par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 24 juin 2015, 14-12610
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Cour de cassation, chambre sociale
24 juin 2015, 14-12.610

Cette décision est visée dans la définition :
CDI / CDD




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés des Pyrénées-Atlantiques (l'ADAPEI) pour un premier contrat à durée déterminée le 13 septembre 1999 en qualité d'ouvrière qualifiée et pour un dernier contrat à durée déterminée le 22 septembre 2009 pour un remplacement, ce dernier contrat prenant fin le 30 novembre 2010, la salariée ayant sur un peu plus de onze années cumulé deux cent vingt-cinq contrats à durée déterminée avec cet employeur ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le second moyen, qui est préalable :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, alors, selon le moyen, qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de requalification de ses deux cent vingt-cinq contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée par des motifs inopérants tirés de la régularité formelle des contrats de travail à durée déterminée successifs ou du caractère discontinu de la succession des contrats, sans autrement rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si au regard, d'une part, du nombre de jours travaillés par an, des motifs similaires des contrats (remplacements pour RTT ou récupération, pour l'essentiel), de la récurrence des tâches confiées (entretien des locaux) et, d'autre part, du fait qu'après que l'employeur ait mis un terme à son dernier contrat à durée déterminée une salariée avait précisément été embauchée à durée indéterminée pour exercer les mêmes fonctions que celles remplies jusqu'alors par Mme Y..., cette conclusion systématique de contrats à durée déterminée pendant onze années avait pour objet ou, à tout le moins pour effet, d'assigner la salariée à des fonctions relevant d'un emploi permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-1 du code du travail ;

Mais attendu que procédant, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, à la recherche prétendument omise, la cour d'appel qui, appréciant souverainement la portée des éléments de fait et de preuve produits devant elle, a constaté qu'un grand nombre des contrats d'engagement de la salariée n'avaient été conclus que pour quelques jours, que les contrats s'étaient succédé de manière discontinue avec, entre chacun d'eux, des périodes d'inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu'à cinq mois, et que l'engagement n'intervenait pas toujours pour les mêmes postes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1242-2 et L. 1242-7 du code de travail ;

Attendu, selon le second de ces textes, que le contrat de travail à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent peut ne pas comporter un terme précis ; qu'il a alors pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande d'indemnisation pour rupture abusive du contrat à durée déterminée conclu le 22 septembre 2009, l'arrêt retient que cette convention précisant « contrat établi en remplacement partiel et provisoire de M. Z..., employé comme agent technique, absent, pour remplacement partiel et provisoire de M. Z... en maladie par glissement de poste de Mme A..., agent de service intérieur, sur le poste de M. Z... », il en résulte que le recours à ce contrat est causé par l'absence pour maladie de M. Z..., mais aussi que Mme X... est recrutée pour remplacer non pas directement le salarié en arrêt maladie, mais Mme A..., agent de service intérieur, elle-même affectée sur le poste de M. Z..., que dès lors, l'événement constitutif du terme du contrat à durée déterminée sans terme précis est le retour de Mme A... sur son poste, et non pas celui de M. Z... sur le sien ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le contrat à durée déterminée ne comportait pas de terme précis, de sorte qu'il ne pouvait prendre fin qu'au retour du salarié dont l'absence avait constitué le motif de recours à un tel contrat, peu important le remplacement par glissement effectué par l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande d'indemnisation pour rupture abusive du contrat à durée déterminée conclu le 22 septembre 2009, l'arrêt rendu le 19 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne l'ADAPEI des Pyrénées-Atlantiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Caston, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande d'indemnisation pour rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée conclu le 22 septembre 2009 ;

AUX MOTIFS QUE Madame Y... fait valoir à titre principal qu'un contrat à durée déterminée sans terme précis a été conclu pour pallier l'absence pour maladie d'un salarié ; qu'elle a été affectée sur un poste d'entretien des locaux pour remplacer une autre salariée affectée au poste de travail en cuisine du salarié absent ; qu'en première instance l'employeur n'a produit aucune pièce prouvant la reprise de ses fonctions par Monsieur Z..., le salarié absent pour maladie ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1242-7 du Code du travail que le contrat à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu, notamment, pour remplacement d'un salarié absent ; qu'en l'espèce, le contrat de travail signé par Madame Y... à compter du 28 septembre 2009 s'intitule « contrat à durée déterminée sans terme précis pour remplacement » et précise « contrat établi en remplacement partiel et provisoire de Monsieur Z... André, employé comme agent technique, absent, pour remplacement partiel et provisoire de Monsieur Z... en maladie par glissement de poste de Madame A..., agent de service intérieur, sur le poste de Monsieur Z... » ; qu'ainsi, il résulte clairement de ce contrat que le recours à un contrat à durée déterminée est causé par l'absence pour maladie de Monsieur Z..., mais aussi que Madame Y... est recrutée pour remplacer non pas directement le salarié en arrêt maladie, mais Madame A..., agent de service intérieur, elle-même affectée sur le poste de Monsieur Z... ; qu'il doit être observé que, contrairement à ce que soutient la salariée, le contrat comporte bien l'indication de la qualification non seulement du salarié absent, en l'espèce agent technique, mais aussi de la salariée appelée à remplacer le salarié absent sur le poste duquel Madame Y... a été affectée, en l'espèce, agent de service intérieur ; qu'au demeurant, Madame Y... n'apparaît pas revendiquer la qualification de cuisinier, qu'elle ne possède pas, et indique elle-même qu'elle a toujours été recrutée pour assurer l'entretien des locaux ou, aussi pendant deux années, pour des remplacements en qualité de veilleur de nuit ; qu'elle ne saurait donc sérieusement soutenir qu'elle aurait été recrutée pour remplacer Monsieur Z..., l'agent technique cuisinier absent ; qu'en effet, en cas de conclusion d'un contrat à durée déterminée en vue du remplacement d'un salarié absent, l'employeur n'est pas tenu d'affecter le salarié recruté au poste même occupé par la personne absente ; que Madame Y... soutient que l'ADAPEI a rompu le contrat de manière anticipée et abusive puisque Monsieur Z... n'avait pas repris son travail ; que, pour autant, l'ADAPEI fait valoir sans être démentie que Madame A..., affectée sur le poste du salarié absent pour maladie, a été déclarée inapte au poste de cuisinier et qu'elle a réintégré le 30 novembre 2010 son poste d'agent de service intérieur affectée à l'entretien des locaux ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'employeur soutient que l'événement constitutif du terme du contrat à durée déterminée sans terme précis est le retour de Madame A... sur son poste et non pas celui de Monsieur Z... sur le sien ; qu'il en résulte que la rupture du contrat à durée déterminée conclu avec Madame Y... n'est ni anticipée, ni abusive et que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point, a rejeté la demande en ce sens de la salariée ; que les demandes réparatoires de la salariée à ce titre ne sont donc pas davantage fondées ;

