par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 15 juillet 1992, 90-18530
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Cour de cassation, chambre commerciale
15 juillet 1992, 90-18.530

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Parère
Usages et coutumes




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la banque de Neuflize Schlumberger Mallet, société anonyme, dont le siège est à Paris (8e), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 juin 1990 par la cour d'appel de Paris (15e chambre section A), au profit :

1°/ de la banque the Hong-kong and Shangai Banking Corporation, dont le siège est à Hong-kong (Chine), 1 Queen's Road Central,

2°/ de la société Impact international, dont le siège est à Herrlisheim (Bas-Rhin), ...,

3°/ de la société Auchan, dont le siège est à Roubaix (Nord), ...,

4°/ de la Société générale, dont le siège est à Paris (8e), ...,

défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 2 juin 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Y..., Mme A..., MM. Vigneron, Dumas, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Z..., Mme X..., M. Huglo, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la banque de Neuflize Schlumberger Mallet, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la banque The Hong-kong and Shangai Bnaking corporation, de la SCP Tifrreau et Thouin-Palat, avocat de la société Impact internaltional, de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de la société Auchan, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société générale, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 1990), que sur instructions de sa cliente la société Auchan, la Société Générale a ouvert un crédit documentaire, irrévocable et transférable à l'ordre de la société Impact International, et à la diligence de la banque de Neuflize, Schlumberger et Mallet (banque NSM), banque intermédiaire chargée de désigner la banque notificatrice ; que le crédit a été ainsi transmis au profit du fournisseur étranger de la société Impact International, la propre banque de celui-ci, la Hong-kong and Shanghai Banking Corporation (la banque HSBC) devenant banque notificatrice, sans que le bénéficiaire n'ait connaissance de l'identité du donneur d'ordre, et réciproquement ; qu'avant l'exécution de la lettre de crédit, la banque NSM a précisé à la banque HSBC que pour cette circonstance, la signature du représentant local de la société Impact International était "autorisée" par elle ;

qu'effectivement, cette signature a été apposée sur certains des documents remis à la banque HSBC pour les authentifier ; que, néanmoins, à leur réception par la banque NSM, celle-ci en a considéré certains altérés, et les a retournés à la banque HSBC en l'invitant à reconstituer, a posteriori, un des certificats  ; mais qu'ensuite la Société Générale a refusé l'ensemble des documents, au motif que le certificat était antidaté, que certains autres documents avaient divers défauts ; que la banque HSBC a assigné la banque NSM en paiement du montant du crédit qu'elle-même avait payé ; que la banque NSM a appelé en garantie la Société Générale et la société Auchan, ainsi que sa propre cliente, en

déclaration de jugement commun ; que parallèlement, une instruction pénale a été ouverte du chef d'escroquerie en raison de la non-conformité à la commande constatée sur les marchandises pour le financement desquelles le crédit documentaire avait été émis ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la banque NSM fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de surseoir à statuer sur la demande de la banque HSBC jusqu'à l'achèvement de la procédure pénale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'identité de cause et de parties n'étant pas une condition d'application de l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la cour d'appel ne pouvait subordonner à cette exigence le sursis à statuer sans violer le texte susvisé ; alors, d'autre part, que si l'engagement du banquier est, en principe, indépendant du contrat de base, la fraude fait précisément échec à l'autonomie des engagements ; qu'en décidant que, même commise au moyen de documents non sincères ou non authentiques, la fraude était sans influence sur les relations nées du crédit documentaire, la cour d'appel a violé les articles 4 du Code de procédure pénale, 1134 du Code civil, ainsi que les règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires ; et alors, enfin, que la banque NSM avait souligné, dans ses conclusions d'appel, la précipitation avec laquelle la banque HSBC avait payé le montant du crédit documentaire le jour même de présentation des documents et l'attitude inexplicable du donneur d'ordre qui avait transmis à la banque émettrice une liste de réserves sur les documents avant même d'en avoir pris connaissance ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'instance pénale ne serait pas de nature à apporter des éclaircissements sur ces circonstances propres à influer sur l'instance civile, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de base légale au regard de l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, indépendamment de ceux erronés, mais surabondants, qui sont critiqués par le moyen en sa première branche, l'arrêt retient que l'instance civile, dans laquelle il statue, porte sur le mode d'exécution du crédit documentaire et le comportement des banques en cause eu égard à

l'apparence de régularité présentés par les documents exigés par elles ou soumis à leur examen et que sa solution ne saurait être affectée par les résultats de l'instruction

ouverte au sujet de la fraude qui avait été commise dans l'exécution du contrat fondamental de vente de marchandises  ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, a

légalement justifié sa décision refusant un sursis à statuer sur le fondement de l'article 4 du Code de procédure pénale ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ; Sur le deuxième et le troisième moyens réunis, pris en leurs neuf branches :

