par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 mai 2009, 08-14536
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 mai 2009, 08-14.536

Cette décision est visée dans la définition :
Droit de Préférence




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme Denise X..., veuve Y..., a fait donation à ses quatre enfants, Jeannine, Gilberte, François et Evelyne, d'une parcelle de terre sur laquelle les indivisaires ont développé une truffière ; qu'après que Jeannine Y..., veuve Z..., a cédé ses droits indivis à ses frère et soeurs, Mme Gilberte Y..., épouse A..., a assigné ses deux coïndivisaires en partage du bien indivis ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que Mme Gilberte A... fait grief à l'arrêt attaqué (Dijon, 14 février 2008) d'avoir rejeté sa demande d'attribution préférentielle, alors, selon le moyen :

1° / que la cour n'a pu sans contradiction affirmer tout à la fois que l'exploitation de la truffière n'avait pas un caractère agricole et qu'il ne s'agissait pas d'une activité agricole « classique », violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2° / qu'aux termes de l'article 832, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la sauvegarde de l'unité économique d'une activité agricole même « non classique » est de nature à justifier le principe d'une attribution préférentielle à la partie qui assume réellement avec son conjoint l'essentiel de cette exploitation ; que, faute de cette recherche nécessaire imposée par les dispositions de l'article 832, alinéa 3, la cour a violé ledit texte ;

3° / qu'il résulte de l'article 832, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, qu'un coïndivisaire peut solliciter l'attribution préférentielle d'une parcelle indivise ; qu'en déniant ce droit à la requérante au motif inopérant pris du caractère civil des conditions d'exploitation de la truffière indivise, la cour a violé les dispositions du texte précité ;

4° / qu'en tout état de cause, aux termes de l'article 832, alinéa 3, ancien du code civil, le juge qui accorde ou refuse l'attribution préférentielle doit se déterminer directement en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude des postulants ; qu'en s'abstenant d'apprécier la nature des intérêts en présence ainsi que l'aptitude de la demanderesse qui exploitait la truffière avec l'aide de son mari, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les indivisaires, qui n'étaient pas exploitants agricoles, se bornaient à partager entre eux la récolte de truffes en fonction du travail par eux accompli et retenu que leur activité s'analysait en un " hobby ", la cour d'appel en a justement déduit que cette propriété d'agrément ne constituait pas une exploitation agricole de nature à faire l'objet d'une attribution préférentielle, au sens de l'article 832 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme A... fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant maintenu l'indivision entre M. François Y... et Mme Evelyne Y..., épouse B..., et lui ayant attribué sa part en argent, alors, selon le moyen :

1° / qu'aux termes de l'article 815, alinéa 3, ancien du code civil, l'attribution éliminatoire n'est pas de droit et doit être justifiée en fonction des intérêts en présence ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans la moindre appréciation portant sur lesdits intérêts, la cour a violé le texte susvisé ;

2° / que le juge est tenu d'ordonner une expertise en cas d'attribution éliminatoire ; qu'en s'abstenant d'ordonner l'expertise expressément sollicitée par la requérante, la cour a violé l'article 815, alinéa 3, du code civil ;

3° / que la requérante ayant contesté le principe même d'une attribution éliminatoire et réclamé en ce cas une expertise de la valeur du bien, le prétendu « accord » donné par ses co-indivisaires dans le cadre de leur demande d'attribution éliminatoire au prix que la demanderesse à l'attribution préférentielle avait offert ab initio pour reprendre elle-même le bien indivis qu'elle exploitait avec son mari, reposait sur une cause juridique distincte, étrangère à la rencontre de la volonté des parties ; qu'ainsi, la cour a déduit l'accord prétendu des parties sur le prix de motifs inopérants en violation des articles 4 et 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la première branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des énonciations des juges du fond que la parcelle litigieuse constituait le seul bien indivis à partager ; que, Mme A... n'ayant pas contesté, devant la cour d'appel, son allotissement en argent ni soutenu que, la parcelle étant susceptible d'être divisée, elle pouvait être remplie de ses droits par l'attribution de sa part en nature, il en résulte que seule la valeur de la parcelle devait être déterminée ; qu'après avoir constaté que l'estimation retenue par le premier juge correspondait à celle que Mme A... avait elle-même proposée pour l'acquisition du bien et que cette évaluation correspondait à sa valeur, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas lieu à expertise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme A... et la condamne à payer à M. François Y... et à Mme B... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 559 (CIV. I) ;

Moyens produits par Me Bouthors, Avocat aux Conseils, pour Mme A... ;

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de faire droit à la demande d'attribution préférentielle de Madame Gilberte Y..., épouse A... ;

aux motifs que « Les parties au procès ont développé ensemble une truffière sur la parcelle de terre après la donation faite par leur mère en 1997 ; que cette parcelle, qui comprend une partie boisée dans laquelle prospère la truffière convoitée, comporte également quelques arbres fruitiers ; qu'elle ne fait pas l'objet d'une exploitation agricole classique et les frais d'entretien sont partagés entre les parties et le partage de la récolte des truffes est fait en fonction de l'investissement en travail des trois indivisaires qui ont une activité professionnelle principale par ailleurs ou qui sont déjà en retraite ; qu'aussi, cette activité, qui commence à être productive depuis quelques années, s'analyse plus en un hobby qu'en une exploitation agricole ; qu'aucun des membres ne justifie avoir une exploitation agricole en complément ou être immatriculé pour une activité agricole de récoltant de truffes. En conséquence, il n'y a pas lieu à attribution préférentielle de cette parcelle à Madame Gilberte Y..., épouse A... » (arrêt p. 4) ;

