par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 4 décembre 2012, 11-22166
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Cour de cassation, chambre sociale
4 décembre 2012, 11-22.166
Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 juin 2001), que M. X..., engagé par la société Sociel dont le siège social est situé en France, à compter du 5 août 1996 en qualité d'électricien pour exercer son activité sur des chantiers situés en Allemagne, a été licencié pour motif économique le 21 novembre 2003 ; que son employeur a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 15 février 2010, Mme Y... étant désignée liquidateur ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que l'AGS, CGEA de Nancy, fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit garantir dans les limites et conditions fixées par les dispositions légales et réglementaires du code du travail les créances salariales de M. X... fixées au passif de la société Sociel, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive n° 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, intéressant les situations transnationales, est applicable à toute liquidation judiciaire postérieure au 8 octobre 2005 ; qu'il est repris par l'article 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, portant recodification à droit constant de l'article 8 bis ; que ces articles prévoient que lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux États membres se trouve en état d'insolvabilité au sens de l'article 2, paragraphe 1, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail ; qu'en retenant la compétence de l'institution de garantie française après avoir constaté que le lieu habituel de travail de M. X... était situé en Allemagne, la cour d'appel a violé les articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, et L. 3253-18-1 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement, le code du travail prévoit l'application de la garantie de l'AGS aux salariés d'une entreprise française détachés à l'étranger et aux salariés expatriés ; que la cour d'appel a constaté que M. X... ne répondait pas aux critères prévus par les dispositions légales pour pouvoir bénéficier de la garantie de l'AGS dans ce cadre ; qu'en retenant qu'il y avait lieu néanmoins de considérer, a fortiori, que la garantie de l'organisme français devait s'appliquer pour un salarié domicilié sur le territoire national et qui a seulement été employé comme travailleur frontalier sur des chantiers situés à l'étranger tout en restant soumis à la convention collective applicable en France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, et 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, ensemble les articles L. 3253-18-1, L. 3253-6 et L. 5422-13 du code du travail ;
3°/ que, subsidiairement, pour qu'un travailleur salarié puisse se prévaloir de la garantie salariale de l'institution nationale, conformément au droit de cet État membre, à titre complémentaire ou substitutif, par rapport à celle offerte par l'institution désignée comme étant compétente en application de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 et de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, pour autant, toutefois, que ladite garantie donne lieu à un niveau supérieur de protection du travailleur, encore faut-il que la législation de cet Etat membre prévoie la possibilité de recourir à une garantie subsidiaire ; qu'en retenant la garantie de l'AGS quand l'application des dispositions de droit communautaire l'excluait, sans constater que la législation nationale prévoyait la possibilité de choisir la garantie de l'AGS dans des conditions autres que celles posées par l'article L. 3253-18-1 du code du travail qui dispose que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 assurent le règlement des créances impayées des salariés qui exercent ou exerçaient habituellement leur activité sur le territoire français, pour le compte d'un employeur dont le siège social, s'il s'agit d'une personne morale est situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen, lorsque cet employeur se trouve en état d'insolvabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, 9 de la directive n° 20/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980 modifiée, 9 et 11 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, et L. 3253-18-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que si l'article 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, devenu l'article 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, dispose que lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres se trouve en état d'insolvabilité, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail, il ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale prévoie qu'un travailleur puisse se prévaloir de la garantie salariale, plus favorable, de l'institution nationale, conformément au droit de cet Etat membre ;
