par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 13 octobre 2016, 15-23437
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
13 octobre 2016, 15-23.437

Cette décision est visée dans la définition :
Compensation




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juin 2015), qu'après avoir fait délivrer, le 5 mai 2014, un commandement de payer à M. et Mme X..., la société Lyonnaise de banque (la banque) les a attraits devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance en vue de l'audience d'orientation ; que devant celui-ci, M. et Mme X... ont opposé l'exception de compensation qui serait attachée à un jugement d'un tribunal de grande instance du 10 avril 2014 revêtu de l'exécution provisoire condamnant la banque à leur payer une certaine somme ; que par une ordonnance de référé du premier président de la cour d'appel saisie par la banque d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire du 13 juin 2014, celle-ci a été autorisée à consigner la somme due en conséquence du jugement du 10 avril 2014 entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations avant le 12 juillet 2014, ce qu'elle a fait le 8 juillet 2014 ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de constater qu'à la date du 10 avril 2014, les époux X... disposaient d'une créance liquide et exigible à son encontre éteignant sa créance à leur égard, d'annuler en conséquence le commandement de saisie immobilière délivré le 5 mai 2014 à l'encontre de M. et Mme X... et de dire qu'elle devra procéder, à ses frais, à la radiation du commandement auprès des services de la publicité foncière de Digne-les-Bains, alors, selon le moyen :

1°/ que la compensation légale suppose l'existence de créances réciproques, certaines, liquides et exigibles ; qu'elle ne peut donc être constatée au bénéfice d'un débiteur dont la créance résulte d'un jugement dont l'exécution provisoire a été arrêtée à la date où il invoque cette compensation et à celle à laquelle le juge statue ; qu'il résulte de l'arrêt que, pour s'opposer à la saisie immobilière mise en oeuvre par la banque contre les consorts X... en exécution de trois décisions définitives les condamnant à lui verser une somme totale de 142 190,43 euros, ceux-ci ont invoqué la compensation légale entre cette dette et leur créance sur la banque d'un montant de 241 438,66 euros résultant d'un jugement postérieur revêtu de l'exécution provisoire ; qu'en constatant cette compensation légale, tout en relevant que la banque avait, conformément à une ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 juin 2014 l'y autorisant en application de l'article 521 du code de procédure civile, consigné entre les mains de la caisse des dépôts et consignations une somme de 250 000 euros en garantie de l'exécution du jugement susvisé, ce dont il résultait que l'exécution provisoire de ce jugement avait été arrêtée au jour de cette consignation, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1290 du code civil et les articles 521 et 524 du code de procédure civile ;

2°/ que la consignation réalisée sur autorisation du premier président de la cour d'appel en vertu de l'article 521 du code de procédure civile libère le débiteur à l'égard de son créancier et tient lieu de paiement à son égard ; que celui-ci ne peut en conséquence échapper à sa propre dette à l'égard de celui qui a consigné en invoquant les règles de la compensation légale ; qu'il résulte de l'arrêt que, pour s'opposer à la saisie immobilière mise en oeuvre par la banque contre les consorts X... en exécution de trois décisions définitives les condamnant à lui verser une somme totale de 142 190,43 euros, ceux-ci ont invoqué la compensation légale entre cette dette et leur créance sur la banque d'un montant de 241 438,66 euros résultant d'un jugement postérieur revêtu de l'exécution provisoire ; qu'en constatant cette compensation légale, tout en relevant que la banque avait, conformément à une ordonnance du premier président du 13 juin 2014 l'y autorisant en application de l'article 521 du code de procédure civile, consigné entre les mains de la caisse des dépôts une somme de 250 000 euros en garantie de l'exécution du jugement susvisé, ce dont il résultait que la banque était, à la date de cette consignation, libérée à l'égard des consorts X..., la cour d'appel a violé les articles 521 du code de procédure civile et 1257 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article 1290 du code civil la compensation entre la créance de M. et Mme X... à l'encontre de la banque en conséquence du jugement du tribunal de grande instance du 10 avril 2014, assorti de l'exécution provisoire, et la créance détenue par la banque à leur encontre, dont celle-ci poursuivait le recouvrement par le commandement de payer du 5 mai 2014, s'agissant de dettes réciproques, liquides et exigibles, s'était opérée de plein droit à l'instant même où les deux créances avaient coexisté et que la décision du premier président d'arrêter l'exécution provisoire du jugement sous réserve de la consignation par la banque de la somme due à M. et Mme X... ne pouvait remettre en cause la compensation légale ainsi opérée avant l'engagement de la procédure de saisie immobilière, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lyonnaise de banque aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de banque

