par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 23 juin 2009, 07-45256
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Cour de cassation, chambre sociale
23 juin 2009, 07-45.256

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article L. 1234-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., engagée le 4 avril 1989 par la société " Au Vieux Plongeur ", exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent administratif, a été licenciée pour faute grave le 30 avril 2004, en raison de faits commis, notamment, au préjudice de l'association du " Club des vieux plongeurs " ayant son siège dans les locaux de la société et dont la salariée exerçait les fonctions de trésorière ;

Attendu que pour déclarer le licenciement justifié par une faute grave, l'arrêt retient que si le détournement de fonds a été fait au préjudice de l'association du " Club des vieux plongeurs ", la salariée impliquait directement son employeur, en invoquant la compensation du chèque de garantie par une avance qui lui aurait été consentie et que dès lors, compte tenu des liens étroits existant entre l'activité de l'association et celle de la société " Au Vieux Plongeur ", la salariée exerçant ses fonctions de trésorière sur les lieux et dans le temps de son travail, la faute commise à l'égard de l'association était en relation avec son activité salariée et a incontestablement causé un trouble grave au sein de l'entreprise ;

Attendu cependant qu'un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les faits reprochés à Mme Y... ne constituaient pas des manquements à ses obligations professionnelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef du licenciement ;

Dit le licenciement de Mme Y... sans cause réelle et sérieuse ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ;

Condamne la société Au Vieux Plongeur aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'A VOIR déclaré que le licenciement initié par l'employeur (la SARL AU VIEUX PLONGEUR) était justifié par une faute grave de la salariée (Madame A...) ;

AUX MOTIFS QUE, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée comme suit :

Suite à un contrôle, le 28 avril 2004, nous nous sommes rendus compte de l'absence d'espèces dans la caisse située dans votre bureau. Après vous avoir interrogée, vous nous avez annoncé avoir pris la somme de 200 euros en espèces, que vous aviez remplacée par un chèque de 200 euros en indiquant sur celui-ci que vous l'aviez remboursé en prenant une avance sur salaire. Le 30 avril, après plus amples vérifications, et vous avoir une nouvelle fois questionnée sur ce manque d'espèces, vous avez annoncé avoir pris 190 euros de plus, sans mettre de chèque à la place cette fois-ci, ces indélicatesses ayant valu votre mise à pied le jour même (...) ;

Pour contester le licenciement Martine X... a invoqué le caractère extraprofessionnel du premier motif invoqué ;

Il ressort en effet des débats que l'association du « Club des Vieux Plongeurs », dont le siège était fixé dans les locaux de la SARL Au Vieux Plongeurs était dirigée par un bureau au sein duquel la salariée exerçait les fonctions de trésorière et dont la présidente était la soeur du gérant de la SARL ;

Il est de même reconnu comme fait constant que la caisse dont il est fait état dans la lettre de rupture est celle de l'association ;

Qu'il est justifié que le jour de l'entretien préalable, Martine X... épouse Y... a restitué au gérant de la SARL Au Vieux Plongeur la somme de 390 euros qu'elle avait prélevée sans autorisation dans la caisse de l'association, dont elle était la trésorière ;

Que pour « couvrir » ces prélèvements elle avait laissé dans la caisse de l'association un chèque d'un montant de 200 euros, initialement daté du « 19 / 11 / 03 » mais dont la date était ensuite surchargée pour devenir « 19 / 12 / 03 » et qui était accompagné d'un post-it comportant la mention manuscrite suivante : je l'ai remboursé ensuite par avance sur salaire » ;
Attendu qu'il apparaît donc que si le détournement de fonds a été fait au préjudice de l'association du « Club des Vieux Plongeurs », Madame Y... impliquait directement son employeur, en invoquant la compensation du chèque de garantie par une avance qui lui aurait été consentie sur son salaire ;

Attendu que, dès lors, compte tenu des liens étroits existant entre l'activité de l'association et celle de la SARL « Au Vieux Plongeur », Martine X... épouse A... exerçant ses fonctions de trésorière sur les lieux et dans le temps de son travail, la faute commise à l'égard de l'association était en relation avec son activité salariée et a incontestablement causé un trouble grave au sein de l'entreprise ;

1° ALORS QUE, seul est constitutif d'une faute grave un acte accompli par le salarié dans le cadre de ses fonctions ; qu'en l'espèce, où pour licencier Madame Y..., la SARL AU VIEUX PLONGEUR lui a reproché un retrait d'espèces dans la cagnotte de l'association animant le club de plongée sous-marine, hébergé au sein des locaux de la société, soit un fait étranger à l'exécution du contrat de travail puisqu'il concernait l'association, personne morale distincte de la SARL, la cour a violé l'article L. 122-6 du code du travail ensemble l'article 5 de la loi du 1 er juillet 1901 ;

2° ALORS QU'un acte accompli dans le cadre de la vie personnelle du salarié ne peut être constitutif d'une cause de licenciement ; qu'en l'espèce, où l'arrêt constate que Madame A... a retiré des espèces en tant que trésorière de cette association (arrêt, page 5, § 5), c'est-à-dire dans le cadre de son activité de membre bénévole de cette personne morale, à l'occasion de sa vie personnelle et associative, la cour qui retient ce fait comme cause de licenciement de la SARL, viole l'article L. 122-6 du code du travail ;

