par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 21 septembre 2017, 16-24022
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
21 septembre 2017, 16-24.022

Cette décision est visée dans la définition :
Conclusions




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que le syndicat autonome Tout RATP (SAT RATP) a fait assigner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) devant un tribunal de grande instance pour faire juger que l'instruction générale RATP n° 405, les notes du département de gestion et innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005 et l'instruction générale n° 506 étaient inopposables aux salariés, car discriminatoires et contraires à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et que, cette directive étant applicable à l'ensemble des agents de la RATP, cette dernière devait régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant, sur les comptes « temps de congés », les jours de congés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la RATP fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du caractère imprécis des demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en retenant que « la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale », cependant que la RATP s'est au contraire prévalue sous près de trois pages de ses conclusions d'appel (conclusions pp. 20 à 22) de l'irrecevabilité pour la période antérieure au 23 janvier 2008 des demandes du syndicat SAT RATP tendant à l'attribution aux agents concernés de congés payés qui leur auraient été écrêtés en application des règles relatives à la prescription quinquennale prévues par les articles L. 3245-1 et D. 3141-7 du code du travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la RATP et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond doivent motiver leur décision en fait et en droit sans pouvoir se contenter de statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la RATP avait abandonné les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents à raison de son caractère général et imprécis ; qu'en statuant ainsi sans aucune explication, ni aucun motif, bien que les fins de non-recevoir susvisées soient expressément mentionnées dans les conclusions de la RATP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'article 954 du code de procédure civile dispose que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif dans les conclusions et que la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la RATP avait abandonné les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents en raison de son caractère général et imprécis ; que si la cour d'appel a ainsi statué en considérant que ces fins de non-recevoir avaient été abandonnées par la RATP faute d'avoir été reprises dans le dispositif de ses conclusions, bien que seules les demandes puissent être considérées comme abandonnées si elles n'ont pas été reprises dans le dispositif des conclusions, elle a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en retenant que « la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale », cependant que la demande contenue dans le dispositif de ses conclusions tendant à ce que soit « rejeté[e] la demande de régularisation de la situation des agents corrélatives » (conclusions p. 36 § 1) incluait nécessairement le moyen tiré de la prescription au 23 janvier 2008 des demandes du syndicat SAT RATP de régularisation de la situation des agents, la cour d'appel a derechef violé l'article 954 du code de procédure civile ;

5°/ qu'un formalisme excessif porte atteinte au droit d'accès au juge du justiciable et aux droits de la défense et viole les règles du procès équitable ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a ainsi statué en considérant que les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents en raison de son caractère général et imprécis avaient été abandonnées par la RATP faute d'avoir été reprises dans le dispositif de ses conclusions, bien que l'objectif de ce texte soit uniquement la clarté des écritures et l'accélération du processus de jugement auquel la rédaction du dispositif de l'exposante n'avait porté aucune atteinte, elle a imposé un formalisme inutile et disproportionné au but poursuivi et a violé l'article 6§1 de la Convention ESDH ;

Mais attendu que selon l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée ; que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Et attendu qu'ayant fait ressortir, sans dénaturation, que les fins de non-recevoir tirée de la prescription et du caractère général et imprécis de la demande de régularisation de la situation des agents à raison de son caractère général et imprécis, ne figuraient pas dans le dispositif des conclusions de la RATP, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur ces prétentions, a, sans méconnaître l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait l'exacte application de l'article 954 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la RATP fait grief à l'arrêt de déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71, alinéa 3, du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de condamner la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles et d'AVOIR et de la condamner à payer au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt, sur le fondement du deuxième moyen de cassation, condamnant la RATP à régulariser depuis le 2 août 2004 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte « temps de congés » les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué dans le présent moyen ;

