par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 novembre 2017, 15-16265
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 novembre 2017, 15-16.265

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Compétence
Divorce / séparation de corps




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (Bruxelles II bis) ;

Attendu que, selon ce texte, un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat membre ou est ressortissant d'un Etat membre ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des articles 3 à 5 de ce règlement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité française, et M. Y..., de nationalité belge, se sont mariés en France le 2 septembre 1995 ; qu'après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, ils se sont installés en Inde avec ces derniers le 27 juillet 2012 ; qu'à l'occasion d'un séjour de la famille en France, l'épouse a, le 14 juin 2013, saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce ;

Attendu que, pour dire la juridiction française compétente, l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun des chefs de compétence énoncés aux articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis ne peut être retenu, relève que, dans cette hypothèse et en application de l'article 7, § 1, du même texte, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat ; qu'il retient que, si les critères édictés à l'article 1070 du code de procédure civile ne sont pas remplis, en l'absence de résidence habituelle des enfants en France, la compétence du juge français est fondée sur l'article 14 du code civil, qui dispose que l'étranger, même non résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour les obligations contractées en France avec un Français et celles contractées à l'étranger envers un Français ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. Y..., ressortissant belge, n'avait pas sa résidence habituelle en France, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la juridiction française n'était pas compétente, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la demande en divorce introduite par Isabelle X... épouse Y... et sur la responsabilité parentale, et d'AVOIR en conséquence constaté que les époux résidaient séparément, déclaré irrecevable la demande de partage de comptes formulée par Madame Y... dans le cadre des mesures provisoires, ordonné à Monsieur Y... la remise des carnets de santé des enfants à leur mère, dit que l'autorité parentale est exercée de plein droit en commun par les parents sur les trois enfants, fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère et dit que le père bénéficiera d'un droit de visite à la maison de la famille Z... le premier samedi de chaque mois, hors périodes de vacances scolaires, avec interdiction de sortie du territoire français,

AUX MOTIFS QUE « 1-Sur la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la demande en divorce introduite par Isabelle X... épouse Y...: Qu'il ressort des pièces du dossier: -qu' Emmanuel Y... est né le 15 mars 1966 à Pondichéry (Inde) , a été adopté par une famille belge en août 1968 et a acquis la nationalité belge -qu' Isabelle X... épouse Y... est née le 16 janvier 1969 à Pondichéry (Inde) , a été adoptée par une famille française qui demeure à Sully-sur-Loire en mars 1971 et a acquis la nationalité française -qu'ils ont contracté mariage le 2 septembre 1995 par devant l'officier d'État civil de Sully-sur-Loire sans contrat préalable -qu'ils ont fixé la résidence de la famille en Belgique et que trois enfants sont issus de cette union Aurélie née le 7 octobre 1999 à ETTERBEEK (Belgique), Florian né le 24 juillet 2001 à ETTERBEEK (Belgique) et Déborah née le 7 juillet 2004 à NAMUR (Belgique) ; qu'après avoir vendu leur domicile familial en Belgique le 24 juillet 2012 , le couple et les enfants sont partis vivre en Inde à Auroville à partir du 27 juillet 2012, les enfants y commençant leur année scolaire début août 2012 ; que la famille a décidé de venir passer des vacances en Europe pendant les vacances scolaires des enfants en partant d' Inde le 3 mai 2013 et en devant repartir de Bruxelles pour 1' Inde le 11 juin 2013; qu' Isabelle X... épouse Y... a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montargis le 14 juin 2013 ; - qu'après audition des enfants le 1er juillet 2013 et comparution des parties à l'audience du 3 juillet 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montargis a rendu l'ordonnance entreprise ;