ALORS QU'un contrat de travail à durée déterminée sans terme précis ne peut être rompu avant la réalisation de l'événement qui en constitue l'objet ; qu'en décidant que l'employeur avait valablement rompu le contrat de travail à durée déterminée sans terme précis de Madame Y..., stipulé conclu « jusqu'au retour du salarié absent Monsieur Z... ou au terme du justificatif d'absence », après avoir déclaré Madame A... inapte à remplacer le salarié absent par glissement de poste et lui avoir fait réintégrer ses fonctions le 30 novembre 2010 quand, à cette date, l'objet du contrat de travail à durée déterminée de Madame Y... n'était pas réalisé, de sorte que l'employeur ne pouvait unilatéralement y mettre un terme, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1242-2 et L. 1242-7 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

AUX MOTIFS QUE Madame Y... soutient la requalification en contrat à durée indéterminée, au visa de l'article L. 1242-1 du Code du travail qui prévoit qu'un contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'elle a toujours exécuté les mêmes fonctions pendant 11 ans dans le cadre de 225 contrats à durée déterminée, avec soit le statut d'ouvrier qualifié, d'agent de service intérieur ou de manière limitée, de veilleuse de nuit ; que, pour autant, c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes, analysant les contrats versés aux débats, a constaté « le respect absolu de la législation en vigueur en terme de contrat à durée déterminée » par l'ADAPEI ; qu'il s'avère en effet de leur examen qu'un très grand nombre de ces contrats sont conclus pour seulement quelques jours, ce qui permet d'en expliquer le nombre important en onze années, presque toujours avec terme précis, le plus souvent pour remplacement, ou plus rarement pour surcroît ²exceptionnel d'activité, c'est-à-dire des cas expressément prévus par la loi et autorisant le recours à un contrat à durée déterminée ; qu'il s'avère aussi que ces contrats se sont succédés de manière discontinue avec, entre chacun d'eux, des périodes d'inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu'à cinq mois (par ex. de décembre 2004 à mai 2005) ; qu'ainsi, il n'est pas établi que ces contrats avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'ADAPEI ;que Madame Y... fait aussi valoir que concomitamment à la rupture du dernier CDD, l'ADAPEI a procédé au recrutement en contrat à durée indéterminée sur un poste identique à celui qu'elle occupait ; que, pour autant, elle n'établit pas que cet emploi permanent, pour lequel un recrutement semble avoir été nécessaire postérieurement à novembre 2010, en l'espèce en janvier 2011, soit trois mois plus tard, existait aussi pendant les onze années au cours desquelles elle a effectué des contrats à durée déterminée, au demeurant pas toujours sur les mêmes postes ; que l'argument n'est donc pas susceptible d'entraîner la requalification, d'autant que Madame Y... fait surtout valoir que ce recrutement pour se plaindre de n'avoir pas été elle-même recrutée ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification en contrat à durée indéterminée et les demandes indemnitaires subséquentes, et son jugement sera également confirmé de ce chef ;


ALORS QU'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de requalification de ses 225 contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée par des motifs inopérants tirés de la régularité formelle des contrats de travail à durée déterminée successifs ou du caractère discontinu de la succession des contrats, sans autrement rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (conclusions, p. 13 et s.), si au regard, d'une part, du nombre de jours travaillés par an, des motifs similaires des contrats (remplacements pour RTT ou récupération, pour l'essentiel), de la récurrence des tâches confiées (entretien des locaux) et, d'autre part, du fait qu'après que l'employeur ait mis un terme à son dernier contrat à durée déterminée une salariée avait précisément été embauchée à durée indéterminée pour exercer les mêmes fonctions que celles remplies jusqu'alors par Madame Y..., cette conclusion systématique de contrats à durée déterminée pendant onze années avait pour objet ou, à tout le moins pour effet, d'assigner la salariée à des fonctions relevant d'un emploi permanent, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-1 du Code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.