par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 1er février 2012, 10-26647
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Cour de cassation, chambre sociale
1er février 2012, 10-26.647

Cette décision est visée dans la définition :
CDI / CDD




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 septembre 2010), que la société Sotrafa a recruté le 21 mars 2006 en qualité d'ouvrière d'atelier Mme X..., suivant un contrat à durée déterminée conclu pour accroissement temporaire d'activité pour une durée de 4 semaines et 4 jours, le contrat ayant été renouvelé le 21 avril 2006 pour une durée de 74 semaines se terminant le 21 septembre 2007 ; que la salariée, qui a quitté l'entreprise au terme prévu, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée ;

Attendu que la société Sotrafa fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de dire que la rupture de ce contrat s'analysait en une rupture abusive, et de la condamner, en conséquence, à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour rupture abusive et de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que si le contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, il peut être conclu pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité dans l'entreprise même non exceptionnel qui peut être inhérent à un caractère cyclique de l'activité ; que la cour d'appel qui, pour écarter l'existence d'un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise et requalifier, en conséquence, la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2006, s'est fondée sur la circonstance inopérante que la salariée avait été embauchée par l'employeur pour les besoins de l'exécution de son courant normal de commandes, a ainsi subordonné l'existence d'un accroissement temporaire d'activité au caractère exceptionnel de celui-ci, violant l'article L. 1242-2 du code du travail ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant, pour requalifier la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2006, que la salariée n'avait pas été embauchée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires, ce dont elle a déduit que le motif invoqué dans le contrat de travail ne correspondait pas à la réalité, sans même analyser le graphique relatif au chiffre d'affaires développé avec le client Bosch Rexroth et spécialement attesté par l'expert comptable extérieur à l'entreprise, graphique mettant en évidence la corrélation entre un pic d'activité de la société Sotrafa et le démarrage du contrat à durée déterminée conclu avec Mme X... (88 096 euros en mars 2006), circonstance d'où il résultait qu'à la date de l'embauche de la salariée, la société Sotrafa connaissait un accroissement temporaire de son activité lié à des commandes supplémentaires de ce client, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, a retenu que le recrutement de la salariée était intervenu non pour faire face à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires, mais pour les besoins de l'exécution par l'employeur de son courant normal de commandes ; qu'ayant ainsi fait ressortir que ce contrat avait été conclu pour les besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise, elle en a exactement déduit qu'il devait être requalifié en contrat à durée indéterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sotrafa aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sotrafa ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sotrafa.

