par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 13 juillet 2017, 16-19353
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
13 juillet 2017, 16-19.353

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Fait
Grief




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 avril 2016), que, par acte authentique du 5 janvier 2006, dressé par M. X..., M. et Mme Y... ont vendu à M. et Mme Z... trois parcelles de terrain pour lesquelles un certificat d'urbanisme positif avait été délivré par le maire de la commune le 19 novembre 2004, bien que comprises par un arrêté préfectoral du 26 juin 1997 interdisant toute construction nouvelle dans le périmètre de protection rapproché d'un forage assurant l'alimentation en eau potable ; qu'à la suite du refus de délivrance du permis de construire, M. et Mme Z... ont assigné M. et Mme Y... en annulation du contrat de vente et en dommages-intérêts ; que M. X... a été appelé à l'instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la vente fondée sur le manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de vente ne définissait pas les terrains comme des parcelles à bâtir et retenu qu'en dépit du caractère apparemment constructible du terrain attesté par le certificat d'urbanisme positif rappelé dans l'acte, l'inconstructibilité des terrains constituait, non un défaut de conformité relevant de l'obligation de délivrance, la chose ayant été délivrée par le vendeur, mais un vice caché de la chose vendue, la cour d'appel en a exactement déduit que leur demande ne pouvait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la vente fondée sur l'erreur ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de vente mentionnait expressément que le bien vendu était situé, en vertu d'un arrêté préfectoral, dans le périmètre de protection d'un forage et que M. et Mme Z... déclaraient avoir eu parfaite connaissance de cette décision et retenu qu'ils disposaient ainsi des éléments d'information qui leur auraient permis, avec un peu d'attention et de discernement, de ne pas commettre une erreur sur la constructibilité, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que leur erreur n'était pas excusable et que leur demande devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande dirigée contre le notaire ;

Mais attendu que, la cassation n'étant pas prononcée sur le premier et deuxième moyens, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Z... de leur demandes en annulation ou de résolution de la vente et de leurs demandes financières fondées sur cette annulation ou cette résolution ;

AUX MOTIFS QUE sur le manquement à l'obligation de délivrance , c'est à tort que les époux Z... fondent leur demande d'annulation (ou de résolution) de la vente des terrains sur les dispositions de l'article 1604 du code civil et un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance ; qu'il convient d'observer tout d'abord que l'acte authentique du 5 janvier 2006, ne reprenant pas les termes du compromis, ne définissait pas les terrains comme « à bâtir » ; que pour autant, le caractère apparemment constructible des parcelles était attesté par le certificat d'urbanisme du 19 novembre 2004 rappelée dans l'acte ; qu'il est constant que l'inconstructibilité d'un terrain constitue non pas un défaut de conformité relevant de l'obligation de délivrance (la chose a bien été délivrée par le vendeur) mais un vice caché de la chose vendue ; qu'à supposer même que les époux Y... aient connu l'existence du vice (étant observé qu'une exclusion de la garantie des vices cachés dans l'acte) force est de constater que les appelants ne fondent pas leur réclamation devant la cour sur les articles 1641 et suivants du code civil ;

