par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 3 novembre 2015, 14-26051
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Cour de cassation, chambre commerciale
3 novembre 2015, 14-26.051

Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° X 15-21.769 et F 14-26.051, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes du 30 avril 2007, M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la société Bred banque populaire (la banque), de concours consentis à la société Oxalys (la société) dont il était gérant ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 31 mai 2010, la banque a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la disproportion de ses engagements à ses biens et revenus ;

Sur les moyens uniques des pourvois, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu les articles 2288 et 2292 du code civil ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que les deux cautionnements souscrits le 30 avril 2007 n'étaient à cette date qu'hypothétiques et sans objet, puisque les prêts cautionnés n'ont été consentis qu'ultérieurement, par contrats des 18 juillet et 17 août 2007, et qu'il faut se placer à ces dernières dates pour déterminer si les engagements sont disproportionnés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les cautionnements litigieux avaient été souscrits pour garantir des emprunts d'un montant déterminé qui seraient consentis ultérieurement par la banque, de sorte que la dette garantie était déterminable à la date de signature des actes de cautionnement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Attendu que pour prononcer la décharge de la caution au titre du cautionnement du 30 avril 2007, l'arrêt prend en considération d'autres cautionnements que cette dernière a souscrits les 18 mai et 14 juin 2007 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la disproportion du cautionnement s'apprécie en prenant en considération l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Bred banque populaire et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen identique aux pourvois F 14-26.051 et X 15-21.769 produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Bred banque populaire.

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la Bred Banque Populaire de ses demandes en paiement formées contre Monsieur X....

AUX MOTIFS PROPRES QU' « il ressort des énonciations du jugement attaqué et des pièces produites par l'appelante que la société Oxalys a souscrit auprès de la Bred deux prêts d'un montant de 420.000 euros et 200 000 euros pour le financement des travaux de gros oeuvre et d'agencement d'un fonds de commerce à créer dans le centre commercial dit de « La Vache Noire» à Arcueil ; que chacun de ces contrats de prêt mentionnait que, par ailleurs, la Société Générale et BNP Paribas avaient accordé à cette société d'autres prêts pour le financement de cette même opération ; que par un seul et même acte en date du 18 mars 2008, le fonds de commerce de la société Oxalys a été nanti au profit de ces trois établissements bancaires ; que M. X... a garanti chacun de ces prêts en apportant sa caution personnelle et solidaire et c'est ainsi qu'il a souscrit deux engagements de caution à l'égard de la Bred, d'un montant de 100000 euros et 210000 euros, par actes du 30 avril 2007 ; que ces engagements, cependant, n'étaient à cette date qu'hypothétiques et sans objet, puisque les prêts cautionnés n'ont été consentis qu'ultérieurement, par contrats en date des 18 juillet 2007 et 17 août 2007 ; que c'est donc à ces deux dates qu'il convient de se placer pour déterminer si les engagements souscrits par M. X... étaient disproportionnés à ces biens et à ses revenus, cette appréciation devant tenir compte de l'ensemble des engagements souscrits par M. X... ; que Monsieur X... ayant déjà cautionné à hauteur de 399 100 euros et de 384 325 euros les prêts consentis par la Société Générale et la BNP, ses cautionnements de 210 000 euros et de 100 000 euros souscrits à l'égard de l'appelante ont porté à 1 093 425 euros le total de ses engagements ; que selon l'avis d'imposition versé aux débats par l'intimé, le revenu imposable de M. X... s'est élevé à 303 176 euros en 2005 ; que cette information, cependant, ne renseigne pas sur le montant de ses revenus à la date de ses engagements de caution, c'est-à-dire en 2007, alors qu'il avait quitté l'emploi salarié qu'il occupait précédemment ; qu'aussi la Cour retiendra-t-elle les indications concordantes figurant dans les jugements rendus par le tribunal de commerce dans les procédures opposant M. X... à la Société Générale et à BNP Paribas et versés aux débats par l'appelante, selon lesquelles les revenus de l'intéressé s'élevaient à 4500 euros par mois ; qu'il résulte par ailleurs du dossier et des énonciations de l'arrêt attaqué que la valeur nette du patrimoine immobilier de M. et Mme X..., époux communs en biens, s'élevait, déduction faite du passif au titre d'un prêt immobilier, à 618 185 euros, et celle de leur patrimoine mobilier à 16400 euros ; que le montant total des engagements de caution souscrits par M. X... s'élevant, comme la Cour l'a relevé plus haut, à 1 093 425 euros, donc à une somme bien supérieure à la valeur de ses actifs immobiliers et mobiliers, c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'il était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. X..., dont il n'est pas démontré, par ailleurs, que son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation lorsqu'il a été actionné par la Bred en sa qualité de caution».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « s'il n'est pas établi que ces trois banques ont créé un pool bancaire, elles ont néanmoins agi de concert ; qu'il s'agit d'une opération unique et l'ensemble des prêts et cautions rappelés plus haut constituent un ensemble contractuel indivisible ; que le total des engagements de caution de Monsieur Eric X... s'élève à la somme de 1 093 425,00 euros, soit : 310 000,00 euros à l'égard de la SA Bred Banque Populaire ; 399 100,00 euros à l'égard de la SA Société Générale ; 384,325,00 euros à l'égard de la SA BNP Paribas ; que pour faire face à ses engagements, Monsieur Eric X... dispose, selon la fiche de renseignements versée aux débats par la SA Bred Banque Populaire elle-même, d'un bien immobilier sis Ferme de Mardilly, d'une valeur de 1 150 000,00 euros, ainsi que d'un appartement aux Menuires d'une valeur de 70 000,00, étant précisé que ces biens sont communs avec son épouse ; qu'en ce qui concerne le bien immobilier sis Ferme de Mardilly, celui-ci est grevé d'une hypothèque et il reste dû en capital à l'organisme prêteur une somme de 601 815,00 euros au 6 novembre 2006 ; qu'en conséquence, la valeur du patrimoine immobilier de Monsieur Eric X... s'établi comme suit : 1 150 000,00 - 601815,00+ 70 000,00= 618 185,00 : 2 = 309 092,50 euros, auquel s'ajoute un plan d'épargne pour 6 400,00 euros et un portefeuille de titres pour 10 000,00 euros ; que les revenus de Monsieur Eric X... en 2005 s'établissaient à la somme de 337 265,00 euros, soit un revenu mensuel de 28 105,00 euros environ ; que le revenu disponible après impôt s'élève mensuellement à la somme de 17 000,00 euros environ ; que la SA Société Générale a prêté à la sarl Oxalys le 14 juin 2007 une somme de 197 000,00 euros, moyennant des mensualités de remboursement de 3 285,00 euros, ainsi qu'une somme de 417 000,00 euros, moyennant des mensualités de remboursement de 3 475,00 euros ; que la SA BNP Paribas, quant à elle, a prêté à la sarl Oxalys le 18 mai 2007 une somme de 197 000,00 euros, moyennant des mensualités de remboursement de 3 737,25 euros, mais aussi une somme de 417 000,00 euros, moyennant des mensualités de remboursement de 4 467,29 euros ; que la sarl Oxalys devait donc rembourser à ces deux organismes bancaires une somme de 14 964,54 euros par mois, à laquelle s'ajoutent les mensualités de remboursement dans le cadre des prêts consentis par la SA Bred Banque Populaire, dont le montant des échéances mensuelles s'élève à 3 800,00 euros pour le prêt de 420 000,00 euros et 3 500,00 euros pour le prêt d'un montant de 200 000,00 euros, soit au total plus de 22 000,00 euros de mensualités de remboursement pour l'ensemble des prêts consentis par les trois banques ; qu'il s'en déduit que les engagements de Monsieur Eric X..., lors de la conclusion des contrats de cautionnement à l'égard de la SA Bred Banque Populaire, étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus ».

