par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 10 décembre 2015, 14-29871
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
10 décembre 2015, 14-29.871

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsqu'à la date du dessaisissement de l'avocat, il n'a pas été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, la convention préalable d'honoraires cesse d'être applicable et les honoraires correspondant à la mission partielle effectuée par l'avocat jusqu'à cette date doivent être appréciés en fonction des seuls critères définis par l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les productions, que M. X...a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat, dans un litige l'opposant à son employeur ; qu'il a été prévu un honoraire de diligence au taux horaire de 180 euros HT et un honoraire complémentaire de résultat d'un montant de 7, 5 % des sommes recouvrées soit par voie amiable soit par voie prud'homale ; qu'en cours de procédure, M. X...a déchargé l'avocat de la procédure et a refusé de lui verser les honoraires complémentaires que ce dernier lui réclamait ; que M. X...a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande de fixation des honoraires ;

Attendu que pour fixer à la somme de 13 455 euros TTC le montant de l'honoraire de résultat dû par M. X...à M. Y... et condamner le premier à payer cette somme au second, l'ordonnance énonce qu'en cas de dessaisissement anticipé de l'avocat avant qu'une décision juridictionnelle irrévocable ne soit rendue ou une transaction ne soit conclue, l'avocat ne peut en principe se prévaloir d'une convention d'honoraires de résultat ; que, toutefois, la transaction intervenue postérieurement au dessaisissement de M. Y... est partiellement due à l'activité de celui-ci préalablement à la rupture du mandat ; que M. X..., qui a rompu sans motif et donc abusivement le mandat donné à M. Y..., ne peut prétendre échapper au paiement de l'honoraire de résultat conventionnellement prévu ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que le client avait en cours de procédure, avant la signature d'un protocole d'accord transactionnel, mis fin au mandat confié à l'avocat, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a fixé le montant de l'honoraire de résultat dû par M. X...à M. Y... à la somme de 13 455 euros TTC, condamné M. X...à payer cette somme à M. Y..., l'ordonnance rendue 29 octobre 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., le condamne à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé le montant des honoraires de résultat dû par M. X...à Maître Y... à la somme de 13. 455 euros TTC et d'avoir condamné M. X...à payer cette somme à Maître Y... ;

AUX MOTIFS QUE le 25 mars 2013 les parties ont convenu d'un honoraire de résultat de 7, 5 % « des sommes recouvrées soit par la voie amiable soit par la voie prud'homale, ayant pour assiette les sommes obtenues hors créances salariales, assorti d'un droit de suite » ; qu'il n'a été prévu aucune disposition en cas de changement d'avocat en cours de procédure ; qu'il résulte du dossier que dès le mois d'avril 2013, Maître Y... a saisi pour le compte de son client, le Conseil de Prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir diverses indemnités à la suite de la rupture du contrat de travail ; que le 30 avril Maître Y... a fait savoir à l'avocat de l'ancien employeur de M. X..., la société Fresenius, que celui-ci n'était pas opposé à la recherche d'une solution amiable ; que le 17 mai 2013, Maître Y... a adressé un courrier à l'avocat adverse lui indiquant que M. X...était disposé « à en terminer moyennant le versement en sus des créances salariales, d'une indemnité correspondant à 20 mois de salaire net de charges sociales, CSG et CRDS » ; que le 27 juin 2013, Maître Z..., avocat de la société Fresenius a informé Maître Y... que la société offrait de verser à titre transactionnel la somme de 150. 000 euros en sus du règlement des créances salariales de 98. 724 euros selon reçu pour solde de tout compte du 20 juin 2013 ; qu'il est constant que le mandat donné à Maître Y... a pris fin le 5 juillet 2013 ; que cette rupture s'est manifestée par l'échange d'un courriel de M. X...et d'une lettre de Maître Y... du même jour faisant état du dénigrement du travail effectué par le cabinet ; qu'à cette date l'offre de 150. 000 euros n'avait pas encore été acceptée par M. X...; qu'il est établi que postérieurement à la rupture, les négociations se sont poursuivies par le nouveau conseil de M. X...; que le montant net de l'indemnité transactionnelle obtenue par celui-ci s'est élevée à 179. 304, 62 euros ; qu'en cas de dessaisissement anticipé de l'avocat avant qu'une décision de soit rendue ou une transaction ne soit conclue, celui-ci ne peut en principe se prévaloir d'une convention d'honoraires de résultat ; que toutefois la chronologie ci-dessus rappelée démontre que la transaction intervenue postérieurement au dessaisissement de Maître Y... est partiellement due à l'activité de celui-ci préalablement à la rupture du mandat ; que M. X...qui a rompu sans motif et donc abusivement le mandat donné à Maître Y... ne peut prétendre échapper au paiement de l'honoraire de résultat conventionnellement prévu ; que l'honoraire de résultat calculé sur la somme de 150. 000 euros s'élève à la somme de 13. 455 euros TTC ; que Maître Y... n'établit pas que le surplus obtenu en définitive par M. X...a son origine dans son activité antérieure de négociation ; qu'il ne peut prétendre à un complément d'honoraires de résultat ; que M. X...sera en conséquence condamné à payer à M. Y... la somme de 13. 455 euros TTC ;

