par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 8 juillet 2015, 14-18850
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
8 juillet 2015, 14-18.850

Cette décision est visée dans la définition :
Quotité disponible




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 février 2014), que Jean-Claude X..., écrivain, est décédé le 26 janvier 2000, en laissant pour lui succéder Mme Y..., son épouse, avec laquelle il s'était marié le 12 février 1999, et M. X..., son fils issu de sa première union ; que, par testament olographe daté du 14 janvier 2000, il avait institué son épouse légataire universelle et gestionnaire de l'ensemble de son oeuvre littéraire ; que, par acte du 18 janvier 2000, il lui avait consenti une donation portant sur l'universalité des biens de sa succession ; que, par acte du 24 avril 2001, Mme Y... a opté en faveur de la totalité en usufruit ; qu'un jugement du 9 septembre 2004 a rejeté la demande en nullité du testament et de la donation formée par M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réduction de l'usufruit de Mme Y... sur les droits d'auteur de l'oeuvre de Jean-Claude X... et de dire que celle-ci bénéficie de l'intégralité de l'usufruit sur les biens meubles ayant appartenu à Jean-Claude X..., notamment sur les droits d'auteur provenant de sa production littéraire, alors, selon le moyen :

1°/ que l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions de l'article 913 du code civil qui prévoit que les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne peuvent excéder la moitié des biens du disposant lorsque celui-ci ne laisse à son décès qu'un enfant ; qu'en retenant que rien n'empêchait Jean-Claude X... de laisser à son épouse l'intégralité de l'usufruit de ses biens comprenant l'usufruit de ses droits d'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable ;

2°/ que l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions des articles 913 et suivants du code civil ; qu'en retenant que, l'usufruit spécial des droits d'exploitation de l'auteur étant cumulatif et non exclusif de l'usufruit bénéficiant en droit commun au conjoint survivant, il ne pouvait avoir pour effet de priver ce dernier de l'usufruit sur l'ensemble des biens de la succession résultant d'une libéralité, quand les droits patrimoniaux de l'auteur font l'objet d'une dévolution distincte des autres biens de la succession, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable ;

