par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 14 juin 2017, 15-28255
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Cour de cassation, chambre commerciale
14 juin 2017, 15-28.255

Cette décision est visée dans la définition :
Endos / Endossement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 1er avril 2014, pourvoi n° 13-13.900), que la société Loft a tiré deux lettres de change sur la Société de constructions et travaux immobiliers (la SCTI) qui les a acceptées ; que ces lettres de change, escomptées par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 (la Caisse) qui en a réglé le montant à la société Loft architecture, ont été rejetées à leur échéance ; que la Caisse a assigné en paiement la SCTI qui a opposé l'irrégularité de la chaîne des endossements ;

Attendu que pour condamner la société SCTI à payer à la Caisse la somme de 195 000 euros au titre des deux lettres de change, l'arrêt retient que celles-ci ont été escomptées par la Caisse à la suite de deux actes de cession de créances professionnelles par la société Loft Architecture, en qualité de cédant, au bénéficie de la Caisse le 4 août 2008, que ses deux allonges comportent la signature et le cachet de l'endosseur, la société Loft, ainsi que l'identité et la signature du cédant, la société Loft Architecture, laquelle était donc porteur légitime des lettres de change par application des dispositions de l'article L. 511-11 du code de commerce en vertu desquelles lorsqu'un endossement en blanc est suivi d'un autre endossement, le signataire de celui-ci est réputé avoir acquis la lettre par l'endossement en blanc, de sorte que la Caisse, qui les a présentées à l'échéance, en était le porteur légitime ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les deux actes de cession de créances professionnelles du 4 août 2008 ne comportaient pas le cachet et la signature du représentant légal de la société Loft architecture, mais seulement une signature apposée sur le cachet d'une société Loft transaction, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a méconnu le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la Société de constructions et travaux immobiliers

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la SCTI de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la CRCAM la somme de 195.000 €, au titre des deux lettres de change acceptées à échéance du 30 août 2008 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article L 511-8 alinéa 6 et suivants du code de commerce l'endossement au porteur vaut comme endossement en blanc ; l'endossement doit être inscrit sur la lettre de change ou sur une feuille qui y est attachée et dénommée allonge ; il doit être signé par l'endosseur ; la signature de celui -ci est apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit ; l'endossement peut ne pas désigner le bénéficiaire ou consister en un endossement en blanc constitué par la simple signature de l'endosseur ; dans ce dernier cas, l'endossement, pour être valable, doit être inscrit au dos de la lettre de change ou sur l'allonge ; en l'espèce il est constant que la SAS LOFT a, le 11 juillet 2008, tiré deux lettres de change sur la SARL SCTI qui ont été acceptées par cette dernière, pour des montants respectifs de 95 000 € et de 100 000 € avec une échéance du 30 septembre 2008 ; ces deux lettres de change ont été escomptées par la Caisse suite à deux actes de cessions de créances professionnelles par la SARL LOFT ARCHITECTURE en qualité de cédant au bénéfice de la Caisse le 4 août 2008 ; ces deux allonges comportent bien la signature et le tampon de l'endosseur, la SAS LOFT, ainsi que l'identité et la signature du cédant, la SARL LOFT ARCHITECTURE, laquelle était donc porteur légitime des lettres de change par application des dispositions de l'article L. 511-11 du code de commerce en vertu desquelles lorsqu'un endossement en blanc est suivi d'un autre endossement, le signataire de celui-ci est réputé avoir acquis la lettre par l'endossement en blanc ; il n'est pas contesté qu'à leur présentation à l'échéance du 30 septembre 2008 par la Caisse, qui est donc porteur légitime, ces deux lettres de change ont été rejetées et que des actes de protêts ont été dressés par exploit d'huissier en date du 19 février 2009 et dénoncés le 20 février 2009 à la société SCTI ; en conséquence le jugement rendu le 11 juillet 2011 par le tribunal de commerce de BESANÇON sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SCTI à payer à la Caisse la somme de 195.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2008 » (arrêt pp. 3 et 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « 1- Sur le formalisme de la lettre de change ; que l'article L. 511-1 du code de commerce énonce les mentions obligatoires devant figurer sur une lettre de change à savoir : - dénomination de lettre de change, - le mandat de payer une somme déterminée, - le nom du tiré, - celle du lieu où le paiement doit s'effectuer, - nom de celui auquel ou il l'ordre duquel le paiement doit être fait, - l'indication de la date et du lieu où la lettre a été créée, - la signature de celui qui émet la lettre de change ; qu'aucune de ces mentions ne fait défaut ; que le formalisme imposé par le code de commerce est donc respecté ; que la défenderesse fait valoir une erreur de la Banque quant au bénéficiaire de la lettre de change ; que la jurisprudence conclut à la régularité de la lettre de change dans un tel cas ; que l'acceptation du tiré régularise le titre ; 2- Sur le recours cambiaire du CREDIT AGRICOLE ; que l'article L. 511-49 du code de commerce prévoit qu'après l'expiration des délais fixés pour la présentation d'une lettre de change à vue ou à un certain délai de vue, pour la confection du protêt faute d'acceptation ou faute de paiement, pour la présentation au paiement en cas de clause de retour sans frais, le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, contre le tireur et contre les autres obligés, à l'exception de l'accepteur ; que la défenderesse fait valoir que les lettres de change, dont l'échéance était fixée au 30 août 2008 et qui avaient fait l'objet d'un escompte le 5 août 2008, n'ont pas été présentées au paiement dans les deux jours ouvrables qui suivent l'échéance ; que toutefois conformément à l'article susvisé, le non-respect des délais fixés dans la lettre de change n'entraîne pas la déchéance des droits du porteur à l'encontre du tiré accepteur ; 3- Sur l'attitude de la Banque ; que la défenderesse fait valoir que la Banque aurait agi sciemment au détriment du débiteur dans la mesure où il disposait d'éléments lui permettant de savoir que la contrepartie de la traite ne serait jamais fournie ; que les traites constituaient la contrepartie de l'obtention par la SAS LOFT d'un permis de construire purgé de tous vices portant sur l'édification d'un ensemble immobilier à usage de logements à CHERBOURG ; qu'en l'état, l'opération ne pouvait pas se réaliser faute pour la SAS LOFT de justifier de l'obtention d'un permis de construire ; que toutefois seul le porteur de mauvaise foi peut se voir opposer les exceptions tirées des rapports entre le tireur et le tiré à moins que le porteur n'ait agit sciemment au détriment du débiteur ; qu'en l'espèce, la société SCTI n'apporte pas la preuve de la mauvaise foi du CREDIT AGRICOLE ; que pour tous ces motifs, il y a donc lieu de débouter la société SCTI de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et de la condamner à payer au CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE TOULOSE ET DU MIDI TOULOUSAIN la somme de 195.000 € outre intérêts à compter du 30 septembre 2008, date d'échéance des lettres de change » (jugement, pp. 5 et 6) ;