2°/ que l'article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines ; que s'agissant de la période de report de ces congés payés, la CJUE pose le principe, dans un arrêt du 22 novembre 2011 « KHS AG/Winfried Schulte » (CJUE, Grande chambre, 22 novembre 2011, Aff. C-214/10, KHS AG c. Winfried Schulte, Cons. 28-35), selon lequel « toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée » et retient la validité d'une période de report de quinze mois lorsque la période de référence pour l'acquisition des droits à congés payés est d'une année ; que la cour d'appel a retenu que la durée de report des congés payés pendant un an instituée au sein de la RATP était insuffisante au regard de la directive 2003/88/CE et a condamné la RATP à régulariser la situation des salariés depuis le 4 novembre 2003 sans prévoir aucune limite de report ; qu'en statuant ainsi cependant qu'au regard du droit européen en présence d'une période d'acquisition des droits à congés payés d'une année une période de report de 15 mois doit à tout le moins être appliquée, la cour d'appel a violé l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

3°/ qu'au regard de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, Grande chambre, 22 novembre 2011, Aff. C-214/10, KHS AG c. Winfried Schulte, Cons. 28-35), le report des droits à congés payés acquis ne peut être illimité dans le temps mais doit correspondre à une durée « raisonnable » dépassant substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle les congés sont accordés ; qu'en se bornant à retenir que la durée de report d'un an des congés payés instituée au sein de la RATP était insuffisante au regard de la directive du 4 novembre 2003, sans fixer de limite au report dans le temps des droits à congés payés, la cour d'appel a violé l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

4°/ que l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 ne garantit que quatre semaines de congé payé annuel ; que si un travailleur a droit au report des congés qu'il n'a pas pu prendre, pour cause de maladie, pour une durée minimale de quatre semaines, une réglementation nationale peut exclure ce droit pour les droits à congés payés supplémentaires ; que la régularisation prononcée au profit des salariés de la RATP ne pouvait dès lors s'appliquer qu'à hauteur de quatre semaines ; qu'en condamnant la RATP à régulariser depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés, sans limiter le droit à report de congés payés non pris aux quatre semaines annuelles prévues par la directive européenne, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-3 du code du travail et les articles 1 et 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

5°/ qu'en condamnant la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles sur le fondement de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 cependant que cette directive n'est entrée en vigueur que le 2 août 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-3 du code du travail et les articles 1 et 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, ensemble l'article 28 de la directive précitée ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du deuxième moyen prive de portée le moyen pris en sa première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, ensuite, que si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation ; qu'après avoir retenu que les articles 58 et 71, alinéa 3, du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent étaient contraires aux dispositions claires et inconditionnelles de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, la cour d'appel, qui a ordonné à l'employeur de régulariser la situation de l'ensemble des salariés concernés a, sans méconnaître son office, fait l'exacte application de la loi ;

Attendu, encore, qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, enfin, que l'article 7 de la directive 2003/88/CE ayant repris à l'identique les termes de l'article 7 de la directive 93/104/CE, dont le délai de transposition expirait le 23 novembre 1996, la cour d'appel a décidé à bon droit que la situation des salariés concernés devait être régularisée à compter du 4 novembre 2003 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la RATP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la RATP à payer au syndicat SAT RATP la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Frouin, président, et M. Huglo, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé partiellement le jugement déféré, d'AVOIR rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription sur le fondement de l'article L. 3245-1 du Code du travail et du caractère imprécis des demandes et déclaré le SAT RATP recevable en ses demandes, d'AVOIR déclaré les articles 3.1, 58, 59 et 71, al. 2 et 3, de l'instruction du 26 janvier 2005 inopposables aux agents de la RATP, d'AVOIR condamné la RATP à régulariser depuis le 4 novembre 2003 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtées à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles et d'AVOIR condamné la RATP à régulariser depuis le 2 août 2004 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte "temps de congés" les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié ;

AUX MOTIFS QUE « la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du Code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale ; qu'elle ne soutient également plus que la demande de régularisation de la situation des agents concernés par les dispositions dont l'inopposabilité est sollicitée par le syndicat SAT RATP serait irrecevable en raison de son caractère général et imprécis ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ces deux points » ;

