par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 mars 2013, 11-21908
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 mars 2013, 11-21.908

Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, la société Onet Luxembourg, Mme X..., Mme Y..., Mme Z..., Mme A..., Mme et M. B... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Transports Schiocchet excursions (la société Schiocchet) et la société de nettoyage Mundaclean Dosim, aux droits de laquelle est venue la société Onet Luxembourg (la société Onet), ont conclu une convention cadre portant sur le transport des salariés de cette dernière société résidant en France vers leur lieu de travail ; qu'indiquant avoir constaté une baisse subite de son activité, la société Schiocchet a assigné la société Onet, Mme C..., Mme D..., Mme E..., Mme Z..., Mme Y..., Mme X..., Mme A..., M. B..., Mme B..., salariés de la société Onet (les salariés), ainsi que Mme F... aux fins de leur enjoindre de cesser tout transport de voyageurs et tout autre acte de concurrence déloyale, de lui payer des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices, et subsidiairement de condamner la société Onet à lui payer des dommages-intérêts pour brusque et illégitime rupture des relations commerciales ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Schiocchet fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en dommages-intérêts contre les salariés pour concurrence illicite, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 5 de la loi Loti du 20 décembre 1982, tout transport pour le compte d'autrui est assimilé à un transport public, soumis à autorisation ; qu'aucune disposition légale ne prévoit d'exception en ce qui concerne le covoiturage ; qu'en estimant que le covoiturage ne serait pas constitutif d'un transport public au motif que les lois du 30 décembre 1996 et du 13 décembre 2000 auraient « favorisé » le covoiturage pour des raisons écologiques, cependant qu'aucune de ces deux lois ne prévoit que le covoiturage échapperait à l'application de l'article 5 de la loi du 20 décembre 1982, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de la loi Loti du 20 décembre 1982, dans sa version applicable en la cause ;

2°/ que le covoiturage, consistant pour une personne à transporter d'autres personnes à partir ou vers un même lieu ou selon un trajet similaire, constitue un transport pour le compte d'autrui ; qu'au cas présent, pour écarter l'application de l'article 5 de la loi Loti du 20 décembre 1982, la cour d'appel a jugé que le covoiturage constituerait un transport pour son propre compte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 5 de la loi Loti du 20 décembre 1982, dans sa version applicable en la cause ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les personnes transportées indemnisaient le conducteur pour les frais d'essence ou se relayaient en utilisant leurs véhicules pour assurer leurs transports sans supporter le coût des trajets ; que l'arrêt relève encore que l'utilisation d'un véhicule automobile entraîne sa dépréciation, des frais de réparation et d'entretien, une consommation de carburant et des frais d'assurance et que les sommes versées par les personnes transportées ne permettaient pas de considérer qu'elles avaient, au-delà des frais induits par l'utilisation des véhicules, rémunéré l'activité des conducteurs au regard du nombre de passagers transportés et des trajets effectués ; que l'arrêt retient enfin que les transports étaient effectués à titre bénévole ; que de ces constatations et appréciations, exclusives d'un comportement déloyal des salariés, la cour d'appel a exactement déduit que la société Schiocchet ne pouvait reprocher à ces derniers une concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1382 du code civil et l'article 5 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Schiocchet en dommages-intérêts dirigée contre Mme F... pour concurrence illicite, l'arrêt, après avoir relevé que les passagers transportés par elle n'auraient pu bénéficier de la convention conclue entre la société Onet et la société Schiocchet, retient que celle-ci ne peut en conséquence calculer son préjudice sur une perte de chiffre d'affaires correspondant à la somme retenue par la société Onet sur la paie de ses salariés au titre des transports, et ne justifie pas du préjudice résultant de l'activité illégale de transport exercée par Mme F... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait que Mme F... avait commis des actes de concurrence déloyale faisant perdre à la société Schiocchet une chance de transporter des passagers dans ses véhicules évaluée à 10 % au regard du comportement des personnes transportées et des possibilités de recourir à d'autres conducteurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Transports Schiocchet excursions de sa demande de dommages-intérêts contre Mme F... pour concurrence illicite, l'arrêt rendu le 11 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne la société Transports Schiocchet excursions et Mme F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Transports Schiocchet excursions