Attendu que la banque NSM fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la banque HSBC, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la banque NSM avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'indication selon laquelle M. B..., représentant de la société Impact International, était autorisé à signer les documents, constituait une précision nécessaire découlant logiquement du fait que le nom du donneur d'ordre comme celui du fournisseur ne devait pas apparaître et que celui du premier bénéficiaire, la société Impact International, devait s'y substituer ; qu'en ne recherchant pas si, loin de constituer une modification, l'admission de la signature de M. B... n'était pas la conséquence nécessaire des amendements acceptés à la demande de la banque émettrice, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 46 des règles et usances uniformes en matière de crédit documentaire (rédaction de 1974) ; alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas à cet égard tiré les conséquences légales de ses propres constatations aux termes desquelles "à la demande de Auchan, son donneur d'ordre, (la Société Générale) a accepté que le crédit documentaire ne fasse apparaître que le nom du premier bénéficiaire de celui-ci", violant par là même les textes susvisés ; alors, en outre, que si l'autorisation de faire figurer sur les documents la signature de M. B... avait constitué une modification unilatérale du crédit, celle-ci aurait été nécessairement acceptée par la Société Générale qui, ni dans sa lettre du 10 août, ni dans son télex du 27 août 1984 détaillant les prétendues irrégularités des documents n'avaient pas soulevé la moindre objection à cet égard ; qu'en refusant cependant de considérer la "modification" comme acceptée par la Société Générale au motif inopérant qu'elle pouvait alors apparaître sans conséquence, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, au surplus, que la

banque NSM avait produit un parère faisant état de l'avis de la commission bancaire de la chambre de commerce internationale selon laquelle le bénéficiaire est en droit d'exiger la restitution des documents tant

qu'il n'a pas reçu son paiement et peut y apporter toutes

modifications et substitutions en vue d'une seconde présentation dans les délais  ; qu'en refusant de rechercher si l'attitude de la banque NSM n'était pas pleinement conforme aux usages, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et des règles et usances uniformes en matière de crédit documentaire (rédaction de 1974) ; alors, encore, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, déclarer "qu'il ne peut être fait pertinemment grief à HSBC d'avoir postdaté le certificat d'origine alors... que ni le crédit, ni les prescriptions des règles et usances ne s'opposaient à la régularisation sollicitée fût-elle effectuée postérieurement au chargement des marchandises" et reprocher à la banque NSM d'avoir laissé la banque HSBC reprendre les documents pour les régulariser, méconnaissant par là même les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de plus, que ne peut être considérée comme ayant méconnu les intérêts de la banque émettrice, la banque notificatrice qui a refusé de payer le montant du crédit à la banque négociatrice au vu de documents altérés et refusé à nouveau le paiement malgré la présentation de documents apparemment conformes en déférant à l'ordre de la banque émettrice ; qu'en considérant ainsi que la banque NSM n'avait pas respecté les intérêts de la Société Générale cependant qu'elle n'avait effectué aucun paiement en faveur de la banque HSBC, la cour d'appel a méconnu les articles 1382 et, en tant que de besoin, 1147 du Code civil, ainsi que les règles et usances précitées ; alors, au reste, que c'est au vu d'un premier certificat d'origine présenté le 26 juillet 1984 que la banque HSBC a payé le jour même le montant du crédit documentaire ; qu'en ne tirant aucune conséquence du manque de vigilance de la banque HSBC à l'égard de ce certificat, le seul qui fût à l'origine du paiement dont elle a réclamé remboursement, la cour d'appel a violé l'article 7 des règles et usances uniformes relatives au crédit documentaire (rédaction de 1974) ; alors, au demeurant, que le crédit tel qu'amendé selon la volonté des parties imposait la présentation du certificat d'origine "émis par un organisme compétent" ; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la banque HSBC, banque la plus importante de Honk Hong, pouvait sérieusement soutenir que les

altérations du certificat d'origine délivré par la chambre de commerce de Singapour pouvaient être autorisées par M. B... ; que faute d'avoir procédé à cette recherche, la cour d'appel a entaché sa décision

d'un défaut de base légale au regard de l'article 7 des règles et usances uniformes relatives au crédit documentaire (rédaction de 1974)  ; et alors, enfin, qu'après avoir admis la recevabilité de l'action de la banque HSBC contre la banque NSM au motif que celle-ci avait fautivement accepté "un certificat d'origine et donc suspect et, au

surplus, postérieur au connaissement", la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, considérer que le fait pour la banque HSBC d'avoir postdaté le certificat d'origine et opéré la régularisation sollicitée postérieurement au chargement des marchandises ne constituait pas pour celle-ci un manquement à ses obligations, privant sa décision de motifs au mépris de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une appréciation souveraine que l'arrêt retient que la banque NSM a, de sa propre initiative, fait connaître à la banque HSBC, notificatrice du crédit documentaire, que les documents à vérifier pouvaient être validés par l'apposition de la signature d'un représentant de la société Impact International et a invité cette banque notificatrice à faire reconstituer les documents initialement présentés en vue de leur régularisation ; que, dès lors, la cour d'appel a, sans se contredire, décidé à bon droit qu'un tel comportement de la banque NSM était celui d'une banque émettrice à l'égard de la banque HSBC, dont elle a même allégé les obligations de vérifications, qu'en conséquence cette dernière n'avait pas manqué à ses obligations en se conformant à ses instructions successives, mais que les amendements à la lettre de crédit non autorisés par la Société Générale n'étaient pas opposables à celle-ci ; Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel a, par là même, répondant aux conclusions invoquées, fait ressortir que, dans son appréciation souveraine, elle ne considérait pas les initiatives de la banque NSM comme la conséquence nécessaire des conditions posées par la Société Générale ou approuvées tacitement par elle ; Attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu le défaut de conformité des documents tels que transmis à la Société Générale par rapport aux instructions de celle-ci, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si les usages toléraient des adjonctions ou corrections antérieures sur de tels documents ; D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; Condamne la banque de Neuflize Schlumberger Mallet, envers les défenderesses, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze juillet mil neuf cent quatre vingt douze.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Parère
Usages et coutumes


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 12/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.