Et attendu, d'autre part, que l'article L. 3253-6 du code du travail imposant à tout employeur de droit privé d'assurer ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en cas de liquidation judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la garantie de l'AGS, plus favorable que celle résultant du droit allemand, devait bénéficier à M. X... qui, travaillant sur des chantiers à l'étranger, avait choisi de maintenir son domicile sur le territoire français ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. X... était régi par le droit français et, en conséquence, de fixer au passif de la société Sociel diverses créances à ce titre notamment pour irrégularité de la procédure et absence de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi applicable au contrat de travail exécuté à l'étranger est applicable à sa rupture, peu important la compétence juridictionnelle de la juridiction française, le domicile du salarié ou le siège de l'entreprise ; que la cour d'appel qui a constaté que la loi allemande était applicable au contrat de travail exécuté en Allemagne ne pouvait sans omettre de tirer de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient, dire la loi française applicable à la rupture dudit contrat ; que ce faisant la cour d'appel a violé les articles 3 et 6-2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
2°/ qu'en tout état de cause, en considérant que le droit du licenciement français était une loi de police alors même que c'était le droit allemand qui était seul applicable à la situation contractuelle du fait du lieu d'exécution du contrat et sans caractériser aucun élément de rattachement de la situation contractuelle au droit français, la cour d'appel a violé l'article 7-2 de la Convention de Rome ;
3°/ que ne constitue pas une loi de police au sens de l'article 7-2 de la Convention de Rome la loi applicable à la rupture individuelle du contrat de travail ; que la loi de police au sens de ce texte s'entend seulement d'une disposition impérative dont le respect est juge crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application a toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ; qu'en affirmant que le droit du licenciement pour motif économique français était une loi de police au sens de l'article précité, sans justifier en quoi ce droit était jugé crucial par la France pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 7-2 de la Convention de Rome ;
4°/ qu'en se fondant sur le lieu du domicile du salarié et le siège de l'entreprise quand elle avait constaté que le contrat s'exécutait exclusivement en Allemagne, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, telle qu'applicable aux faits, que le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; que ce choix, qui peut être exprès ou résulter de façon certaine des circonstances de la cause, peut porter sur l'ensemble du contrat ou sur une partie seulement et intervenir ou être modifié à tout moment de la vie du contrat ;
Et attendu que la cour d'appel ayant relevé que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement économique de M. X... selon les règles du droit français et avait déterminé les droits du salarié licencié par application de ce même droit, ce que le salarié avait accepté en revendiquant cette même application, elle a pu, par ces seuls motifs, décider qu'il résultait de façon certaine des circonstances de la cause que les parties avaient choisi de soumettre la rupture de leur contrat de travail aux règles du droit français peu important que ce contrat fût en principe régi par le droit allemand en tant que loi du lieu d'accomplissement du travail ;
Que le moyen qui critique des motifs erronés mais surabondants en ses trois dernières branches n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Condamne l'AGS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., ès qualités ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne l'AGS à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de Nancy.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que l'AGS, CGEA de Nancy, devait sa garantie pour les créances salariales dans les limites et conditions fixées par les dispositions légales et règlementaires du code du travail, lesdites créances de M. X... étant fixées au passif de la société Sociel en liquidation judiciaire aux sommes de 1.516 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2.198,93 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 117 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de M. X... a été localisé en Allemagne, comme son lieu habituel de travail, rendant normalement applicable le droit de cet Etat ; que la garantie de l'AGS est due lorsqu'une procédure collective régie par le code de commerce a été ouverte contre un employeur ayant son siège ou un établissement en France ; que toutefois, en présence d'un travail exécuté dans un autre Etat membre de l'Union européenne, la garantie peut être écartée par application de la directive CE n° 80/987 du 20 octobre 1980, modifiée par la directive CE n° 2002/74 du 23 septembre 2002, dont l'article 3 donne compétence à l'institution de garantie de l'Etat membre sur le territoire duquel le salarié exerçait habituellement son travail (Soc. 2 juillet 2002, pourvoi n° 99-46.140) ; mais que des dispositions légales nationales plus favorables peuvent être invoquées par le salarié, à titre complémentaire ou substitutif, si l'institution nationale de garantie donne un niveau supérieur de protection à celle qui serait désignée comme compétente par cette directive (CJCE 25 janvier 2005, C 278/05, Robbins ; CJUE 10 mars 2011 C 477/09, Defossez, point 33, qui précise expressément que la directive de 1980 n'exclut pas cette possibilité) ; que le principe de la compétence