par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 28 janvier 2014, 12-81406
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Cour de cassation, chambre commerciale
28 janvier 2014, 12-81.406

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. José X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 9e chambre, en date du 7 février 2012, qui, pour emploi de salariés pendant les heures supplémentaires sans majorations de salaire conformes, l'a condamné à 209 amendes contraventionnelles de 90 euros chacune ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 décembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 2251-1, L. 3122-2, L. 3122-4, L. 3121-22, L. 3121-10, L. R. 3124-7 du code du travail, de l'accord collectif du 11 octobre 2005 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail et de son avenant du 19 décembre 2008, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de 209 contraventions d'emploi de salarié pendant les heures supplémentaires sans majoration de salaire conforme ;

" aux motifs que l'inspection du travail a rapporté, conformément à l'article 429 du code de procédure pénale, " sur une matière de sa compétence ", que le procès-verbal comporte des titres qui correspondent aux textes évoqués par le prévenu : I- " Constatations ", II- " Textes applicables ", III- " Qualifications " et IV- " Imputabilite " ; que les constatations ont été faites par les inspecteurs du travail à partir de l'ensemble des documents communiqués par l'entreprise qui constitue un élément objectif, qu'il ne peut en être autrement s'agissant de la question des heures supplémentaires ; que le procès-verbal a donc force probante à cet égard, que les interprétations et qualification juridiques ne sont qu'indicatives et restent soumises à l'appréciation des juridictions, qu'il y a donc lieu de rejeter le moyen ; que l'accord d'entreprise du 11 octobre 2005 ayant été valablement signé, le référendum sur son approbation ne lui confère pas une validité supplémentaire ; qu'il ne saurait résulter de cet accord une modulation du temps de travail sur l'année par la seule référence, de " principe " dans son article 2. 1. 2, à l'article L. 212-8 du code du travail, abrogé le 12 mars 2007 ; que la disposition légale envisageait, en effet, seulement la faculté de prévoir que la durée hebdomadaire du travail puisse varier " sur tout ou partie de l'année " ; qu'en revanche, son article 2. 1. 3 concernant la durée du travail prévoyait " un décompte mensuel des heures qualifiées de supplémentaires par référence à un horaire théorique de 151, 67 " ; qu'il en est de même pour l'évocation de " principe " de l'article L. 3122-4 du code du travail dans l'avenant du 19 décembre 2008 puisque le texte législatif donne la possibilité de calculer " la durée du travail sur une période de plusieurs semaines " et prévoit, alternativement pour un accord, deux décomptes pour les heures supplémentaires, soit les heures effectuées au-delà de 1607 heures annuelles, soit les heures effectuées au-delà de la moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence fixée par l'accord ; que l'avenant reprenait en revanche le décompte de l'accord antérieur dans son article 2. 3. 1. dans les termes suivants : " constituent des heures supplémentaires les heures de travail accomplies sur le mois au-delà de 151, 67 heures " ; qu'en outre, à juste titre, le premier juge a noté que l'accord ne fait aucune référence explicite à l'annualisation du calcul des heures supplémentaires (1607 heures) même si une régularisation de leur paiement intervient en fin d'année par le jeu d'un décompte par report ou " glissement " de mois en mois jusqu'au 31 décembre ; que le seuil mensuel théorique de 151, 67 heures est, par contre, mentionné à six reprises dans l'article 13 de l'avenant ; que le premier juge a justement considéré qu'il ne peut être assimilé à une moyenne de 35 heures effectives calculées sur une période de référence, au sens de l'article L. 3122-4 du code du travail puisqu'il est le résultat d'un calcul permettant la mensualisation des salaires ; que l'accord du 11 octobre 2005 reprend d'ailleurs cette référence dans son cadre normal à l'article 2. 4 sous le titre " Rémunération " pour le " lissage de la rémunération mensuelle de base " ; que l'accord, s'agissant du décompte des heures supplémentaires, était donc contraire aux dispositions législatives ; qu'en ce qui concerne les heures supplémentaires, l'accord, contrairement à l'article L. 2251-1 du code du travail, comporte des stipulations défavorables au salarié par rapport aux dispositions légales en vigueur ; qu'en effet, l'inspection du travail a, d'une part, calculé pour chaque salarié le préjudice financier résultant des heures supplémentaires non payées ou non majorées ici pour le mois de janvier 2009 sous l'annexe 8 de son procès-verbal en prenant comme base le dispositif de droit commun de décompte hebdomadaire de celles-ci pour le déclenchement des majorations ; que, d'autre part, par le jeu du report ou " glissement " de mois en mois, les heures non travaillées dans un mois en deçà de 151, 67 heures viennent en déduction pour le calcul des heures supplémentaires du mois suivant en diminuant ainsi le nombre ; que les modalités de décompte de celles-ci retenues par l'accord ont donc pour effet de minorer indûment leur nombre ainsi que leur majoration, sans qu'une régularisation soit techniquement envisageable en fin d'année sur ces points ; qu'enfin, par voie de conséquence, la contrepartie en repos due lorsque le contingent annuel d'heures supplémentaires est dépassé est rendue moins accessible au salarié puisque le contingent est minoré par l'accord ; que l'infraction est donc constituée ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur la culpabilité ;

