par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 10 mars 2015, 14-11616
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Cour de cassation, chambre commerciale
10 mars 2015, 14-11.616

Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gremaud solutions (la société) a, par acte du 31 octobre 2006, conclu avec la société Caisse de crédit mutuel de Lyon Bellecour Saint-Jean (la caisse) un contrat d'ouverture de crédit stipulant que les intérêts seraient calculés au taux de 5,333 % l'an, variable à la hausse comme à la baisse en fonction de l'évolution du taux moyen mensuel de l'Euribor à trois mois ; qu'après avoir remboursé le crédit utilisé, la société a contesté le mode de calcul et le montant des intérêts perçus par la caisse puis l'a assignée en paiement, soutenant, notamment, qu'elle avait manqué à son obligation d'information sur le taux effectif global ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que, pour condamner la caisse à payer à la société la somme en principal de 89 144,89 euros par substitution du taux légal au taux conventionnel en raison de l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'acte portant ouverture de crédit, l'arrêt retient qu'il n'a pu être suppléé à cette irrégularité par la mention dudit taux sur les relevés périodiques de compte reçus par la société sans protestation ni réserve de sa part puisque le taux effectif global pratiqué n'a jamais été identique, pour la période suivant l'envoi d'un arrêté de compte courant, au taux indiqué sur ce document ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas d'ouverture de crédit en compte courant, la mention sur les relevés périodiques de compte du taux effectif global régulièrement calculé pour la période écoulée vaut information de ce taux pour l'avenir à titre indicatif, et, suppléant l'irrégularité du taux figurant dans le contrat initial, emporte obligation, pour le titulaire du compte, de payer les intérêts au taux conventionnel à compter de la réception sans protestation ni réserve de cette information, même si le taux effectif global constaté a posteriori, peu important qu'il soit fixe ou variable, est différent de celui qui a été ainsi communiqué, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Gremaud solutions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel Lyon Bellecour Saint-Jean.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit qu'en raison de l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'acte authentique portant ouverture de crédit, la Caisse de Crédit Mutuel Bellecour Saint Jean, établissement de crédit, n'avait pas satisfait à l'obligation légale de l'article L.313-2 du code de la consommation d'indiquer préalablement par écrit ledit taux, d'avoir dit, en conséquence, que le taux d'intérêt légal se substituait au taux d'intérêt conventionnel et d'avoir condamné Caisse de Crédit Mutuel Bellecour Saint Jean à payer à la société à responsabilité limitée Gremaud Solutions, emprunteuse, la somme de 89.144,89 €, outre intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2010, date de l'assignation ;

