par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, 08-10152
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
24 septembre 2009, 08-10.152

Cette décision est visée dans la définition :
Droit de Rétention




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société SEA SPA (la société SEA) de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1612 du code civil, ensemble les règles gouvernant le droit de rétention ;

Attendu que le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus de la dette ;

Attendu que la société Hecla tourisme a acheté en 2004 à la société SEA trois camping-cars qu'elle a revendus à MM. Y..., Z... et X..., lesquels lui en ont réglé le prix tandis qu'elle-même n'a rien payé à la société SEA qui a dès lors exercé un droit de rétention sur les documents administratifs des véhicules ; que M. Y... a engagé une action à l'encontre de cette société afin d'obtenir ces documents ; que M. Z... est intervenu à la procédure ;

Attendu que pour condamner la société SEA à remettre à M. Y... et à M. Z... le certificat de conformité et l'intégralité des documents administratifs relatifs aux véhicules qu'ils avaient acquis, l'arrêt attaqué retient que la société Hecla tourisme a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif et qu'il est certain que la société SEA n'a plus aucun espoir de percevoir quelque somme que ce soit de sa débitrice tandis qu'elle ne dispose d'aucune action contre MM. Y... et Z..., propriétaires légitimes des camping-cars qu'ils ont régulièrement acquis en en payant le prix ; qu'il en déduit que cette société commet un abus de droit en exerçant son droit de rétention comme un moyen de pression sur des sous-acquéreurs de bonne foi, de manière à leur faire prendre en charge les obligations de son cocontractant défaillant auquel elle avait eu l'imprudence de livrer des véhicules qui n'étaient pas payés ;

Qu'en statuant ainsi alors que le droit de rétention exercé par la société SEA, qui pouvait légitimement prétendre au paiement du prix des véhicules, était opposable aux sous-acquéreurs, la bonne foi de ceux-ci et l'insolvabilité de la société Hecla tourisme ne pouvant faire dégénérer en abus l'exercice de ce droit, la cour d‘appel a violé l'article et les règles susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions autres que celles donnant acte à M. X... de son désistement et disant n'y avoir lieu à médiation, l'arrêt rendu le 10 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne MM. Z... et Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils pour la société SEA

PRIS DE CE QUE l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la Société SEA Spa à remettre à Monsieur Roger Y... et à Monsieur Pascal Z... le certificat de conformité et l'intégralité des documents administratifs relatifs aux véhicules qu'ils avaient acquis, et ce sous astreinte de 50 par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt ;

- AUX MOTIFS QU'il y a abus de droit lorsque ce droit est exercé sans aucun profit ou espoir de profit pour son titulaire, ou bien dans un but contraire à sa finalité, tandis que son exercice porte atteinte aux droits légitimes d'un tiers de bonne foi, ou même du débiteur de bonne foi se trouvant dans l'impossibilité absolue d'exécuter son obligation pour un motif présentant les caractéristiques de la force majeure ; que le droit de rétention a pour finalité de contraindre le débiteur d'une obligation à l'exécuter ; qu'en l'espèce, la Société SEA Spa a vendu et livré des véhicules à la Société HECLA TOURISME qui ne les lui a pas payés ; que la Société HECLA TOURISME a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif et qu'il est aujourd'hui certain que la Société SEA Spa n'a plus aucun espoir de percevoir quelque somme que ce soit de sa débitrice ; que, de leur côté, Monsieur Roger Y... et Monsieur Pascal Z... ont régulièrement acquis les véhicules et en ont payé le prix à la Société HECLA TOURISME ; que, vainement, la Société SEA Spa soutient-elle qu'une partie du prix aurait été payée irrégulièrement par eux par le biais de la reprise de leurs anciens véhicules sans démontrer que la compensation qui en a ainsi résulté se serait produite après le jugement d'ouverture de la procédure collective de la Société HECLA TOURISME ou la date de cessation des paiements éventuellement reportée par le Tribunal de Commerce ; qu'il est ainsi acquis que Monsieur Roger Y... et Monsieur Pascal Z... sont aujourd'hui les propriétaires légitimes des véhicules et que la Société SEA Spa ne dispose d'aucune action contre eux ; qu'il est également constant qu'ils ne pouvaient pas utilement exercer d'action en résolution de la vente contre la liquidation judiciaire de la Société HECLA TOURISME puisqu'en toute hypothèse, celle-ci étant impécunieuse, le prix de vente ne leur aurait pas été restitué ; qu'il reste en définitive que des sous-acquéreurs de bonne foi sont privés de l'usage de leurs véhicules du fait que le vendeur initial, qui n'en a aucune utilité, retient les documents administratifs de ces véhicules ; qu'ainsi, en exerçant son droit de rétention comme un moyen de pression sur des sous-acquéreurs de manière à leur faire prendre en charge les obligations de son cocontractant défaillant auquel elle avait eu l'imprudence de livrer des véhicules qui n'étaient pas payés, la Société SEA Spa abuse de son droit ;