1°- ALORS QUE le dessaisissement de l'avocat avant la fin du litige rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée ne peuvent alors être fixés que selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en condamnant M. X...au paiement d'un honoraire de résultat sur le fondement de la convention d'honoraires conclue entre les parties après avoir constaté que la transaction est intervenue postérieurement au dessaisissement de Maître Y..., qu'elle n'est que partiellement due à l'activité de celui-ci préalablement à la rupture du mandat le 5 juillet 2013, puisque l'offre de l'employeur en date du 27 juin 2013 de régler la somme de 150. 000 euros n'a pas été acceptée par M X..., que ce dernier a demandé à son nouveau conseil de poursuivre les négociations et que la transaction finalement signée le 24 novembre 2013 grâce au travail de ce nouveau conseil a porté sur un montant supérieur de 179. 304, 62 euros net, ce dont il résulte que la convention d'honoraires prévoyant un honoraire de résultat ne pouvait s'appliquer, l'ordonnance attaquée a violé les articles 1134, 1184 du Code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2°- ALORS QUE le mandat donné à un avocat n'étant pas un mandat d'intérêt commun, il peut être révoqué ad nutum par le mandant ; que la révocation ad nutum s'entend d'une décision de résiliation prise sans que des motifs aient à être précisés et l'abus dans l'exercice du droit de révocation ne peut être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable susceptible de se rattacher à des circonstances vexatoires ou intempestives et à tout le moins l'existence d'une faute ; qu'en déduisant de l'absence d'indication d'un motif, l'existence d'un abus du droit de rompre le mandat, le premier président a violé l'article 2004 du Code civil ;

3°- ALORS QU'en retenant le caractère abusif de la rupture du mandat le 5 juillet 2013 et en considérant que M. X...aurait ainsi entendu échapper au paiement de l'honoraire de résultat, après avoir constaté que « la rupture s'est manifestée par l'échange d'un courriel de M. X...et d'une lettre de Maître Y... du même jour faisant état du dénigrement du travail effectué par le cabinet », que ce dernier avait en effet par courrier du 5 juillet 2013 « indiqué à M. X...qu'il entendait se dessaisir de la défense de ses intérêts », ce dont il résulte que cette rupture résultait d'une volonté commune des parties, qu'elle n'était pas unilatérale, et qu'elle était motivée en ce qui concerne M. X...par la qualité du travail de son conseil, le premier président n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 2004 du Code civil qu'il a violé ;

4°- ALORS de surcroît, QUE la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; que dès lors le bâtonnier et sur recours, le premier président n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité du client à l'égard de l'avocat résultant des conditions prétendument fautives de son dessaisissement par le client ; qu'en justifiant la condamnation de M. X...à payer un honoraire de résultat malgré le dessaisissement de Maître Y... survenu avant la transaction mettant fin au litige, par le caractère prétendument abusif de ce dessaisissement, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé l'article 174 du décret du 27 novembre 1991.



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Avocat


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