par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 18 février 1988, 85-42059
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre sociale
18 février 1988, 85-42.059

Cette décision est visée dans la définition :
Investiture




Sur les deux moyens réunis du pourvoi principal :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 1985), M. X..., engagé le 13 juin 1959 par l'Urbaine capitalisation, aux droits de laquelle se trouve l'Union des assurances de Paris (UAP), nommé en mai 1976 inspecteur du cadre à l'inspection départementale de Rouen, puis affecté en 1981 à l'inspection des Yvelines, a été licencié le 31 décembre 1981 au motif qu'il avait commis une faute lourde ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision des premiers juges en retenant qu'il avait commis une faute grave, et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande en paiement des indemnités de préavis et de licenciement, alors, selon le premier moyen, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 4 août 1981 que sont amnistiés les faits retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur dès lors que ces sanctions n'ont pas été exécutées avant la promulgation de la loi ; qu'en retenant que la mutation disciplinaire décidée par l'employeur le 15 juin 1981 et notifiée à M. X... le 17 juin serait devenue définitive du seul fait de cette notification, cependant qu'elle constate que cette mutation ne devait prendre effet qu'à compter du 21 septembre 1981, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, le texte précité, ainsi que l'article 2 du Code civil et alors, d'autre part, que la novation ne se présume pas et que l'acceptation, par le salarié, d'une modification substantielle de son contrat de travail ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque sa volonté de renoncer à son affectation antérieure qui constituait un élément essentiel du contrat ; qu'en se bornant à relever que M. X... avait signé l'annexe territoriale à sa lettre d'investiture comportant son changement d'affectation et qu'il avait rejoint cette nouvelle affectation, cependant que, dans ses conclusions, M. X... faisait valoir qu'il n'avait pris ses nouvelles fonctions à la fin du mois de septembre que sous la contrainte, qu'il s'était plaint à son employeur de la situation insupportable en résultant, de sorte que la rupture du contrat de travail dont il a pris l'initiative le 9 décembre 1981, était imputable à la modification du contrat unilatéralement décidée par l'employeur et non acceptée par le salarié ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1273 du Code civil ; alors, selon le second moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 39, alinéa 3, de la convention collective de travail des inspecteurs du cadre des sociétés d'assurances, lorsque l'employeur estime devoir prendre comme sanction une mesure de licenciement ou de révocation, il consulte, avant de prendre sa décision, le conseil de discipline si l'intéressé le demande ; que cette consultation devant nécessairement être antérieure à la décision, le salarié doit être invité, au plus tard lors de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, à indiquer s'il demande la consultation du conseil de discipline ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt que la compagnie a directement convoqué M. X... à l'entretien préalable à son licenciement et ne l'a invité à demander la consultation du conseil de discipline

qu'après cet entretien et après lui avoir confirmé son intention de le licencier, de sorte que les prescriptions résultant des dispositions combinées des articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du Code du travail et 39 de la convention collective des inspecteurs du cadre des sociétés d'assurances ont été méconnues et qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés, et alors, d'autre part, que ne constitue pas une faute grave privative de l'indemnité compensatrice de délai-congé et de l'indemnité conventionnelle de licenciement le fait, pour un salarié, qui a fait l'objet d'une modification de son contrat de travail réduisant sensiblement sa rémunération, d'engager des pourparlers en vue de la recherche d'un emploi et, après avoir reçu une convocation à l'entretien préalable à son licenciement, de conclure un contrat de mandat dans la perspective d'assurer sa subsistance après ce licenciement ; qu'en retenant la circonstance que M. X... aurait engagé des pourparlers avec les dirigeants du CEAC, alors qu'il était encore le salarié de l'UAP, et d'avoir signé un contrat de mandat avec cet organisme le 14 décembre 1981, quelques jours après avoir reçu sa lettre de convocation à l'entretien préalable à son licenciement, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que les faits retenus par l'employeur comme motifs du licenciement de M. X... étant postérieurs à la promulgation de la loi d'amnistie, il s'ensuit que le premier grief du pourvoi est inopérant ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a relevé que M. X... avait accepté sans réserve son affectation dans les Yvelines, signant à cet effet, le 17 juin 1981, une annexe à son contrat de travail, a retenu que la mesure de licenciement envisagée par l'employeur n'avait été prise qu'après que l'intéressé ait décliné la proposition de consultation du conseil de discipline formulée par l'UAP ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a constaté que M. X... avait tenté d'effectuer des placements en diamants auprès de clients de l'UAP et a pu en déduire que l'exercice d'une telle activité pour le compte d'un établissement de placements, incompatible avec l'appartenance du salarié à l'UAP, constituait une faute revêtant un caractère de gravité suffisant pour justifier un licenciement immédiat et priver l'intéressé du bénéfice des indemnités de rupture ; d'où il suit que les autres griefs du pourvoi principal ne sont pas fondés ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi principal ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article L. 223-11 du Code du travail ;

Attendu qu'ayant à se prononcer sur le droit de M. X... à un rappel d'indemnités de congés payés, la cour d'appel, après avoir énoncé que l'assiette annuelle de calcul de ces indemnités devait comprendre les commissions d'acquisition, les commissions trimestrielles d'encaissement, les commissions d'accroissement de portefeuille, les commissions d'encaissement personnel, les indemnités forfaitaires mensuelles, les primes d'ancienneté et le montant de l'indemnité de congés payés due pour l'année précédente, a étendu la mission de l'expert commis par les premiers juges, en infirmant leur décision de débouter M. X... de sa demande, aux fins de faire vérifier si les sommes perçues par le salarié au titre du crédit complémentaire de congés et de la prime de vacances, ainsi que, pour les mois non travaillés, de l'indemnité mensuelle forfaitaire et de la prime d'ancienneté, avaient été au moins égales à celles qui auraient résulté de l'application de l'article L. 223-11 du Code du travail ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'UAP soutenait sans être contredite que la qualité d'inspecteur du cadre de M. X... excluait toute production personnelle et que sa rémunération pendant les douze mois de l'année dépendait de l'activité de son réseau, ce dont il résultait que les sommes attribuées au salarié en fonction d'une production globale annuelle, c'est-à-dire périodes de travail et de congés payés confondues, ne devaient pas, à peine de double emploi, être incluses dans le calcul de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a étendu la mission de l'expert, l'arrêt rendu le 19 février 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles



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Investiture


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