par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 14 avril 2010, 09-12339
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
14 avril 2010, 09-12.339

Cette décision est visée dans la définition :
Sous-traitance




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2008), qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, la société CIF coopérative (société CIF) a confié la maîtrise d'oeuvre d'une opération de construction à la société civile professionnelle (SCP) d'architectes Averty-Delestre et la réalisation du lot gros-oeuvre à la société Getba, depuis lors en liquidation judiciaire, celle-ci confiant l'exécution de 257 pieux en béton à la société Sondefor, le devis, dressé par cette dernière, ayant été accepté et les conditions de paiement agréées par la société CIF ; que, cependant, celle-ci n'a réglé qu'une partie du montant des travaux réalisés, certains pieux ayant été mal implantés, à la suite d'une erreur commise par la société Getba ; que la société Sondefor a établi, pour l'implantation de nouveaux pieux, un nouveau devis accepté par la société Getba ; qu'après l'exécution de ces travaux, la société CIF a réglé le solde dont elle était redevable au titre du marché initial, mais s'est refusée à payer les travaux visés au second devis ; que la société Sondefor l'a assignée en paiement avec la SCP Averty-Delestre ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Vu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;

Attendu que la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ;

Attendu que pour juger que la société CIF coopérative, maître de l'ouvrage avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la société Sondefor, l'arrêt retient qu'elle était informée de la présence sur le chantier de cette société pour l'exécution d'un marché ayant pour objet l'exécution de travaux de reprise de 84 pieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Sondefor avait exécuté un nouveau marché ayant pour objet des travaux de reprise imputables à une erreur d'implantation commise par l'entrepreneur principal, ce dont il résultait que cette société n'avait pas agi en qualité de sous-traitant pour ces travaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Sondefor sondages et forages aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sondefor sondages et forages à payer à chacune des sociétés CIF coopérative et Averty-Delestre la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour la société CIF coopérative.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum en deniers ou quittances la Société CIF COOPERATIVE, avec la SCP AVERTY DELESTRE, à payer à la Société SONDEFOR la somme de 41.895, 88 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, à titre de dommages-intérêts,

AUX MOTIFS QUE "le devis afférent aux travaux complémentaires daté du 3 décembre 2004 d'un montant de 41.895, 88 € TTC a été accepté par la Société GETBA le 8 décembre suivant ; que, dès l'instant, que la Société SONDEFOR établissait un nouveau devis, force est retenir qu'elle l'intervenait plus au titre du marché initial, mais au titre d'un nouveau marché, peu important que les travaux objet de ce devis aient eu pour objet de reprendre des travaux défectueux accomplis dans le cadre du marché initial ; que le compte-rendu de chantier du 14 décembre 2004 relève que la Société SONDEFOR souhaite intervenir les 14 et 15 décembre pour reprendre les pieux défectueux ; qu'il était également noté "validation de votre dernière situation ainsi que celle de votre sous-traitant SONDEFOR par le maître d'ouvrage Semaine 51" ; que le compte-rendu de chantier du 21 décembre 2004 mentionne que la Société SONDEFOR n'a pas pu intervenir les 14 et 15 décembre "pour cause de bon de commande non signé (?). Celui-ci signé, lui sera transmis par courrier pour une intervention début janvier 2005 ; que, par lettre du 20 décembre 2004, dont copie a été remise à la Société CIF COOPERATIVE, la SCP AVERTY DELESTRE retournait à la Société SONDEFOR son devis de reprise accepté par la Société GERBA et lui précisait : "Concernant le règlement des 30 % dû sur votre 1ère prestation, il vous sera réglé en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF après votre intervention et sur facturation n° 4 GETBA. Pour le paiement de votre présent devis (84 pieux), celui-ci sera réglé également en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF sur situation à déduire du marché GETBA dès réalisation des 84 pieux" ; que la Société CIF COOPERATIVE, qui ne conteste pas avoir reçu cette lettre, était informée de la présente sur le chantier de la Société SONDEFOR pour exécuter un nouveau marché suite à un devis ayant pour objet l'exécution de travaux de reprise de 84 pieux, le fait que la SCP AVERTY DELESTRE avait prévu d'imputer cette prestation sur le marché de la Société GETBA n'exonérant pas la Société CIF COOPERATIVE de son obligation de mise en demeure à l'égard de la Société GETBA ;

qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la Société SONDEFOR en s'étant affranchie de son obligation de mise en demeure.

