par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 31 mars 2010, 09-13811
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
31 mars 2010, 09-13.811

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :

Attendu que par jugement du 13 mars 2008, le divorce des époux X...- Y... a été prononcé aux torts exclusifs du mari à la charge duquel a été mise une prestation compensatoire en capital de 395 564 euros sous la forme de l'attribution en pleine propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal, en partie composé par un propre appartenant à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2009) d'avoir confirmé le jugement tant sur le principe que sur les modalités de la prestation compensatoire ;

Attendu que sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard des articles 271 et 272 du code civil et de violation de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui, après avoir constaté que les époux avaient été mariés pendant plus de vingt-six ans, que M. X... possédait un patrimoine propre très important et un niveau de revenu confortable alors que son épouse avait cessé de travailler à la naissance du premier enfant sans reprendre une activité professionnelle, ont pris en compte la valeur des droits dont l'épouse bénéficiera après la liquidation du régime matrimonial et ont estimé que la situation matérielle et professionnelle de chacune des parties établissait que la rupture du lien conjugal entraînait une disparité au détriment de l'épouse justifiant que lui soit allouée une prestation compensatoire prenant la forme de l'attribution en pleine propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Madame Y... , à titre de prestation compensatoire, « un capital de 395. 564 euros, qui prendra la forme de l'attribution en pleine propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal, ledit domicile étant composé de deux appartements, l'un composant les lots 16 et 7 du règlement de copropriété de l'ensemble immobilier situé... à Paris 18ème, l'autre composant les lots 19 et 2 du règlement de copropriété, le tout cadastré section 1202 BM n° 4, étant précisé que la valeur retenue par le notaire pour les deux appartements est de 588. 000 euros » ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les époux sont âgés de 57 ans pour le mari et 54 ans pour la femme, que leur mariage remonte à 27 ans, les enfants étant âgés de 24 et 20 ans ; que le régime matrimonial est celui de la séparation des biens (sic) ; que le mari, ingénieur dans la société TOTAL percevait en 2007 de l'ordre de 8. 700 euros par mois, étant observé qu'il percevait auparavant de l'ordre de 10. 000 euros par mois, l'épouse s'interrogeant sur cette baisse de 1. 300 euros par mois ; que le patrimoine de Monsieur X... a été évalué par le notaire, Maître Z..., aux alentours de 2. 650. 000 euros ; que l'épouse n'a plus travaillé hors foyer depuis la naissance du premier enfant et n'a pas de patrimoine propre ; que le mari a tous les droits à une retraite complète, l'épouse n'ayant presque pas de droits acquis ; que, toujours selon l'estimation globale de Maître Z..., à la liquidation des droits respectifs des époux, Monsieur X... pourra prétendre à une somme d'environ 1. 400. 000 euros et Madame Y... pourrait en retirer aux alentours de 1. 700. 000 euros ; que, dans ces conditions, le juge aux affaires familiales a admis le principe d'une disparité dont la réparation, passant par l'attribution à l'épouse de l'immeuble de la rue des Saules, à Paris, représente une valeur de l'ordre de 588. 000 euros ; que Monsieur X... estime que le notaire ayant, par suite d'une erreur de calcul aboutissant à une estimation du capital plaçable à 1. 050. 000 euros, le revenu que Madame Y... peut escompter sera en réalité de 6. 000 euros par mois, ce qui aboutirait bien à une absence de disparité dans les conditions de vie respectives des parties ; que, selon lui, les conclusions de Madame Y... renforcent cette absence de disparité puisqu'elle prétend à 2. 000. 000 euros de capital à l'issue des opérations de liquidation, alors même qu'elle ne possédait rien au moment du mariage et qu'elle serait en outre logée sans frais dans un appartement de 100 m ² au centre de Paris ; que Madame Y... fait valoir qu'elle a hérité de sa mère 113. 000 euros dont 101. 000 euros ont été placés et lui donnent droit à une récompense, étant rappelé que Monsieur X... ne lui reconnaît à ce titre qu'une créance de 30. 