3° ALORS QUE le retrait d'espèces dans la caisse de l'association, intervenu indépendamment de l'exécution du contrat de travail, n'a entraîné aucun préjudice pour la société AU VIEUX PLONGEUR et que le seul lien entre l'association et la société tenait uniquement à l'hébergement de l'association dans ses locaux, la cour, qui n'a caractérisé aucun trouble objectif subi par la SARL AU VIEUX PLONGEUR, a violé l'article L. 122-6 du code du travail ;

4° ALORS QUE, surtout, et en tout état de cause,, le trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise, ne découlant pas d'un manquement aux obligations résultant du contrat de travail, ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu ; qu'en l'espèce, à supposer même qu'un trouble ait été subi par la SARL AU VIEUX PLONGEUR, celui-ci ne permettait pas de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de la salariée ; qu'en la licenciant pour faute grave, la cour a violé l'article L. 122-6 du code du travail ensemble l'article L. 122-40 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'A VOIR déclaré que le licenciement initié par l'employeur (la SARL AU VIEUX PLONGEUR) était justifié par une faute grave de la salariée (Madame Y...) ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée comme suit :

Suite à un contrôle, le 28 avril 2004, nous nous sommes rendus compte de l'absence d'espèces dans la caisse située dans votre bureau. Après vous avoir interrogée, vous nous avez annoncé avoir pris la somme de 200 euros en espèces, que vous aviez remplacée par un chèque de 200 euros en indiquant sur celui-ci que vous l'aviez remboursé en prenant une avance sur salaire. Le 30 avril, après plus amples vérifications, et vous avoir une nouvelle fois questionnée sur ce manque d'espèces, vous avez annoncé avoir pris 190 euros de plus, sans mettre de chèque à la place cette fois-ci, ces indélicatesses ayant valu votre mise à pied le jour même (...) ;

(...)

Que pour « couvrir » ces prélèvements elle avait laissé dans la caisse de l'association un chèque d'un montant de 200 euros, initialement daté du « 19 / 11 / 03 » mais dont la date était ensuite surchargée pour devenir « 19112 / 03 » et qui était accompagné d'un post-it comportant la mention manuscrite suivante : je l'ai remboursé ensuite par avance sur salaire » ;

1° ALORS QU'un retrait d'espèces couvert par un chèque de garantie ne constitue pas un détournement ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que le retrait d'espèces par Madame Y... à hauteur de la somme de 200 euros, avait été couvert par le dépôt d'un chèque du même montant (arrêt, page 6, § 1) en sorte qu'il s'agissait d'un emprunt auprès de l'association et qu'en en déduisant pourtant un trouble grave et fautif, la cour a violé l'article L. 122-6 du code du travail ;

2° ALORS QU'en tout état de cause un détournement ne constitue une faute grave que s'il porte sur un montant significatif ; qu'en l'espèce où, compte
tenu de la remise du chèque de garantie de 200 euros (arrêt, page 6, § 1) l'emprunt réel portait au maximum sur la somme de 190 euros, la cour qui n'a pas tenu compte de la modicité du montant, a violé l'article L. 122-6 du code du travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'A VOIR déclaré que le licenciement initié par l'employeur (la SARL AU VIEUX PLONGEUR) était justifié par une faute grave de la salariée (Madame Y...) ;

AUX MOTIFS QU'il s'ensuit que ce premier grief étant justifié, la SARL « Au Vieux Plongeur » est en droit d'invoquer des faits plus anciens, quand bien même l'employeur en aurait eu connaissance depuis plus de deux mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ; qu'en ce qui concerne ce deuxième grief il est justifié par l'attestation de la comptable de l'établissement que s'il n'a pas été procédé à la retenue mensuelle des avances consenties à la salariée, c'était sur la demande de cette dernière qui avait certifié faussement à la comptable qu'elle avait l'accord du gérant ;

1° ALORS QUE, par application combinée de l'article 624 du nouveau code de procédure civile et de l'article L. 122-41 du code du travail, la cassation à intervenir du chef du dispositif ayant déduit la faute grave d'un fait commis dans le cadre de la vie personnelle et associative du salarié et du prétendu trouble en découlant (1 e " moyen), entraînera par voie de conséquence la cassation de la décision en ce qu'elle a considéré que cette prétendue faute permettait d'invoquer des faits anciens (arrêt, page 6, § 4 et 5) liés au non-remboursement d'avances sur salaires, puisque, à raison de la cassation à intervenir sur le premier moyen, ces faits sont prescrits ;

2° ALORS également QUE, si l'employeur peut invoquer un fait normalement prescrit lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, c'est à la condition que les deux faits procèdent d'un comportement identique ; qu'en l'espèce où le dernier fait reproché, portait sur un retrait non autorisé dans la cagnotte de l'association hébergée par la société, mais où les faits originaires, et normalement prescrits, tenaient à l'absence de remboursement des avances de salaires consenties à la salariée (arrêt, page 6, § 5), soit des comportements distincts, la cour a violé l'article L. 122-41 du code du travail ;


3° ALORS QU'en tout état de cause, en l'absence de toute mise en demeure émanant de l'employeur tendant à exiger le remboursement d'avances expressément consenties à la salariée, comme cela était soutenu (conclusions, page 4, § 3), celle-ci qui n'était pas solennellement interpellée d'avoir à s'exécuter, ne pouvait encourir un grief d'indélicatesse ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé l'article 1139 du code civil ensemble l'article L. 122-6 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.