de l'organisme de garantie établi dans l'Etat membre où le salarié exerce l'essentiel de sa prestation ne s'oppose pas en effet à une telle option ; que plusieurs éléments d'appréciation penchent en faveur de la compétence alternative de l'AGS et de l'application de la garantie accordée par cet organisme : tout d'abord le droit français accorde une garantie qui couvre tous les salaires dus à la date du jugement d'ouverture, sous réserve des limites et plafonds déterminés (code du travail article L. 3258-8), garantie plus large que celle prévue par le code social allemand, produit aux débats, qui limite les salaires pris en charge à 3 mois (SozialGesetzbuch, article 183) ; qu'en outre, le code du travail prévoit l'application de la garantie de l'AGS aux salariés d'une entreprise française détachés à l'étranger et aux salariés expatriés (code du travail, articles L. 3253-6 et L. 5422-13) : si M. X... ne répond pas à ces critères, il y a lieu néanmoins de considérer, a fortiori, que la garantie de l'organisme français doit s'appliquer pour un salarié qui reste domicilié sur le territoire national et qui a seulement été employé comme travailleur frontalier sur des chantiers situés à l'étranger tout en restant soumis à la convention collective applicable en France ;
1/ ALORS QUE l'article 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive n° 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, intéressant les situations transnationales, est applicable à toute liquidation judiciaire postérieure au 8 octobre 2005 ; qu'il est repris par l'article 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, portant recodification à droit constant de l'article 8 bis ; que ces articles prévoient que lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux États membres se trouve en état d'insolvabilité au sens de l'article 2, paragraphe 1, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l'État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail ; qu'en retenant la compétence de l'institution de garantie française après avoir constaté que le lieu habituel de travail de M. X... était situé en Allemagne, la cour d'appel a violé les articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, et L. 3253-18-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE subsidiairement, le code du travail prévoit l'application de la garantie de l'AGS aux salariés d'une entreprise française détachés à l'étranger et aux salariés expatriés ; que la cour d'appel a constaté que M. X... ne répondait pas aux critères prévus par les dispositions légales pour pouvoir bénéficier de la garantie de l'AGS dans ce cadre ; qu'en retenant qu'il y avait lieu néanmoins de considérer, a fortiori, que la garantie de l'organisme français devait s'appliquer pour un salarié domicilié sur le territoire national et qui a seulement été employé comme travailleur frontalier sur des chantiers situés à l'étranger tout en restant soumis à la convention collective applicable en France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, et 9 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, ensemble les articles L. 3253-18-1, L. 3253-6 et L. 5422-13 du code du travail ;
3/ ALORS QUE subsidiairement, pour qu'un travailleur salarié puisse se prévaloir de la garantie salariale de l'institution nationale, conformément au droit de cet État membre, à titre complémentaire ou substitutif, par rapport à celle offerte par l'institution désignée comme étant compétente en application de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 et de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, pour autant, toutefois, que ladite garantie donne lieu à un niveau supérieur de protection du travailleur, encore faut il que la législation de cet Etat membre prévoie la possibilité de recourir à une garantie subsidiaire ; qu'en retenant la garantie de l'AGS quand l'application des dispositions de droit communautaire l'excluait, sans constater que la législation nationale prévoyait la possibilité de choisir la garantie de l'AGS dans des conditions autres que celles posées par l'article L. 3253-18-1 du code du travail qui dispose que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 assurent le règlement des créances impayées des salariés qui exercent ou exerçaient habituellement leur activité sur le territoire français, pour le compte d'un employeur dont le siège social, s'il s'agit d'une personne morale est situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen, lorsque cet employeur se trouve en état d'insolvabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 bis de la directive n° 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, 9 de la directive n° 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980 modifiée, 9 et 11 de la directive n° 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, et L. 3253-18-1 du code du travail.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., ès qualités.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était régi par le droit français et d'avoir en conséquence fixé au passif de la Société SOCIEL les créances de 1516 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure de licenciement, de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2.198,93 euros à titre d'indemnité de licenciement, et de 117 euros au titre de l'indemnité compensatrice.