ALORS, D'UNE PART, QU‘en retenant que « la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du Code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale », cependant que la RATP s'est au contraire prévalue sous près de trois pages de ses conclusions d'appel (conclusions pp. 20 à 22) de l'irrecevabilité pour la période antérieure au 23 janvier 2008 des demandes du syndicat SAT RATP tendant à l'attribution aux agents concernés de congés payés qui leur auraient été écrêtés en application des règles relatives à la prescription quinquennale prévues par les articles L. 3245-1 et D 3141-7 du code du travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la RATP et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond doivent motiver leur décision en fait et en droit sans pouvoir se contenter de statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la RATP avait abandonné les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents à raison de son caractère général et imprécis ; qu'en statuant ainsi sans aucune explication, ni aucun motif, bien que les fins de non-recevoir susvisées soient expressément mentionnées dans les conclusions de la RATP, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'article 954 du Code de procédure civile dispose que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif dans les conclusions et que la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la RATP avait abandonné les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents en raison de son caractère général et imprécis ; que si la cour d'appel a ainsi statué en considérant que ces fins de non-recevoir avaient été abandonnées par la RATP faute d'avoir été reprises dans le dispositif de ses conclusions, bien que seules les demandes puissent être considérées comme abandonnées si elles n'ont pas été reprises dans le dispositif des conclusions, elle a violé l'article 954 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en retenant que « la RATP ne soutient plus que la demande du syndicat SAT RATP relative à la période antérieure au 23 janvier 2008 serait irrecevable en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du Code du travail en raison de l'acquisition de la prescription quinquennale », cependant que la demande contenue dans le dispositif de ses conclusions tendant à ce que soit « rejeté[e] la demande de régularisation de la situation des agents corrélatives » (conclusions p. 36 § 1) incluait nécessairement le moyen tiré de la prescription au 23 janvier 2008 des demandes du syndicat SAT RATP de régularisation de la situation des agents, la cour d'appel a derechef violé l'article 954 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU'un formalisme excessif porte atteinte au droit d'accès au juge du justiciable et aux droits de la défense et viole les règles du procès équitable ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a ainsi statué en considérant que les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale et de l'irrecevabilité de la demande de régularisation de la situation des agents en raison de son caractère général et imprécis avaient été abandonnées par la RATP faute d'avoir été reprises dans le dispositif de ses conclusions, bien que l'objectif de ce texte soit uniquement la clarté des écritures et l'accélération du processus de jugement auquel la rédaction du dispositif de l'exposante n'avait porté aucune atteinte, elle a imposé un formalisme inutile et disproportionné au but poursuivi et a violé l'article 6§1 de la Convention ESDH.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATON (EVENTUEL)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé partiellement le jugement déféré, d'AVOIR déclaré l'article 3.1 de l'instruction générale n° 506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé "droits à congés en cas d'arrêt de travail", l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut personnel des agents de la RATP inopposables aux agents de la RATP en ce qu'ils concernent l'acquisition des congés payés pendant les périodes de congés maladie en contrariété avec l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, d'AVOIR en conséquence condamné la RATP à régulariser depuis le 2 août 2004 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte "temps de congés" les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié en application de ces articles, et d'AVOIR condamné la RATP à payer au syndicat Autonome TOUT RATP la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; Considérant que le syndicat SAT RATP soutient que les instructions générales de la RATP nº 405 et nº 506, ainsi que les notes du département de Gestion et Innovation sociales de la RATP du 20 décembre 2000 et du 20 juin 2005 sont contraires à certaines dispositions de la directive'2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; Que la RATP répond qu'elle doit être considérée comme «'un particulier'» auquel la directive litigieuse ne peut être imposée, faute d'avoir été transposée en droit français'; Considérant que la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne (notamment l'arrêt du 19 janvier 1982, Beckcr/Hauptzollamt Münster-Innenstadt) admet que « lorsque les autorités communautaires ont, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir en justice et les juridictions nationales de le prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire'», qu' «'en conséquence, l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte'» et, qu'en conséquence, «'dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État'»'; Que la Cour de Justice de l'Union Européenne a également jugé que, lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre de l'État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique'(arrêt du 26 février 1986 Marshall) ; Que sur la base de ces considérations, la Cour de Justice de l'Union Européenne a ainsi jugé que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes et d'entités, quelle que soit leur forme juridique, lorsque ceux-ci sont chargés en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, d'un service d'intérêt public et disposent, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêt du 12 