ALORS QUE D'UNE PART, pour retenir que la Société CIF COOPERATIVE était informée de la présence sur le chantier de la Société SONDEFOR pour exécuter un nouveau marché suite à un devis ayant pour objet l'exécution de travaux de reprise de 84 pieux et juger ainsi que la Société CIF COOPERATIVE avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la Société SONDEFOR en s'étant affranchie de son obligation de mettre en demeure la Société GETBA, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil par dénaturation de la lettre datée du 20 décembre 2004, dont il a été adressé copie à la Société CIF COOPERATIVE, et dans laquelle l'architecte, la SCP AVERTY DELESTRE, retournait à la Société SONDEFOR son devis de reprise accepté par la Société GETBA, en précisant : "Concernant le règlement des 30 % dû sur votre 1ère prestation, il vous sera réglé en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF après votre intervention et sur facturation n° 4 GETBA. Pour le paiement de votre présent devis (84 pieux), celui-ci sera réglé également en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF sur situation à déduire du marché GETBA dès réalisation des 84 pieux", dont il ne résultait nullement que la Société CIF COOPERATIVE avait été informée que le second devis se rapportait à des travaux de reprise nécessités par l'erreur commise par le maître d'oeuvre,

ALORS D'AUTRE PART QU'un maître d'ouvrage n'est pas tenu des obligations de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 à l'égard d'une société sous-traitante du marché principal, dès lors que celle-ci n'a pas exécuté une partie du marché principal ou des travaux supplémentaires mais des travaux de réfection imputables à une faute de l'entrepreneur principal et n'agit donc pas, pour ces travaux, en qualité de sous-traitant, de sorte qu'en jugeant que la Société CIF COOPERATIVE a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la Société SONDEFOR, en s'étant affranchie de son obligation de mettre demeure la Société GETBA, pour les travaux réalisés par la Société SONDEFOR intervenue sur le chantier entre le 17 janvier et le 5 février 2005 destinés à reprendre des travaux défectueux en raison d'une erreur d'implantation commise par la Société GETBA, tout en affirmant que la Société SONDEFOR n'était pas intervenue au titre du marché initial, mais au titre d'un nouveau marché pour la réalisation de ces travaux de reprise destinés à corriger une erreur d'implantation commise par le maître d'oeuvre, la Société GETBA, la Cour d'appel a violé les articles 1er et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975,


ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE la responsabilité délictuelle du maître de l'ouvrage ne pouvant être engagée à l'égard du sous-traitant que dans la seule mesure des dommages causés par sa faute, sa condamnation ne saurait excéder les sommes qu'il aurait effectivement payées au sous-traitant s'il avait mis en demeure le maître d'oeuvre de le faire agréer de sorte qu'en condamnant la Société CIF COOPERATIVE in solidum avec la SCP AVERTY DELESTRE, à payer à la Société SONDEFOR la somme de 41.895,88 €, correspondant au montant total du devis afférent aux travaux supplémentaires daté du 3 décembre 2004, sans rechercher comme elle y était invitée par la Société CIF COOPERATIVE dans ses conclusions d'appel (page 9, § 1er), si un agrément de la Société SONDEFOR en qualité de sous-traitant par le maître de l'ouvrage pour sa seconde intervention, n'aurait en tout état de cause pas évité à la Société SONDEFOR de subir le dommage résultant du non-paiement des sommes dues par l'entrepreneur principal, puisque le marché était déjà soldé entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1382 du Code civil.

Moyen produit AU POURVOI PROVOQUE par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la SCP Averty-Delestre.

Le moyen de cassation du pourvoi provoqué reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum la SCP AVERTY DELESTRE et la Société CIF COOPERATIVE à payer à la Société SONDEFOR la somme de 41.895,88 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, à titre de dommages-intérêts,