AUX MOTIFS QUE Il est constant que M. X... était salarié de la société Sociel ayant son siège à Merkwiller-Pechelbronn (Bas-Rhin) mais a été affecté de manière exclusive sur des chantiers en Allemagne de sorte qu'il y a lieu de déterminer le droit applicable à son contrat et aux conséquences de sa rupture tant vis-à-vis du liquidateur que vis-à-vis de l'AGS mise en cause au regard du droit communautaire. La mise en liquidation judiciaire de la société Sociel ne modifie pas la situation du salarié au vu du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, dont l'article 10 soumet les effets de la procédure collective à la loi applicable au contrat de travail ; Le contrat étant exécuté en Allemagne, il convient de déterminer la loi applicable en considérant les règles établies par la Convention de Rome du 19 juin 1980, qui est seule applicable au litige du fait que le contrat liant les parties est antérieur à l'entrée en vigueur du règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008 ayant remplacé ladite convention ; Aux termes de l'article 3 de la Convention de Rome, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, ce choix devant être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. En l'espèce, le contrat a été matérialisé par un document sommaire intitulé « fiche individuelle-contrat de travail », daté du 5 août 1996, ne comportant aucune référence à la loi applicable ni au lieu d'exécution du contrat. Il contient quelques éléments de rattachement : d'une part, il est rédigé en français entre deux parties toutes deux établies en France (le salarié étant domicilié à Wissembourg et l'employeur établi à Merkwiller-Pechelbronn) ; quant aux bulletins de paie, ils visent la Convention collective du bâtiment. En revanche, le contrat comporte des éléments rattachant son exécution au territoire allemand : des indemnités de déplacement avec l'indication de l'établissement allemand de Pforzheim, un tarif de base qui serait conforme, selon le liquidateur, aux salaires en vigueur en Allemagne. Mais surtout il est constant que ce contrat a été dans les faits exécuté exclusivement en Allemagne, où le salarié exécutait l'essentiel de sa prestation et où le salarié a été, dans ce but, affilié à l'organisme de protection sociale allemand, auprès de qui l'employeur a cotisé pour son compte pendant l'exécution du contrat selon une attestation de l'employeur du 21 janvier 2004 ; Il apparaît ainsi que le choix du droit français ne résulte ni du contrat ni de manière certaine des dispositions du contrat et des circonstances de la cause, et que le droit français ne peut donc être considéré comme résultant d'un choix exprès ou tacite des parties ; Dès lors, il convient de faire application des dispositions spécifiques de la Convention de Rome au contrat de travail, résultant de l'article 6 de la convention et le cas échéant de l'article 7 ; Aux termes de l'article 6-2, le contrat de travail est régi « par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail », la Convention ajoutant « même s'il est rattaché à titre temporaire dans un autre pays », ce qui n'est pas le cas ici. Il ne peut être contesté que le salarié travaillait habituellement en Allemagne, M. X... invoquant comme seuls éléments de rattachement au territoire français le fait de prendre ses instructions et du matériel au siège de la société. Mais les bulletins de paie mentionnent « lieu de travail : chantiers en Allemagne » et le centre URSSAF y figure avec la mention : « AOK Baden-Baden ». De plus les bulletins de paie, se conforment, comme cela a été invoqué, à un taux semblable aux salaires versés en Allemagne, ce que le salarié n'a pas discuté. Enfin, la Caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg avait informé d'une part la société Sociel et d'autre part son homologue allemand la Allgemeine Orts Krankenkasse de Baden-Baden que seul le régime de sécurité sociale allemand était applicable (lettres à la société Sociel du 29 juin 1977 et lettre à la AOK du 21 avril 1986) ; Au vu de ces éléments de fait, le contrat de travail de M. X... a été localisé en Allemagne, comme son lieu habituel de travail, rendant normalement applicable le droit de cet Etat (CJCE du 15 mars 2011, C 29/10, Koelzsch) ; Ces circonstances ne sont pas contredites par les critères qu'invoque le salarié au profit d'une application du droit français, telles que la nationalité des parties et la langue commune des deux parties. De tels éléments ne peuvent être déterminants dès lors que le lieu d'exécution du travail résulte des circonstances de la cause et de l'affiliation du salarié à l'organisme de sécurité sociale allemand ; Cependant, l'article 7-2 de la Convention de Rome prévoit que celle-ci ne peut porter atteinte à l'application des règles du Code du travail qui régissent impérativement une