaloir du report du point de départ du délai au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits allégués ; que Mme Z... veuve A... soutient encore que les faits du 6 novembre 2003 ne sont pas les seuls faits d'ingratitude invoqués et que la persistance de Mme A... épouse Y... à intervenir auprès du juge des tutelles pour tenter d'obtenir une mesure de protection à son encontre démontre le caractère intéressé de ses interventions, la dernière décision de non lieu du juge des tutelles étant du 13 juin 2005 ; que cependant outre que la dernière manifestation de Madame A... épouse Y... auprès du juge des tutelles dont il est fait état date du 10 mars 2005 soit plus d'un an avant l'engagement de la présente procédure, les démarches de l'intéressée pour solliciter une mesure de protection au profit de sa mère et notamment le courrier du 10 mars 2005 dont le contenu est rapporté par Mme Z... veuve A... ne constituent pas des injures graves au sens de l'article 955 alors que Mme A... épouse Y... se borne à faire part au juge de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de rentrer en contact avec sa mère et des inquiétudes pour sa santé que fait légitimement naître chez elle cette situation au demeurant corroborée par plusieurs témoignages ;

1/ ALORS QUE l'article 957 du code civil qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit imputé au gratifié ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié; qu'en considérant, dans cette dernière hypothèse, que la recevabilité de la demande en révocation supposait que le délai d'un an prévu par l'article 957 n'ait pas été expiré au jour de l'engagement de l'action publique, la Cour d'appel en a violé les dispositions ;

2/ ALORS QU'après avoir constaté que les opérations bancaires constitutives d'ingratitude étaient susceptibles de constituer des faits pénalement sanctionnés, la Cour d'appel devait rechercher s'il s'agissait d'infractions instantanées ou d'infractions continues, avant d'admettre la prescription alléguée; qu'en s'abstenant de s'interroger sur la nature des faits allégués, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 957 du Code civil ;

3/ ALORS QUE le donataire qui soutient que l'action en révocation n'est plus recevable doit prouver que le donateur avait pu avoir connaissance du délit ou de l'injure depuis plus d'un an ; qu'après avoir constaté que Mme Z... veuve A... s'était prévalue du caractère frauduleux de la requête du 8 mars 2005 de Mme A... épouse Y... au juge des tutelles, la Cour d'appel ne pouvait déclarer l'action tardive sans rechercher si Mme A... épouse Y... qui soutenait que l'action engagée le 15 mars 2006 n'était plus recevable, avait établi que Mme Z... veuve A... avait pu avoir connaissance de cette requête depuis plus d'un an ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant d'admettre la prescription, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 957 du Code civil, ensemble l'article 1315 du même code;

4/ ET ALORS QUE lorsque des faits périmés forment un ensemble indivisible avec des faits nouveaux, les premiers doivent être pris en considération comme les seconds; qu'après avoir constaté que Mme Z... veuve A... s'était prévalue du caractère «intéressé» de la requête de Mme A... épouse Y... du 8 mars 2005 au juge des tutelles et qu'il avait été jugé le 13 juin 2004 qu'il n'y avait lieu à mesure de protection à l 'égard de Mme Z... veuve A..., la Cour d'appel devait rechercher si cette requête qui tendait à l'ouverture d'une mesure de protection était indivisible des faits délictueux commis par Mme A... épouse Y... au mois de novembre 2003 ; qu'en s'abstenant de s'interroger sur la portée de la requête au regard de ces actes, au prétexte qu'ils auraient été périmés, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 957 du Code civil.



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Libéralité


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.