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société TRANSPORTS SCHIOCCHET EXCURSIONS de sa demande de dommages-intérêts contre la société ONET Luxembourg au titre du préjudice commercial issu des actes de concurrence déloyale ;

Aux motifs que « sur l'action en responsabilité délictuelle : que la société Schiocchet recherche la responsabilité de la société Onet sur 1e fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 5 du code civil, pour un dénigrement, des actes de ses préposés M. G... et Mme Lucie H... qui ont oeuvré pour que les salariés ne prennent plus les cars Schiocchet, des menaces et sanctions prises à l'égard de ses salariés prenant les cars Schiocchet, la suppression de l'avantage extra légal bénéficiant aux salariés prenant les cars Schiocchet ayant consisté en la prise en charge d'une partie du coût de transport ; qu'elle ne peut cependant voir engager la responsabilité de l'intéressée sur ces fondements pour les actes commis avant la rupture du contrat, ces actes constituant une violation de l'exécution loyale du contrat ne pouvant engager que sa responsabilité contractuelle ; qu'en outre que les actes commis pendant l'exécution de la convention n'ont pas engendré de préjudice financier puisque les prestations de la société Schiocchet étaient rémunérées de manière forfaitaire ; qu'a la lecture des pièces produites, il peut être retenu que postérieurement à la rupture de la convention ayant lié la société Schiocchet et la société Onet, Mme Lucie H... a posé par mesure de vengeance des affiches sur les pointeuses des bâtiments des institutions européennes pour dissuader les gens de prendre les cars Schiocchet (pièce 84'de la société Schiocchet), ce qui est une action constitutive d'un dénigrement, et a incité les salariés de la société Onet à prendre les bus de la société Dupasquier et à faire du covoiturage sous peine de sanctions (pièce 75 de la même), et que Mme Odette X... a surveillé les salariés et leur a répercuté les ordres de leur patron de ne plus prendre les bus Schiocchet (pièce 75 de la même), que la société Onet a diminué ou supprimé l'avantage financier accordé aux salariés au titre des frais de transport par la société Schiocchet (bulletins de paie de Mme C... Kathy) ; que les actes commis par les salariées de la société Onet dans l'exercice de leurs fonctions et pour partie sur incitation de leur employeur, dans l'intention de nuire à la société Schiocchet, destinés à détourner sa clientèle, sont fautifs et déloyaux, et de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Onet ; que cependant l'impact de ces actes sur la perte de la clientèle n'est pas connu ; qu'après la rupture de la convention conclue entre la société Schiocchet et la société Onet, peu de salariés de celle-ci, prenaient encore les bus Schiocchet ; que la perte de clientèle est surtout résultée des agissements de la société Onet pendant l'exécution de la convention ; que le préjudice financier n'est pas déterminable en l'absence d'éléments suffisants sur sa constitution et ne correspond en tous les cas pas au calcul effectué par la société Schiocchet à partir du forfait mensuel contractuel réglé auparavant-par la société Onet aboutissant à une demande en paiement de 419. 763, 87, euros ; que la société Schiocchet sera ainsi déboutée de sa demande au titre du préjudice commercial » (p. 16 in fine et 17) ;

1°) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, la société SCHIOCCHET invoquait à l'encontre de la société ONET des faits de dénigrement sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; qu'en défense, la société ONET se contentait de contester la réalité de ces faits mais ne prétendait, en aucun cas, que lesdits faits seraient justiciables d'une autre qualification ; que la cour d'appel a observé que les faits qualifiés par la société SCHIOCCHET de dénigrement et poursuivis sur le fondement de la responsabilité délictuelle étaient en réalité constitutifs de manquements contractuels (p. 17, § 2) ; qu'en déboutant ainsi la société SCHIOCCHET en raison de cette divergence de qualification, cependant que ce moyen n'était nullement soulevé par la société ONET et sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°) Alors, subsidiairement, que, les juges du fond, lorsqu'ils restituent à la demande son véritable fondement juridique, sont tenus de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'au cas présent, la cour d'appel a observé que les faits qualifiés par la société SCHIOCCHET de dénigrement et poursuivis sur le fondement de la responsabilité délictuelle étaient en réalité constitutifs de manquements contractuels (p. 17, § 2) ; qu'en déboutant ainsi la société SCHIOCCHET en raison de cette divergence de qualification, cependant que, dès lors qu'elle avait retenu une qualification contractuelle, il lui appartenait de faire application des règles de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du Code civil ;