3°/ que l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions des articles 913 et suivants du code civil ; qu'en faisant application de la quotité disponible spéciale du conjoint survivant, prévue à l'article 1094-1 du code civil, tandis qu'est seule applicable aux droits d'auteur la quotité disponible ordinaire prévue aux articles 913 et suivants du code civil, la cour d'appel a violé l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu que, lorsqu'en application de l'article 1094-1 du code civil, le conjoint survivant est donataire de l'usufruit de la totalité des biens de la succession, l'usufruit du droit d'exploitation dont il bénéficie en application de l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle n'est pas réductible ; qu'ayant relevé que Mme Y... était donataire de l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession, lequel n'affectait pas la nue-propriété de la réserve héréditaire, la cour d'appel en a déduit à bon droit, par motifs adoptés, que l'usufruit du droit d'exploitation des oeuvres de Jean-Claude X... dont Mme Y... bénéficiait en vertu de l'article L. 123-6 précité n'était pas soumis à réduction au profit de l'héritier réservataire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Sébastien X... de sa demande en réduction de l'usufruit de Mme Y... sur les droits d'auteur de l'oeuvre de M. Jean-Claude X... et dit que Mme Y... bénéficie de l'intégralité de l'usufruit sur les biens meubles ayant appartenu à M. Jean-Claude X..., et notamment sur les droits d'auteur provenant de sa production littéraire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Jean-Claude X... a établi un testament olographe daté du 14 janvier 2000 ainsi libellé : « je soussigné, Jean-Claude X..., né le 20 juin 1945 à Marseille ¿ sain de corps et d'esprit ¿ veux que mon épouse Catherine Y...-X...née le 26-09-1960 à Lille soit la légataire universelle et gestionnaire de l'ensemble de mes oeuvres et de leurs droits dérivés » ; que M. Jean-Claude X... a ensuite fait dresser un acte authentique par Me Michelle Z..., notaire associé à Marseille ; qu'il a déclaré à son épouse Mme Catherine Y..., donataire, qui a accepté, l'universalité des biens meubles et immeubles qui composeraient sa succession, étant précisé qu'en cas de descendant la donation porterait sur la plus forte quotité disponible permise entre époux, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et usufruit, soit en usufruit seulement, au choix de la donataire ; qu'à la suite de l'action de M. Sébastien X... aux fins d'annulation de ce testament et de cette donation, le tribunal de grande instance de Marseille, par jugement en date du 9 septembre 2004, a jugé de la validité de ce testament et de cette donation ; que le tribunal avait par ailleurs constaté qu'était établie la preuve d'une relation entre M. Jean-Claude X... et Mme Catherine Y... depuis 1983, bien avant leur mariage ; que, dans le cadre de l'application de la donation entre époux, Mme Catherine Y... a opté pour l'universalité de l'usufruit ; que M. Sébastien X... estime qu'en application de l'article L. 123-6 du code de procédure civile, l'attribution de tout l'usufruit à Mme Catherine Y... porte atteinte à sa réserve héréditaire ; que l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, en sa rédaction en vigueur à la date du décès, telle que résultant de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992, disposait que, pendant la période prévue à l'article L. 123-1, le conjoint survivant, contre lequel il n'existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu'il tient de l'article 767 du code civil sur les autres biens de la succession, de l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé ; que toutefois, si l'auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et suivants du code civil ; que ce droit s'éteint au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage ; qu'au titre des articles 913 et suivants du code civil figure l'article 1094-1 du code civil, en sa version en vigueur à la date du décès, tel que résultant de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 qui disposait que pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et les trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ; qu'en conséquence, rien n'empêchait M. Jean-Claude X... de laisser à son épouse l'intégralité de l'usufruit de ses biens comprenant l'usufruit de ses droits d'exploitation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte de l'article 1094-1 du code civil tel qu'applicable au décès de M. Jean-Claude X... que pour le cas où l'époux décédé laisserait des enfants issus ou non du mariage, il peut disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur de l'autre époux, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ; qu'en l'espèce, M. Jean-Claude X... a établi le 14 janvier 2000 un testament désignant Mme Y..., son conjoint, légataire universelle et gestionnaire de l'ensemble de ses oeuvres et de leurs droits dérivés ; que, par acte en date du 18 janvier 2000, il a en outre effectué une donation au profit de Mme Y... de l'ensemble des biens meubles et immeubles composant la succession ; la validité de ce testament et de cette donation a été constatée par jugement du présent tribunal en date du 2 septembre 2004 devenu définitif ; qu'il ressort par ailleurs d'un courrier adressé par Me Z...à Me A... en date du 24 avril 2001 que Mme Y... a opté au bénéfice des libéralités dont elle bénéficiait pour un usufruit sur l'ensemble des biens ; qu'il apparaît en conséquence que Mme Y... est usufruitière de la totalité des biens dépendant de la succession de M. Jean-Claude X..., sans que cet usufruit ne soit soumis à réduction eu égard aux dispositions de l'article 1094-1 du code civil rappelé ci-dessus ; qu'elle bénéficie en outre de l'usufruit spécial prévu par l'article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle, cet usufruit spécial étant soumis à réduction suivant les conditions fixées par l'article 913 du Code civil ; que cet usufruit spécial soumis à réduction étant cumulatif et non exclusif de l'usufruit bénéficiant en droit commun au conjoint survivant, il ne peut avoir pour effet de priver ce dernier de l'usufruit sur l'ensemble des biens de la succession lorsqu'une libéralité a été consentie en ce sens par le défunt ; que c'est dès lors à bon droit que Mme Y... veuve X..., conformément aux termes du testament établi le 14 janvier 2000 et en application de l'article 1094-1 du code civil, soutient que l'usufruit concernant les oeuvres littéraires de son mari décédé n'est pas soumis à réduction au profit de l'héritier réservataire ; qu'il convient dès lors de débouter monsieur Sébastien X... de sa demande principale ;

1) ALORS QUE l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions de l'article 913 du code civil qui prévoit que les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne peuvent excéder la moitié des biens du disposant lorsque celui-ci ne laisse à son décès qu'un enfant ; qu'en retenant que rien n'empêchait Jean-Claude X... de laisser à son épouse l'intégralité de l'usufruit de ses biens comprenant l'usufruit de ses droits d'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable ;

2) ALORS QUE l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions des articles 913 et suivants du code civil ; qu'en retenant que l'usufruit spécial des droits d'exploitation de l'auteur étant cumulatif et non exclusif de l'usufruit bénéficiant en droit commun au conjoint survivant, il ne pouvait avoir pour effet de priver ce dernier de l'usufruit sur l'ensemble des biens de la succession résultant d'une libéralité, quand les droits patrimoniaux de l'auteur font l'objet d'une dévolution distincte des autres biens de la succession, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable ;

3) ALORS QUE l'usufruit des droits d'auteur dont bénéficie le conjoint survivant de l'auteur est réduit au profit des héritiers réservataires conformément aux dispositions des articles 913 et suivants du code civil ; qu'en faisant application de la quotité disponible spéciale du conjoint survivant, prévue à l'article 1094-1 du code civil, tandis qu'est seule applicable aux droits d'auteur la quotité disponible ordinaire prévue aux articles 913 et suivants du code civil, la cour d'appel a violé l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.