par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 novembre 2015, 14-25799
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 novembre 2015, 14-25.799

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2014), que M. X..., exerçant comme avocat au barreau du Québec après sa radiation du barreau de Paris en 2002, a sollicité son inscription à ce barreau en application de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (ARM) conclu entre le Conseil national des barreaux (CNB) et le barreau du Québec ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 6 de l'ARM conclu le 30 mai 2009 entre le barreau du Québec et le CNB, les avocats satisfaisant aux conditions prévues par cet Arrangement (obtention d'un baccalauréat en droit, détention du permis d'exercice de la profession d'avocat, inscription au barreau du Québec, souscription d'une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l'activité en France et réussite à l'examen de contrôle des connaissances portant sur la réglementation et la déontologie de l'avocat prévu par l'article 100 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991) peuvent, sans autre formalité relative aux qualifications professionnelles, demander leur inscription au tableau d'un barreau français ; qu'en particulier, cette inscription ne peut être refusée pour des motifs tenant à la moralité du postulant ; qu'en affirmant que l'ARM ne prévoit pas l'inscription de plein droit des avocats satisfaisant à l'ensemble des conditions qu'il pose, pour en déduire que le conseil de l'ordre au barreau de Paris avait pu rejeter la demande d'inscription de M. X... pour des motifs tenant à sa moralité, la cour d'appel a violé les articles 5 et 6 de l'ARM, ensemble l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu que, selon l'article 11 de la loi susvisée, l'accès à la profession d'avocat est soumis, outre à une exigence de réciprocité pour les ressortissants d'un Etat n'appartenant pas aux Communautés européennes, à des conditions de compétence professionnelle et de moralité ; que la convention conclue entre le barreau du Québec et le CNB fixe les modalités de reconnaissance mutuelle des formation et qualifications professionnelles et qu'il ne s'ensuit pas nécessairement que tout candidat ayant satisfait, conformément à son article 6, à l'obligation de compétence, doive être inscrit au barreau ; que le conseil de l'ordre, chargé de veiller au respect des principes régissant la profession, est tenu de vérifier sa moralité ; qu'après avoir énoncé que M. X..., qui avait été radié pour des agissements contraires à la probité, devait rapporter la preuve de son amendement pour exercer à nouveau la profession d'avocat, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a estimé que les éléments par lui produits étaient insuffisants pour rétablir la confiance que doit inspirer tout auxiliaire de justice ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à l'Ordre des avocats au barreau de Paris la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du Conseil de l'Ordre du Barreau de PARIS du 18 décembre 2012 ayant rejeté la demande d'inscription de Monsieur X... au tableau de cet Ordre ;

AUX MOTIFS QUE « M. X..., avocat en exercice au barreau du Québec, a présenté une demande de reconnaissance, en France, au Conseil National des Barreaux, de ses qualifications professionnelles d'avocat en exercice québecois, en vertu de l'article 7 de l'arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre le CNB et le barreau du Québec et de l'article 100 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 ; que, par décision du 10 septembre 2010, le Conseil national des Barreaux a autorisé M X... à bénéficier des dispositions de l'article 11 dernier alinéa de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de l'article 100 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1591 et : de l'arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles conclu le 30 mai 2909 entre le Conseil national des barreaux et le barreau du Québec ; a dit que, pour pouvoir s'inscrire à un Barreau français, il sera soumis à un examen de contrôle des connaissances en droit français devant le jury du centre régional de formation professionnelle d'avocats de Versailles conformément aux dispositions de l'arrêté du 7 janvier. 1993 étant précisé que l'examen ne portera que sur l'épreuve orale de déontologie et réglementation professionnelle ; qu'il résulte d'une attestation de l'HEDAC (Haute école des avocats conseils de la Cour d'appel de Versailles) en date du 1 décembre 2010 que M. X... a réussi l'examen de contrôle de connaissances imposé par le CNB ; que M. X... a le 10 avril 2012, sollicité son inscription en qualité d'ancien avocat du Barreau de Paris et en sa nouvelle qualité d'avocat au barreau du Québec, sa réinscription au tableau du Barreau de Paris en application de l'article 100 du décret 91-1197 du 27 novembre 1997 ; que l'ordre a rejeté sa demande par la décision du 18 décembre 2012 déférée à la Cour ; que, devant celle-ci, M. X... déclare renoncer à la demande fondée sur l'article 97 7° du décret du 27 novembre 1991 formée en qualité d'ancien avocat inscrit au Barreau de Paris ; qu'il indique agir désormais sur le seul fondement de l'entente entre le Québec et la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles ; que l'article 7 de l'entente précitée énonce que " si les champs de pratique, les titres de