par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 novembre 2011, 10-25245
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 novembre 2011, 10-25.245

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation (2e Civ. 25 février 2010, pourvoi n° 09-13.117), que la société Maurice Teboul avocats (l'avocat) a été chargée au terme de plusieurs conventions par la société Fiat finance services (la société cliente) de la défense de ses intérêts, rémunérée au temps passé, à l'occasion des procédures fiscales contentieuses l'opposant à l'administration et d'une mission permanente d'audit et de conseil auprès de toutes les sociétés du groupe Fiat en France, rémunérée selon une convention prévoyant un honoraire forfaitaire par trimestre, pour une durée d'un an, reconductible par tacite reconduction, sauf dénonciation par les parties avant l'expiration de chaque période annuelle ; que par lettre en date du 22 juin 2006, la société cliente, au nom du groupe Fiat, a dénoncé la dernière convention subsistant avec l'avocat, s'engageant néanmoins à verser à ce dernier jusqu'à la fin de l'année 2006 la somme trimestrielle de 52 000 euros, correspondant au montant forfaitaire qui lui était réglé chaque trimestre ; que l'avocat, qui prétendait avoir poursuivi sa mission au titre de dossiers laissés à sa charge, a adressé le 2 janvier 2007 une facture de ses honoraires au titre de son assistance en matière fiscale pour le premier trimestre 2007 ; que la société cliente ayant refusé de la payer, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de la totalité de ses honoraires à la somme de 52 243 euros HT ; qu'avant même le prononcé d'une quelconque décision, la société cliente a réglé à l'avocat les honoraires objet du litige ; qu'elle a soutenu avoir ainsi procédé par suite d'une erreur ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de le débouter de sa demande de fixation d'honoraires dirigée contre la société cliente, alors, selon le moyen :


1°/ que les honoraires librement fixés après service rendu ne peuvent plus être discutés dans le cadre de l'instance en contestation portée devant le bâtonnier ; que le premier président constate en l'espèce qu'après l'introduction par l'avocat de sa demande en fixation des honoraires ayant fait l'objet d'une note d'honoraires du 2 janvier 2007, la société cliente a réglé spontanément ladite note d'honoraires avant toute décision du bâtonnier ; qu'en reconnaissant néanmoins à la société cliente le droit de contester cette même note d'honoraires et à remettre en cause l'existence des prestations qu'elle avait rémunérées par le règlement intervenu plusieurs mois après, le premier président a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2°/ que celui qui agit en répétition de l'indu doit rapporter la preuve du caractère indu du paiement ; qu'en se fondant sur le fait que l'avocat ne versait au débat aucun élément "venant objectiver la réalité des prestations revendiquées" pour en déduire qu'aucun honoraire ne lui était dû, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'ordonnance retient par motifs propres et adoptés qu'il n'était établi ni que la société cliente avait demandé à l'avocat, après expiration de la convention d'honoraires les unissant, d'effectuer la moindre prestation en son nom, ni que l'avocat avait effectivement accompli la moindre diligence ;

Que de ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments versés aux débats, le premier président, sans inverser la charge de la preuve, constatant l'absence de prestations accomplies par l'avocat, d'où il résultait que les sommes versées ne pouvaient pas constituer des honoraires librement versés après service rendu, a déduit à bon droit qu'aucun honoraire n'était dû par la société cliente ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société cliente tendant à voir ordonner la restitution de la somme de 52 243 euros HT qui lui avait été versée à tort, l'ordonnance énonce que la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat et que dans le cadre de cette procédure, ni le bâtonnier en première instance, ni le premier président de la cour d'appel ou son délégataire, n'ont le pouvoir de statuer sur une demande en répétition d'indu résultant d'un paiement réalisé spontanément par le client mais immédiatement contesté et aucunement en exécution d'une décision rendue dans le cadre du présent contentieux d'honoraires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de restitution par la société cliente avait été formulée en réponse à la demande de fixation des honoraires présentée par l'avocat et entrait dès lors dans le champ d'application des textes susvisés, le premier président a violé lesdits textes ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande de la société Fiat finance services tendant à voir ordonner la restitution par la société Maurice Teboul avocats de la somme de 52 243 euros HT, l'ordonnance rendue le 28 juillet 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Maurice Teboul avocats aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Maurice Teboul avocats ; la condamne à payer à la société Fiat finances et services la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Fiat finance et services

