par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, 10-26726
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
7 décembre 2011, 10-26.726

Cette décision est visée dans la définition :
Société




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 210-6 du code de commerce ;

Attendu que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés; que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; que ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 septembre 2010) que Mme X..., propriétaire de locaux donnés à bail commercial à M. Y... puis, à la suite de la cession du fonds de commerce intervenue le 26 septembre 2006 à Mmes Z... et A..., a délivré un congé avec refus de renouvellement le 4 octobre 2006 à la société Blouniz venant aux droits de Mmes Z... et A... ; que pour s'opposer au paiement d'une indemnité d'éviction, la bailleresse a visé notamment le défaut d'immatriculation de la société Blouniz ; que la société locataire a assigné la bailleresse en contestation de ce congé, sollicitant à titre subsidiaire le paiement d'une indemnité d'éviction ;

Attendu que pour valider le congé et le refus de paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient qu'à la date du congé, la société Blouniz n'était pas encore immatriculée et que si l'immatriculation permet à la société de reprendre à son compte dès l'origine les actes passés en son nom, elle ne peut avoir pour effet de priver le bailleur d'un droit acquis dès la notification du congé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que du fait de la reprise des engagements pris en son nom, la société Blouniz était réputée avoir, à la date de la cession du fonds de commerce, et donc à la date de la délivrance du congé, la personnalité morale conférée par l'immatriculation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société Blouniz la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Blouniz

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la société BLOUNIZ n'était pas immatriculée au RCS lors de la délivrance par le bailleur du congé du 5 octobre 2006, d'avoir validé ce congé portant refus de renouvellement et refus d'indemnité d'éviction, et d'avoir débouté la société BLOUNIZ de toutes ses demandes et ordonné son expulsion ;

AUX MOTIFS QUE la validité du congé du 5 octobre 2006 n'est pas discutable, ni sérieusement discutée ; la seule difficulté consiste à déterminer si le preneur peut ou non prétendre à une indemnité d'éviction ; … les infractions au bail reprochées ont trait aux loyers impayés, aux travaux non autorisés, à l'absence de convocation du bailleur à la cession du bail et au défaut d'immatriculation du preneur au registre du commerce ; ce dernier cas ne nécessite pas une mise en demeure préalable car aucune régularisation n'est possible ; qu'en effet, en application des dispositions de l'article 145-1 du code de commerce, le statut des baux commerciaux s'applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne soit à un commerçant soit à un industriel immatriculé au RCS soit à un chef d'entreprise immatriculée au répertoire des métiers accomplissant ou non des actes de commerce ; qu'il faut donc qu'à la date du congé, le preneur soit immatriculé au registre du commerce et des sociétés ; que force est de constater qu'au 4 octobre 2006, la société BLOUNIZ n'était pas encore immatriculée ; que si l'immatriculation permet à la société qui les ratifierait de reprendre à son compte dès l'origine les actes passés en son nom, elle ne peut avoir pour effet de priver le bailleur d'un droit acquis dès la notification du congé, le 5 octobre 2006 ; que par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant les autres infractions, le preneur se trouve privé de toute indemnité d'éviction ;


ALORS QUE la reprise par la société des engagements pris pour son compte pendant qu'elle était en formation agit rétroactivement, de sorte que l'engagement est réputé avoir été depuis l'origine celui de la société, comme si elle avait existé et avait par conséquent déjà été immatriculée au moment de l'acte; que pour priver la société BLOUNIZ de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel a constaté qu'à la date de délivrance du congé, elle n'était pas immatriculée et que la reprise des engagements ne pouvait avoir eu pour effet de priver le bailleur d'un droit acquis au jour de la notification du congé ; qu'en ne tenant pas compte du caractère rétroactif de l'immatriculation, dont il résultait que le bail était réputé avoir été acquis dès l'origine par la société BLOUNIZ immatriculée, la cour d'appel a violé l'article L 210-6 du code de commerce ensemble l'article L145-17 du code de commerce.



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Cette décision est visée dans la définition :
Société


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.