3°) Alors, en tout état de cause, qu'il incombe aux juges de vérifier, au vu des documents produits, le montant des créances alléguées dont l'existence leur apparaît justifiée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la société ONET avait commis à l'encontre de la société SCHIOCCHET des actes de dénigrement constitutifs de manquement au devoir de loyauté (p. 17, in limine) et que ces actes avaient eu pour conséquence dommageable une perte de clientèle (p. 17, § 5) ; qu'en écartant toutefois la réparation de ce préjudice au motif que « le préjudice financier n'est pas déterminable en l'absence d'éléments suffisants sur sa constitution et ne correspond en tous les cas pas au calcul effectué par la société SCHIOCCHET » (p. 17, § 5), alors qu'il lui incombait de vérifier et, le cas échéant, d'évaluer elle-même son montant, la cour d'appel a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société TRANSPORTS SCHIOCCHET EXCURSIONS de sa demande de dommages-intérêts contre Mme Murielle F... pour concurrence illicite ;

Aux motifs que « que Mme F... n'est pas une salariée de la société Onet mais de la société ISS ; qu'elle a précisé sur interpellation de l'huissier de justice mandaté par la société Schiocchet, qu'elle prend le plus souvent son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail au Luxembourg mais que parfois elle est passagère du ‘ véhicule d'une autre personne ; que lorsqu'elle prend son véhicule les occupantes lui règlent une partie de l'essence ; qu'elles sont ‘ 3 à 5 personnes ; que Mme Irana J... a confirmé se rendre sur son lieu de travail dans le véchicule de Mme F..., partager les frais d'essence, qu'elles isont 3 à 5 personnes dans le véhicule ; que Mme Juliana K... a indiqué se rendre sur son lieu de travail dans le véhicule de Mme F... et partager les frais d'essence, qu'elles sont 2 à 3 personnes, que parfois elle prend son véhicule ; que Mme Maria L... M... a indiqué aller, au Luxembourg dans le véhicule de Mme F... régler une partie de l'essence, qu'elles sont 2, à 3 personnes dans le véhicule ; que la société Schiocchet a confié à M. Marcel N..., détective privé, différentes vérifications ; que celui-ci a entendu une ancienne salariée de la société Schiocchet qui a précisé qu'elle se rendait au Luxembourg dans le minibus de lWme F..., que chaque passagère payait 485 francs, puis qu'elle lui a payé 85 euros par mois ou 45 euros par semaine, qu'elles étaient le plus souvent 9 à 13 personnes dans le véhicule et parfois même debout, qu'elles travaillaient chez Onet, ISS et dans les banques, qu'elles étaient prises aux arrêts de bus sur le parcours du car Schiocchet, qu'elle a pris le minibus pendant au moins 8 années ; que M, Herrnes a constaté le 23 novembre 2004, que vers 22 heures Mme F... revenant du Luxembourg au volant de son minibus a laissé descendre une première fois trois passagères à Algrange, puis 3 autres passagères dans la même localité, puis une passagère à Knutange, avant de rentrer ê. son domicile ; que les éléments de preuve établis par M. N... sont recevables et ont une valeur probante, même s'ils émanent d'une personne choisie et rémunérée par les transports Schiocchet ; que M. N... a rempli ses missions dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle, et fait part de déclarations qu'il a personnellement entendues ou de faits qu'il a constatés, qu'il a en outre établi un témoignage conforme aux dispositions de l'article 202 du CPC ; que le règlement CEE 684/ 92 du 16 mars 1992, modifié par le règlement CE n° 12/ 98 du 11 décembre 1997, s'applique selon son article premier aux transports internationaux de voyageurs par autocars ou autobus qui sont effectués sur le territoire de la communauté par des transporteurs pour compte d'autrui ou pour compte propre établis dans un Etat membre en conformité avec la législation de celui-ci et au moyen de véhicules immatriculés dans cet Etat membre, aptes, d'après leur type de construction et leur équipement, à transporter plus de neuf personnes, conducteur compris, et destinés à " cet effet ; qu'il ressort des déclarations recueillies par M. N... que le minibus de Mme F... a transporté jusqu'à 13 personnes, et de ses constatations qu'il en a transporté 8 le 23 novembre 2004 ; qu'il y a lieu de retenir qu'il a la capacité d'en transporter plus de 9, de sorte que les transports que Mme F... effectue avec sont soumis au règlement ; que dès lors que l'on retient que le véhicule de Mme F... transporte de 7 a 12 personnes, en plus de la conductrice, étant précisé que les déclarations de Mme F..., de Mme P..., de Mme K... et de Mme L... M... sur le nombre de passagers ne sont pas concordantes et ne correspondent pas à celles recueillies par M. N... et à ses constatations, la somme demandée aux personnes transportées de 85 euros par mois ou 45 euros par semaine excède l'indemnisation des frais de transport, qui selon les conclusions établies notamment pour le compte de Mme F... sont de l'ordre de 192, 70 euros par semaine si l'on applique le barème fiscal, et constitue partiellement une rémunération ; que les transports effectués par Mme F... ne correspondent pas en conséquence aux transports pour compte propre définis à l'article 4 du règlement qui doivent être effectués à des fins non lucratives ; que les transports réalisés par Mme F... rentrent dans la qualification des services occasionnels définis par l'article 2. 