1/ ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments versés aux débats ; que, pour affirmer que la SARL LOFT ARCHITECTURE était porteur légitime des lettres de change, de sorte que la CRCAM, à laquelle les créances avaient été cédées, avait elle-même la qualité de porteur légitime, la cour d'appel énonce que, par deux actes de cessions de créances professionnelles du 4 août 2008, la SARL LOFT ARCHITECTURE a cédé les créances litigieuses à la CRCAM, et que ces deux allonges comportaient bien l'identité et la signature du cédant, la SARL LOFT ARCHITECTURE ; qu'en statuant ainsi, quand l'acte de cession de créances professionnelles du 4 août 2008 pour un montant de 95 000 €, et le bordereau afférent, ne présentaient ni le tampon, ni la signature du représentant légal de la SARL LOFT ARCHITECTURE, la cour d'appel a dénaturé cet acte de cession de créances et le bordereau afférent, et violé l'article 1134 du code civil ;*

2/ ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments versés aux débats ; que, pour affirmer que la SARL LOFT ARCHITECTURE était porteur légitime des lettres de change, de sorte que la CRCAM, à laquelle les créances avaient été cédées, avait elle-même la qualité de porteur légitime, la cour d'appel énonce que, par deux actes de cessions de créances professionnelles du 4 août 2008, la SARL LOFT ARCHITECTURE a cédé les créances litigieuses à la CRCAM, et que ces deux allonges comportaient bien l'identité et la signature du cédant, la SARL LOFT ARCHITECTURE ; qu'en statuant ainsi, quand l'acte de cession de créances professionnelles du 4 août 2008 pour un montant de 100 000 €, et le bordereau afférent, ne présentaient ni le tampon, ni la signature du représentant légal de la SARL LOFT ARCHITECTURE, la cour d'appel a dénaturé cet acte de cession de créances et le bordereau afférent, et violé l'article 1134 du code civil ;

3/ ALORS QUE le détenteur d'une lettre de change est considéré comme porteur légitime s'il justifie de son droit par une suite ininterrompue d'endossements, même si le dernier endossement est en blanc ; que la SCTI faisait valoir, dans ses conclusions (p. 2), que l'acte de cession de chacune des créances litigieuses, constituant l'allonge, mentionnait la SARL LOFT TRANSACTION en qualité de cédant de la créance professionnelle à la CRCAM, mais qu'il comportait la signature du représentant légal de la SAS LOFT et le tampon de cette dernière société, mentionnant son numéro de SIRET (432 252 914), et non celui de la SARL LOFT TRANSACTION (485 068 530), de sorte que la chaîne d'endos ne pouvait être reconstituée, et sa régularité vérifiée ; qu'elle en déduisait que la CRCAM ne pouvait donc être qualifiée de porteur légitime ; qu'en affirmant que les deux allonges comportaient bien la signature et le tampon de l'endosseur, la SAS LOFT, ainsi que l'identité et la signature du cédant, la SARL LOFT ARCHITECTURE, pour en déduire que cette dernière était porteur légitime des lettres de change et qu'à leur présentation à l'échéance du 30 septembre 2008 par la CRCAM, cette dernière était elle-même porteur légitime des lettres de change, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée expressément par la SCTI, si, en l'état des mentions, signatures et tampons apposés sur les deux actes de cession de créances professionnelles du 4 août 2008, qui ne concernaient que la SAS LOFT et la SARL LOFT TRANSACTION, la CRCAM n'était pas dans l'incapacité de justifier d'une suite ininterrompue d'endossements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 511-8 et L. 511-11 du code de commerce.



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Cette décision est visée dans la définition :
Endos / Endossement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.