juillet 1990 Foster contre British Gas plc.) »; Considérant, par ailleurs, que la directive invoquée prévoit qu'elle «'s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19'» ; Considérant que la RATP est un établissement public industriel et commercial qui tire de la loi sa mission d'assurer un service public de transport en commun de voyageurs sous le contrôle de l'État ; Que la Cour de cassation a déjà, dans un arrêt du 17 février 2010, admis que les dispositions de l'article 17 de la directive du 4 novembre 2003 «'peuvent être invoquées directement à l'encontre de la RATP en ce qu'elle est chargée en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service public et dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers » ; Qu'il importe peu : - que l'Etat n'exerce pas de pouvoirs directs sur la RATP, étant observé qu'elle dépend du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), qui est un établissement public administratif dont les membres sont la Région Île-de-France et les départements de la région, - qu'elle intervienne dans un secteur en voie d'ouverture à une concurrence régulée et risque de se retrouver, du fait de l'«'invocabilité'» de la directive, dans une position concurrentielle artificiellement défavorable contraire aux objectifs d'ouverture du marché, - que certains de ses agents relèvent du droit privé, alors qu'ils participent à une mission de service public de transport ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat SAT RATP peut invoquer les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, notamment : - l'article 7 qui prévoit : « Congé annuel 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail », - l'article 15 qui prévoit : « Dispositions plus favorables La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs » ; Sur les articles 59 et 71 alinéa 2 du statut du personnel et l'article 3.1 de l'instruction générale nº 506 du 26 janvier 2005 Considérant que le statut du personnel prévoit : - en son article 59 : «'n'a droit qu'à un congé proportionnel, dont la durée est fixée au prorata du temps de service effectué dans l'année en cours, l'agent [...] totalisant plus de trois mois de congé de maladie en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale », - en son article 71, alinéa 2': «'lorsque leur durée [des congés de maladie dans les conditions prévues au titre VI] excède trois mois en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale, l'agent n'a droit qu'à un congé annuel proportionnel » ;Que, par ailleurs, l'instruction générale nº506 du 26 janvier 2005 mentionne, en son article 3.1, dans le paragraphe intitulé « droits à congés en cas d'arrêt de travail » : « les agents du cadre permanent de la RATP, victimes d'un accident du travail (y compris un accident de trajet) reconnu, conservent l'intégralité de leurs droits à congés annuels pendant toute la période d'indisponibilité - à concurrence d'une année - consécutive à leur blessure ou à une rechute dûment reconnue » ; Considérant que le code du travail dispose, en matière de congés payés : - en son article L.3141-5 que : « Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé [...] : 5º Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle » ; - en son article L.3141-6 que : « L'absence du salarié ne peut avoir pour effet d'entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence ». Que ces dispositions excluent donc l'assimilation à un temps de travail effectif pour les périodes d'absence pour maladie non professionnelle et limite à un an celles relatives à les périodes d'absence pour accident du travail ou maladie professionnelle ; Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-282/10 du 24 janvier 2012 Maribel Dominguez / Centre informatique du Centre Ouest Atlantique) a cependant dit pour droit que : - le droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe de droit social de l'Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales ne peut être effectuée que dans les limites expressément fixées par la directive, - la directive instaure une obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins «quatre semaines'» conformément aux législations nationales, - ce droit ne peut être affecté lorsque le travailleur est en congé maladie dûment justifié que ce soit à la suite d'une maladie ou d'un accident survenu sur le lieu de travail, ou ailleurs, ou à la suite d'une maladie de quelque nature ou origine qu'elle soit ; Qu'en conséquence, tout salarié doit bénéficier, même lorsqu'il a été absent pour raison de santé, à un minimum de quatre semaines de congés payés annuels ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions suivantes apparaissent en contradiction avec les dispositions de l'article 7 précité de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : - l'article 3.1 de l'instruction générale nº506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail », - l'article 59 du statut du personnel en ce qu'il prévoit que «'n'a droit qu'à un congé proportionnel, dont la durée est fixée au prorata du temps de service effectué dans l'année en cours, l'agent [...] totalisant plus de trois mois de congé de maladie en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale », - l'article 71, alinéa 2'du statut du personnel en ce qu'il prévoit que «'lorsque leur durée [des congés de maladie dans les conditions prévues au titre VI] excède trois mois en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale, l'agent n'a droit qu'à un congé annuel proportionnel» ; Que, dès lors, le syndicat SAT RATP est bien fondé à demander à ce que la situation des agents concernés soit régularisée en leur attribuant sur leur compte « temps de congés » les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié depuis le 2 août 2004, date d'entrée en vigueur de la directive'(article 28) ; Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut du personnel ainsi que l'article 3.1 de l'instruction générale nº506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé «'droits à congés en cas d'arrêt de travail'», inopposables aux agents de la RATP et condamné cette dernière à régulariser, depuis le 2 août 2004, la situation des agents concernés » ;