3. 1 du règlement (2. 3. l. e avant la modification du règlement), parce qu'ils ne correspondent pas à la définition des services réguliers y compris les services réguliers spécialisés, ni a celle des services parallèles ou temporaires qui doivent capter la même clientèle que les services réguliers, et qu'ils concernent un groupe constitué à l'initiative de Mme F... ; que l'article 3 du règlement (dans ses versions initiale et modifiée) prévoit notamment que tout transporteur pour compte d'autrui visé à l'article 1 est admis à effectuer les services de transport définis à l'article 2 s'il est habilité dans l'Etat d'établissement à effectuer des transports par autocars et autobus sous forme de services réguliers, y compris les services spécialisés, ou de services occasionnels, et s'il satisfait aux conditions fixées conformément à la réglementation communautaire concernant l'accès à la profession de transporteur de voyageurs par route dans le domaine des transports nationaux et internationaux, et aux réglementations en matière de sécurité routière en ce qui concerne les normes applicables aux conducteurs et aux Véhicules ; qu'il précisait dans sa version initiale que les services occasionnels résiduels définis à l'article 2 point 3. l. e étaient soumis à autorisation ; que l'article 3 bis ajouté par le règlement de 1997 a cependant créé la licence communautaire, de sorte que l'article 4 actuel n'exige plus une autorisation pour les services occasionnels mais cette licence délivrée par les autorités compétentes de l'Etat membre d'établissement ; que Mme F... n'est pas habilitée par la France à effectuer des transports par autocars ou autobus sous forme de services réguliers ou de services occasionnels et qu'elle ne dispose pas d'une licence communautaire délivrée par les autorités françaises, comme elle ne bénéficiait pas auparavant d'autorisation ; qu'elle effectue irrégulièrement des services occasionnels de transport et commet des actes de concurrence illégale ; qu'elle travaille pour la société ISS depuis 1994 et qu'elle n'a jamais pris les bus Schiocchet, que les personnes qu'elle a reconnu emmener dans son véhicule travaillent pour cette société depuis 1993 et 1995 ; que l'une d'elles a pris les bus Schiocchet jusqu'en 1996, que deux autres n'ont jamais pris les bus Schiocchet ; qu'il apparaît ainsi que les intéressées se sont organisées pour voyager hors des transports Schiocchet depuis de nombreuses années, et qu'il peut être relevé parallèlement, que malgré ses déclarations, la personne entendue par M. N..., travaillant elle pour la société Onet avait le choix de prendre les bus Schiocchet, un arrêt se situant à proximité de son domicile, mais a choisi d'être transportée par Mme F... ; que Mme F... n'effectuait pas tous les transports, que certains étaient effectués par une dame Olga R... ; que d'autres salariés de la société ISS se sont organisées pour effectuer les transports en commun dans un véhicule (déclarations D...) ; qu'il n'est pas démontré compte tenu de ce qui précède, que si Mme F... n'avait pas assuré les transports, ses passagères auraient pris les bus Schiocchet ; que la société SCHIOCCHET a ainsi seulement perdu une chance de transporter ces passagères dans ses bus, qu'il convient d'évaluer à 10 % au regard du comportement des personnes transportées et des possibilités de recourir d'autres conducteurs ; que les passagères de Mme F... n'auraient pu bénéficier de la convention conclue entre la société Schiocchet et la société Mundaclean Dosim, puisqu'elles n'étaient pas salariées de cette dernière ; que la société Schiocchet ne peut en conséquence calculer son préjudice sur une perte de chiffre d'affaires correspondant à la somme retenue par la société Onet sur la paie de ses salariés au titre des transports, dont il n'est d'ailleurs pas justifié qu'il s'agit du coût de transport minimum qu'aurait supporté les salariées de la société lSS ; qu'en outre le coût de transport ne constitue pas son préjudice puisqu'il intègre les frais de transport ; que ne justifiant pas du préjudice résultant de l'activité de transport illégale de Mne F..., elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts contre Mme F... » (p. 19 in fine à 22) ;