" 1) alors que les juges répressifs ne peuvent prononcer de peine que si sont réunis les éléments constitutifs d'une infraction déterminée par la loi ; que la contravention, définie à l'article R. 3124-7 du code du travail, sanctionne le fait de méconnaître les dispositions relatives aux contreparties aux heures supplémentaires prévues par l'article L. 3121-22 du code du travail, lequel prévoit que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à majoration de salaire ; que, si la durée légale du travail est en principe fixée à 35 heures par semaine civile en application de l'article L. 3121-10 du code du travail, les articles L. 3122-2 et L. 3122-4 du code du travail permettent de déroger à ce cadre hebdomadaire par voie d'accord collectif en l'autorisant à organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année ; qu'en condamnant M. X... pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 3121-22 relatives au paiement d'une majoration de salaire pour toutes heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire, quand ces dispositions ne lui étaient pas applicables du fait de la conclusion d'un accord d'entreprise ayant, conformément aux dispositions des articles L. 3122-2 et L. 3122-4 du code du travail, choisi de déroger au régime de droit commun fixant un cadre hebdomadaire pour le décompte des heures supplémentaires, par l'institution d'une modulation du temps de travail sur l'année, la cour d'appel a ouvertement méconnu les textes et principes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale ;

" 2) alors qu'il résulte de l'accord initial d'entreprise du 11 octobre 2005, comme de son avenant du 19 décembre 2008 que ses signataires ont entendu instituer un système d'aménagement annuel du temps de travail, dérogeant au cadre légal hebdomadaire de droit commun, conformément aux articles L. 212-8 ancien du code du travail et aux nouveaux articles L. 3122-2 et L. 3122-4 du code du travail, expressément visés par les articles 2. 1. 2 de l'accord initial et 2. 2. 1. de l'avenant ; que la référence à l'année civile, comme " période de référence (1er janvier-31 décembre) ", résulte de même de l'article 2. 3. 1. 1 de l'accord initial comme de l'avenant, lesquels instituent par ailleurs un paiement par avance et par anticipation, dès la fin de chaque mois, des heures accomplies au-delà de 151, 67 heures, par dérogation aux dispositions légales prévoyant un paiement des heures supplémentaires au 31 décembre, dans le seul but d'avantager les salariés concernés ; qu'en affirmant néanmoins, nonobstant le visa exprès des textes législatifs autorisant la dérogation par accord collectif au cadre légal hebdomadaire de calcul des heures supplémentaires, et les mentions expresses de l'accord visant l'année civile comme période de référence, que l'accord ne faisait " aucune référence explicite à l'annualisation du calcul des heures supplémentaires ", la cour d'appel a dénaturé les termes de l'accord d'entreprise et méconnu son sens et sa portée, privant de ce fait sa décision de condamnation de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

" 3) alors enfin qu'aux termes de l'article L. 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur ; qu'en l'espèce, après avoir instauré une modulation du temps de travail permettant de recourir à un décompte d'heures supplémentaires dans un cadre de référence annuel, tel qu'autorisé par les dispositions des articles L. 3122-2 et L. 3122-4 du code du travail, l'accord collectif avait institué dans ce cadre un paiement des heures supplémentaires plus favorable que le cadre légal de l'article L. 3122-4 dès lors que leur paiement n'était pas assuré le 31 décembre, en fonction du nombre d'heures accomplies au-delà de 1607 heures, comme le prévoit la loi dans cette hypothèse, mais par avance et par anticipation dès la fin de chaque mois pour les heures accomplies au-delà de 151, 67 heures, avec une régularisation au 31 décembre si les majorations n'avaient pas été payées en cours d'année ; que pour écarter le caractère plus favorable à la loi de l'accord collectif litigieux, l'arrêt attaqué se borne à relever l'existence d'un préjudice financier sur la base d'une comparaison avec le dispositif de droit commun de décompte hebdomadaire des heures supplémentaires et sur le fondement des constatations plus qu'incomplètes de l'inspectrice du travail ayant limité son analyse à quelques semaines quand l'accord d'entreprise couvrait une période annuelle ; qu'en justifiant le caractère défavorable de l'accord sur le fondement d'une comparaison tronquée avec le dispositif de droit commun de décompte des heures supplémentaires, quand l'accord se situait précisément dans le cadre autorisé d'une dérogation à ce dispositif, la Cour d'appel a statué par des motifs parfaitement inopérants et privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, qu'un accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail, conclu le 11 octobre 2005 et modifié le 19 décembre 2008, a été mis en oeuvre au sein de la société " Proségur sécurité humaine ", dont M. X... est le gérant ; que cet accord a prévu un décompte des heures supplémentaires à partir d'un cadre annuel, pour les heures effectuées au-delà de 1607 heures, ainsi qu'un cadre mensuel avec un seuil théorique de 151, 67 heures travaillées après déduction, le cas échéant, des heures non travaillées en deçà de cette durée sur les mois précédents ; que l'inspecteur du travail ayant constaté que cet accord comportait des clauses contraires aux prescriptions de l'article L. 3122-4 du code du travail, M. X... a été poursuivi devant la juridiction de proximité sur le fondement de l'article R. 3124-7 dudit code ; que le juge du premier degré a déclaré la prévention établie ; que M. X... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, selon l'article L. 3122-4 du code du travail, la dérogation conventionnelle régissant le décompte des heures supplémentaires ne peut être opérée qu'à partir des deux seuils de 1607 heures annuelles ou de la moyenne de 35 heures calculées sur la période de référence retenue par l'accord ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme  ;

REJETTE le pourvoi  ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit janvier deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.