Aux motifs que "la société Sondefor n'a pas été agréée et ses conditions de paiement acceptées par la société CIF Coopérative pour l'exécution d'un marché de reprise de 84 pieux ; qu'en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3, mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces obligations ; que le devis afférent aux travaux supplémentaires daté du 3 décembre 2004 d'un montant de 41 895,88 € TTC a été accepté par la société Getba le 8 décembre suivant ; que, dès l'instant que la société Sondefor établissait un nouveau devis, force est de retenir qu'elle n'intervenait plus au titre du marché initial, mais au titre d'un nouveau marché, peu important que les travaux objet de ce devis aient eu pour objet de reprendre des travaux défectueux accomplis dans le cadre du marché initial, que le compte-rendu de chantier du 14 décembre 2004 relève que la société Sondefor souhaite intervenir les 14 et 15 décembre pour reprendre les pieux défectueux ; qu'il était également noté "Validation de votre dernière situation ainsi que celle de votre sous-traitant Sondefor parle maître d'ouvrage Semaine 51"' ; que le compte-rendu de chantier du 21 décembre 2004 mentionne que la société Sondefor n'a pas pu intervenir les 14 et 15 décembre "pour cause de bon de commande non signé (?). Celui-ci signé, lui sera transmis par courrier pour une intervention début janvier 2005" ; que, par lettre du 20 décembre 2004, dont copie a été remise à la société CIF Coopérative, la S.C.P. Averty-Delestre retournait à la société Sondefor son devis de reprise accepté par la société Getba et lui précisait : "Concernant le règlement des 30 % dû sur votre 1ère prestation, il vous sera réglé en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF après votre intervention et sur facturation situation n° 4 Getba. Pour le paiement de votre présent devis (84 pieux), celui-ci sera réglé également en paiement direct par le maître de l'ouvrage CIF sur situation à déduire du marché Getba dès réalisation des 84 pieux"; que la société CIF Coopérative, qui ne conteste pas avoir reçu cette lettre, était informée de la présence sur le chantier de la société Sondefor pour exécuter un nouveau marché suite à un devis ayant pour objet l'exécution de travaux de reprise de 84 pieux, le fait que la S.C.P. Averty-Delestre ait prévu d'imputer cette prestation sur le marché de la société Getba n'exonérant pas la société CIF Coopérative de son obligation de mise en demeure à l'égard de la société Getba ; qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la société Sondefor en s'étant affranchie de son obligation de mise en demeure ; que, par lettre du 3 décembre 2004 adressée à la S.C.P. Averty-Delestre, la société Sondefor avait sollicité une commande directe du maître de l'ouvrage pour les 84 pieux ainsi qu'un paiement direct à réception des pieux ; que, par lettre du 10 décembre suivant, elle rappelait que son intervention était conditionnée notamment à une commande ferme du maître de l'ouvrage ; que la S.C.P. Averty-Delestre a commis une faute à l'égard de la société Sondefor en lui donnant à croire, par les termes de sa lettre du 20 décembre 2004, que son nouveau marché serait payé directement par la société CIF Coopérative ; que la société Sondefor, qui n'est pas légalement tenue de se manifester auprès du maître de l'ouvrage et n'a donc commis aucune faute en ne s'étant pas fait connaître auprès de la société CIF Coopérative pour l'informer de sa présence pour sa seconde intervention, doit être indemnisée du préjudice en lien avec les fautes commises ; que le préjudice est cantonné aux sommes non réglées par le maître de l'ouvrage au jour où il a eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier en sorte que la réparation est intégrale si, au jour de la connaissance de la présence du sous-traitant, le maître de l'ouvrage devait encore payer à l'entrepreneur principal des sommes qui auraient été suffisantes pour payer au sous-traitant la totalité de la somme qui lui restait due ; qu'à cet égard, la somme restant due par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal doit être déterminée au regard de la totalité des sommes dues au titre du marché liant l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage et non pas au titre des travaux effectués par le sous-traitant ; que ni la société CIF Coopérative, ni la S.C.P. Averty-Delestre ne démontrent que, le 20 décembre 2004, date à laquelle la société CIF Coopérative a été informée de la présence sur le chantier de la société Sondefor, la société CIF Coopérative était entièrement libérée à l'égard de la société Getba, le relevé qu'elle verse aux débats étant insuffisant à établir qu'au 20 décembre 2004, elle ne devait aucune somme à la société Getba dont le marché s'élevait à 1.007.729,97 E ; qu'il ressort seulement de la première page de ce relevé que la société CIF Coopérative avait payé le 20 octobre 2004 une somme de 29.143,53 E et le 21 décembre 2004 une somme de 100.521,30 6, la deuxième page faisant mention d'une somme payée de 169.306,22 6 étant inexploitable faute d'indication de la date du paiement et de toute référence à une situation de travaux ; que les manquements indissociables de la société CIF Coopérative et de la S.C.P. Averty-Delestre ayant concouru indivisément à la réalisation du préjudice subi par la société Sondefor, elles seront condamnées in solidum à payer à titre de dommages-intérêts à la société Sondefor 41 895,88 E TTC en deniers ou quittances »,


Alors que, d'une part, l'architecte ne peut être tenu au paiement de sommes dues à une société sous-traitante du marché principal, dès lors que celle-ci n'a pas exécuté une partie du marché principal ou des travaux supplémentaires mais des travaux de réfection imputables à une faute de l'entrepreneur principal et n'agit donc pas, pour ces travaux, en qualité de sous-traitant ; qu'en condamnant le maître d'oeuvre, la SCP AVERTY DELESTRE, au paiement du coût de travaux réalisés par la Société SONDEFOR intervenue sur le chantier entre le 17 janvier et le 5 février 2005 destinés à reprendre des travaux défectueux en raison d'une erreur d'implantation commise par la Société GETBA, tout en affirmant que la Société SONDEFOR n'était pas intervenue au titre du marché initial, mais au titre d'un nouveau marché pour la réalisation de ces travaux de reprise destinés à corriger une erreur d'implantation commise par le maître d'oeuvre, la Société GETBA, la Cour d'appel a violé les articles 1e` et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;


Alors que, d'autre part, le juge ne peut méconnaître les termes clairs et précis des documents versés au débat ; qu'en l'espèce, le courrier du 20 décembre 2004 prévoyait le paiement direct par le maître d'ouvrage mais en déduction du marché de l'entreprise ; qu'en décidant que le maître d'oeuvre avait commis une faute en laissant croire au sous-traitant, par les termes de cette lettre, que son nouveau marché serait payé directement par le maître d'ouvrage, sans tenir compte du fait que ledit courrier prévoyait un paiement en déduction du marché de l'entreprise, la cour d'appel en a dénaturé les termes, violant ainsi l'article 1134 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sous-traitance


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.