par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 12 novembre 1990, 89-81851
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Cour de cassation, chambre criminelle
12 novembre 1990, 89-81.851

Cette décision est visée dans la définition :
Partie civile




REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :

1°) X... Maurice, prévenu,

2°) la société Extraco Anstalt, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 1989, qui a condamné le premier pour abus de confiance, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a déclaré la seconde irrecevable en sa constitution de partie civile.

LA COUR,

Vu la connexité, joignant les pourvois ;

I. - Sur le pourvoi de Maurice X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;

II. - Sur le pourvoi de la société Extraco Anstalt :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 mai 1857 par fausse application, de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1 et 5 du premier protocole additionnel à la Convention et de l'article 2 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Extraco Anstalt ;

" aux motifs que le Liechtenstein n'a bénéficié d'aucun décret sur le fondement de l'article 2 de la loi du 30 mai 1857, ni d'aucune convention diplomatique reconnaissant en France la personnalité juridique des sociétés de droit liechtensteinois ; que la société Extraco Anstalt n'a donc pas la personnalité juridique et ne peut ester en France ;

" alors, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles 1 et 5 du premier protocole additionnel à cette Convention, ratifiée par la France et d'une valeur supérieure à celle de la loi du 30 mai 1857, que toute personne morale même étrangère a le droit en France de réclamer devant le Tribunal compétent la réparation d'une atteinte portée à ses biens ; qu'une société étrangère est donc recevable à exercer l'action civile devant les juridictions répressives françaises, à raison de l'abus de confiance dont elle est la victime ;

" alors, d'autre part, que la loi peut être abrogée par une règle coutumière contraire ; qu'il est constant que l'ensemble des opérateurs économiques français, l'Etat et les personnes publiques françaises contractent avec des personnes morales étrangères et notamment du Liechtenstein, et leur reconnaissent en France la pleine capacité juridique ; que la cour d'appel ne pouvait donc faire application de la loi du 30 mai 1857 ainsi abrogée " ;

Vu lesdits articles, ensemble l'article 14 de la Convention européenne susvisée ;

Attendu que selon les dispositions combinées des articles 6.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel, toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un Tribunal indépendant et impartial ; que ces dispositions ont, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à la loi interne du 30 mai 1857 ;

Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que pour déclarer la société Extraco Anstalt, établissement de droit liechtensteinois, irrecevable en sa constitution de partie civile, la cour d'appel relève que la loi du 30 mai 1857, en son article 1er, confère aux sociétés de capitaux belges le droit d'ester en justice en France et, en son article 2, étend à tous autres pays le bénéfice de cette disposition en le subordonnant à la promulgation d'un décret ; que les juges constatent que si " la personnalité juridique " a été ainsi accordée à diverses sociétés originaires de pays bien déterminés, soit par décrets collectifs, soit par traités internationaux, la principauté du Liechtenstein n'est visée par aucun des décrets prévus à l'article 2 précité, ni par aucune convention diplomatique conclue à cet effet ; que dès lors, selon les juges, même si elle lui est acquise par sa loi nationale, la personnalité juridique n'est pas reconnue en France à la société de capitaux liechtensteinois Extraco Anstalt ; que celle-ci n'a donc pas la capacité d'ester en justice en France ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, et alors que toute personne morale étrangère, qui se prétend victime d'une infraction, est habilitée à se constituer partie civile, devant une juridiction française, dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;

Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du même moyen, ni les autres moyens proposés :

1° REJETTE le pourvoi de Maurice X... ;

2° CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 2 mars 1989 ;

Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.



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Cette décision est visée dans la définition :
Partie civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 12/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.