ALORS QUE manque à son obligation de délivrance le vendeur qui cède une parcelle inconstructible alors que les parties étaient convenues de la vente d'un terrain à bâtir ; qu'en déboutant M. et Mme Z... de leur demande d'annulation de la vente fondée sur le manquement de M. et Mme Y..., vendeurs, à leur obligation de délivrance, puisqu'ils avaient cédé une parcelle en réalité inconstructible alors que l'acte de vente faisait état de parcelles constructibles aux termes d'un certificat d'urbanisme du 19 novembre 2004, au motif que seule l'action en garantie des vices cachés pouvait être mise en oeuvre en pareil cas, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1604 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Z... de leur demandes en annulation ou de résolution de la vente et de leurs demandes financières fondées sur cette annulation ou cette résolution ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'erreur, l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue (telle la constructibilité d'un terrain) ne peut vicier le consentement de celui qui l'a commise que si elle est excusable ; qu'il convient de considérer que tel n'est pas le cas en l'espèce, au regard de la profession de M. Z... (agent immobilier dont il n'est pas contesté qu'il a élaboré le compromis de vente) et des circonstances ; qu'en effet, l'acte du 5 janvier 2006, s'il reproduit les termes du certificat d'urbanisme du 21 septembre 2004 selon lequel « le terrain des requérants peut être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée », mentionne aussi expressément au chapitre « servitudes » (page 11) que le bien vendu est situé dans le périmètre de protection rapprochée délimitée par « l'arrêté préfectoral du 26 juin 1997 publié au bureau des hypothèques de Cherbourg le 2 décembre 1997 volume 1997 P n° 3230 » et qu'il est précisé que « l'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de cet arrêté dont une copie lui a été reprise » ; que dès lors, s'ils ont commis une erreur sur la constructibilité des terrains, les époux Z... disposaient des éléments d'information qui leur auraient permis, avec un peu plus d'attention, et de discernement, de ne pas la commettre ; qu'il n'est pas, au demeurant, démontré que dans ce contexte de réunion d'éléments contradictoires, les époux Y... aient été davantage éclairés et aient été de mauvaise foi en réalisant la vente ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'erreur sur la substance n'est cause de nullité que lorsqu'elle est excusable ; qu'en déboutant M. et Mme Z... de leurs demandes fondées sur l'erreur commise sur le caractère constructibles des parcelles acquises, au motif qu'ils avaient manqué d'attention et de discernement en concluant la vente alors que le chapitre « servitudes » de l'acte de vente énonçait que le bien était situé dans « le périmètre de protection rapprochée délimitée par l'arrêté préfectoral du 26 juin 1997 publié au bureau des hypothèques de Cherbourg le 2 décembre 1997 volume 1997 P n° 3230 » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 4), tout en relevant que le contrat de vente reproduisait le certificat d'urbanisme confirmant le caractère constructible des parcelles vendues (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 4), ce dont il résultait que l'erreur de M. et Mme Z... était nécessairement excusable, nonobstant la qualité d'agent immobilier de M. Z..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'erreur sur la substance n'est cause de nullité que lorsqu'elle est excusable ; qu'en déboutant M. et Mme Z... de leurs demandes fondées sur l'erreur commise sur le caractère constructibles des parcelles acquises, au motif qu'ils avaient manqué d'attention et de discernement en concluant la vente alors que le chapitre « servitude » de l'acte de vente énonçait que le bien était situé dans « le périmètre de protection rapprochée délimitée par l'arrêté préfectoral du 26 juin 1997 publié au bureau des hypothèques de Cherbourg le 2 décembre 1997 volume 1997 P n° 3230" (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 4), tout en relevant que la vente s'était conclue dans un « contexte de réunion d'éléments contradictoires » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 7) et que Maître X..., notaire, n'avait pas utilement appelé l'attention des parties sur les risques nés de cette confusion (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 4), ce dont il résultait que l'erreur de M. et Mme Z... était nécessairement excusable, nonobstant la qualité d'agent immobilier de M. Z..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ET ALORS, ENFIN, QUE la mauvaise foi du vendeur est indifférente dans un litige relatif à l'erreur sur la substance ; qu'en déboutant M. et Mme Z... de leurs demandes fondées sur l'erreur commise sur le caractère constructibles des parcelles acquises, au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de la mauvaise foi de leurs vendeurs (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 7), la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Z... de leurs demandes dirigées contre Maître X... ;

AUX MOTIFS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée des actes qu'il dresse et appeler leur attention sur les conséquences et les risques qui peuvent y être attachés ; qu'il n'est pas déchargé de son devoir de conseil en fonction des compétences personnelles de ses clients ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que Maître X... a établi un acte authentique contenant des éléments dont la comptabilité est à tout le moins problématique ; qu'en effet, y était reproduit le certificat d'urbanisme délivré le 19 novembre 2004 par la commune de Gonneville laissant présumer la constructibilité du terrain cadastré A 252 dont étaient issues les parcelles vendues A 1028 et 1029 ; que dans le même temps, il était rappelé au chapitre « servitudes » l'existence de l'arrêté préfectoral du 26 juin 1997 publié à la conservation des hypothèques définissant un périmètre de protection dans lequel étaient situés les biens vendus ; que dès lors, et même si Maître X... remettait aux époux Z... une copie de l'arrêté, cela ne le dispensait nullement d'appeler l'attention des parties sur cette particularité et sur le risque qu'elle faisait courir au projet des acquéreurs ; qu'en sa qualité, le notaire ne pouvait ignorer que l'administration communale pouvait commettre des erreurs dans la délivrance des certificats d'urbanisme au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que les époux Z... estiment que le préjudice résultant de la faute du notaire est constitué par le fait qu'ils ont dû renoncer à leur projet de construction (cf. leurs conclusions page 18) ; qu'en rappelant qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif des conclusions, il apparait que c'est dans le cadre de leur demande principale tendant à l'annulation ou la résolution de la vente que les époux Z... réclament la condamnation de Maître X... (in solidum avec les époux Y...) à leur payer, outre les sommes représentant le prix et les frais de la vente, une somme de 11.816,20 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait, que le rejet de la demande d'annulation ou de résolution induit celui des demandes accessoires et que c'est donc au regard des demandes subsidiaire des époux Z... que leurs prétentions indemnitaires doivent être examinées par la cour ; que force est de constater que, sur le fondement de la répétition de l'indu, la demande des époux Z... ne peut prospérer ;


ALORS QUE pour débouter M. et Mme Z... de leurs demandes dirigées contre Maître X..., la cour d'appel a retenu que ces demandes étaient liées à l'annulation ou à la résolution de la vente et que, cette annulation ou cette résolution n'étant pas encourues, les prétentions dirigées contre le notaire devaient nécessairement être écartées (arrêt attaqué, p. 6, alinéas 8 et 9) ; que la cassation qui interviendra dans le cadre des premier et deuxième moyens de cassation, ou de l'un d'entre eux seulement, tous deux contestant précisément le rejet des demandes d'annulation et de résolution de la vente, entraînera nécessairement l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il se fonde sur ce rejet pour justifier l'exonération du notaire, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Fait
Grief


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.