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Madame X... conclu le 21 mars 2006 en un contrat de travail à durée indéterminée, d'avoir dit que la rupture de ce contrat intervenue le 21 septembre 2007 s'analysait en une rupture abusive, et d'avoir condamné, en conséquence, la société Sotrafa à lui payer la somme de 1.300 euros à titre d'indemnité de requalification, celle de 1.280,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 6.500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 1242-2 du Code du travail, « sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tache précise et temporaire et seulement dans les cas suivants : … 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise … » ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 1242-12 du Code du travail, « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée » ; que l'énonciation précise du motif imposée par l'alinéa 1er dudit article fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat se trouve contestée ; que le motif invoqué dans le contrat à durée déterminée initial est le suivant : « le présent contrat est établi dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-1 et suivant du Code du travail ; Il correspond à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires. Il est conclu pour une durée déterminée de 4 semaines et 4 jours, débutant le 21 mars 2006 à 8 h et se terminant le 21 avril 2006 » ; que suivant avenant du 21 avril 2006, il a été convenu d'un commun accord que « le terme du contrat à durée déterminée conclu le 21 mars 2006 … était prorogé jusqu'au 21 septembre 2007 soit pour une période de 74 semaines, les autres dispositions du contrat de travail continuant à trouver application, sans changement, jusqu'à l'expiration dudit contrat » ; qu'en ce qui concerne la conclusion du contrat de travail initial, la société Sotrafa expose que c'est pour faire face à un pic d'activité du contrat l'unissant à l'une de ses clientes (la société Bosch Rexroth) qu'elle a dû embaucher l'intéressée et que l'avenant de renouvellement ne constituant en réalité qu'un aménagement du terme du contrat initial, elle n'a commis aucune violation des dispositions légales en ne rappelant pas à cette occasion le motif précis du recours au CDD ; que la société Sotrafa explique en effet que si elle a effectivement une activité commerciale consistant dans le fait d'acheter pour revendre, elle exerce également une importante activité de sous-traitance industrielle avec deux principaux clients (Carrier et Bosch Rexroth) générant à eux deux plus de 90 % de son chiffre d'affaires ; que s'agissant de ces derniers et en particulier du client Bosch Rexroth, elle expose que la fluctuation d'activité découlant des modifications incessantes des plannings prévisionnels établis en fonction des commandes passées fait qu'elle se trouve soumise à une véritable variation cyclique de production justifiant le recours aux contrats à durée déterminée comme cela a été le cas de Madame X... ; qu'alors même que comme il a été rappelé ci-dessus, la salariée a été embauchée à l'effet d'aider à faire face à un accroissement temporaire d'activité « justifié par des commandes supplémentaires », il y a lieu de constater qu'il résulte des explications fournies par la société intimée que c'est pour les besoins de l'exécution de son courant normal de commandes quelles qu'aient pu être les difficultés rencontrées pour en assurer l'exécution et non de « commandes supplémentaires » que la salariée a été embauchée ; qu'il s'en suit que la salariée n'ayant pas été embauchée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires, le motif invoqué ne correspond pas à la réalité, ce pourquoi la demande de requalification est bien fondée, le jugement devant en conséquence être réformé ; qu'aux termes de l'article L. 1245-2 al 2 du Code du travail, lorsque le conseil des prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ; que cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée déterminée ; qu'il y lieu, tirant les conséquences juridiques de la requalification ainsi ordonnée, de faire droit au plein des réclamations de Madame X... tant au titre de l'indemnité de requalification que de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents dont les modalités de calcul n'ont pas été querellées ; qu'en ce qui concerne la demande en paiement de dommages et intérêts, celle-ci sera accueillie, eu égard en particulier à la durée de la relation salariale et au niveau de rémunération atteint au jour de la rupture des relations contractuelles, à hauteur de la somme de 6.500 euros, le contrat litigieux ayant en effet pris fin à la date de l'échéance du terme du contrat, celui-ci une fois renouvelé, sans qu'une procédure de licenciement n'ait alors été mise en oeuvre ; qu'il sera fait droit à la demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement à concurrence d'une somme de 500 euros ;

1°) ALORS QUE si le contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, il peut être conclu pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité dans l'entreprise même non exceptionnel qui peut être inhérent à un caractère cyclique de l'activité ; que la Cour d'appel qui, pour écarter l'existence d'un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise et requalifier, en conséquence, la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2006, s'est fondée sur la circonstance inopérante que la salariée avait été embauchée par l'employeur pour les besoins de l'exécution de son courant normal de commandes, a ainsi subordonné l'existence d'un accroissement temporaire d'activité au caractère exceptionnel de celui-ci, violant l'article L. 1242-2 du Code du travail ;


2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant, pour requalifier la relation salariale en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2006, que la salariée n'avait pas été embauchée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires, ce dont elle a déduit que le motif invoqué dans le contrat de travail ne correspondait pas à la réalité, sans même analyser le graphique relatif au chiffre d'affaires développé avec le client Bosch Rexroth et spécialement attesté par l'expert comptable extérieur à l'entreprise, graphique mettant en évidence la corrélation entre un pic d'activité de la société Sotrafa et le démarrage du contrat à durée déterminée conclu avec Madame X... (88.096 euros en mars 2006), circonstance d'où il résultait qu'à la date de l'embauche de la salariée, la société Sotrafa connaissait un accroissement temporaire de son activité lié à des commandes supplémentaires de ce client, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.