par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 23 novembre 2016, 14-29592
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Cour de cassation, chambre sociale
23 novembre 2016, 14-29.592
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Lidl en qualité de chef caissière, puis promue au poste de chef de magasin ; qu'à la suite d'une série d'arrêts de travail, elle a été examinée par le médecin du travail qui l'a déclarée apte à une reprise à mi-temps thérapeutique pour les tâches administratives puis, au terme de deux examens médicaux, inapte à son poste de travail ; qu'après avoir refusé plusieurs propositions de reclassement, la salariée, licenciée par lettre du 24 mai 2012, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit que la salariée avait eu la volonté de ne pas être reclassée au niveau du groupe et que l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 5213-5 du code du travail ;
Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts au titre de l'obligation de réentraînement au travail, l'arrêt retient que l'intéressée, après la reconnaissance de son statut d'handicapé et avant le licenciement, n'avait jamais repris le travail ;
Qu'en ajoutant ainsi à la loi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 5213-5 du code du travail, l'arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Lidl aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lidl à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR jugé que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté l'intéressée de ses demandes indemnitaires afférentes à un licenciement abusif ainsi que de sa demande de remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « l'article L. 1122-6 du code du travail dispose que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, et l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Contrairement à ce que soutient Mme X..., il apparaît que l'employeur a satisfait à ses obligations en procédant à une recherche loyale et sérieuse et personnalisée, puisque pour un second avis d' inaptitude émis le 20 avril 2011, Mme X... a été licenciée le 24 mai 2012, treize mois plus tard, sans avoir repris le travail, son salaire lui ayant été versé. En effet, compte tenu des restrictions médicales précisées par le médecin du travail dans sa lettre du 3 mai 2011 en réponse à la lettre de l'employeur qui dès le 2 mai 2011 envisageait des postes de reclassement (pièce 20 de la société SNC Lidl), le médecin du travail (pièce 21 de la société SNC Lidl ), indique que l'aptitude de Mme X... à d'autres postes de chef de magasin est totalement remise en question dans le mesure où, quel que soit le magasin, la définition des tâches sera la même qu'à Civray, et que seuls pouvaient être envisagés des postes ne présentant pas de notions de contraintes physiques ni posturales gênantes, ce qui excluait notamment les postes d'agent de maîtrise en entrepôt envisagés par I' employeur, mais permettait de prendre en considération des postes d'agents de maîtrise administratif et de technicien de maintenance et de sécurité. La société SNC Lidl a adressé à deux reprises au siège social de Strasbourg et à toutes les directions régionales une demande de recherche de poste pour Mme X... (pièces 23 et 26 de la société SNC Lidl), qui mentionnait le type de poste sur lesquels le médecin du travail avait donné son accord (agent de maîtrise administratif et de technicien de maintenance et de sécurité), l'ancienneté de la salariée, son niveau de diplôme (bac pro commerce par VAE), ce qui est conforme à la réalité et suffisamment précis. Tous les services consultés ont répondu (pièces 27 et 28) et les postes disponibles ont été offerts à Mme X.... Il est en outre observé que Mme X... a bénéficié à sa demande de juin à août 2011 d'un bilan de compétences dans le cadre d'un CIF dont elle n'a pas porté les résultats à Ia connaissance de l'employeur, malgré la demande de celui-ci, alors que cet élément eût être de nature à aider à la recherche d'un reclassement ou d'une formation. Mme X... a été convoquée à un entretien de reclassement le 13 octobre 2011 au cours duquel lui ont été proposés les postes disponibles, dont la liste a été confirmée par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 octobre 2011 ; cette liste comprend 18 postes, localisés au siège social à Strasbourg, à la future direction régionale de Chanteloup les Vignes (Yvelines), et pour l'un, à la direction régionale de Vars (Charente), à proximité du domicile de Mme X.... Mme X..., qui n'a pas répondu sur les 17 autres postes, a refusé ce poste à plein temps an motif quelle ne voulait qu'un poste sur 4 jours, avec un horaire de 9 h à 17 h et une heure de pose (sic) au déjeuner, ce qui ferait un horaire de 28 h alors qu'elle était auparavant employée à temps complet, et demandait également le maintien de son taux horaire de rémunération (pièce 32 de la société SNC Lidl), alors qu'il s'agissait d'un poste de niveau inférieur et que l'employeur n'a pas dans cette hypothèse l'obligation de maintenir le salaire antérieur. La société lui a répondu qu'il s'agissait d'un poste à temps complet au salaire de la grille de rémunération et lui a demandé une réponse définitive ; Mme X... a refusé ce poste par lettre du 3 novembre 2011 "pour raisons personnelles et médicales" et demandé d'autres propositions. Deux autres postes en contrat à durée déterminée lui ont été proposés dès le 9 novembre 2011 (pièce 35), qu'après réponse de la société à ses questions, la salariée a refusé sur les conseils de l'inspection du travail selon elle, par lettre du 2 décembre 2011. La société SNC Lidl lui a lors proposé par lettre du 27 janvier 2012 (pièce 40) une participation à des frais de formation à hauteur de 5.000 €, accompagnée d'un imprimé de réponse. Mme X... n' a pas répondu à ce courrier. Elle a par la suite été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2012, après que l'inspection du travail a indiqué que son autorisation n'était pas nécessaire puisqu'elle n'avait plus depuis le 12 mars 2012 le statut de salarié protégé acquis à raison de sa candidature infructueuse à deux élections professionnelles. Il ressort de cette longue chronologie que Mme X... posait des conditions à son reclassement y compris sur la direction régionale de Vars, alors que l'employeur a procédé de façon approfondie à la recherche qui lui incombait et que la salariée n'alléguait pas que les postes purement administratifs proposés fussent en contre-indication avec ses aptitudes physiques, étant rappelé que le médecin du travail, sur le descriptif précis fait par l'employeur des postes envisagés, en avait écarté un mais avait validé les deux autres, qui correspondaient aux propositions et notamment à celle sur la direction régionale de Vars... Il ne peut dans ces conditions être fait grief à l'employeur de ne pas avoir étendu ses recherches aux sociétés européennes du groupe, pour lesquelles elle avait dans le contexte différent d'un accord de mobilité, proposé des postes à d'autres salariés, en Irlande et en Allemagne, dans la mesure en outre où Mme X... avait refusé les postes à Vars, n'avait pas répondu à l'offre de formation, et où dès lors qu'elle ne pouvait occuper que des postes de type administratif, se posait la question de sa compétence linguistique outre l'écueil de ses exigences spécifiques d'horaire de temps partiel et de durée de la pause déjeuner. La société SNC Lidl, qui ne dispose que de peu de postes administratifs, l'essentiel des postes en magasin et entrepôt impliquant des ports de charges et manutentions interdits à Mme X..., justifie par ailleurs de son niveau de préoccupation en matière de reclassement par les nombreuses autorisations de licenciement accordées par l'inspection du travail pour des salariés protégés déclarés inaptes. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement pour inaptitude. Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage dès lors que le licenciement est considéré comme fondé. Le jugement sera confirmé de ce chef ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les différents postes de travail au sein des magasins Lidl impliquent une polyvalence amenant tous les employés à effectuer des ports de charges de magasinage ; que l'inaptitude de Madame X... a été constatée par le médecin du travail ; qu'à l'issue des arrêts de travail d'origine professionnelle, Madame X... était examinée par le médecin du travail dans le cadre de deux visites médicales de reprise, qu'à l'issue de la première visite en date du 4 avril 2011, le médecin du travail l'a déclarée « Inapte temporaire, à revoir dans 15 jours ; qu'à l'issue d'une seconde visite en date du 20 avril 2011, le médecin du travail l'a déclarée « inapte définitivement au poste de chef de magasin-Reclassement à prévoir ; qu'enfin la société Lidl a par ailleurs fait valider par le médecin du travail les postes proposés au reclassement de la salariée en fonction de son état de santé. La société Lidl a ainsi recherché des postes de reclassement en concertation avec le médecin du travail en adéquation avec les compétences de sa salariée ; que les dispositions visées à l'article R. 4624-31 du code du travail ont bien été respectées par le médecin du travail et suivies par la société Lidl ; que Madame X... a refusé les 21 propositions de reclassement différentes qui lui ont été formulées, dont une situation au sein de sa direction régionale de Vars qui correspondaient en tout point aux préconisations du médecin du travail. Madame X... n'a jamais répondu à la proposition de la société Lidl de lui financer une formation à hauteur de 5.000 euros ; que les recherches de reclassement ont été conduites sur l'ensemble du territoire de la société Lidl et que les offres de reclassement au nombre de 21 ne peuvent établir une mauvaise volonté de la société Lidl au reclassement de sa salariée ; qu'enfin le licenciement de Madame X... est intervenu en respect des dispositions légales et jurisprudentielles. Le licenciement pour inaptitude physique, refus des postes de reclassement proposés et impossibilité de proposer un autre poste de reclassement repose bien sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, Madame X... sera déboutée de sa demande ; qu'en l'espèce le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, le conseil n'ordonnera pas à la société Lidl le remboursement des indemnités de chômage perçues par la salariée ».