Qu'Emmanuel Y... indique que le règlement relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (Bruxelles II bis) prévoit en son article 3 que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l'État membre : a) sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux leur dernière résidence habituelle dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, la résidence habituelle du défendeur ou la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande s' il est ressortissant de l'État membre en question ; b) de la nationalité des deux époux ; qu'aucune de ces conditions n'étant réunie en l'espèce, c'est 1'article 6 de ce règlement qui précise qu'un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat membre ou est ressortissant d'un Etat membre ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre Etat membre qu' en vertu des articles 3 , 4 (concerne la demande reconventionnelle) et 5 (concerne la conversion de la séparation de corps en divorce) qui s'applique ; qu'étant ressortissant d'un Etat membre , la Belgique, il ne pouvait être attrait devant la juridiction d'un autre Etat membre, la France, alors que les conditions des articles 3 , 4 et 5 n'étaient pas réunies ; que c'est par erreur que le premier juge a appliqué l'article 7 de la convention qui ne concerne pas les nationaux d'un pays de l'Union Européenne pour lesquels s'applique exclusivement l'article 6 ; qu'ainsi Isabelle X... épouse Y... doit assigner en divorce en Inde, juridiction du domicile du couple et du défendeur ; Mais, que si Emmanuel Y... est ressortissant d'un Etat membre, la Belgique, il n'en reste pas moins que les articles 6 et 3 du règlement Bruxelles II bis ne permettent pas de retenir la compétence des juridictions indiennes puisqu'ils déterminent quelles sont les juridictions des Etats membres qui sont compétentes et seulement elles ; qu'en l'espèce les critères de l'article 3 du règlement ne trouvent pas à s'appliquer qu'il s'agisse de la résidence habituelle des époux, de celle du défendeur ou de celle de la demanderesse ; Qu'ainsi c'est l'article 7 de ce règlement « compétences résiduelles » qui indique que « lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5 , la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat » qui s'applique ; Que le premier juge a en conséquence examine les règles de compétence déterminées par l'article 1070 du code de procédure civile qui dispose que le juge aux affaires familiales territorialement compétent est, si les parents vivent séparément le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité, dans les autres cas le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure ; qu'il a retenu que les enfants mineurs résidaient avec la demanderesse , dont la résidence se trouvait en France au jour de la requête a Sully-sur-Loire dans le ressort du tribunal de grande instance de Montargis ;

Mais qu'il ressort des pièces du dossier que des billets d'avion aller et retour avaient été achetés pour permettre à la famille de repartir a Auroville ( Inde ) et que la présence en France des enfants à l'occasion de vacances ne constitue pas une résidence habituelle ; que la compétence du juge français ne peut pas titre retenue sur le fondement de ces dispositions mais qu' elle peut l'être en application de l'article 14 du Code civil qui dispose que l'étranger , même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; qu' il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations contractées en pays étranger envers des Français ; Qu'ainsi Isabelle X... épouse Y... a valablement saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montargis de sa demande en divorce en application de l'article 14 du Code civil puisqu'elle est française , que le mariage des époux a été célébré en France, que l'essentiel de ses attaches familiales est en France et que ce choix n'a aucun caractère frauduleux dès lors que l'installation de la famille en Inde a duré moins d'une année et que le bien-être des enfants a nécessité leur retour en France ; Que l'ordonnance de non-conciliation entreprise sera confirmée en ce que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montargis s'est déclaré compétent pour statuer sur la requête en divorce d'Isabelle X... épouse Y... par substitution de motifs ; 2-Sur la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la responsabilité parentale : Que l'article 14 du règlement Bruxelles II bis dispose que lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 8 à 13, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat ; Qu'il convient en conséquence d'appliquer , a défaut de l'article 1070 du code de procédure civile, les dispositions de l'article 14 du Code civil et de dire que le juge français est compétent pour statuer sur les demandes relatives à la responsabilité parentale, les deux parents exerçant conjointement l'autorité parentale sur les enfants nés de leur mariage contracté en France » (arrêt, p. 3 à 5),

1°) ALORS QU'un époux qui est ressortissant d'un état membre ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre état membre qu'en vertu des articles 3, 4 et 5 du règlement CE du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) ;