formation ou les programmes d'apprentissage visés sont globalement équivalents, dans ce cas, l'autorité compétente reconnaît les qualifications professionnelles du demandeur " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce texte, il est prévu que " la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises sur le territoire de la France ou du Québec permet aux bénéficiaires de remplir les exigences de qualifications professionnelles requises pour l'obtention de l'aptitude légale d'exercer sur le territoire d'accueil. Cette reconnaissance correspond aux professions ou aux métiers réglementés Pour lesquels ils sont qualifiés sur le territoire d'origine. La nationalité des bénéficiaires est indifférente à l'octroi d'une telle reconnaissance. Dès lors qu'une reconnaissance est établie, les bénéficiaires peuvent déposer une demande d'autorisation d'exercice " ; qu'en vertu de l'article 100 du décret du 27 novembre 1991 les modalités et le programme de l'examen de contrôle prévu au dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précitée pour l'inscription au tableau d'un barreau français des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à la Communauté européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la confédération suisse sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice après avis du Conseil national des barreaux. L'examen est subi devant le jury prévu à l'article 69. Le Conseil national des barreaux peut, au vu des travaux universitaires ou scientifiques du candidat, dispenser celui-ci de certaines épreuves. Il le peut également lorsque la coopération développée avec ses homologues étrangers lui a permis de s'assurer que sa formation ou son expérience professionnelle rendait cette vérification inutile. " ; qu'il n'est pas contesté que l'entente susvisée est applicable en France et fait partie du droit positif ; que la discussion sur la place d'un tel accord au regard de l'article 55 de la constitution est sans intérêt ; que M. X... estime qu'en vertu de cet accord de reconnaissance mutuelle, le barreau français d'accueil est tenu de procéder à l'inscription de plein droit de l'avocat québecois ; toutefois qu'il convient de relever que l'article 100 précité ne vise qu'à dispenser l'avocat étranger de l'obligation de passer tout ou partie des épreuves nécessaires pour l'inscription au barreau ; que l'accord de réciprocité résultant de l'entente entre le Québec et la France ne tend qu'à la reconnaissance des qualifications professionnelles et l'article 6 rappelé ci-dessus mentionne que lorsque cette reconnaissance est validée, le bénéficiaire peut déposer une demande d'autorisation d'exercice ; qu'en aucun cas, ce texte, ne prévoit que le requérant peut automatiquement exercer dans le pays d'accueil ; que le CNB a, par décision du 10 septembre 2010, seulement autorisé M. X... à bénéficier des dispositions de l'article 11 dernier alinéa de la loi du 31 décembre 1971 et dit qu'il devait se soumettre à un examen de connaissances au centre régional de formation de Versailles ; que ce dernier alinéa de l'article 11 dispose que " l'avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas aux communautés européennes ou à l'Espace économique européen s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat doit subir pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle de connaissances en droit français selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que cet alinéa ne concerne donc que le-contrôle des connaissances ; que M :. X..., avocat au barreau de Québec, du fait de l'arrangement, sa qualification étant reconnue, est soumis à un examen simplifié de connaissances ; qu'il en résulte que M. X... pouvait déposer un dossier qui était soumis à l'examen de l'Ordre qui devait vérifier que les autres conditions d'inscription au tableau énoncées dans l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 étaient remplies ; que les conditions de nationalité, de diplôme et de titularité du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ne sont pas contestées ; que la question vise celles relatives à la moralité du requérant ; que l'article 11 dans ses 4°, 5° et 6° exigent que l'impétrant n'ait pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, n'ait pas été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation ou n'ait pas été frappé de faillite personnelle ou de sanction en application des textes relatifs au redressement judiciaire ou à la liquidation judiciaire ; Qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. X... qui était alors avocat au barreau de Paris, a fait usage en 1989 dans le cadre d'une procédure d'un document qui était un faux, qu'il a fait l'objet de la part du Conseil de l'Ordre, de plusieurs procédures disciplinaires rappelées ci-dessous à savoir-le 26 novembre 1991 d'une peine de deux ans de suspension qui a été assortie du sursis par la Cour d'appel poux avoir délivré une assignation à lm avocat et un notaire sans visa du Bâtonnier et déposé une déclaration de surendettement en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement,- le 28 juin 1994 d'une peine d'interdiction temporaire d'une durée d'une année pour avoir souscrits des emprunts sans rembourser les précédents et en ayant ainsi exposé ses créanciers parents et amis à des poursuites constituant des manquements aux règles d'honneur et de délicatesse ;- le Conseil de l'Ordre a prononcé la radiation de M. X... par