Alors qu'il incombe aux juges de vérifier, au vu des documents produits, le montant des créances alléguées dont l'existence leur apparaît justifiée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que Mme F... avait commis des actes de concurrence illégale (p. 22, § 1) et que ces actes avaient causé à la société SCHIOCCHET un préjudice consistant en une perte de chance de réaliser des transports auprès de la clientèle irrégulièrement captée par Mme F... (p. 22, § 5) ; que, néanmoins, pour refuser d'indemniser ce préjudice, dont elle a constaté l'existence, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « les passagères de Mme F... n'auraient pu bénéficier de la convention conclue entre la société SCHIOCCHET et la société MUNDACLEAN DOSIM, puisqu'elles n'étaient pas salariées de cette dernière ; que la société SCHIOCCHET ne peut en conséquence calculer son préjudice sur une perte de chiffre d'affaires correspondant à la somme retenue par la société ONET sur la paie de ses salariés au titre des transports, dont il n'est d'ailleurs pas justifié qu'il s'agit du coût de transport minimum qu'aurait supporté les salariés de la société ISS ; qu'en outre le coût de transport ne constitue pas son préjudice puisqu'il intègre les frais de transport » (arrêt attaqué, p 22, § 6) ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il lui appartenait, de vérifier et, le cas échéant, d'évaluer elle-même, le montant du préjudice, la cour d'appel a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société TRANSPORTS SCHIOCCHET EXCURSIONS de sa demande en dommages-intérêts contre Mme C..., Mme D..., Mme E..., Mme Z..., Mme Y..., Mme X..., Mme A..., M. B... et Mme B..., pour concurrence illicite ;