1°) alors que d'une part, la cour n'a pu sans contradiction affirmer tout à la fois que l'exploitation de la truffière n'avait pas un caractère agricole et qu'il ne s'agissait pas d'une activité agricole « classique », violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) alors que d'autre part, aux termes de l'article 832 al. 3 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la sauvegarde de l'unité économique d'une activité agricole même « non classique » est de nature à justifier le principe d'une attribution préférentielle à la partie qui assume réellement avec son conjoint l'essentiel de cette exploitation ; que, faute de cette recherche nécessaire imposée par les dispositions de l'article 832 al. 3 la cour a violé ledit texte ;

3°) alors que de troisième part, il résulte de l'article 832, al. 3, du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, qu'un co-indivisaire peut solliciter l'attribution préférentielle d'une parcelle indivise ; qu'en déniant ce droit à la requérante au motif inopérant pris du caractère civil des conditions d'exploitation de la truffière indivise, la cour a violé les dispositions du texte précité ;

4°) alors en tout état de cause qu'aux termes de l'article 832, al. 3 ancien du code civil, le juge qui accorde ou refuse l'attribution préférentielle doit se déterminer directement en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude des postulants ;

qu'en s'abstenant d'apprécier la nature des intérêts en présence ainsi que l'aptitude de la demanderesse qui exploitait la truffière avec l'aide de son mari, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé.

Second moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'attribution éliminatoire consentie par les premiers juges au bénéfice des co-indivisaires au préjudice de Madame Y..., épouse A... ;

aux motifs propres qu'Il est constant qu'un indivisaire peut, par application de l'article 815 alinéa 1 du code civil, provoquer le partage ; que les autres indivisaires ont pu, à bon droit, invoquer l'alinéa 3 de ce texte qui leur permet de demeurer dans l'indivision ; qu'aussi, c'est par une juste appréciation que le premier juge a rejeté la demande de Mme Gilberte Y... épouse A... tendant à l'achat de la parcelle ou à défaut à sa licitation » (arrêt p. 5), et aux motifs éventuellement adoptés que « La demande de François et Evelyne Y... fondée sur les dispositions de l'article 824 du code civil modifié par la loi du 23 / 12 / 2006 apparaît justifiée » (TGI p. 4) ;

1°) alors que, d'une part, aux termes de l'article 815 alinéa 3 ancien du code civil, l'attribution éliminatoire n'est pas de droit et doit être justifiée en fonction des intérêts en présence ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans la moindre appréciation portant sur lesdits intérêts, la cour a violé le texte susvisé ;

et aux motifs, d'autre part, qu'en l'absence de contestation sur la valeur du bien, le tribunal a rejeté la demande d'expertise destinée à déterminer sa valeur, et a retenu comme valeur du bien, le montant que Mme Gilberte Y... épouse A... proposait elle-même pour ce bien, montant accepté par les deux autres co-indivisaires ; qu'il ne saurait être fait grief au premier juge de n'avoir pas, en l'absence de contestation sérieuse de la valeur du bien, ordonné une expertise. En effet, la valeur retenue correspond dans sa fourchette haute à la valeur des terres agricoles en Haute-Marne ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à expertise » (arrêt p. 5) ; et aux motifs adoptés d'autre part « que sur la valeur de la parcelle, Gilberte Y... propose de racheter celle-ci au prix de 20. 000 euros et que François et Evelyne Y... offrent de lui payer sa part, soit le tiers, 6. 666, 66 euros ; que compte tenu du fait qu'il est fait application des dispositions de l'article 824 du code civil en faveur de François et Evelyne Y... et du fait que l'offre de valeur à hauteur de la somme de 20. 000 euros a été acceptée par les défendeurs, il convient de rejeter la demande de Gilberte Y... tendant au rachat de la parcelle, à sa licitation sur une mise à prix de 14. 000 euros et à l'instauration d'une mesure d'expertise » (TGI p. 4) ;

2°) alors que, d'autre part, le juge est tenu d'ordonner une expertise en cas d'attribution éliminatoire ; qu'en s'abstenant d'ordonner l'expertise expressément sollicitée par la requérante, la cour a violé l'article 815, alinéa 3 du code civil ;

3°) alors que, de troisième part, la requérante ayant contesté le principe même d'une attribution éliminatoire et réclamé en ce cas une expertise de la valeur du bien, le prétendu « accord » donné par ses co-indivisaires dans le cadre de leur demande d'attribution éliminatoire au prix que la demanderesse à l'attribution préférentielle avait offert ab initio pour reprendre elle-même le bien indivis qu'elle exploitait avec son mari, reposait sur une cause juridique distincte, étrangère à la rencontre de la volonté des parties ; qu'ainsi, la cour a déduit l'accord prétendu des parties sur le prix de motifs inopérants en violation des articles 4 et 12 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.