ET AUX MOTIFS QUE « il résulte de ce qui précède que depuis plusieurs années la RATP ne respecte pas l'intégralité des droits dont les salariés doivent bénéficier en matière de congés payés ; Qu'une telle violation porte manifestement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat SAT RATP ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le syndicat TOUT RATP soutient que l'instruction générale RATP n°405, les notes du département innovation sociale GIS du 20 décembre 2000 et du 20 juin 2005 et l'instruction générale n°506 sont contraires à la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. A titre préliminaire, il sera rappelé que le droit au congé annuel payé de chaque travailleur est un principe de droit social communautaire auquel il ne saurait être dérogé par les Etats. Il est constant que le travailleur doit pouvoir normalement bénéficier d'un repos effectif dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. La directive 2003-88-CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail s'applique à ce titre à tous les secteurs d'activités qu'ils soient privés ou publics au sens de l'article 1 de la directive 89/39 CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18, 19 de la présente directive. L'article 7 de la directive 2003-88-CE du 4 novembre 2003 dispose que : « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière sauf en cas de fin de relation de travail ». L'article 15 dispose que : « la présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des Etats membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. » Deux points sont soulevés par le syndicat demandeur : la question du report des congés acquis mais non pris par l'agent RATP et l'écrêtement automatique des congés payés en fin d'année et celle de l'acquisition des congés payés pendant le congé maladie de l'agent. (....) Le syndicat Autonome TOUT RATP soutient ensuite que l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, les articles 59 et 71 du statut personnel des agents de la RATP sont contraires à l'article 7 de la directive 2003/88/CE précitée qui prévoit que tout travailleur doit bénéficier, sans exception ni restriction, d'un droit au congé annuel payé d'une durée minimum de quatre semaines, aucune dérogation n'étant possible. La RATP soutient toutefois que la directive européenne 2003-88-CE ne serait pas applicable directement au présent litige, arguant de ce qu'une directive ne peut être opposée qu'à l'Etat alors que le présent litige oppose des particuliers. Il est constant qu'une directive ne saurait, par elle-même, créer d'obligation dans le chef d'un particulier et ne peut être en tant que telle invoquée à son encontre. Cependant, les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre d'un Etat, employeur. En l'espèce, le groupe RATP est chargé, en vertu d'un acte de l'autorité publique, d'accomplir sous le contrôle de cette dernière un service public et disposant à cet effet de pouvoirs exorbitants du droit commun, les dispositions de l'article 7 de la directive, dont les termes sont clairs, inconditionnels et suffisamment précis, peuvent être invoquées directement à son encontre. Au sein de la RATP, la situation des agents arrêtés dans le cadre d'un accident ou d'une maladie professionnelle est régie par l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005. L'article 3.1 dans son paragraphe intitulé "droits à congés en cas d'arrêt de travail" prévoit que les agents du cadre permanent de la RATP victimes d'un accident du travail (y compris un accident de trajet) reconnu, conservent l'intégralité de leurs droits à congés annuels pendant toute la période d'indisponibilité à concurrence d'une année- consécutive à leur blessure ou à une rechute dûment reconnue. La situation de l'agent en congé maladie est réglée par les dispositions des articles 59 et 71 du statut personnel des agents. L'article 59 du statut personnel précise que n'a droit qu'à un congé proportionnel dont la durée est fixée au prorata du temps de service effectué dans l'année en cours, l'agent : - recruté en cours d'année ; - totalisant plus de trois mois de congé maladie en une ou plusieurs période au cours de l'année légale ; - placé dans une position de mise en disponibilité ; - appelé