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande de la Société FIAT FINANCES ET SERVICES tendant à voir ordonner à la Société MAURICE TEBOUL de restituer à cette dernière la somme de 52.243 euros HT qui lui avait été versée à tort ;

AUX MOTIFS QUE la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat et que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance, ni le Premier Président de la Cour d'appel ou son délégataire, n'ont le pouvoir de statuer sur une demande en répétition d'indu résultant d'un paiement réalisé spontanément par le client mais immédiatement contesté et aucunement en exécution d'une décision rendue dans le cadre du présent contentieux d'honoraires ;

ALORS QUE les litiges relatifs aux honoraires d'avocat sont soumis à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, laquelle donne pouvoir au bâtonnier puis, en cause d'appel, au premier président de la cour d'appel, pour fixer les honoraires litigieux et ordonner, le cas échéant, la restitution des honoraires versés à tort par le client ; que cette procédure s'applique également lorsque le client a, au cours de la procédure en fixation d'honoraires, payé spontanément les honoraires litigieux mais a immédiatement contesté le bien fondé dudit paiement ; qu'en jugeant, à l'inverse, que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance, ni le Premier Président ou son délégataire n'avaient le pouvoir de statuer sur les demandes de restitution des honoraires faisant l'objet du litige, payés spontanément mais immédiatement contestés, le Premier Président de la Cour d'appel a violé les articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la société Maurice Teboul avocats.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MAURICE TEBOUL AVOCAT de sa demande de fixation des honoraires dirigée contre la société FIAT FINANCE ET SERVICES ;