Que Madame Isabelle X... a déposé une requête en divorce devant les juridictions françaises ; que la cour d'appel a elle-même constaté que son époux, Monsieur Emmanuel Y..., est de nationalité belge et que les critères de compétence prévus par les articles 3, 4 et 5 du règlement Bruxelles II bis ne sont pas remplis en l'espèce ; qu'il s'en évinçait que Monsieur Y... ne pouvait pas être attrait devant les juridictions françaises ;

Qu'en décidant cependant de retenir la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article 6 du règlement CE du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) ensemble l'article 14 du code civil, par fausse application ;

2°) ALORS QUE tout ressortissant d'un Etat membre qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un autre Etat membre peut, comme les nationaux de cet Etat, y invoquer les règles de compétence applicables dans cet Etat contre un défendeur qui n'a pas sa résidence habituelle dans un Etat membre et qui n'a pas la nationalité d'un Etat membre ;

Que Monsieur Y... faisait valoir que l'article 7 du règlement CE du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) concernant les compétences résiduelles ne pouvait pas recevoir application au cas d'espèce, son second alinéa prenant le soin de préciser qu'il n'a vocation à s'appliquer qu'à l'égard d'un défendeur « qui n'a pas la nationalité d'un Etat membre », reprenant à cet égard les principes posés par l'article 6 dudit règlement ;

Qu'en décidant cependant d'en faire application pour reconnaitre la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 du règlement CE du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) ensemble l'article 14 du code civil, par fausse application ;

3°) ALORS QUE l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français, sauf fraude ;

Que Monsieur Y... faisait valoir l'existence d'un non-retour illicite des enfants en Inde à l'issue de leurs vacances en France, la mère ayant « décidé unilatéralement de les faire rester en France, sans l'accord du père et alors même que la résidence de la famille était en Inde » (conclusions d'appel, p. 13) ; que la cour d'appel a elle-même constaté « qu'il ressort des pièces du dossier que des billets d'avion aller et retour avaient été achetés pour permettre à la famille de repartir à Auroville (Inde) et que la présence en France des enfants à l'occasion des vacances ne constitue pas une résidence habituelle » (arrêt, p. 4) ;

Qu'en décidant cependant de retenir la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la responsabilité parentale, sans s'expliquer préalablement sur le non-retour illicite des enfants en Inde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à Monsieur Y... la remise des carnets de santé des enfants à leur mère, d'AVOIR fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère et d'AVOIR dit que le père bénéficiera d'un droit de visite à la maison de la famille Z... le premier samedi de chaque mois, hors périodes de vacances scolaires, avec interdiction de sortie du territoire français,