situation, quelle que soit la loi applicable au contrat, laissant ; Il y a lieu d'abord de considérer que le juge français doit appliquer les règles impératives applicables à tout licenciement, en particulier à tout licenciement économique notifié par un employeur ayant son siège sur le territoire national à l'égard d'un salarié qui y est également domicilié, en l'absence d'une clause expresse manifestant la volonté des deux parties de soumettre le contrat et les circonstances de sa rupture à un autre droit ; Si le contrat de travail de M. X... est normalement régi par le droit allemand, les règles du droit français relatives au licenciement économique présentent donc un caractère impératif d'ordre public et constituent une loi de police, selon la définition consacrée par l'article 9 du Règlement CE n° 593/2008 du 19 juin 2008 ayant remplacé la Convention de Rome ; Il a été jugé que le droit étranger applicable aux conditions d'exercice du contrat de travail, ne pourrait priver le salarié de la protection instituée par les dispositions impératives du droit français, même si les parties avaient opté pour le droit étranger (Soc. du 12 nov 2002, n° 99-45.821) : à plus forte raison, si le choix n'a pas été expressément formulé par les parties en faveur du droit allemand, les lois françaises de police doivent s'appliquer ; Ensuite, les règles relatives au licenciement d'un salarié pour motif économique et aux conséquences de celui-ci constituent des dispositions impératives, dont le respect est essentiel pour la sauvegarde de l'intérêt public, et doivent s'appliquer à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ; En l'espèce, le salarié était domicilié à Wissembourg et travaillait à Rastatt et sur d'autres chantiers en Allemagne. Il pouvait donc revendiquer la qualité de travailleur frontalier au sens du droit communautaire applicable (Règl. CE n° 1408/71 du 14 juin 1971, mod. Règl. CE n° 883/04 du 29 avril 2004 ) ; L'employeur a de plus soumis le contrat de travail du salarié aux règles de la Convention collective du bâtiment, mentionnée sur ses bulletins de paie, laquelle régit non seulement les conditions d'exercice du travail mais aussi les conséquences d'une rupture du contrat ; Il s'est aussi reconnu lié par les dispositions du Code du travail lorsqu'il a convoqué le salarié pour un entretien préalable en vue de son licenciement, formalité dont le liquidateur soutient qu'il n'y était pas contraint par le droit allemand ; Enfin, les règles relatives à la rupture du contrat de travail sont qualifiées de plus protectrices par le salarié, ce que le liquidateur n'a pas contesté ; Dès lors, le Conseil de prud'hommes était fondé à considérer que le droit français régissait le licenciement de M. X... et ses conséquences.
ALORS QUE la loi applicable au contrat de travail exécuté à l'étranger est applicable à sa rupture, peu important la compétence juridictionnelle de la juridiction française, le domicile du salarié ou le siège de l'entreprise ; que la Cour d'appel qui a constaté que la loi allemande était applicable au contrat de travail exécuté en Allemagne ne pouvait sans omettre de tirer de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient, dire la loi française applicable à la rupture dudit contrat ; que ce faisant la Cour d'appel a violé les articles 3 et 6-2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980.
Que, surtout et en tout état de cause, en considérant que le droit du licenciement français était une loi de police alors même que c'était le droit allemand qui était seul applicable à la situation contractuelle du fait du lieu d'exécution du contrat et sans caractériser aucun élément de rattachement de la situation contractuelle au droit français, la Cour d'appel a violé l'article 7-2 de la Convention de Rome.
ALORS ENSUITE QUE, ne constitue pas une loi de police au sens de l'article 7-2 de la Convention de Rome la loi applicable à la rupture individuelle du contrat de travail ; que la loi de police au sens de ce texte s'entend seulement d'une disposition impérative dont le respect est juge crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application a toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ; qu'en affirmant que le droit du licenciement pour motif économique français était une loi de police au sens de l'article précité, sans justifier en quoi ce droit était jugé crucial par la France pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 7-2 de la Convention de Rome.
ET ALORS qu'en se fondant que le lieu du domicile du salarié et le siège de l'entreprise quand elle avait constaté que le contrat s'exécutait exclusivement en Allemagne, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés.
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Droit du Travail
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