ALORS, D'UNE PART, QUE l'obligation de couverture d'une dette future existe dès lors que celle-ci est déterminable ; qu'en qualifiant les deux cautionnements souscrits le 30 avril 2007 par Monsieur X... au profit de la Bred d'hypothétiques et en les déclarant sans objet tout en relevant expressément que les deux engagements, d'un montant respectif de 100 000 euros et de 210 000 euros, garantissaient les deux emprunts de 200 000 euros et de 420 000 euros souscrits par la société Oxalys auprès de la banque les 18 juillet 2007 et 17 août 2007, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 2288 et 2292 du code civil.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le caractère manifestement disproportionné du cautionnement au regard des biens et revenus du garant s'apprécie exclusivement à la date de souscription de l'engagement et ce même lorsque celui-ci a pour objet de garantir une dette future, dès lors que la dette est déterminable ; qu'en décidant péremptoirement de se placer à la date de signature des deux prêts les 18 juillet 2007 et 17 août 2007 pour affirmer que les cautionnements litigieux étaient manifestement disproportionnés, quand il lui appartenait d'apprécier la situation à la date de conclusion des deux cautionnements consentis le 30 avril 2007, lesquels garantissaient expressément le remboursement des deux emprunts et, partant, des dettes déterminables, la cour d'appel a violé l'article L 341- 4 du code de la consommation.


ALORS ENFIN QUE seul l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture du cautionnement doit être pris en compte pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de cet engagement ; que pour prononcer la décharge de Monsieur X... au titre des deux engagements consentis le 30 avril 2007 au profit de la Bred, l'arrêt a pris en considération des engagements souscrits le 18 mai 2007 et le 14 juin 2007 par la caution au profit de la banque BNP Paribas et de la Société Générale pour minorer les revenus et le patrimoine du garant ; qu'en statuant de la sorte au motif inopérant tiré d'une prétendue indivisibilité des contrats de prêts et des cautionnements, la cour d'appel a, derechef, violé l'article L 341- 4 du code de la consommation.



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Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.