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR constaté qu'à la date du 10 avril 2014, les époux X... disposaient d'une créance liquide et exigible à l'encontre de la société Lyonnaise de banque éteignant la créance de celle-ci à leur égard, annulé en conséquence la commandement de saisie immobilière délivré le 5 mai 2014 par la Lyonnaise de banque à l'encontre des consorts X... et dit que la Lyonnaise de banque devra procéder, à ses frais, à la radiation du commandement auprès des services de la publicité foncière de Digne-les-Bains ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1290 du Code civil : « La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives » ; que par jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 avril 2014 assorti de l'exécution provisoire, la Lyonnaise de Banque a été condamnée à verser aux époux X... la somme de 241 438,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts ; que cette décision a été signifiée à la Lyonnaise de Banque le 7 mai 2015 ; que cette dernière banque poursuit la vente sur saisie immobilière de biens appartenant aux consorts X... pour recouvrer la somme de 16 347,07 euros contre M. X... et celle de 60 922,68 euros contre les époux en vertu de trois décisions passées en force de chose jugée des 13 février 2012, 16 août 2011 et 27 juin 2013 ; que la compensation a lieu entre dettes réciproques, liquides et exigibles comme en dispose l'article 1291 du Code civil ; qu'or, à la date du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 avril 2014 revêtu de l'exécution provisoire, les consorts X... détenaient sur la Lyonnaise de Banque une créance liquide et exigible absorbant en totalité celle d'un montant significativement plus faible de cette dernière banque à leur égard ; que la compensation prévue à l'article 1290 du Code civil s'est ainsi opérée de plein droit à l'instant même où ces deux créances ont coexisté, celle des époux X... d'un montant de 241 438,66 euros éteignant celle de la Lyonnaise de Banque à leur encontre ; que toutefois, pour tenter de faire admettre que la créance des consorts X... aurait perdu le caractère d'exigibilité nécessaire au jeu de la compensation, la Lyonnaise de Banque se prévaut de l'ordonnance de référé du premier président du 13 juin 2014 l'autorisant à consigner le montant de la condamnation prononcée au profit des époux X..., ce fait privant le jugement du tribunal de grande instance de Nice de son caractère exécutoire ; que cependant, et comme il a été précédemment rappelé, la compensation se réalise à l'instant même où les dettes coexistent et celle-ci est par conséquent intervenue le 10 avril 2015 à la date à laquelle a été prononcé le jugement du tribunal de grande instance de Nice ; que, qui plus est, le premier président, saisi en référé pour arrêter l'exécution provisoire, d'un jugement, ne peut remettre en cause les paiements effectués antérieurement à sa propre décision en sorte que celle-ci n'a pu rétroactivement remettre en cause une compensation qui présente tous les caractères d'un paiement ; que le jugement du 15 janvier 2015 sera, dans ces conditions, infirmé en toutes ses dispositions et le jugement du 5 mars 2015, qui s'inscrit à sa suite, annulé car privé de tout objet ».

ALORS QUE la compensation légale suppose l'existence de créances réciproques, certaines, liquides et exigibles ; qu'elle ne peut donc être constatée au bénéfice d'un débiteur dont la créance résulte d'un jugement dont l'exécution provisoire a été arrêtée à la date où il invoque cette compensation et à celle à laquelle le juge statue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour s'opposer à la saisie immobilière mise en oeuvre par la société Lyonnaise de banque contre les consorts X... en exécution de trois décisions définitives les condamnant à lui verser une somme totale de 142 190,43 euros, ceux-ci ont invoqué la compensation légale entre cette dette et leur créance sur la société Lyonnaise de banque d'un montant de 241 438,66 euros résultant d'un jugement postérieur revêtu de l'exécution provisoire ; qu'en constatant cette compensation légale, tout en relevant que la société Lyonnaise de banque avait, conformément à une ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 juin 2014 l'y autorisant en application de l'article 521 du code de procédure civile, consigné entre les mains de la caisse des dépôts une somme de 250 000 euros en garantie de l'exécution du jugement susvisé, ce dont il résultait que l'exécution provisoire de ce jugement avait été arrêtée au jour de cette consignation, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1290 du code civil et les articles 521 et 524 du code de procédure civile ;


ALORS, en tout état de cause, QUE la consignation réalisée sur autorisation du premier président de la cour d'appel en vertu de l'article 521 du code de procédure civile libère le débiteur à l'égard de son créancier et tient lieu de paiement à son égard ; que celui-ci ne peut en conséquence échapper à sa propre dette à l'égard de celui qui a consigné en invoquant les règles de la compensation légale ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour s'opposer à la saisie immobilière mise en oeuvre par la société Lyonnaise de banque contre les consorts X... en exécution de trois décisions définitives les condamnant à lui verser une somme totale de 142 190,43 euros, ceux-ci ont invoqué la compensation légale entre cette dette et leur créance sur la société Lyonnaise de banque d'un montant de 241 438,66 euros résultant d'un jugement postérieur revêtu de l'exécution provisoire ; qu'en constatant cette compensation légale, tout en relevant que la société Lyonnaise de banque avait, conformément à une ordonnance du premier président du 13 juin 2014 l'y autorisant en application de l'article 521 du code de procédure civile, consigné entre les mains de la caisse des dépôts une somme de 250 000 euros en garantie de l'exécution du jugement susvisé, ce dont il résultait que la société Lyonnaise de banque était, à la date de cette consignation, libérée à l'égard des consorts X..., la cour d'appel a violé les articles 521 du code de procédure civile et 1257 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.