par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 16 septembre 2015, 14-10325
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
16 septembre 2015, 14-10.325

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Mary automobiles Coutances, concessionnaire, en qualité de conseiller commercial ; que selon un avenant du 20 septembre 2008, il a été nommé responsable de site ; que le salarié a été mis à pied de façon conservatoire et convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 2 juin 2009 ; qu'après son licenciement pour faute grave intervenu le 4 juin 2009, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 1232-2 et L. 1235-2 du code du travail ;

Attendu que pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la mise à pied, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt retient que la sanction de mutation avec baisse de salaire apparaissait pour l'employeur répondre de façon adéquate au comportement fautif du salarié, que s'agissant d'une sanction emportant modification substantielle du contrat de travail l'employeur devait recueillir le consentement du salarié, que la société alléguant un refus du salarié, elle ne pouvait pas modifier la sanction notifiée à la suite de cet entretien pour en notifier une autre quelques jours plus tard, sans convoquer M. X... à un nouvel entretien préalable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence d'entretien préalable n'a pas pour effet de priver la cause du licenciement de son caractère réel et sérieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne la société Mary Automobiles Coutances à payer à M. X... la somme de 4 428, 27 euros au titre de la mise à pied, outre les congés payés de 442, 82 euros, 20 400 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents de 2 040 euros, 5 661, 21 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 40 800 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 8 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Mary automobiles Coutances.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Mary Automobiles Coutances SAS, employeur, à payer à monsieur X..., salarié, les sommes suivantes : 26 103, 57 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, 2 610, 35 euros au titre des congés payés afférents et 10 790, 11 euros à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateurs ;

AUX MOTIFS QUE : M. X... réclame le paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ; qu'il justifie que la concession était ouverte du lundi au samedi de 8h30 à 12h et de 14h à 19h et affirme qu'il se trouvait sur son lieu de travail de 8h30 à 12h30 et de 14h à 19h, 6 jours sur 7, soit un volume horaire de 54 heures par semaine ; qu'il réclame alors le règlement de la somme totale de 26 103, 57 euros au titre des heures supplémentaires et 10 790, 11 euros au titre des repos compensateurs pour les deux années considérées 2008 et 2009, ainsi que la somme de 29 103, 99 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; que la société Mary Automobiles se contente d'une pétition de principe en ce qu'elle « conteste formellement les allégations de M. X..., sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation développée compte tenu de son caractère manifestement infondé » et ne répond donc nullement, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, sur les horaires que son salarié prétend avoir effectués et sur le montant des salaires dont il réclame règlement ; qu'en l'absence de justification des horaires effectivement réalisés par l'employeur en réponse aux demandes de son salarié, il convient de retenir les horaires de travail comme exactement rapportés par le salarié et de condamner la société Mary Automobiles SAS à lui payer ces salaires, tant au niveau des heures supplémentaires qu'au niveau des repos compensateurs (arrêt attaqué, p. 3 et p. 4 in limine) ;

ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Que l'arrêt attaqué ayant constaté que monsieur X... « affirmait » seulement s'être trouvé sur son lieu de travail de 8 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 19 h, 6 jours sur 7, sans cependant étayer cette prétention par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d'appel, en faisant droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires dont elle était saisie, a dès lors méconnu le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de monsieur X..., salarié, était sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamné la société Mary Automobiles Coutances SAS, employeur, à payer à l'intéressé les sommes suivantes : 4 428, 27 euros au titre de la mise à pied outre les congés payés y afférents de 442, 82 euros, 20 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents de 2 040 euros, 5 661, 21 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 40 800 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, outre encore le remboursement ordonné d'office aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE : dans la lettre de licenciement du 5 juin 2009 qui circonscrit les motifs de la sanction prononcée, la société Mary Automobiles Coutances SAS invoque les conclusions d'un rapport d'audit du service véhicule occasion de la concession de Coutances qu'elle a fait réaliser à compter du 18 mai 2009 par le directeur marketing et le directeur véhicule occasion du groupe, et qui a conduit à relever « 15 dossiers de vente de véhicules (dont les numéros étaient communiqués) présentant de graves irrégularités », en l'espèce des « absences ou falsifications des bons de commande, des fausses signatures, des certificats de cession établis au nom de la société Mary Automobiles Coutances SAS et ne correspondant pas aux factures, des absences de certificat de cession dans certains dossiers, une falsification du livre de police », des infractions très graves telles que « l'émission de bons de commande contrefaits et la production de faux » préjudiciables à la société ; que « dans chacun des dossiers évoqués, les véhicules étaient initialement vendus à monsieur Y... ce dernier les revendant à des particuliers en son nom propre » ; que néanmoins, « les documents afférents à la vente étaient ensuite falsifiés afin que le nom de monsieur Y... n'apparaisse plus » ; qu'il lui est alors reproché d'avoir « sciemment et volontairement camouflé les transactions réalisées par monsieur Y... afin qu'il n'ait pas à payer de carte grise et n'apparaisse pas comme procédant à un nombre trop important de ventes de véhicules d'occasion, le statut de fonctionnaire de police de monsieur Y... ayant pu lui faire bénéficier de contreparties telles que faire sauter des PV d'infractions ou indiquer les radars mobiles », « tir (ant) personnellement bénéfice de ces agissements » ; qu'enfin, « compte tenu du volume des transactions effectuées entre monsieur Y... et vous-même (15 dossiers en 7 mois), il s'agit manifestement d'un mode de fonctionnement fautif et répréhensible qui est devenu régulier et courant » ; que la société Mary Automobiles Coutances SAS prononçait une mise à pied conservatoire de M. X... prenant effet le 19 mai 2009, dès la connaissance qu'elle avait eue des conclusions de ce rapport et convoquait le salarié pour un entretien préalable qui se tenait le 2 juin 2009 ; qu'il ressort des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a constaté que le salarié ayant « semblé reconnaître pleinement les faits et prendre conscience de leur gravité », il lui était indiqué qu'il était « impossible, compte tenu de la gravité des faits, de vous maintenir dans ses fonctions de directeur de la concession de Coutances » ; qu'il avait alors « pris en compte vos regrets exprimés, votre engagement à ne pas renouveler de tels manquements » et aussi, compte tenu de « vos performances de vous conserver au sein du groupe en procédant à votre mutation et à votre rétrogradation avec diminution de la rémunération » ; que la société Mary Automobiles Coutances SAS concluait que M. X... ayant refusé de retenir une telle proposition « lors d'un entretien avec monsieur Mary le 4 juin à Coutances », son licenciement pour faute grave était prononcé ; qu'il résulte de cette présentation de la situation émanant de l'employeur que la proposition de maintenir le salarié dans un poste de responsable de site mais avec mutation dans une autre concession du groupe et de rétrogradation avec diminution de salaire, a été prise par lui à la suite de l'entretien préalable, après audition du salarié ; que cette proposition, si elle n'a pas fait l'objet d'un écrit, a été notifiée verbalement au salarié ; que les termes exacts de cette sanction proposée au salarié ne sont pas contestés par M. X... ; qu'ainsi, cette sanction de mutation avec baisse de salaire apparaissait à la société Mary Automobiles répondre de manière adéquate au comportement fautif du salarié ; que s'agissant d'une sanction emportant modification substantielle du contrat de travail, l'employeur devait recueillir le consentement effectif du salarié ; que la société Mary Automobiles Coutances SAS allègue que le salarié l'a refusée ; qu'elle ne pouvait dès lors modifier la sanction notifiée à la suite de cet entretien pour en notifier une autre quelques jours plus tard, sans convoquer M. X... à un nouvel entretien préalable ; que le licenciement de M. X... est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse (arrêt attaqué, pp. 4 et 5) ;

ALORS QUE si un nouvel entretien préalable s'impose lorsque l'employeur envisage de prononcer un licenciement en lieu et place de la mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien et refusée par le salarié, cette obligation cesse lorsque la lettre de convocation au premier entretien faisait référence à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement et que quelques jours seulement se sont écoulés entre l'entretien préalable et la notification du licenciement, l'entretien ayant ainsi assuré la prise en compte des droits et de la situation du salarié au moment dudit licenciement ;

Qu'en décidant le contraire, pour dire que le licenciement de monsieur X... ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-2 du code du travail ;

ALORS, en tout état de cause, QUE l'absence d'entretien préalable n'a pas pour effet de priver la cause du licenciement de son caractère réel et sérieux ;

Que, pour dire que le licenciement de monsieur X... ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur ne pouvait pas notifier à l'intéressé son licenciement pour faute grave sans le convoquer à un nouvel entretien préalable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-2 du code du travail.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.