AUX MOTIFS QUE « l'appelant demande à la cour de débouter Isabelle X... épouse Y... de toutes ses demandes sur le fond et ne formule aucune demande de modification des mesures provisoires prises par le magistrat conciliateur ; Qu'il doit être souligné qu'Emmanuel Y... a comparu devant le magistrat conciliateur le 3 juillet 2013 assisté de son conseil et avait à l'époque sollicité l'exercice conjoint de l'autorité parentale, la fixation de la résidence des enfants à son domicile, l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement au profit de la mère et à titre subsidiaire avait demandé que la résidence des enfants soit fixée en alternance chez chacun des parents ; Qu'Isabelle X... épouse Y... sollicite la confirmation de l'ordonnance de non-conciliation en toutes ses dispositions ; Qu'il apparait que les trois enfants ont été entendus le 1er juillet 2013 assistés de leur conseil ; que Coralie, âgée de 13 ans, a indiqué qu' elle avait toujours vécu en Belgique et que son père a voulu les emmener vivre en Inde en leur imposant le mode de vie indien; que son frère , sa soeur , sa mère et elle ne s'y sont pas plu, ont voulu retourner en France et ne pas repartir en Inde, ce que leur père n'a pas admis ; que l'audition de Florian, âgé de 11 ans et demi, confirme que les enfants ont dit à leur père qu' ils ne souhaitaient pas retourner en Inde mais que ce dernier se fâchait et parfois les tapait ; qu'il ne veut plus retourner en Inde ni rester seul avec son père ; que Déborah , presque âgée de 9 ans lors de l'audition , a indiqué que sa mère a essayé de faire comprendre à leur père que les enfants voulaient rester en France mais qu'il ne voulait pas l'entendre ; qu'elle n'apprenait rien à l'école tamoule ; Qu'il apparaît que c'est dans ces conditions qu' Emmanuel Y... a essayé au début du mois de juin 2013 de faire refaire les passeports des enfants en Belgique puisqu'ils sont franco-belges pour les faire repartir avec lui en Inde malgré leur opposition et celle d' Isabelle X... épouse Y... et que leur mère est venue les rechercher en Belgique avec l'aide des services de police locaux ; que les enfants ont été particulièrement traumatisés par cet épisode ; Que c'est à juste titre que le premier juge a fixé la résidence habituelle des enfants chez leur mère, après avoir souligné qu'ils expriment sans ambiguïté leur souhait de résider en France et ne pas retourner en Inde compte tenu des difficultés qu'ils ont eues à vivre dans ce pays, du rejet du mode de vie communautaire d'Auroville et de leur refus d'être scolarisés dans une école tamoule ; que les pièces du dossier démontrent la rigidité d'Emmanuel Y... qui a voulu imposer son projet de vie en Inde à toute sa famille et ne l'a pas remis en question, dans l'intérêt des enfants, quand tous les membres de la famille sauf lui ont voulu revenir vivre en France ; Que l'intérêt des enfants est de retrouver leur équilibre, qu'ils avaient perdu en raison du déracinement dont ils ont fait l' objet en allant habiter en Inde entre le 27 juillet 2012 et le 3 mai 2013 ; qu'il apparaît que depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise, Isabelle X... épouse Y... a trouvé un logement et obtenu le RSA en attendant de trouver un emploi ; que les aînés scolarisés au collège en 4è et 6è ont d'excellents résultats scolaires et que Déborah travaille bien ; qu'ils sont parfaitement intégrés dans leur environnement social, familial et amical ; que l'opposition et le ressenti exprimés par les enfants à l'égard de leur père ne démontrent pas l'existence d'un syndrome d'aliénation parentale, mais leur besoin de protection contre la volonté de leur père de leur faire rejoindre l'Inde coûte que coûte; Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance de non-conciliation s'agissant de l'exercice en commun de l'autorité parentale sur les enfants et de la fixation de leur résidence chez leur mère; Qu'il convient également de confirmer l'organisation des relations entre le père et les enfants à l'espace de rencontre de l'association Maison de la famille à Montargis ; qu'en application de l'article 1180-5 du code de procédure civile , il sera ajouté que la durée des rencontres sera de 2 heures et que cette mesure est fixée pour une durée d'un an à compter du prononcé du présent arrêt ; Que l'ordonnance de non-conciliation sera confirmée et que la durée du droit de visite dans l'espace de rencontre et la durée des rencontres y seront ajoutées » (arrêt, p. 5 et 6),

