par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 4 février 2010, 09-10630
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
4 février 2010, 09-10.630

Cette décision est visée dans la définition :
s' Entendre




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 novembre 2008), que l'association Centre de gestion interprofessionnel (l'association), dont l'objet est l'assistance comptable et fiscale de ses adhérents, a embauché le 1er janvier 1984 M. X... comme directeur ; que ce dernier, licencié le 29 mars 2001 pour faute grave, a, le 20 août 2001, été engagé par la société Cabinet d'expertise et d'analyse comptable (la société) ; que l'association, reprochant à M. X... et à son nouvel employeur un détournement de clientèle constitutif de concurrence déloyale, a saisi un tribunal de grande instance en indemnisation du préjudice en découlant ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société et M. X... alors, selon le moyen :

1° / qu'à partir du moment où l'existence du préjudice est établie, le juge, qui ne trouve pas au dossier les éléments pour fixer l'étendue du préjudice ou l'évaluer, doit prescrire une mesure d'instruction ; qu'en énonçant au cas d'espèce que la victime devait rapporter la preuve « non seulement du principe de son préjudice, mais aussi de son étendue », les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil ;

2° / qu'en énonçant que le CE. GEST. I ne peut sérieusement proposer une évaluation de son préjudice par rapport aux honoraires non perçus pendant deux exercices pour les adhérents démissionnaires révélant par là que le préjudice étant acquis, ils écartaient la réparation à raison de considérations tenant à son étendue ou à son évaluation, les juges du fond, qui ne pouvaient rejeter les demandes sans prescrire au préalable une mesure d'instruction, ont de nouveau violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté le caractère fautif du comportement de M. X..., l'arrêt retient l'inexistence d'un préjudice économique en relation causale avec cette attitude ;

Que la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucune mesure d'instruction destinée à évaluer ce préjudice et n'avait pas l'obligation d'en ordonner une, a ainsi légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Attendu enfin que, par suite du rejet du pourvoi principal le pourvoi éventuel est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Centre de gestion interprofessionnelle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour l'association Centre de gestion interprofessionnel.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de l'Association CENTRE DE GESTION INTERPROFESSIONNEL à l'encontre de la SARL CABINET D'EXPERTISE ET D'ANALYSES COMPTABLES et M. Avillo X... ;

AUX MOTIFS QUE « le CE. GEST. I qui entend exclusivement obtenir l'indemnisation de son préjudice économique doit rapporter la preuve non seulement du principe de son préjudice, mais aussi de son étendue. Si les démissions massives, soit 53 en 13 mois, intervenues à compter du début du mois de septembre 2001, permettent de retenir le rôle causal du démarchage pratiqué par M. X... dans le cadre des fonctions exercées au service de son nouvel employeur, le CE GESTI ne peut sérieusement proposer d'évaluer son préjudice par rapport aux honoraires non perçus pendant deux exercices pour les adhérents démissionnaires, sans communiquer le moindre élément sur les charges d'exploitation et en fondant ses prétentions sur le rapport d'activité et le rapport financier dressés en vue de la tenue du conseil d'administration du 4 juin 2002, alors que les bilans qui y sont annexés ne sont signés par quiconque. Non seulement, il ne saurait, dans ces conditions, être fait droit à l'appel incident, mais en outre, ne saurait être maintenue la condamnation prononcée par le tribunal qui manifestement a procédé à une indemnisation forfaitaire, non admissible (…) » (arrêt, p. 5)

ALORS QUE, premièrement, à partir du moment où l'existence du préjudice est établie, le juge, qui ne trouve pas au dossier les éléments pour fixer l'étendue du préjudice ou l'évaluer, doit prescrire une mesure d'instruction ; qu'en énonçant au cas d'espèce que la victime devait rapporter la preuve « non seulement du principe de son préjudice, mais aussi de son étendue », les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, en énonçant que « le CE. GEST. I ne peut sérieusement proposer une évaluation de son préjudice par rapport aux honoraires non perçus pendant deux exercices pour les adhérents démissionnaires », révélant par là que le préjudice étant acquis, ils écartaient la réparation à raison de considérations tenant à son étendue ou à son évaluation, les juges du fond, qui ne pouvaient rejeter les demandes sans prescrire au préalable une mesure d'instruction, ont de nouveau violé l'article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de l'Association CENTRE DE GESTION INTERPROFESSIONNEL à l'encontre de la SARL CABINET D'EXPERTISE ET D'ANALYSES COMPTABLES et M. Avillo X... ;