à effectuer son temps de service actif légal ; - autorisé à s'absenter sans solde ; - absent irrégulièrement ; - démissionnaire, licencié, révoqué. L'article 71 alinéa 2 confirme que lorsque la durée du congé maladie excède trois mois en une ou plusieurs périodes au cours de l'année légale, l'agent n'a droit qu'à un congé annuel proportionnel. Le mode de calcul est ensuite détaillé. En droit interne, l'article L. 3141-5 du code du travail dispose que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : [...] -5° les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle. L'article L. 3141-6 du code du travail dispose également que l'absence du salarié ne peut avoir pour effet d'entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence. Ces dispositions excluent donc l'assimilation au temps de travail effectif des périodes d'absence pour maladie non professionnelle et limite celles relatives à une période d'absence pour accident du travail ou maladie professionnelle. Les dispositions précitées applicables aux agents RATP apparaissent ainsi conformes au droit interne. Cependant, la Cour de Justice des Communautés Européennes (dans son arrêt C-282/10 du 24 janvier 2012) a dit pour droit que l'article 7 paragraphe 1 de la directive doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif. Ainsi, il est constant, en application de cette directive, que tout travailleur, qu'il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d'un accident survenu sur le lieu de travail ou ailleurs, ou à la suite d'une maladie de quelque nature ou origine qu'elle soit, ne doit pas voir affecter son droit au congé annuel payé d'au moins quatre semaines. En d'autres termes, s'il est loisible aux Etats de prévoir que le droit accordé varie suivant l'origine de l'absence du travailleur pour raison de santé, c'est toujours à condition que ce droit soit supérieur ou égal à la période minimale de quatre semaines. La directive ne permet donc pas aux Etats membres d'exclure la naissance même d'un droit expressément accordé à tous les travailleurs: le droit au congé annuel payé garanti de quatre semaines ne peut être mis en cause par des dispositions nationales prévoyant l'exclusion de la constitution ou de la naissance de ce droit. Par conséquent, l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005 qui prévoit la limitation à un an ininterrompu des périodes d'absences pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'ayant aucune incidence sur les congés payés prévue, s'il apparaît conforme aux dispositions du droit interne, est en contradiction avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE telles qu'interprétées par la Cour de Justice. De même, dans la mesure où le droit de l'Union s'oppose à ce que l'acquisition du congé payé principal de quatre semaines soit subordonnée à une période minimale de travail effectif, les articles 59 2° et 71 alinéa 2 du statut personnel de la RATP qui prévoient sous certaines conditions un congé proportionnel, n'apparaissent pas conformes aux dispositions de la directive 2003-88-CE. Les articles précités, à savoir l'article 3.1 de l'instruction générale n°506 du 26 janvier 2005, dans son paragraphe intitulé "droits à congés en cas d'arrêt de travail", l'article 59 sur le point relatif à l'arrêt maladie et l'article 71 alinéa 2 du statut personnel des agents de la RATP, en ce qu'ils ne peuvent être interprétés dans un sens conforme à la directive n°2003-88-CE, doivent être écartés et déclarés inopposables aux salariés de la RATP. Le syndicat Autonome TOUT RATP est ainsi bien fondé à demander à ce que la situation des agents concernés par ces dispositions soit régularisée par l'abondement en conséquence de leur compte épargne temps, et ce depuis la date du 2 août 2004, date d'entrée en vigueur de la directive 2003-88-CE. III Sur la demande de dommages-intérêts. Le syndicat TOUT RATP demande réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession qu'il représente à hauteur de 30.000 €. En appliquant aux agents de la RATP des dispositions contraires à la directive européenne 2003-88-CE, la RATP a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il convient d'indemniser en la condamnant au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts » ;