1. ALORS QUE le refus exprimé par un salarié déclaré inapte à son poste d'une proposition de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que l'employeur, quelque que soit la position prise par le salarié, doit justifier de l'impossibilité de reclassement, le cas échéant au sein du groupe auquel il appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé qu'il ne pouvait être fait grief à l'employeur de ne pas avoir étendu ses recherches aux sociétés européennes du groupe au sein desquelles la société Lidl avait proposé des postes à d'autres salariés dans la mesure où l'intéressée n'avait pas répondu ou avait refusé les postes hexagonaux proposés, n'avait pas donné suite à l'offre de formation que son employeur lui avait faite et qu'elle ne pouvait occuper que des postes de type administratif ; qu'en statuant ainsi, lors même qu'elle constatait que la société Lidl appartenait à un groupe de taille européenne, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail.
2. ALORS QUE l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail déclarant le salarié inapte à occuper son poste de travail ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que les juges du fond doivent caractériser l'impossibilité de l'employeur de mettre en oeuvre de telles mesures ; que pour dire que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés que la société Lidl ne disposait que de peu de postes administratifs, l'essentiel des postes en magasin et entrepôt impliquant une polyvalence et des ports de charges et manutentions interdits à la salariée par le médecin du travail ; qu'en statuant par ces motifs qui ne sont pas de nature à caractériser l'impossibilité pour l'employeur de mettre en oeuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise ou des sociétés du groupe européen auquel elle appartient, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article L. 5213-5 du code du travail ;
AUX MOTIFS QU' « cette demande est nouvellement formée en appel. Il n'est pas contesté que Mme X... s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé le 5 mai 2011 et que la société compte plus de 5.000 salariés ; pour autant il apparaît que les conditions d'application de ce texte ne sont pas remplies dès lors que le ré-entraînement au travail ne peut intervenir qu'à l'occasion du travail et que Mme X... n'a jamais repris le travail après la reconnaissance de ce statut et avant son licenciement et que ce texte s'applique aux salariés malades et blessés et non aux salariés inaptes auxquels le travail est interdit tant que n'a pas été trouvé un reclassement et qu'il n'a pas été émis d'avis médical ni de demande à cette fin ; Mme X... sera déboutée de sa demande ».
ALORS QU'aux termes de l'article L. 5213-5 du code du travail, tout établissement ou groupe d'établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades ou blessés ; que cette obligation n'impose pas que le salarié malade ou blessé ait repris son travail et s'applique au salarié reconnu travailleur handicapé licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; que ce salarié subit nécessairement un préjudice qui doit être réparé dès lors que son employeur ne respecte cette obligation alors qu'il a connaissance du statut de travailleur handicapé du salarié avant d'engager la procédure de licenciement ; que pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article L. 5213-5 du code du travail, la cour d'appel a énoncé que l'obligation de ré-entraînement au travail ne pouvait pas s'appliquer à cette dernière dans la mesure où elle n'avait pas repris son travail après la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé le 5 mai 2011 jusqu'à son licenciement et qu'elle avait été déclarée inapte et licenciée pour inaptitude physique le 24 mai 2012 après avoir été convoquée à un entretien préalable par lettre du 4 avril 2012 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 5213-5 du code du travail.
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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.