par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 7 octobre 2010, 09-15100
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
7 octobre 2010, 09-15.100

Cette décision est visée dans la définition :
Satisfactoire




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que le 22 janvier 1999, M. X... a chargé M. Y..., avocat au barreau de Marseille, de défendre ses intérêts dans un litige portant, à l'origine, sur une reconnaissance de dette qu'il contestait ; que M. Y..., après avoir perçu la somme de 19 863,49 euros TTC pour prix de ses diligences, et sollicité en vain le versement d'un solde de 18 608,31 euros TTC, a saisi le bâtonnier de son ordre qui a fixé le montant total des honoraires dus par M. X... à la somme déjà perçue ;

Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. Y... fait grief à l'ordonnance de dire n'y avoir lieu de constater la nullité de la décision du bâtonnier ;

Mais attendu qu'est irrecevable, faute d'intérêt, le moyen tiré de la nullité de la décision du bâtonnier, dès lors que saisi du litige en son entier par l'effet dévolutif du recours, le premier président devait statuer sur le fond du litige;

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que selon le second, si les juges du fond apprécient souverainement d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait été ou non précédé d'une convention ;

Attendu que pour fixer à la somme perçue de 19 863,49 € TTC le montant des honoraires de M. Y..., l'ordonnance énonce que les diligences accomplies dans diverses instances ne sont pas contestées par le client qui soutient seulement que, compte tenu de sa situation financière et de l'intérêt du litige, l'avocat avait manqué à son devoir de conseil en multipliant les procédures sans attirer son attention sur le coût de celles-ci ; que M. Y... fait valoir que, à compter de celle émise le 14 janvier 2002, le client a approuvé et signé les factures d'honoraires, la convention du 30 juin 2003 et les mandats des 17 novembre 2003, 7 janvier 2004 et 7 février 2005 ; qu'ainsi M. X... est mal fondé à lui reprocher un défaut d'information alors qu'il a été constamment tenu au courant de l'avancement de ses diligences et de leur coût ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si le principe et le montant de l'honoraire avaient été acceptés par le client après service rendu, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de taxe rendue le 9 mars 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance de taxe et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de taxe cassée ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit n'y avoir lieu à annuler la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Marseille en date du 5 Septembre 2008 ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... soutient que la décision susvisée est nulle pour avoir été rendue par Maître A... en l'absence de délégation de compétence du Bâtonnier ; qu'il convient de relever que le requérant indique lui-même que les décisions du Bâtonnier sont considérées comme des actes administratifs émanant d'une autorité administrative ;qu'il est à cet égard symptomatique que la quasi-totalité des décisions qu'il produit émane du Conseil d'Etat ;qu'à l'évidence le juge de l'honoraire n'a pas compétence pour apprécier la régularité d'un acte administratif ;que si Monsieur Y... entend contester la régularité de la délégation dont s'est prévalu Maître A... dans la décision querellée il lui appartient de saisir le juge administratif ; qu'il suffira ici de rappeler que l'article 175 du décret du 27 novembre 1991 prévoit expressément la faculté pour le Bâtonnier de désigner un rapporteur et que, dans un arrêt en date du 19 février 2004 (versé aux débats par le requérant), la Cour de Cassation a retenu qu'en application de l'article 7 du même décret la faculté de désignation du Bâtonnier inclut ses pouvoirs juridictionnels en matière de contestation d'honoraires ;qu'en l'espèce le requérant, ignorant ces dispositions réglementaires, s'est contenté de conclure à une absence de délégation sans rechercher si le Bâtonnier n'avait pas régulièrement délégué Maître A... ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter l'exception ;