Aux motifs que « sur l'action contre Mme Kathy C..., Mme Christelle E..., Mme Monique D..., Mme Constance Z..., Mme Bernadette Y..., Mme Odette X..., Mme Marie-Jeanne A..., M. Gérard B... et Mme Martine B... : qu'il ressort des différentes déclarations des salariés de la société Onet qu'ils se sont organisés en différents groupes pour effectuer à plusieurs dans un même véhicule les trajets jusqu'à leur lieu de travail au Luxembourg et les trajets pour rentrer à leur domicile ; que certaines personnes transportées travaillent pour un autre employeur ; que le nombre des personnes transportées en sus du conducteur est variable, est de 2, 3 ou 4 ; que les personnes transportées paient une certaine somme au conducteur, qui varie selon les conducteurs ; que certaines des personnes transportées ont précisé qu'elles indemnisent ainsi le conducteur pour les frais d'essence ; que d'autres personnes se relaient et utilisent leurs véhicules à tour de rôle pour assurer leurs transports, et ne paient en conséquence rien pour les trajets ; que certains passagers sont pris à domicile, d'autres à des arrêts de bus sur le parcours des cars Schiocchet ; que cette façon de faire est plus pratique, plus rapide et moins chère que les transports par les cars Schiocchet ; que certains salariés sont démarchés par d'autres pour prendre part à ce type de transport ; que certains n'ont jamais utilisé les cars Schiocchet, que d'autres n'ont plus pris les cars depuis des années, et que d'autres encore ont arrêté de prendre les cars en 2002 début 2003 ; que l'utilisation d'un véhicule automobile entraîne sa dépréciation, des frais de réparation et d'entretien, des dépenses de pneumatiques, une consommation de carburant et des fiaisd'assurance ; que les sommes mentionnées par les personnes transportées, que ce soit à l'huissier de justice mandaté par la société Schiocchet ou par attestations (dont celles mises en avant par la société Schiocchet : 20 euros/ semaine, 40 à 55 euros/ semaine, 85 euros/ mois, 80 à 90 euros/ mois), ne permettent pas de considérer qu'elles ont au delà des frais induits par l'utilisation des véhicules, rémunéré l'activité des conducteurs des véhicules, au regard du nombre de passagers transportés par véhicule et des trajets effectués ; que les transports ainsi mis en place correspondent à la notion de covoiturage, employée officiellement dans un arrêté du ministre des transports du 18 juillet 1989, qui consiste en l'utilisation d'un même véhicule par des personnes de foyers différents pour se rendre en un lieu identique ou emprunter un trajet commun, laquelle peut recouvrer différentes situations et notamment le transport en commun de collègues ou même d'inconnus ; que la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30'décembre 1996, et la loi SRU du 13 décembre 2000, ont encouragé la pratique du covoiturage pour le transport du personnel des entreprises et des collectivités publiques dans le cadre des plans de déplacements urbains, envisagé comme un moyen de lutter contre la pollution ; que le covoiturage ne constitue pas un transport public au regard de l'article 5 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 3 0 décembre 1982, dite LOTI, dès lors qu'il est organisé pour leur propre compte par les covoitureurs, mais ne rentre pas davantage dans la notion de services privés définie par l'article 29 de la loi ; qu'il s'agit d'une activité bénévole non soumise à un contrôle particulier ; que les particuliers qui pratiquent le covoiturage ne sont pas considérés comme des transporteurs au regard de la loi ; que le démarchage dans le cadre du covoiturage et son organisation ne modifient pas la nature de l'opération ; que le covoiturage peut ainsi être organisé soit directement entre automobilistes et passagers, soit par l'intermédiaire d'une association ou d'une entreprise, qu'il existe d'ailleurs des centrales de réservation des plates-formes de mise en relation ; que la société Schiocchet ne peut en conséquence reprocher aux salariés de la société Onet, ou de la société ISS, l'ensemble des intimés ne travaillant pas chez Onet, une concurrence illégale par dissimulation à l'administration d'une activité de transport illégal de voyageurs, et doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts contre Mme Kathy C..., Mme Christelle E..., Mine Monique D..., Mme Constance Z..., Mme Bernadette Y..., Mme Odette X..., Mme Marie-Jeanne A..., M. Gérard B... et Mme Martine B... » (p. 18 et 19) ;

1°) Alors qu'aux termes de l'article 5 de la loi LOTI du 20 décembre 1982, tout transport pour le compte d'autrui est assimilé à un transport public, soumis à autorisation ; qu'aucune disposition légale ne prévoit d'exception en ce qui concerne le covoiturage ; qu'en estimant que le covoiturage ne serait pas constitutif d'un transport public au motif que les lois du 30 décembre 1996 et du 13 décembre 2000 auraient « favorisé » le covoiturage pour des raisons écologiques, cependant qu'aucune de ces deux lois ne prévoit que le covoiturage échapperait à l'application de l'article 5 de la loi du 20 décembre 1982, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de la loi LOTI du 20 décembre 1982, dans sa version applicable en la cause ;

2°) Alors que le covoiturage, consistant pour une personne à transporter d'autres personnes à partir ou vers un même lieu ou selon un trajet similaire, constitue un transport pour le compte d'autrui ; qu'au cas présent, pour écarter l'application de l'article 5 de la loi LOTI du 20 décembre 1982, la cour d'appel a jugé que le covoiturage constituerait un transport pour son propre compte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 5 de la loi LOTI du 20 décembre 1982, dans sa version applicable en la cause.



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