par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 21 octobre 2010, 09-17042
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
21 octobre 2010, 09-17.042
Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, (tribunal des affaires de sécurité sociale de la Roche-sur-Yon, 18 septembre 2009), qu'à la suite du contrôle de la société Cap élevage (la société) et de l'envoi d'une lettre d'observations, l'URSSAF de la Vendée a réintégré dans le calcul de l'allégement des cotisations sociales dit "réduction Fillon" la contribution salariale de retraite complémentaire pour partie prise en charge par l'employeur aux termes d'un accord d'entreprise et, pour avoir paiement du complément de charges sociales ainsi généré au titre des années 2006 et 2007, a délivré une mise en demeure que la société a contestée devant cette juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief au jugement de rejeter son recours, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que si ces informations peuvent être apportées par un document externe accompagnant la mise en demeure, en l'espèce, la mise en demeure du 16 juin 2008 qui ne précisait pas la nature du redressement litigieux n'avait été accompagnée d'aucun document et notamment pas de la lettre d'observations du 11 avril 2008 ; qu'il s'ensuit que viole l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que la société avait eu suffisamment connaissance de la nature du redressement litigieux par la précision "contrôle chefs de redressements notifiés le 15 avril 2008 article 243-59 du code de la sécurité sociale" et la référence en conséquence à la lettre d'observations ;
2°/ qu'au titre de leur obligation de motivation, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, les juges du fond sont tenus de s'expliquer sur les moyens de conclusions des parties ; que viole le texte susvisé le jugement attaqué qui retient que le visa par la mise en demeure du contrôle opéré et donc de la lettre d'observations avait suffi à informer la société sur la nature du redressement au titre de la réduction Fillon, sans s'expliquer sur le moyen des écritures de la société faisant valoir que la lettre d'observations ayant déclaré que "les vérifications du calcul des allégements déclarés par l'entreprise ont permis de constater que la rémunération ayant servi de calcul à l'allégement, correspond à celle qui n'intègre pas l'avantage en espèce soit, en l'occurrence la rémunération non soumise à cotisations", alors que, tout au contraire, l'entreprise avait versé des cotisations sociales sur l'avantage constitué par la prise en charge par l'employeur d'une fraction de la contribution salariale, de sorte la société était restée "dans l'ignorance complète des motifs réels du redressement tant à partir de la notification d'observations que depuis la notification de mise en demeure" ;
Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé que la mise en demeure peut omettre les motifs justifiant le chef de redressement dès lors que la notification d'observations les expose, le jugement relève que la notification d'observations explique de façon détaillée avec une référence précise aux textes applicables le motif du redressement et retient que le motif du redressement a été de toute évidence parfaitement compris par l'employeur qui l'a contesté de façon très argumentée ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus devant lui, le tribunal a justement déduit que la mise en demeure ayant fait suite à la lettre d'observations était régulière et permettait au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait le même grief au jugement, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale prévoit que le coefficient applicable à la détermination de la réduction dite Fillon est déterminé par application de la formule suivante : "coefficient = (0,26/06) x (1,6 x SMIC x nombre d'heures rémunérées/rémunération mensuelle brute 1" ; que le paramètre de calcul "rémunération mensuelle brute" faisant partie de cette formule fait référence à une notion différente de la "rémunération mensuelle brute" servant de base au calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, l'article D. 241-7 dudit code modifié par le décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 précisant que la "rémunération mensuelle brute" susvisée s'entend "hors heures supplémentaires et complémentaires" ; qu'il s'ensuit que viole l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que la notion de "rémunération mensuelle brute" visée par ce texte devrait être interprétée exclusivement en fonction des dispositions de l'article L. 242-1 ;
2°/ que l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale précise que la "rémunération mensuelle brute" permettant le calcul du coefficient applicable à la détermination de la réduction dite Fillon "est constituée des gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 versés au salarié au cours du mois civil" ; que viole cet article D. 241-7 le jugement attaqué qui intègre dans ladite "rémunération mensuelle brute" des sommes qui ne sont pas versées au salarié mais payées par l'employeur à un organisme de retraite complémentaire en vertu d'une obligation mise à sa charge par un accord collectif ;