ALORS, D'UNE PART, QUE toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence doit surseoir à statuer lorsqu'elle a à connaître de moyens de défense relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; qu'en statuant comme il l'a fait, alors que par l'effet dévolutif de l'appel qui a pour effet de remettre en question en fait et en droit la chose jugée, il était saisi de la totalité du litige opposant Maître Y... à son ancien client et qu'il devait surseoir à statuer, le Premier Président a violé les articles 49 et 378 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; qu'en se déclarant incompétent pour constater l'absence de délégation de pouvoir, moyen de défense qui ne relevait pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction et en rejetant l'exception de nullité de la décision du Bâtonnier en date du 5 septembre 2008 soulevée par Maître Y..., le Premier Président qui a méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel a violé les articles 49, 92 alinéa 2 et 430 alinéa 1er du Code de procédure civile ;

ALORS, ENSUITE, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office son incompétence pour statuer sur le moyen de nullité de l'ordonnance qui lui était déférée fondée sur l'absence de délégation au profit de Maître Gérard A..., sans avoir au préalable invité Maître Y... à présenter ses observations sur ce moyen de droit, le Premier Président a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENCORE, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en énonçant que le requérant avait ignoré l'article 7 du décret du 27 novembre 1991 prévoyant la faculté pour le Bâtonnier de déléguer à un ou plusieurs membres du Conseil de l'Ordre une partie de ses pouvoirs pour un temps limité, le Premier Président a dénaturé les termes clairs et précis du recours du 15 Octobre 2008 et du mémoire en réplique déposé et visé à l'audience du 04 Février 2009, violant ainsi les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que la preuve d'un fait négatif – en l'occurrence l'absence de délégation de pouvoir – étant impossible, il appartenait à Monsieur Krikor X... d'administrer la preuve de l'existence d'une telle délégation de pouvoir, ce qu'il n'a pas fait, ni même allégué ; qu'en énonçant que « le requérant (...) s'est contenté de conclure à une absence de délégation sans rechercher si le Bâtonnier n'avait pas régulièrement délégué Maître A... », le Premier président a inversé la charge de la preuve et violé les articles 544 et 1315 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Marseille en date du 5 septembre 2008 qui avait fixé le montant global des honoraires dus à Maître Y... par Monsieur X... à la somme perçue de 19.863,49 € TTC ;