AUX MOTIFS que la Selarl Maurice Teboul Avocat s'est vue déchargée de la mission qui lui avait été confiée, décharge confirmée par lettre du 22 juin 2006, « le groupe Fiat s'engageant à lui verser la somme de 52 000 euros correspondant au montant qui vous était versé chaque trimestre et cela jusqu'à la fin de l'année 2006 » ; Attendu que la Selarl Maurice Teboul Avocat a établi, au nom de la société Finance et Services, le 2 janvier 2007, une facture dite « assistance en matière fiscale au titre du ler trimestre 2007 » d'un montant de 52 243 euros HT soit TTC 62 482,63 euros ; que la société Finance et Services ayant refusé de régler les honoraires facturés, la Selarl Maurice Teboul Avocat a saisi Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris en taxation des honoraires dus ; que la société Finance et Services a réglé à la Selarl Maurice Teboul Avocat les honoraires facturés le 2 janvier 2007, le 30 octobre 2007, soit après que Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris ait procédé à l'audition des parties, mais avant tout prononcé d'une quelconque décision ; que dès le 20 décembre 2007, par lettre, avant tout prononcé d'une quelconque décision, le client a demandé à son conseil de lui rembourser ce virement résultant « d'une grossière erreur commise par nos services » et lui a précisé que « ce paiement ne vaut en aucun cas reconnaissance par nous ni de la validité ni du bien fondé de votre facture » ; que la Selarl Maurice Teboul Avocat se référant au règlement de sa note d'honoraires du 2 janvier 2007 par le client, entend se désister de sa demande initiale en fixation d'honoraires ; que la société Fiat Finance et Services a toujours soutenu que le règlement des honoraires intervenu le 30 octobre 2007 ne l'a été que, par erreur, de ses services comptables et ne devoir aucun honoraire à la Selarl Maurice Teboul Avocat au titre de la facture émise le 2 janvier 2007 ; qu'indépendamment de l'identification de l'auteur des voies de recours exercées, la société Fiat Finance et Services à tous les stades de la procédure, s'est opposée à cette demande et a sollicité la restitution des sommes indûment versées ; que ce paiement spontané intervenu avant tout prononcé d'une décision statuant sur la taxation des honoraires ne saurait valoir reconnaissance de la réalité de la créance revendiquée par la Selarl Maurice Teboul Avocat ni acquiescement à cette demande d'honoraires, emportant renonciation à toute demande au sens de l'article 408 du code de procédure civile, l'acquiescement ne s'entendant par ailleurs qu'à ce qui a été jugé ; que si la Selarl Maurice Teboul Avocat est effectivement à l'origine de la saisine de la juridiction de renvoi, la société Fiat Finance et Services a déposé au greffe le 7 juin 2010 et porté à la connaissance de son contradicteur des écritures de même nature que celles développées lors de l'audience du 23 juin 2010 et ce bien antérieurement à la date des écritures déposées et communiquées par la Selarl Maurice Teboul Avocat, le 16 juin 2010 ; que si la Selarl Maurice Teboul Avocat se désiste de sa demande de taxation d'honoraires, le Premier Président de la cour d'appel de Versailles ou son délégataire reste néanmoins saisi de la demande de la société Fiat Finance et Services tendant à ce que le contentieux d'honoraires l'opposant à son ancien conseil soit vidé ; que les honoraires concernant des prestations effectuées durant le premier trimestre 2007, objets de la présente procédure, ne sont pas fondés sur la convention d'honoraires ayant lié les parties mais rompue à la date du 22 juin 2006 ; que selon l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que la Selarl Maurice Teboul soutient n'avoir point reçu du client des instructions précises sur « les conditions de la remise des dossiers contentieux en cours » et avoir accompli du travail «sur les 19 dossiers contentieux pendants devant la juridiction administrative qui ne lui avaient pas encore été retirés au 2 janvier 2007 et dont le dernier ne le sera que par lettre datée du 14 mars 2007 » ; que la société Finance et Services, dans son courrier du 22 juin 2006, a mis fin à la mission de son conseil et lui a demandé expressément de lui «remettre tous les dossiers déjà traités ou en cours se trouvant à votre disposition. Monsieur Domenico Y... prendra contact avec vous afin de faciliter la remise de ces dossiers » ; que dès l'émission par la Selarl Maurice Teboul Avocat, de la facture du 2 janvier 2007, avant qu'aucune prestation n'ait même pu être effectuée, le client, par lettre du 16 janvier 2007, a contesté devoir des honoraires, rappelé à son conseil sa décision de « mettre fin à l'activité de consultation exercée par vous et par votre cabinet à son profit » à la date du 22 juin 2006 .et concernant les dossiers, précisé que le transfert des dossiers n'avait été « ralenti » par la « rigidité procédurale » manifestée pour la remise des dossiers ; que les instructions données par le client à son conseil ne sont empreintes d'aucune ambiguïté, tous les dossiers sans exception devant être restitués au client par son conseil ; qu'il n'est établi ni que la société Finance et Services ait demandé à la Selarl Maurice Teboul Avocat, après l'expiration de la convention d'honoraires les unissant, d'effectuer la moindre prestation en son nom ni que la Selarl Maurice Teboul Avocat ait effectivement accompli la moindre diligence ; que si dans la fiche de diligences accomplies pendant la période du 1er janvier au 28 février 2007, émise le 12 septembre 2007, la Selarl Maurice Teboul Avocat comptabilise 140h50 de travail consacré au suivi du dossier et fait référence à 14 entretiens téléphoniques d'une durée de 7h30, 25 lettres adressées et reçues et 57 heures : études de jurisprudence, de textes pour assurer le suivi complet de l'ensemble des dossiers, aucun élément n'est versé aux débats venant objectiver la réalité des prestations revendiquées ; qu'en l'absence de prestations accomplies par la Selarl Maurice Teboul Avocat au profit de la société Finance et Services, au cours du 1er trimestre 2007, aucun honoraire n'est susceptible d'être dû par le client (ordonnance attaquée p. 5, 6, 7) ;

1°) ALORS QUE les honoraires librement versés après service rendu ne peuvent plus être discutés dans le cadre de l'instance en contestation portée devant le Bâtonnier ; que le Premier Président constate en l'espèce qu'après introduction par la SELARL MAURICE TEBOUL AVOCAT de sa demande en fixation des honoraires ayant fait l'objet d'une note d'honoraires du 2 janvier 2007, la société FIAT FINANCE ET SERVICES a spontanément réglé ladite note d'honoraires avant toute décision du Bâtonnier ; qu'en reconnaissant néanmoins à la société FIAT FINANCE ET SERVICES le droit de contester cette même note d'honoraires et à remettre en cause l'existence des prestations qu'elle avait rémunérées par le règlement intervenu plusieurs mois après, le Premier résident a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;


2°) ALORS QUE celui qui agit en répétition de l'indu doit rapporter la preuve du caractère indu du paiement ; qu'en se fondant sur le fait que la société MAURICE TEBOUL AVOCAT ne versait aux débats aucun élément « venant objectiver la réalité des prestations revendiquées » pour en déduire qu'aucun honoraire ne lui était dû, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Avocat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.