qu'elle sera dès lors condamnée à remettre à Monsieur Roger Y... et à Monsieur Pascal Z... les documents administratifs réclamés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé huit jours à compter de la signification du présent arrêt ; que, privés de la jouissance de leurs véhicules depuis trois ans, Monsieur Roger Y... et Monsieur Pascal Z... subissent un préjudice de jouissance certain en réparation duquel il sera alloué à chacun une indemnité de 3.000 euros ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE, lorsque les conditions du droit de rétention sont satisfaites et, en particulier, que la réclamation du créancier est légitime, il ne peut y avoir d'abus dans l'exercice de ce droit, quel que soit le préjudice qui en résulte pour autrui ; que le vendeur de véhicules qui n'a pas été payé du prix de vente peut légitimement exercer à l'encontre de l'acquéreur faisant l'objet d'une procédure collective un droit de rétention sur les documents administratifs afférents aux véhicules ; que ce droit étant opposable aux sous-acquéreurs des véhicules, encore que ces derniers en aient réglé le prix à l'acheteur intermédiaire, il ne peut y avoir d'abus du seul fait que, de bonne foi, les sous-acquéreurs se trouvent privés de l'usage de leurs véhicules ; que, dès lors qu'il n'était pas contesté en l'espèce que les conditions d'exercice du droit de rétention étaient remplies et que le vendeur pouvait légitimement prétendre au paiement du prix dont il n'avait pas été réglé, la Cour d'Appel, en retenant l'existence d'un abus, a méconnu les principes gouvernant le droit de rétention, ensemble l'article 2286 du Code Civil ;

- ALORS, D'AUTRE PART, QUE le droit de rétention exercé par le vendeur sur les documents administratifs afférents aux véhicules vendus l'étant à l'encontre de l'acquéreur qui n'en a pas payé le prix, un éventuel abus dans l'exercice de ce droit ne peut être caractérisé que dans leurs rapports respectifs ; que si les sous-acquéreurs, exerçant directement contre le vendeur originaire l'action en délivrance des documents administratifs en tant qu'accessoires de la chose vendue, peuvent se voir opposer, à cette occasion, le droit de rétention exercé sur ces documents, ils ne sauraient cependant se prévaloir eux-mêmes d'un abus commis à leur égard ; qu'en retenant dès lors un tel abus pour ordonner la remise aux sous-acquéreurs des documents en cause, la Cour d'Appel a méconnu les principes gouvernant le droit de rétention, ensemble l'article 2286 du Code Civil ;

- ET ALORS, ENFIN, QUE le droit de rétention d'une chose, conséquence de sa détention, est un droit opposable à tous, même aux tiers non tenus à la dette, et confère à son titulaire le droit de refuser la restitution de cette chose jusqu'au paiement de sa créance par toute personne intéressée par sa levée ; qu'en jugeant en l'espèce que la rétention des documents administratifs afférents aux véhicules vendus ne présentait aucune utilité pour le vendeur impayé qui n'avait aucune chance d'être réglé par son débiteur en liquidation judiciaire et qui ne pouvait l'exercer comme un moyen de pression sur les sousacquéreurs qui s'étaient acquittés du prix, cependant que le titulaire du droit de rétention exercé à l'encontre du débiteur et opposable aux sous-acquéreurs était fondé à en attendre le paiement de tout ou partie du prix par toute personne intéressée, la Cour d'Appel a méconnu derechef les principes gouvernant le droit de rétention, ensemble l'article 2286 du Code Civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Droit de Rétention


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.