AUX MOTIFS QUE sur les conséquences de l'absence de clause conventionnelle de calcul des intérêts, les parties admettaient l'une et l'autre que dans l'hypothèse où le teg indiqué dans l'acte d'ouverture de crédit n'aurait pas été effectivement appliqué, le taux légal devait être substitué au taux conventionnel ; qu'il avait déjà été rappelé que le Crédit Mutuel avait reconnu dans son courriel du 28 juillet 2010 que les intérêts avaient été calculés sur 360 jours conformément à la pratique bancaire ; que l'irrégularité du taux nominal à partir duquel le teg était calculé avait donc à elle seule pour conséquence d'entraîner celle de ce dernier de sorte qu'il n'était pas besoin de s'interroger sur l'obligation éventuelle pour le Crédit Mutuel d'inclure, pour le calcul de ce taux, les frais d'information des cautions ; que pour autant, le Crédit Mutuel objectait que les intérêts effectivement perçus étant conformes au teg dont la Sarl Gremaud avait connaissance par sa mention sur les « tickets d'agios » (en réalité les arrêtés du compte courant) qui lui étaient adressés périodiquement, la régularité du taux effectif global pratiqué avait suppléé, pour les intérêts échus postérieurement à leur réception, l'absence de fixation préalable par écrit dudit taux ; et qu'il ajoutait encore que la Sarl Gremaud était irrecevable, à raison de l'écoulement du délai de la prescription légale de 5 ans avant qu'elle ne conteste l'exactitude des informations figurant sur ces relevés dans ses conclusions du 20 novembre 2012, à contester les tickets d'agios qu'elle avait reçus antérieurement au 20 novembre 2007 ; que comme le faisait valoir la Sarl Gremaud, ayant assigné le 13 octobre 2010 le Crédit Mutuel pour contester les intérêts ayant été prélevés, elle avait interrompu la prescription ; que quant au fait que l'indication du teg sur les arrêtés de compte aurait suppléé l'absence de fixation préalable par écrit du teg, il n'en était rien puisqu'à même suivre ce raisonnement, le teg pratiqué n'avait jamais été identique pour la période suivant l'envoi d'un arrêté de compte courant au taux indiqué sur cet arrêté ; que le taux d'intérêt légal devait être substitué au taux d'intérêt conventionnel ; que la Sarl Gremaud en tirait la conséquence que lui était due une somme de 106.923,70 euros, l'imputation de la totalité des intérêts erronés devant se faire sur le capital, leur perception ne pouvant s'assimiler à un paiement ; mais que comme l'opposait le Crédit Mutuel, une telle imputation n'était fondée qu'en cas de déchéance de tout droit à intérêts et ce n'était pas la situation en l'espèce ; qu'après rectification du décompte versé aux débats par la Sarl Gremaud qui procédait de façon injustifiée à cette imputation en capital, le montant des intérêts légaux qu'elle devait s'élevait à 139.081,69 euros alors que le Crédit Mutuel ne contestait pas avoir encaissé au titre des intérêts la somme de 228.226,58 euros ; que le Crédit Mutuel avait perçu indûment la différence soit 89.144,89 euros (arrêt, pp. 3 à 5) ;

ALORS QUE la Ccm avait soutenu que la réception sans protestation ni réserve, de la part de l'emprunteur, des relevés périodiques permettait, pour la période postérieure à leur réception, de suppléer l'absence de fixation régulière préalable du taux effectif global dans la convention d'ouverture de crédit en compte courant ; que la société Gremaud, en défense à ce moyen, n'avait pas soutenu que cette mention du teg appliqué n'aurait pas pu suppléer efficacement l'absence de fixation régulière dudit taux dans la convention d'ouverture de crédit en ce que « le teg pratiqué n'aurait jamais été identique pour la période suivant l'envoi d'un arrêté de compte courant au taux indiqué sur cet arrêté » ; qu'en relevant d'office ce point, sans mettre les parties en mesure de présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SURCROÎT, QUE la réception sans protestation ni réserve, par le bénéficiaire d'un découvert en compte, de relevés périodiques comportant indication du taux effectif global pour le calcul des intérêts portés au débit, peut suppléer l'absence de fixation préalable par écrit de ce taux si les indications figurant aux relevés sont suffisamment complètes, peu important que le taux soit variable ; qu'en retenant au contraire que du fait des variations du taux pratiqué par la banque, la réception des relevés périodiques par le titulaire du compte n'aurait pas été de nature à suppléer l'absence de fixation préalable par écrit du taux effectif global, la cour d'appel a violé l'article 1907 du code civil et l'article L.313-2 du code de la consommation ;

ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en se bornant à affirmer que le montant des intérêts au taux légal qui auraient été dus par la Ccm s'élevait à 139.081,69 ¿, sans fournir aucun élément sur le calcul auquel elle avait procédé pour parvenir à cette somme, laquelle n'avait été invoquée par aucune des parties à l'instance, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1907 du code civil et de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier ;

ALORS, ENFIN, QUE la Ccm avait contesté les calculs effectués par la société Gremaud pour chiffrer sa demande relative à un prétendu trop perçu d'intérêts, qualifiés par la banque de totalement erronés, et avait souligné le caractère injustifié des demandes de l'emprunteur ; qu'en estimant que la Ccm ne contestait pas avoir encaissé au titre des intérêts la somme de 228.226,58 euros, cependant qu'il résultait clairement de ses écritures que celle-ci s'opposait aux affirmations de la société Gremaud à cet égard, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.