ALORS QUE l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ne garantit que quatre semaines de congé payé annuel ; qu'en vertu de cette directive si un travailleur a droit à la régularisation des congés payés qu'il n'a pas pu exercer pour une durée minimale de quatre semaines, une réglementation nationale peut en revanche exclure ce droit au-delà de quatre semaines ; que la régularisation prononcée au profit des salariés de la RATP ne pouvait donc s'appliquer qu'à la seule durée minimale de congé annuel payé prévue par la directive 2003/88/CE, c'est à dire à hauteur de quatre semaines ; qu'à supposer, en conséquence, pour les besoins de la discussion, que la cour d'appel ait entendu condamner la RATP à régulariser la situation des agents concernés depuis le 2 août 2004 en leur attribuant sur leur compte "temps de congés" les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié, sans limiter ce droit à régularisation à quatre semaines par an, elle a violé l'article L. 3141-3 du code du travail, ensemble les articles 1 et 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, d'AVOIR condamné la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles et d'AVOIR condamné la RATP à payer au syndicat Autonome TOUT RATP la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel et les notes des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005. Considérant que le statut du personnel prévoit : - en son article 58 : le congé annuel «'doit être pris effectivement avant le 31 décembre de l'année en cours et ne peut être reporté sur l'année suivante, sauf exception prévue à l'article 71 », - en son article 71, alinéa 3': «'par dérogation à l'article 58, tout congé annuel n'ayant pu être pris pour cause de maladie est reporté sur l'année suivante » ; Que le titre VI du statut du personnel visant, notamment, les maladies professionnelles et les accidents du travail, les dispositions du 3ème alinéa de l'article 71, relatives au report des congés payés, sont applicables aux salariés en congés pour ces deux motifs ; Que, par ailleurs : - la note du département de Gestion et Innovation sociales, en date du 20 décembre 2000, rappelle que les «'comptes de temps seront apurés des jours de congé annuel de l'année «'n'» non pris ou non versés sur un compte épargne-temps avant le 1er mai de l'année «'n+1'», à compter de l'année 2000, - la note du département de Gestion et Innovation sociales, en date du 20 juin 2005, rappelle « que l'article 58 du statut du personnel prévoit que le congé annuel doit être pris effectivement avant le 31 décembre de l'année en cours et ne peut être reporté sur l'année suivante » ; Considérant que la mesure d'écrêtement prévue par ces textes consiste à limiter le nombre de jours de congés non pris et non placés dans un compte épargne-temps à 6 jours et à autoriser leur report jusqu'au 30 avril de l'année suivante, sauf lorsque le congé annuel n'a pu être pris pour cause de maladie auquel cas le congé peut être reporté sur l'année suivante ; Que si la directive précitée garantit quatre semaines de congé à tout travailleur quel que soit son état de santé, elle ne s'oppose pas à ce que des législations ou des pratiques nationales, telles que des conventions collectives, prévoient l'extinction du droit au congé annuel payé à la fin de la période de report ; Que, s'agissant de la durée de la période de report, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (arrêt du 22 novembre 2011, KHS AG/Winfried Schulte) pose le principe selon lequel « toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée'»'en reconnaissant la validité d'une période de report de quinze mois ; Qu'en conséquence, une durée de report d'un an égale à la durée de référence doit être considérée comme insuffisante au regard de la directive du 4 novembre 2003'; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer inopposables aux agents de la RATP les notes du département de Gestion et Innovation sociales, en date des 20 décembre 2000 et 20 juin 2005, et les articles 58 et 71 alinéa 3 du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent pour contrariété avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; Qu'il y a, dès lors, lieu de condamner la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à tort à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles ; Que le jugement doit être infirmé sur ces points » ;