000 euros ; qu'au terme de ses calculs, Madame Y... prétend à environ 2. 290. 000 euros à raison de l'ordre de 192. 000 euros pour le domicile conjugal, 366. 000 euros pour l'appartement de la rue du Cherche Midi à Paris, 1. 565. 000 euros pour la moitié des placements du couple (stock options inclus), 101. 000 euros au titre des actifs propres de l'épouse et 66. 000 euros de récompense sur la maison d'Estaing ; que, de son côté, il resterait à Monsieur X... au moins 5. 513. 000 euros, soit 1. 800. 000 euros de biens immeubles indivis avec son oncle et sa tante, 200. 000 euros pour la maison d'Estaing, 130. 000 euros pour la maison de Cancale, 860. 000 euros pour l'appartement de la rue Censier à Paris, 395. 000 euros au titre de sa quote-part du domicile conjugal, 366. 000 euros au titre de sa quote-part de l'appartement de la rue du Cherche Midi à Paris et 1. 565. 000 euros au titre des placements financiers ; qu'ainsi, elle conclut à un différentiel de 3. 000. 000 euros entre leurs patrimoines respectifs ; que pour autant qu'il faille admettre que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, notamment entre époux séparés de biens (sic), il y a également en l'espèce, selon Madame Y... , une disparité des revenus, au minimum de 19. 000 euros par mois entre les revenus actuels des époux et de 14. 700 euros sur les retraites escomptées (revenus fonciers inclus) ; qu'étant rappelé que le revenu actuel du mari de l'ordre de 7. 000 euros par mois et le montant escompté de sa retraite, de l'ordre de 4. 700 euros par moi, la réalité de la disparité a été bien appréciée par le juge aux affaires familiales dont la décision sera confirmée en son principe et dans son quantum ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Monsieur X... indique dans sa déclaration sur l'honneur que ses revenus professionnels s'élèvent en moyenne à 8707 euros ; que ce montant parfaitement cohérent avec celui retenu par la Cour d'appel dans son arrêt du 24 mai 2006 (8078 euros par mois pour l'année 2005) ; qu'il indique percevoir en outre 6423 euros par mois de revenus fonciers ; que ce revenu apparaît en revanche très inférieur à celui retenu par la cour d'appel, pour un montant de 10. 000 euros par mois, sans que cette diminution ne soit expliquée ; qu'il dispose par ailleurs d'un très important patrimoine propre, que Maître Z... évalue celui-ci à 2. 647. 776 euros ; que Monsieur X... conteste cette évaluation ; qu'il convient toutefois d'indiquer que le désaccord porte sur une somme maximale de 219. 000 euros somme finalement résiduelle au regard du patrimoine de Monsieur X... ;
que Monsieur X... détaille ses charges courantes pour un montant total de 5. 863, 70 euros déduction faite des diverses pensions qu'il verse pour son épouse et ses enfants ; que les charges détaillées, bien que non intégralement justifiées, apparaissent conformes à son niveau de revenus ;
que Madame Y... est âgée de 53 ans ; qu'elle a cessé de travailler après la naissance du premier enfant du couple ; que tant son âge que sa situation au regard du marché du travail la mettent dans l'impossibilité de trouver une activité professionnelle rémunératrice avant l'âge de la retraite ; que Madame Y... ne dispose d'aucun patrimoine propre ; qu'elle détaille ses charges courantes pour un montant total de 1. 535 euros, ce qui apparaît en cohérence avec sa situation ; que Monsieur X... ayant exercé une activité professionnelle salariée tout au long fr sa carrière et justifiant actuellement de revenus confortables il bénéficiera d'une pension de retraite proportionnée à ceux-ci ; que Monsieur X... produit une estimation de ses droits à la retraite de laquelle il résulte qu'il percevra une pension d'un montant brut de 4. 747, 11 euros ; qu'il doit être rappelé qu'il continuera en outre à percevoir ses revenus mobiliers ; que les droits à la retraite de Madame Y... seront en revanche très faibles, puisqu'elle n'aura travaillé que 14 années en tout, en qualité de cadre administratif ; que Madame Y... n'a quasiment jamais exercé d'activité professionnelle pendant le mariage ; que, par suite d'un choix de couple, elle s'est consacrée à plein temps à l'éducation des trois enfants, ce qui lui a permis de suivre son époux dans ses expatriations professionnelles ; que ce choix fait par le couple aura toutefois sur la seule situation de Madame Y... des répercussions puisque rendant quasi inexistants ses droits à la retraite ; que le projet d'état liquidatif établi par Maître Z... fait apparaître qu'aux termes de la liquidation du régime matrimonial Monsieur X... bénéficiera de droits d'une valeur de 1. 