décision du 17 juillet 2001, décision confirmée par la Cour d'appel qui a relevé dans ses motifs que M. X... avait fait reposer sur autrui la charge de ses engagements personnels et privé ses créanciers ou la collectivité de revenus légitimement dus, que de multiples procédures avaient été engendrés de son fait tendant à retarder le règlement des créances, qu'il avait fait des appels à crédit répétés créant de nouvelles dettes au détriment de nouveaux débiteurs ; que le pourvoi devant la Cour de cassation a été rejeté et la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable son recours,- une interdiction temporaire de douze mois avec privation du droit de faire partie du Conseil de l'Ordre pendant dix ans le 7 octobre 2003 ; qu'après sa radiation, M. X... s'est installé à Strasbourg où il a exercé des fonctions de juriste d'entreprise, parallèlement de consultant ; que, par jugement du 8 novembre. 2004, la liquidation judiciaire de M. X... pour insolvabilité notoire a été prononcée par le tribunal de grande instance de Strasbourg qui avait constaté que le montant total des dettes échues était estimée à la somme de 2. 650. 000 euros dont 404. 000 euros pour l'URSSAF ; qu'un jugement de clôture pour insuffisance d'actif a été rendu le 12 octobre 2009 ; que M. X... avait un passif très conséquent ; que la liquidation judiciaire a été close par une insuffisance d'actif, le passif étant alors évalué à 1. 800. 000 euros ; que cette liquidation était le résultat de la poursuite d'une activité déficitaire dont l'intéressé ne pouvait ignorer qu'elle devait'conduire à une cessation de paiements préjudiciable à ses créanciers et éventuelles cautions ; qu'un tel comportement traduit un légèreté incompatible avec les devoirs de la profession d'avocat et notamment un manquement à l'obligation de prudence ; que la cour peut noter que ce dernier a cru devoir déclarer auprès du syndic qui lui avait été adjoint au Québec qu'il était redevenu in bonis après ce jugement gommant le fait qu'il laissait des créanciers impayés et alors que les cautions ayant payé à sa place pouvaient le poursuivre sur le fondement de l'article L 643-11 de la loi du 26 juillet 2005 et de l'article L 622-32 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi, mettant en péril sa situation financière ; que si tous les faits, objets des mesures disciplinaires sont anciens, il n'en demeure pas moins qu'ils constituent des manquements graves et répétés à la probité ayant abouti à la sanction la plus grave, la radiation ; que les griefs reprochés à M. X... et ces procédures antérieures traduisent l'inaptitude persistante de ce dernier à respecter les principes de probité, de modération, de désintéressement sur lesquels repose la profession ; que l'article 11 du décret du 27 novembre 1991 précité ne prévoit pas d'exception et notamment pas la possibilité d'amendement ; qu'à supposer qu'un tel amendement puisse être admis, la cour constate que le jugement de clôture d'actif du tribunal de grande instance de Strasbourg a précédé de quelques mois seulement l'inscription au barreau du Québec ; que M. X... ne peut donc prétendre avoir démontré être en mesure de ne pas réitérer les erreurs relatives à la gestion d'un cabinet d'avocat et à la tenue financière de son activité alors que l'exploitation de son précédent cabinet et de son activité de consultant a cessé depuis peu d'années ; que de plus compte tenu de la durée pendant laquelle M. X... a exercé son activité en augmentant régulièrement le montant de son passif et sans prendre une quelconque mesure pour limiter les effets de sa gestion catastrophique pour ses créanciers, les premiers manquements relevés remontant aux années 1990 et la clôture de la liquidation étant de 2009, la cour ne saurait se contenter d'un exercice à l'étranger de cinq années pour admettre que les pratiques antérieures de M. X... sont terminées ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision de non-inscription prise par le Conseil de l'Ordre des Avocats au barreau de Paris » ;

ALORS QU'aux termes de l'article 6 de l'Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (ARM) conclu le 30 mai 2009 entre le barreau du Québec et le Conseil National des Barreaux, les avocats satisfaisant aux conditions prévues par cet arrangement (obtention d'un baccalauréat en droit, détention du permis d'exercice de la profession d'avocat, inscription au barreau du Québec, souscription d'une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l'activité en France et réussite à l'examen de contrôle des connaissances portant sur la réglementation et la déontologie de l'avocat prévu par l'article 100 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991) peuvent « sans autre formalité relative aux qualifications professionnelles, demander leur inscription au Tableau d'un Barreau français » ; qu'en particulier, cette inscription ne peut être refusée pour des motifs tenant à la moralité du postulant ; qu'en affirmant que l'ARM ne prévoit pas l'inscription de plein droit des avocats satisfaisant à l'ensemble des conditions qu'il pose, pour en déduire que le Conseil de l'Ordre du barreau de PARIS avait pu rejeter la demande d'inscription de Monsieur X... pour des motifs tenant à sa moralité, la Cour d'appel a violé les articles 5 et 6 de l'ARM, ensemble l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.



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