par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 3 novembre 2016, 15-18444
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Cour de cassation, chambre sociale
3 novembre 2016, 15-18.444

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2015) et les pièces de la procédure, que, dans le cadre d'une restructuration tendant à assurer la compétitivité du secteur des produits laitiers frais, la société Danone produits frais France (la société) a regroupé deux de ses établissements du département de la Seine-Maritime en un établissement unique appelé Pays de Bray ; que la société et les trois syndicats représentatifs au sein de l'établissement Pays de Bray ont signé un accord d'établissement "New Deal Pays de Bray" visant à mettre en place "une politique de rémunération qui reconnaisse l'effort des salariés sur la performance économique du site et sa capacité à adapter en permanence ses organisations pour répondre aux besoins des clients" ; que cet accord prévoit, pour les seuls salariés de l'établissement Pays de Bray, une augmentation salariale sur trois ans et le versement d'une prime spécifique dite prime d'amélioration continue ; qu'estimant que cet accord d'établissement instaurait une différence de traitement au détriment des salariés de l'établissement de Le Molay-Littry (Calvados), le syndicat CGT Danone Le Molay-Littry (le syndicat) a saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant à voir les salariés de cet établissement bénéficier des conditions salariales de ceux de l'établissement Pays de Bray ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande alors, selon le moyen, qu'une différence de traitement ne peut être pratiquée entre les salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elle repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en considérant qu'un accord conclu au niveau d'un établissement n'est tenu de respecter le principe d'égalité qu'à l'intérieur dudit établissement et peut instituer dans ce cadre un régime plus favorable aux salariés que celui existant au sein de l'entreprise sans caractériser une atteinte illicite au principe d'égalité et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement considéré repose ou non sur des critères objectifs et pertinents, la cour d'appel a violé le principe à travail égal, salaire égal ;

Mais attendu que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu qu'un accord d'établissement peut instituer dans le cadre de l'établissement un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l'entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite du principe d'égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements, et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents, et qui a fait ressortir que les avantages salariaux dont bénéficiaient les salariés de l'établissement Pays de Bray n'étaient pas étrangers à des considérations de nature professionnelle, a légalement justifié sa décision ;

Attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat CGT Danone Le Molay-Littry aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT Danone

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat de ses demandes tendant à ce que soit ordonnée sous astreinte l'application aux salariés de l'établissement du Molay Littry du barème salarial de l'établissement Pays de Bray ainsi que la modification en conséquence des bulletins de paie.

AUX MOTIFS propres QU'il doit être rappelé qu'en principe, les différences de rémunération entre salariés exerçant un travail égal ne sont licites que si elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination ; qu'il appartient aux signataires des conventions et accords collectifs de respecter ce principe à l'intérieur du champ d'application des accords qu'ils concluent ; qu'ainsi, un accord d'entreprise ne peut prévoir une différence de traitement entre salariés des différents établissements de ladite entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si cette différence repose sur des raisons objectives et pertinentes ; qu'un accord conclu, comme l'autorisent les dispositions de l'article L. 2232-16 du code du travail, « au niveau d'un établissement ou d'un groupe d'établissement » n'est, en revanche, tenu de respecter ce principe qu'à l'intérieur de l'établissement ou du groupe d'établissements que constitue son champ d'application, et peut instituer dans ce cadre un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l'entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite dudit principe au détriment des salariés des autres établissements, et ce sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement ou du groupe d'établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents ; qu'il en résulte que c'est à tort que le syndicat CGT DANONE Le Molay Littry estime que la conclusion au sein de l'établissement DANONE Pays de Bray d'un accord réservant aux salariés de cet établissement un traitement salarial plus favorable que celui résultant des accords d'entreprise conclus au sein de la société DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE constituerait une violation du principe d'égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements de l'entreprise, et spécialement au détriment des salariés de l'établissement DANONE Le Molay Littry ; qu'en tout état de cause, en irait-il autrement, que le juge ne saurait, comme cela lui est demandé au cas présent, ordonner l'extension à tous les salariés de l'entreprise de la stipulation plus favorable issue d'un accord conclu dans le cadre d'un seul établissement ; que ce faisant, le juge, en effet, se substituerait aux partenaires sociaux en modifiant le champ d'application de l'accord, et ce en violation des dispositions de l'article L. 2222-1 du code du travail aux termes duquel « les conventions et accords collectifs de travail (...) déterminent leur champ d'application territorial et professionnel » ; que comme le fait valoir à juste titre la société DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE, s'il reconnaît qu'une stipulation conventionnelle constitue une violation du principe d'égalité de traitement, le juge peut seulement en prononcer l'annulation ; que la décision déférée sera en conséquence, mais par substitution des motifs qui précèdent à ceux des premiers juges, confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par le syndicat CGT DANONE Le Molay Littry tendant à voir dire que l'accord salarial conclu au sein de l'établissement DANONE Pays de Bray constituait une violation du principe d'égalité de traitement et à voir ordonner à la société DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE d'accorder le bénéfice de cet accord aux salariés de l'établissement DANONE Le Molay Littry.

ALORS QU'une différence de traitement ne peut être pratiquée entre les salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en considérant qu'un accord conclu au niveau d'un établissement n'est tenu de respecter le principe d'égalité qu'à l'intérieur dudit établissement et peut instituer dans ce cadre un régime plus favorable aux salariés que celui existant au sein de l'entreprise sans caractériser une atteinte illicite au principe d'égalité et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement considéré repose ou non sur des critères objectifs et pertinents, la cour d'appel a violé le principe à travail égal, salaire égal ;

ET ALORS encore QUE le salarié qui perçoit une rémunération inférieure à celle des autres salariés, pour un travail égal ou de valeur égale, en méconnaissance du principe d'égalité, a droit à la rémunération dont bénéficient ces autres salariés ; qu'en considérant qu'il n'appartient pas au juge d'ordonner que les salariés lésés bénéficient du barème salarial conventionnel plus favorable au motif, inopérant, qu'il ne peut modifier le champ d'application d'un accord collectif, la cour d'appel a violé le principe à travail égal, salaire égal.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS propres QUE la cour ayant retenu que la violation invoquée, qui fonde la demande en paiement de dommages et intérêts formée par ailleurs par le syndicat CGT DANONE Le Molay Littry contre la société DANONE PRODUITS FRAIS France, n'est pas caractérisée, cette demande sera rejetée.


ALORS QUE, en application de l'article 625 alinéa 2 du code civil, la cassation à intervenir au premier moyen entrainera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté le syndicat de sa demande en paiement de dommages et intérêts.



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Temps de travail


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