ET AUX MOTIFS QUE « Sur les dommages et intérêts sollicités par le syndicat SAT RATP. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que depuis plusieurs années la RATP ne respecte pas l'intégralité des droits dont les salariés doivent bénéficier en matière de congés payés ; Qu'une telle violation porte manifestement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat SAT RATP ; Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail et de confirmer le jugement sur ce point » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt, sur le fondement du deuxième moyen de cassation, condamnant la RATP à régulariser depuis le 2 août 2004 la situation des agents concernés en leur attribuant sur leur compte "temps de congés" les jours de congés dont ils n'ont pas bénéficié, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué dans le présent moyen ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines ; que s'agissant de la période de report de ces congés payés, la CJUE pose le principe, dans un arrêt du 22 novembre 2011 « KHS AG/Winfried Schulte » (CJUE, Grande chambre, 22 novembre 2011, Aff. C-214/10, KHS AG c. Winfried Schulte, Cons. 28-35), selon lequel « toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée » et retient la validité d'une période de report de 15 mois lorsque la période de référence pour l'acquisition des droits à congés payés est d'une année ; que la cour d'appel a retenu que la durée de report des congés payés pendant un an instituée au sein de la RATP était insuffisante au regard de la directive 2003/88/CE et a condamné la RATP à régulariser la situation des salariés depuis le 4 novembre 2003 sans prévoir aucune limite de report ; qu'en statuant ainsi cependant qu'au regard du droit européen en présence d'une période d'acquisition des droits à congés payés d'une année une période de report de 15 mois doit à tout le moins être appliquée, la cour d'appel a violé l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'au regard de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, Grande chambre, 22 novembre 2011, Aff. C-214/10, KHS AG c. Winfried Schulte, Cons. 28-35), le report des droits à congés payés acquis ne peut être illimité dans le temps mais doit correspondre à une durée « raisonnable » dépassant substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle les congés sont accordés ; qu'en se bornant à retenir que la durée de report d'un an des congés payés instituée au sein de la RATP était insuffisante au regard de la directive du 4 novembre 2003, sans fixer de limite au report dans le temps des droits à congés payés, la cour d'appel a violé l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

ALORS, DE QUATRIÈME PART, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 ne garantit que quatre semaines de congé payé annuel ; que si un travailleur a droit au report des congés qu'il n'a pas pu prendre, pour cause de maladie, pour une durée minimale de quatre semaines, une réglementation nationale peut exclure ce droit pour les droits à congés payés supplémentaires ; que la régularisation prononcée au profit des salariés de la RATP ne pouvait dès lors s'appliquer qu'à hauteur de quatre semaines ; qu'en condamnant la RATP à régulariser depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés, sans limiter le droit à report de congés payés non pris aux quatre semaines annuelles prévues par la directive européenne, la cour d'appel a violé l'article L.3141-3 du code du travail et les articles 1 et 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;


ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU‘en condamnant la RATP à régulariser, depuis le 4 novembre 2003, la situation de l'ensemble des agents concernés en leur attribuant sur leur temps de congés les jours de congés payés écrêtés à l'occasion de leurs positions, maladies, accidents du travail et maladies professionnelles sur le fondement de la directive 2003-88-CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 cependant que cette directive n'est entrée en vigueur que le 2 août 2004, la cour d'appel a violé l'article L3141-3 du code du travail et les articles 1 et 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, ensemble l'article 28 de la directive précitée.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Conclusions


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.