AUX MOTIFS QUE un sieur B... ayant fait concomitamment pratiquer une saisie conservatoire et assigner en référé Monsieur X... en paiement d'une provision de 140.000 francs, ce dernier a confié à Monsieur Y... la défense de ses intérêts ; que, courant 1999, celui-ci a ainsi assuré sa défense devant le juge des référés puis en appel, devant le juge de l'exécution et dans une plainte avec constitution de partie civile ; que l'expertise ordonnée par le magistrat instructeur a permis d'obtenir la réformation de l'ordonnance de référé par arrêt du 10 janvier 2002 et le rejet des prétentions de la partie adverse par jugement du juge de l'exécution en date du 23 octobre 2003 ; que, parallèlement, l'instruction pénale s'est poursuivie, les décisions défavorables à Monsieur X... étant systématiquement frappées d'appel, l'arrêt confirmatif de non-lieu étant lui frappé d'un pourvoi en cassation ; qu'à la suite de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation en date du 05 mai 2004, Monsieur Y... a saisi la Cour européenne des droits de l'homme par requête du 16 février 2005 ; que les diligences accomplies dans ces diverses instances ne sont pas contestées par le client qui soutient seulement que, compte tenu de la situation financière et de l'intérêt du litige, l'avocat a manqué à son devoir de conseil en multipliant les procédures sans attirer son attention sur le coût de celles-ci ; que Monsieur Y... fait valoir que, à compter de celle émise le 14 janvier 2002, le client a approuvé et signé les factures d'honoraires, la convention du 30 juin 2003 et les mandats des 17 novembre 2003, 7 janvier 2004 et 7 février 2005 ; qu'ainsi Monsieur X... est mal fondé à lui reprocher un défaut d'information alors qu'il a été constamment tenu au courant de l'avancement de ses diligences et de leur coût ; que si, comme le rappelle à bon droit, Monsieur Y..., le juge de l'honoraire n'a pas qualité pour apprécier la qualité des diligences, il lui incombe toutefois d'en rechercher l'utilité ; qu'en l'espèce l'utilité de la défense dans les instances civiles n'est pas contestable et a d'ailleurs finalement permis à Monsieur X... d'être réintégré dans ses droits par l'arrêt du 10 janvier 2002 ; que l'utilité de la poursuite de l'instance pénale après cette date n'est en revanche pas démontrée ; qu'en effet, dès lors que, sur le plan civil, le client avait obtenu le résultat espéré, la multiplication des recours dans l'instance pénale n'était pas susceptible de lui procurer des avantages significatifs ; que l'avocat n'allègue pas avoir informé Monsieur X... sur l'inutilité desdits recours, s'étant contenté, à partir du 14 janvier 2002 – c'est à dire immédiatement après l'arrêt favorable du 10 janvier 2002 – de lui faire signer factures d'honoraires, convention et mandats, ce qu'il n'avait pas estimé nécessaire de faire jusque là ; qu'au total, et compte tenu de ces éléments, le Bâtonnier, juge naturel de l'honoraire, a apprécié de manière satisfactoire les honoraires dus à Monsieur Y... et il convient en conséquence de confirmer la décision en toutes ses dispositions ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que si les juges du fond apprécient souverainement d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait été ou non précédé d'une convention ; qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il avait relevé, comme l'établissait Maître Y... dans son recours du 15 octobre 2008 et dans son mémoire en réplique visé et déposé à l'audience du 4 février 2009 (pages 15/38 à 17/38), que Monsieur X... avait, après service rendu, donné son accord sur le principe et le montant de l'honoraire irrévocablement dû à son avocat en vertu des textes et de la jurisprudence en vigueur à hauteur de 36.963,85 euros TTC, le Premier Président n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1134 du Code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge de l'honoraire n'(a) pas compétence pour apprécier la qualité des diligences mais seulement leur réalité, l'appréciation de l'utilité des diligences de l'avocat relevant de leur qualité qu'il n'est pas au pouvoir du juge de l'honoraire de connaître ; qu'ainsi, en énonçant que si, comme le rappelle à bon droit, Monsieur Y..., le juge de l'honoraire n'a pas qualité pour apprécier la qualité des diligences, il lui incombe toutefois d'en rechercher l'utilité, le Premier Président a violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

ALORS, ENSUITE, QUE le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure, que la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger, que le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention contraire et que l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission ; qu'ainsi, en énonçant que l'utilité de la poursuite de l'instance pénale après l'arrêt du 10 janvier 2002 n'est pas démontrée, tout en relevant que Maître Y... avait été régulièrement et expressément mandaté par Monsieur X... les 30 juin 2003, 17 novembre 2003, 7 janvier 2004 et 7 février 2005, pour accomplir l'ensemble des actes de procédure nécessités par l'appel de l'ordonnance de non-lieu, le pourvoi en cassation contre l'arrêt confirmatif de nonlieu et la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme et sans constater que l'avocat avait été déchargé de sa mission ou qu'il avait décidé de ne pas la poursuivre, le Premier Président a violé l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;


ALORS, ENFIN, QUE l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme impose de vérifier si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en confirmant la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Marseille en date du 5 septembre 2008 qui avait réduit les honoraires de Maître Y... à la somme perçue de 19.863,49 euros TTC et rejeté sa demande tendant à les voir fixés à 38.471,80 euros TTC, l'ordonnance attaquée qui aggrave l'abstention volontaire de Monsieur Krikor X... – constitutive de résistance abusive - de payer au requérant les sommes qu'il lui doit à titre d'honoraires, frais et débours, a pour effet d'empêcher Maître Y... de disposer librement de son patrimoine, ce qui caractérise une ingérence non justifiée dans l'exercice du droit au respect de ses biens et, partant, viole l'article 1er du Premier Protocole Additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.



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Cette décision est visée dans la définition :
Satisfactoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.