par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 31 octobre 2012, 11-21293
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre sociale
31 octobre 2012, 11-21.293
Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Manpower France selon un contrat de travail temporaire du 9 juillet 2003, pour être mis à disposition de la société Prodirest du 7 juillet au 26 septembre 2003 en qualité de conducteur poids lourds, pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures moyennant un salaire brut de base de 1 155,72 euros ; que par lettre du 17 août 2003, il a rompu son contrat en reprochant à la société Manpower de ne pas rémunérer les heures supplémentaires effectuées non plus que les heures de nuit ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1251-2, L. 1251-18 et L. 3221-3 du code du travail ;
Attendu que l'obligation de verser au travailleur temporaire mis à la disposition d'une entreprise des salaires conformes aux dispositions légales ou conventionnelles ou aux stipulations contractuelles qui lui sont applicables, pèse sur l'entreprise de travail temporaire laquelle demeure l'employeur, à charge pour elle, en cas de manquement à cette obligation, de se retourner contre l'entreprise utilisatrice dès lors qu'une faute a été commise par cette dernière ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire et d'heures supplémentaires l'arrêt énonce que selon l'article L. 1251-21 du code du travail, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu' elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail ; que pour l'application de ces dispositions, les conditions de travail comprennent limitativement ce qui a trait à la durée du travail, au travail de nuit, aux repos hebdomadaires et aux jours fériés, à la santé et à la sécurité au travail, au travail des femmes, des enfants et des jeunes travailleurs ; qu'il en résulte que la responsabilité des conditions d'exécution du travail temporaire n'incombait pas à la société Manpower mais à l'entreprise utilisatrice, la société Prodirest ; que dès lors que la société Manpower a rémunéré le salarié, en fonction des relevés transmis par l'entreprise utilisatrice, des heures de travail qu'il a effectuées de jour ou de nuit ainsi que des indemnités pour repos compensateurs auxquels il a eu droit, elle n'a manqué envers ce dernier à aucune de ses obligations légales ou conventionnelles d'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation de l'arrêt en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire et d'heures supplémentaires entraîne par voie de conséquence la cassation en ce qu'il rejette les chefs de demande relatifs à la rupture du contrat de travail et au travail dissimulé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Manpower France à payer un rappel d'indemnité de repas, l'arrêt rendu le 15 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Manpower France aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Manpower France à payer à la SCP Barthélémy, Matuchansky et Vexliard la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X..., salarié, de ses demandes en rappel de salaire et heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L. 1251-21 du code du travail, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail ; que pour l'application de ces dispositions, les conditions d'exécution du travail comprennent limitativement ce qui a trait : 1° à la durée du travail, 2° au travail de nuit, 3° aux repos hebdomadaires et aux jours fériés, 4° à la santé et la sécurité au travail, 5° au travail des femmes, des enfants et des jeunes travailleurs ; qu'il résulte de cet article, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, que la responsabilité des conditions d'exécution du travail temporaire n'incombait pas à la SAS mais à l'entreprise utilisatrice, la SNC Prodirest ; que dès lors que la SAS a rémunéré M. X..., en fonction des relevés transmis par l'entreprise utilisatrice, des heures de travail qu'il a effectuées de jour ou de nuit ainsi que des indemnités pour repos compensateurs auxquels a eu droit le salarié, elle n'a manqué envers ce dernier à aucune de ses obligations légales ou conventionnelles d'employeur ; qu'en conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS à payer à M. X... 212,99 au titre d'indemnités de repas contractuellement dues et en ce qu'il a rejeté les chefs de la demande de M. X... concernant le paiement de rappel de salaires au titre d'heures normales, d'heures supplémentaires, de majorations pour heures supplémentaires et pour heures de nuit, d'indemnités pour repos compensateur non pris, pour congés payés (arrêt, p. 6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la société Manpower démontre avoir réglé le salaire de M. X... sur la base des relevés d'heures établis par la société Prodirest, entreprise utilisatrice, conformément aux termes des articles L. 1251-6-3 et L. 1251-43-4 du code du travail ; que lesdits salaires, réglés hebdomadairement sur une base de 35 heures, ont justement fait l'objet de rectifications à réception, par la société Manpower, des relevés d'heures ; que ces relevés étaient établis sur la base des disques chonotachygraphes que M. X... adressait directement à la société Manpower, obligeant cette dernière à les renvoyer à Prodirest pour lecture avant de pouvoir finaliser les relevés d'heures et donc le montant de la rémunération hebdomadaire due à l'intéressé ; qu'en conséquence, c'est à la société Prodirest qu'il appartenait de fixer la rémunération du demandeur, intégrant les éventuelles heures supplémentaires effectuées, et que la SAS Manpower sera mise hors de cause, étant précisé qu'en l'état M. X... n'apporte pas la preuve des heures supplémentaires dont il réclame paiement, plusieurs disques chronotachygraphe n'étant pas produit aux débats ; qu'en conséquence, M. X... sera débouté de ses réclamations en paiement d'un solde de salaire, d'heures supplémentaires et d'accessoire de salaire à l'exception du solde d'indemnité de repas sollicité (jugement, p. 4) ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE si l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail, la société de travail temporaire tenue de verser au salarié mis à disposition, dont elle demeure l'employeur, des salaires conformes auxdites dispositions légales et conventionnelles ainsi qu'aux stipulations du contrat de travail ; qu'en exonérant la société Manpower France de toute responsabilité dans la fixation de la rémunération mensuelle de monsieur X..., salarié intérimaire, au motif inopérant que le salaire était déterminé sur la base des relevés d'heures établis par la société Prodirest, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-2, L. 1251-21, L. 3221-3 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société de travail temporaire a l'obligation de verser au salarié mis à la disposition d'une entreprise, mais dont elle demeure l'employeur, des salaires conformes aux dispositions légales, conventionnelles et contractuelles qui leur sont applicables ; que monsieur X... ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel (p. 6), avoir informé la société Manpower France que ses heures de travail ne lui étaient pas intégralement rémunérées par la société Prodirest et lui avoir transmis, pour vérification, les disques chronotachygraphes remis quotidiennement à celle-ci, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la société Manpower France établissait avoir contrôlé les heures de travail du salarié, ni invité la société Prodirest à justifier des horaires réellement accomplis par celui-ci, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-2, L. 1251-21, L. 3221-3 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS, ENFIN, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que pour débouter monsieur X... de ses demandes de rappel de salaires, l'arrêt retient qu'il n'apporte pas la preuve des heures de travail dont il réclame paiement, dès lors que plusieurs disques chronotachygraphes n'étaient pas produits aux débats ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la prétention du salarié était étayée par divers éléments et que l'employeur ne fournissait aucun élément contraire, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X..., salarié, de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture et de paiement des indemnités afférentes ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE la cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS à payer à M. X... 212,99 au titre d'indemnités de repas contractuellement dues ; que sur l'imputabilité de la rupture : lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la démission doit résulter de la volonté sérieuse, claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat de travail ; qu'en l'espèce, par sa lettre recommandée du 17 août 2003, M. X... a mis fin au contrat de travail en invoquant des manquements de la SAS Manpower France à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles d'employeur ; que toutefois, comme il vient d'être rappelé, la SAS n'a pas de responsabilité en matière de conditions d'exécution du travail temporaire et elle n'a donc méconnu aucune obligation concernant la durée du travail, le travail de nuit, les repos hebdomadaires ou les jours fériés ; qu'en conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de M. X... produisait les conséquences d'une démission ; que sur l'indemnité de fin de contrat (ou de précarité), selon l'alinéa premier de l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ; que selon l'article L. 1243-10 (4°) du même code, l'indemnité de fin de contrat n'est pas due en cas de rupture anticipée du contrat due à l'initiative du salarié, sa faute grave, ou en cas de force majeure ; qu'en conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de paiement d'une indemnité de fin de contrat à durée déterminée ou de précarité (arrêt, pp. 6 et 7) ;
ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui interviendra du chef du premier moyen de cassation entraînera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif attaqué par le deuxième moyen qui est dans sa dépendance nécessaire ;
ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en décidant que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, cependant que monsieur X... ayant notamment dénoncé, au soutien de sa prise d'acte, le non-paiement par la société Manpower France des indemnités de repas qui lui étaient contractuellement dues, la condamnation prononcée de ce chef par l'arrêt induisait nécessairement la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1237-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X..., salarié, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant une dissimulation d'emploi salarié en mentionnant intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, fait prévue par l'article L. 8221-5 (2°), a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; qu'en l'espèce, la responsabilité de la mention d'un nombre d'heures de travail critiqué par le salarié incombe à l'entreprise utilisatrice et non à l'entreprise de travail temporaire ; que dès lors que la SAS justifie avoir mentionné sur le bulletin de paie le nombre d'heures de travail relevé par l'entreprise utilisatrice, aucune intention de dissimuler le temps de travail effectif du salarié ne peut lui être imputée ; qu'en conséquence la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté le chef de la demande de M. X... tendant à obtenir condamnation de la SAS à lui verser une indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé (arrêt, p. 7) ;
ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui interviendra du chef du premier moyen de cassation entraînera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif attaqué par le troisième moyen qui est dans sa dépendance nécessaire.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Manpower France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Manpower France à verser à M. X... la somme de 212,99 euros à titre d'indemnité de repas, outre les frais irrépétibles,
AUX MOTIFS ADOPTES QU'à la rubrique « rémunération » des contrats de mission, produits aux débats, la mention « systématique » est adossée aux indemnités de repas, ce qui laisse entendre que cette indemnité est également due les jours non travaillés ;
1) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. X... sollicitait le versement d'une indemnité repas en faisant valoir qu'il était prévu au terme de l'article Rémunération de son contrat de travail qu'il avait droit à une indemnité de repas de 11,21 euros par jour travaillé ; qu'il en déduisait qu'ayant travaillé tous les jours de la semaine du 7 juillet au 17 août 2003, soit 30 jours, il aurait dû percevoir une somme de 336,30 euros pour cette période au titre des indemnités repas ; que pour faire droit à la demande d'indemnité repas de M. X..., la cour d'appel a jugé, par motifs réputés adoptés du conseil de prud'hommes, qu'à la rubrique « Rémunération » des contrats de mission, produits aux débats, la mention « systématique » était adossée aux indemnités de repas ce qui laissait entendre que cette indemnité était également due les jours non travaillés ; qu'en statuant ainsi, quand M. X... n'a jamais prétendu avoir droit à l'indemnité repas pour les jours non travaillés, la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge doit observer en toutes circonstances le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour condamner la société exposante, sur le moyen tiré de ce que le salarié aurait eu droit aux indemnités repas pour les jours non travaillés, qui n'était pas invoqué par le salarié, la cour d'appel a relevé d'office un moyen, sans provoquer les observations préalables des parties ; qu'elle a, partant, violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer par des motifs dubitatifs ; qu'en l'espèce, en condamnant l'exposante au titre des indemnités repas, au motif que la mention « systématique » en face des indemnités repas « laissait entendre » que ces indemnités étaient dues également pour les jours non travaillés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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Droit du Travail
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.