3°/ que l'alinéa 5 de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 14 de la loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 dispose que "sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4, destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre 1er du titre II du livre IX ..." ; que la prise en charge par l'employeur d'une fraction de la contribution salariale à un régime de retraite complémentaire en vertu d'un accord collectif, en sus des prévisions du nouvel alinéa 5 de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ne répond pas à la condition d'une rémunération ou d'un avantage perçu en contrepartie du travail mais constitue une contribution impérative à la charge de l'employeur ; qu'il s'ensuit que viole les articles L. 241-13, L. 242-1 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que cette prise en charge constitue un avantage en espèce faisant partie intégrante de la rémunération brute du salarié pour le calcul de la réduction dite Fillon ;
Mais attendu que, selon l'article L. 241-13 III du code de la sécurité sociale, le montant de la réduction est calculé chaque mois civil pour chaque salarié et qu'il est égal au produit de la rémunération mensuelle telle que définie à l'article L. 242-1 par un coefficient déterminé par une formule fixée par décret ; que l'article D. 241-7 du même code qui fixe les modalités de calcul du coefficient énonce que la rémunération mensuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires est constituée des gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 versés au salarié au cours du mois civil ; qu'il résulte de ces textes qu'à l'exception des heures supplémentaires ou complémentaires les sommes versées par l'employeur au salarié en rémunération de son travail, soit directement, soit à un tiers pour son compte, entrent dans la détermination de la rémunération mensuelle brute ;
Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que la prise en charge de la cotisation salariale au régime de retraite complémentaire constitue un avantage en espèces, le tribunal en a justement déduit qu'elle fait partie intégrante de la rémunération brute des salariés, peu important qu'elle procède d'un accord d'entreprise dès lors qu'elle n'est pas imposée à l'employeur par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord interprofessionnel prévu par l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cap élevage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Cap élevage.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société CAP ELEVAGE de son recours et D'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 23 septembre 2008 qui avait elle-même confirmé le redressement contesté ;
AUX MOTIFS QUE « la mise en demeure adressée par l'URSSAF en application de l'article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale doit permettre à l'employeur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; que la mise en demeure peut s'exonérer des motifs justifiant le chef de redressement dès lors que la notification d'observations les expose ; qu'en l'espèce, les mises en demeure adressées à la SAS CAP ELEVAGE précisent « contrôle chefs de redressements notifiés le 15 avril 2006 article 243-59 du Code de la sécurité sociale ; qu'ainsi la nature des redressements repose sur la notification d'observations ; qu'il n'est pas contesté par la SAS CAP ELEVAGE que le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle ils se rapportent étaient clairement indiqués ; que la notification d'observations explique par ailleurs de façon détaillée et avec une référence précise aux textes applicables le motif de redressement fondé sur la réintégration de la cotisation salariale de retraite complémentaire prise en charge par l'employeur dans la masse de calcul de l'allégement FILLON ; que le motif du redressement a été de toute évidence parfaitement compris par l'employeur qui l'a contesté de façon très argumenté ; que, dès lors, le moyen de la SAS CAP ELEVAGE est inopérant » ;
ALORS D'UNE PART QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que si ces informations peuvent être apportées par un document externe accompagnant la mise en demeure, en l'espèce, la mise en demeure du 16 juin 2008 qui ne précisait pas la nature du redressement litigieux n'avait été accompagnée d'aucun document et notamment pas de la lettre d'observations du 11 avril 2008 ; qu'il s'ensuit que viole l'article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que la société CAP ELEVAGE avait eu suffisamment connaissance de la nature du redressement litigieux par la précision « contrôle chefs de redressements notifiés le 15 avril 2008 article 243-59 du Code de la sécurité sociale » et la référence en conséquence à la lettre d'observations ;
ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QUE, au titre de leur obligation de motivation, en vertu de l'article 455 du Code de procédure civile, les juges du fond sont tenus de s'expliquer sur les moyens de conclusions des parties ; que viole le texte susvisé le jugement attaqué qui retient que le visa par la mise en demeure du contrôle opéré et donc de la lettre d'observations avait suffi à informer la société CAP ELEVAGE sur la nature du redressement au titre de la réduction FILLON, sans s'expliquer sur le moyen des écritures de la société exposante faisant valoir que la lettre d'observations ayant déclaré que « les vérifications du calcul des allégements déclarés par l'entreprise ont permis de constater que la rémunération ayant servi de calcul à l'allégement, correspond à celle qui n'intègre pas l'avantage en espèce soit, en l'occurrence la rémunération non soumise à cotisations » (lettre de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale du 31 octobre 2008, p. 8), alors que, tout au contraire, l'entreprise avait versé des cotisations sociales sur l'avantage constitué par la prise en charge par l'employeur d'une fraction de la contribution salariale, de sorte la société CAP ELEVAGE était restée « dans l'ignorance complète des motifs réels du redressement tant à partir de la notification d'observations que depuis la notification de mise en demeure ».
SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE
Le moyen fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société CAP ELEVAGE de son recours et D'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 23 septembre 2008 qui avait elle-même confirmé le redressement contesté ;
AUX MOTIFS QU' « en vertu d'un accord d'entreprise signé le 8 Juillet 2005, la SAS CAP ELEVAGE s'est engagée à prendre en charge à compter du 1er Juillet 2005 une fraction des cotisations salariales au régime AGRR (retraite complémentaire obligatoire) pour les salariés cadres et non cadres ; qu'il résulte de la loi du 19 Décembre 2005 modifiant l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale que depuis le 1er Janvier 2006, lorsque l'employeur prend en charge les cotisations aux régimes de retraites complémentaires, la part de la cotisation excédant la part patronale doit être soumise à cotisations ; que la rémunération à prendre en compte pour le calcul de la réduction des cotisations patronales dite "FILLON" est aux termes des articles L. 241-13 et D. 241-7 du Code de la Sécurité Sociale la rémunération brute versée au salarié au cours du mois civil et soumis à cotisations de sécurité sociale ; que ces deux articles font référence à la rémunération mensuelle brute du salarié telle que définie à l'article L. 242-1 du Code de Sécurité Sociale ; qu'or selon cet article sont considérés comme rémunérations "toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire" ; qu'il est constant que la prise en charge de la cotisation salariale au régime AGRR constitue un avantage en espèce qui fait partie intégrante de la rémunération brute des salariés et doit donc faire partie de la base soumise à cotisations sociales ; que, dans ces conditions l'URSSAF a, à juste titre réintégré la contribution salariale de retraite complémentaire prise en charge par l'employeur dans la base de calcul de l'allégement FILLON et que le redressement sera donc confirmé sur ce point » ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE l'article D. 241-7 du Code de la sécurité sociale prévoit que le coefficient applicable à la détermination de la réduction dite FILLON est déterminé par application de la formule suivante :
« coefficient = (0,26/06) x (1,6 x SMIC x nombre d'heures rémunérées/rémunération mensuelle brute 1 » ; que le paramètre de calcul « rémunération mensuelle brute » faisant partie de cette formule fait référence à une notion différente de la « rémunération mensuelle brute » servant de base au calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, l'article D. 241-7 dudit code modifié par le décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 précisant que la « rémunération mensuelle brute » susvisée s'entend « hors heures supplémentaires et complémentaires » ; qu'il s'ensuit que viole l'article D. 241-7 du Code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que la notion de « rémunération mensuelle brute » visée par ce texte devrait être interprétée exclusivement en fonction des dispositions de l'article L. 242-1 ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE l'article D. 241-7 du Code de la sécurité sociale précise que la « rémunération mensuelle brute » permettant le calcul du coefficient applicable à la détermination de la réduction dite FILLON « est constituée des gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 versés au salarié au cours du mois civil » ; que viole cet article D. 241-7 le jugement attaqué qui intègre dans ladite « rémunération mensuelle brute » des sommes qui ne sont pas versées au salarié mais payées par l'employeur à un organisme de retraite complémentaire en vertu d'une obligation mise à sa charge par un accord collectif ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE l'alinéa 5 de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale modifié par l'article 14 de la loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 dispose que « sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4, destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX ... » ; que la prise en charge par l'employeur d'une fraction de la contribution salariale à un régime de retraite complémentaire en vertu d'un accord collectif, en sus des prévisions du nouvel alinéa 5 de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, ne répond pas à la condition d'une rémunération ou d'un avantage perçu en contrepartie du travail mais constitue une contribution impérative à la charge de l'employeur ; qu'il s'ensuit que viole les articles L. 241-13, L. 242-1 et D. 241-7 du Code de la sécurité sociale le jugement attaqué qui retient que cette prise en charge constitue un avantage en espèce faisant partie intégrante de la rémunération brute du salarié pour le calcul de la réduction dite FILLON.
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Salaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.