400. 000 euros environ et Madame Y... de droits d'une valeur de 1. 700. 000 euros ; que si Madame Y... est en droit d'attendre de la liquidation de la communauté des droits d'une valeur un peu supérieure à ceux qui reviennent à son époux, les situations respectives des époux apparaissent à tous autres égards parfaitement déséquilibrées et ce au détriment de Madame Y... ; que Monsieur X... dispose en effet de revenus très confortables, d'un patrimoine propre particulièrement important, d'une situation professionnelle stable et d'une perspective de pension de retraite proportionnée à ses revenus actuels, tandis que son épouse n'a aucun revenu, aucun patrimoine propre, aucune activité professionnelle, et une perspective de droits à la retraite très limitée ; qu'à l'évidence, la rupture du lien matrimonial créera une disparité dans les conditions de vie ; qu'il conviendra de rappeler que seule l'appréciation de cette disparité peut justifier l'octroi ou le rejet d'une prestation compensatoire ; que le fait que l'épouse ne disposait d'aucun patrimoine au moment du mariage tandis qu'elle disposera d'importantes valeurs à l'issue de la dissolution du régime matrimonial est à ce titre parfaitement inopérant ;
que, compte tenu de l'ensemble des éléments détaillés ci-dessus en ce qui concerne les situations respectives des époux, il apparaît que la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie sera justement compensée par le versement d'un capital de 395. 564 euros, qui prendra la forme de l'attribution en pleine propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal, ledit domicile étant composé de deux appartements, l'un composant les lots 16 et 7 du règlement de copropriété de l'ensemble immobilier situé... à Paris 18ème, l'autre composant les lots 19 et 2 du règlement de copropriété, le tout cadastré section 1202 BM n° 4, étant précisé que la valeur retenue par le notaire pour les deux appartements est de 588. 000 euros » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité créée par le divorce au détriment d'un époux, n'a pas pour objet d'égaliser les fortunes, ni même les revenus respectifs des époux, mais seulement d'indemniser de la privation des fruits de son activité professionnelle l'époux qui y a renoncé dans l'intérêt du couple et de l'éducation des enfants, ainsi que de couvrir les besoins qu'il lui appartient d'établir ; qu'en refusant, en l'espèce, pour fixer le montant de la prestation compensatoire allouée à Madame Y... , de prendre en considération, comme le demandait Monsieur X... dans ses conclusions d'appel, la circonstance particulière mise en évidence par Monsieur Z..., notaire, que, par le seul effet du partage de la communauté, Madame Y... pourrait disposer, outre de l'appartement commun de la rue des Saules, de fonds dont le placement qui lui rapporteraient des revenus de 4. 500 € à 6. 000 € par mois, soit un niveau de revenu que l'exercice de sa profession ne lui aurait jamais permis d'atteindre et qu'en ne recherchant pas non plus en quoi de tels revenus auraient été insuffisants pour couvrir les besoins qu'il appartenait à Madame Y... d'établir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 271 et 272 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, aux termes de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » ; qu'est contraire à ce texte la disposition de l'article 274-2° du Code civil en ce qu'elle permet au juge d'attribuer à l'un des époux, à titre de prestation compensatoire et hors de toute « utilité publique », la propriété de biens qui sont propriété personnelle de l'autre ; qu'ayant constaté que l'ancien domicile conjugal situé rue des Saules « est constitué de deux appartements, l'un acquis par la communauté et situé au 6ème étage, l'autre constituant un bien propre de Monsieur X... et situé juste en dessous au 5ème étage », reliés par un escalier intérieur, les juges du fond ne pouvaient décider que la prestation compensatoire due par Monsieur X... « prendra la forme de l'attribution en pleine propriété » de ces deux appartements, sans violer l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.