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les mesures concernant les enfants : Sur l'exercice de l'autorité parentale : En vertu des dispositions des articles 371-1 et 371-2 du code civil, il y a lieu de constater que l'autorité parentale est exercée en commun par les père et mère. Sur l'audition des enfants mineurs : Il résulte de l'article 388-1 du Code civil que dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge, ou lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Les enfants mineurs ont demandé à être entendus par le juge. Leur audition a été réalisée par le juge le 1er juillet 2013. Aurélie, âgée de 13 ans, exprime sa peur de revoir son père. Elle expose qu'après avoir toujours vécu en Belgique, la famille est allée vivre en Inde l'année dernière, que ni sa mère ni ses frère et soeur ne souhaitaient y rester, mais que son père ne voulait pas l'entendre et se fâchait. Elle explique que de retour en France en juin dernier, son père les a emmenés de force, elle et ses frère et soeur, en Belgique, sans les prévenir pour faire refaire leurs passeports et les ramener en Inde, leur mère ayant conservé leurs passeports français. Selon ses déclarations, pendant quatre jours, leur père les a fait changer d'hôtels tous les jours, leur interdisant de marcher à plus de trois mètres de lui et de parler au téléphone à leur mère. Florian, âgé de 12 ans en juillet, explique que le séjour en Inde ne s'est pas bien passé, qu'ils étaient inscrits dans une école tamoule dans laquelle ils n'apprenaient rien et non au lycée français comme prévu et qu'ils devaient manger végétarien. Il dit ne plus vouloir retourner en Inde, ni rester seul avec son père, ajoutant que lors de leur retour en France, celui-ci « se fâchait et parfois nous tapait » lorsqu'ils disaient ne pas vouloir retourner en Inde. Deborah, âgée de 9 ans en juillet, dit souhaiter rester en France avec sa mère et ses frère et soeur et ne plus vouloir revoir son père. Sur la résidence habituelle des enfants et les modalités d'accueil par l'autre parent : En application de l'article 373-2-9 du code civil, la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents on an domicile de l'un d'eux. Aux termes de l'article 373-2-13 du code civil, lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération : 1°la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, 2°les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1, 3°1'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, 4°le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant, 5° les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 373-2-12, 373-2-6, 6° les pressions ou violences, a caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre. Il convient de constater que la mère et les trois enfants expriment sans ambiguïté leur souhait de résider en France et de ne pas retourner en Inde. Quelles soient les circonstances de leur départ en Inde, ils exposent aujourd'hui leurs difficultés à vivre dans ce pays, le rejet du mode de vie communautaire d'Auroville et le refus pour les enfants d'être scolarisés dans une école tamoule où « ils n'apprenaient rien ». Monsieur Y... affirme de son cote que les enfants sont manipulés par leur mère sans le démontrer. Aucun élément ne permet d'accréditer cette hypothèse. II apparait par ailleurs que les trois enfants ont été très choqués des circonstances de leur expédition en Belgique au mois de juin dernier, exposant qu'ils étaient tous les 5 en voiture, dans le Loiret, leur père, au volant, décidant soudainement, après avoir expulsé leur mère du véhicule, de changer de direction pour se rendre à Bruxelles afin de faire refaire leurs passeports belges pour repartir en Inde. Diverses attestations témoignent de leur inquiétude durant ces journées de juin, la personne accompagnant Madame X... lorsqu'elle récupérait ses enfants le 9 juin témoignant du fait que « les enfants tremblaient, les lames aux yeux quand elles les récupéraient ajoutant que, face à la véhémence de Monsieur Y..., seule l'intervention de la police belge permettait à la mère et ses enfants de repartir. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et notamment le refus clairement exprime par la mère et ses trois enfants de retourner vivre en Inde, des circonstances de l'expédition en Belgique organisée par le père, au mépris des droits de la mère, du traumatisme des enfants qui en a découlé, il sera décidé de fixer, au titre des mesures provisoires, la résidence des trois enfants au domicile de la mère. Le père n'ayant pas encore fixe son lieu de résidence, les enfants refusant de le revoir et d'être seuls avec lui, le risque d'enlèvement d'enfants ne pouvant être écarté, compte tenu des évènements de juin, il sera décidé que Monsieur Y... bénéficiera d'un droit de visite une fois par mois, à la Maison de la Famille Z..., et ce dans les termes du dispositif. II bénéficiera également, en vue de maintenir et restaurer le lien avec ses enfants, d'un droit de correspondance une fois par semaine (mails ou appel téléphoniques). Sur la demande relative à l'interdiction de sortie du territoire français : Il résulte de l'article 373-2-6 du Code civil que le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. Il peut notamment ordonner l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l'autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. En l'espèce, Madame X... fait état du refus de son époux de divorcer et de sa volonté de retourner vivre en Inde. Il convient de constater que les trois enfants ont été soudainement emmenés en Belgique en juin 2013 par Monsieur Y..., celui-ci décidant, alors qu'ils partaient tous les cinq pour Paris, de modifier leur projet, les emmenant, sans les prévenir, en Belgique après avoir brutalement obligé leur mère à quitter la voiture. Il ressort de l'audition des trois mineurs qu'ils ont été traumatisés par les circonstances de ce voyage en Belgique et demeurent très inquiets, leur père ayant clairement exprimé son projet de repartir en Inde avec eux sans leur mère. Au regard des éléments versés an dossier et des débats, et notamment du désaccord entre le père qui souhaitait demeurer en Inde et son épouse et les trois enfants qui refusaient d'y retourner, les circonstances du départ en Belgique et la tentative avortée de retour en Inde de Monsieur Y... en juin dernier, il existe un risque important un risque de voir partir les trois enfant a l'étranger et plus particulièrement en Inde, à l'initiative de Monsieur Y... au mépris des droits de la mère. En conséquence, il sera fait droit à la demande de Madame X... et prononcé une interdiction de sortie du territoire français sans l'accord des deux parents » (ordonnance de non-conciliation, p. 5 à 7),