AUX MOTIFS QUE « le CE. GEST. I qui entend exclusivement obtenir l'indemnisation de son préjudice économique doit rapporter la preuve non seulement du principe de son préjudice, mais aussi de son étendue. Si les démissions massives, soit 53 en 13 mois, intervenues à compter du début du mois de septembre 2001, permettent de retenir le rôle causal du démarchage pratiqué par M. X... dans le cadre des fonctions exercées au service de son nouvel employeur, le CE GESTI ne peut sérieusement proposer d'évaluer son préjudice par rapport aux honoraires non perçus pendant deux exercices pour les adhérents démissionnaires, sans communiquer le moindre élément sur les charges d'exploitation et en fondant ses prétentions sur le rapport d'activité et le rapport financier dressés en vue de la tenue du conseil d'administration du 4 juin 2002, alors que les bilans qui y sont annexés ne sont signés par quiconque. Non seulement, il ne saurait, dans ces conditions, être fait droit à l'appel incident, mais en outre, ne saurait être maintenue la condamnation prononcée par le tribunal qui manifestement a procédé à une indemnisation forfaitaire, non admissible (…) » (arrêt, p. 5)

ALORS QUE les énonciations du dispositif, et notamment la formule « faute de preuve du préjudice économique en relation causale avec la faute », ne peut s'entendre, conformément aux motifs, que d'une absence de preuve quant à l'étendue du préjudice ; qu'à supposer par impossible que l'énonciation du dispositif, qui vient d'être rappelée, puisse être comprise différemment, l'arrêt ne pourrait manquer d'être censuré pour contradiction entre son dispositif, pour autant que celui-ci aurait trait à l'existence du préjudice, et les motifs, dès lors que ceux-ci ont fait apparaître que le préjudice étant établi en son principe, seule son étendue est en cause. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet d'expertise et d'analyses comptables et M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société CEAC a fautivement fait démarcher des adhérents de l'association CEGESTI ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, par application de l'article 1382 du code civil, constituent des actes de concurrence déloyale les transferts de dossiers de certains clients obtenus par une société d'expertise comptable par voie de démarchage au préjudice d'une personne avec laquelle cette société se trouve en situation de concurrence, quand bien même ce concurrent ne serait pas lui-même soumis aux règles déontologiques de la profession d'expert-comptable ; qu'outre les attestations déjà mentionnées par les premiers juges, le CEGESTI en produit six autres émanant de messieurs Z..., A..., E..., F...et Fabrice B...et G... ; que tous ces témoins attestent avoir été démarchés par M. X... au cours de la seconde moitié de l'an 2001 ; que la faute de la société CEAC est donc avérée ; que les démissions massives, soit 53 en 13 mois, intervenues à compter du début du mois de septembre 2001, permettent de retenir le rôle causal du démarchage pratiqué par M. X... dans le cadre des fonctions exercées au service de son nouvel employeur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les attestations de M. C...et de madame D...font état de faits de démarchage par M. X..., le 23 novembre 2001 et courant décembre 2001, celui-ci se présentant comme ancien du CEGESTI ayant repris ses fonctions dans un autre centre de gestion ; que pour autant, l'intégralité de la perte de clientèle du CEGESTI ne saurait être imputée à M. X... et à la société CEAC, dès lors que 21 clients démissionnaires concernés font valoir qu'ils ont rejoint M. X... et la société CEAC par attachement à l'ancien directeur de CEGESTI ou par insatisfaction des prestations proposées par l'association depuis son départ ; que tout démarchage et donc toute concurrence déloyale doit être écartée s'agissant de cette part de la clientèle ; qu'en revanche, et au vu des attestations produites par le demandeur et faisant état de façon circonstanciée de faits de démarchage il y a lieu de considérer que le surplus de la clientèle perdue, soit 53 clients, n'a pu l'être que par cette voie ;

1°) ALORS QU'en se contentant d'affirmer que tous les témoignages par attestation qu'elle retenait faisaient état d'un démarchage dans la seconde moitié de l'année 2001, pour juger que M. X... avait commis des actes de démarchage illicites au bénéfice de son nouvel employeur, la société d'expertise-comptable CEAC, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces actes avaient été commis tandis que M. X... était effectivement le salarié de la société CEAC, par laquelle il n'avait été embauché que le 20 août 2001, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QU'en se contentant de retenir que huit adhérents de l'association CEGESTI avaient été démarchés pour affirmer que 53 adhérents qui avaient quitté cette association avaient agi ainsi en raison d'un démarchage par M. X... pour le compte de son nouvel employeur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce départ massif ne s'expliquait pas par la défaillance de l'association CEGESTI à laquelle les adhérents ne pouvaient plus se fier pour la tenue de leur comptabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le démarchage non fautif de la clientèle d'un concurrent n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater que le démarchage imputé à M. X... s'était accompagnée de manoeuvres déloyales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil.



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