1°) ALORS QUE la résidence de l'enfant ne peut être modifiée unilatéralement par la mère avant qu'il ne soit statué au fond et dans ce cas, l'intérêt de l'enfant est de regagner l'Etat de sa résidence habituelle ;

Qu'il est constant que la résidence habituelle de la famille Y... se situait en Inde, et qu'à l'occasion de vacances en Europe, Madame Y... a entendu modifier unilatéralement la résidence des enfants ; que Monsieur Y... soulignait ainsi l'enlèvement des enfants par Madame X... sur le territoire belge, dès le 9 juin 2013, pour les emmener de force et contre l'avis du père sur le territoire français, avant toute décision sur le fond, l'audience devant le juge aux affaires familiales n'ayant eu lieu que le 3 juillet 2013 (cf. conclusions d'appel de Monsieur Y..., p. 13, 18 et 19) ;

Qu'en décidant cependant de fixer la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère, sans s'expliquer préalablement sur le « coup de force » de cette dernière et la grave atteinte à la coparentalité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-11 du code civil, ensemble l'article 11 de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant ;

2°) ALORS QUE la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale et chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ;

Que Monsieur Y... soulignait encore que Madame X..., épouse Y... faisait tout pour couper les liens entre les enfants et leur père, au mépris du principe de la coparentalité ; qu'elle avait ainsi empêché Monsieur Y... de rencontrer ses enfants depuis leur enlèvement du 9 juin 2013 et ne respectait même pas les termes de l'ordonnance de non conciliation qui lui imposaient d'associer le père aux décisions essentielles à la vie des enfants ou d'assurer un minimum de liens entre le père et ses enfants, en faisant ainsi obstacle à l'exercice du droit de visite mensuel, en interrompant les conversations téléphoniques entre Monsieur Y... et ses enfants et en s'abstenant de consulter et d'informer le père sur les décisions essentielles concernant les enfants et leur scolarité (cf. conclusions d'appel de Monsieur Y..., p. 20) ;

Qu'en ne s'expliquant pas, de plus fort, sur les multiples atteintes à la coparentalité avant de fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-11 du code civil ;

3°) ALORS QUE tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent ;

Que l'ordonnance de non-conciliation prévoyait expressément que Madame X... devait « communiquer en toutes circonstances l'adresse du lieu où se trouve l'enfant » ; que Madame Y... indique, dans ses conclusions d'appel, qu'elle a « trouvé un logement autonome offrant le confort matériel nécessaire aux enfants et à proximité de leur grand-mère dont ils sont proches » (conclusions d'appel de Madame X..., p. 6) ; que Monsieur Y... a cependant relevé à cet égard que Madame X... « n'a jamais communiqué sa nouvelle adresse (celle des enfants) au père » (conclusions d'appel de Monsieur Y..., p.20) ; qu'il s'en évince que Madame X... a violé les obligations mises à sa charge dans le cadre de l'ordonnance de non conciliation et a porté atteinte, de plus fort, à la coparentalité ;


Qu'en décidant cependant de fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2 et 373-2-11 du code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Compétence
Divorce / séparation de corps


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.