par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 15 septembre 2010, 09-15192
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
15 septembre 2010, 09-15.192

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 février 2009) que M. X... était titulaire d'un bail portant sur un terrain à usage commercial qui lui avait été consenti par la commune de Saint-André (la commune) le 1er août 1997 pour une durée de neuf ans à échéance du 31 juillet 2006 ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 janvier 2006, la commune a fait connaître à M. X... qu'elle n'entendait pas renouveler le bail ; que M. X... a quitté les lieux ; que contestant la régularité de la résiliation du bail et estimant avoir droit à une indemnité d'éviction, M. X... a assigné la commune ;

Attendu que celle-ci fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. X... alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;

Qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, la commune de Saint-André faisait valoir que, conformément aux dispositions de l'article L. 145-9, alinéa 5, du code de commerce, M. X... ne pouvait assigner la commune de Saint-André qu'en choisissant l'une des deux alternatives proposées par le législateur ("soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction"), si bien que sa requête devait être nécessairement rejetée puisqu'elle reposait à la fois sur une demande de constatation de la nullité du congé et sur une demande d'indemnité d'éviction ;

Qu'en n'examinant pas le moyen péremptoire des écritures d'appel de la commune de Saint-André tiré de l'irrecevabilité de la demande de M. X..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en matière de baux commerciaux, le congé devant être donné à peine de nullité par acte extrajudiciaire, il en résulte qu'à défaut de congé valable, le bail se poursuit nécessairement par tacite reconduction et ne peut prendre fin que par un nouveau congé régulièrement délivré par le bailleur ;

Qu'en l'espèce, M. X... a conclu un bail commercial avec la commune de Saint-André le 28 janvier 1987 renouvelé par acte du 1er août 1997 ; que la commune a fait connaître, par une simple lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 janvier 2006, à M. X... qu'elle n'entendait pas renouveler le bail ; qu'il en résultait que le congé délivré par la commune de Saint-André était nul pour avoir été délivré par lettre recommandée et non par acte extrajudiciaire ; que cependant, tout en reconnaissant que le congé était nul, l'arrêt attaqué a décidé que rien ne s'opposait à ce que, prenant acte de ce congé irrégulier, M. X... soutienne qu'il a été évincé et qu'il lui est dû une indemnité d'éviction ;
Qu'en statuant ainsi alors que le congé notifié par la commune de Saint-André était nul et que par voie de conséquence le bail se poursuivait nécessairement par tacite reconduction de sorte que M. X... ne pouvait pas prétendre à une quelconque indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé les articles L. 145-9 et L. 145-14 du code de commerce ;

Mais attendu que le bailleur qui a notifié à son locataire un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut se prévaloir de la nullité de l'acte qu'il a lui-même délivré ; qu'ayant exactement retenu que si le locataire disposait du droit de contester la validité du congé et de se maintenir dans les lieux, le simple fait qu'il n'ait pas usé de ce droit n'autorisait en rien la commune à inverser la situation de fait telle qu'elle résultait de la lettre de congé en prétendant que le locataire aurait volontairement mis fin au bail et renoncé ainsi à son droit à indemnité d'éviction, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a pu en déduire qu'aucune faute grave au sens de l'article L. 145-17 du code de commerce n'ayant été reprochée au preneur évincé des lieux loués, celui-ci pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Saint-André aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Saint-André ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils pour la commune de Saint-André.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Marc X... avait été évincé par la commune de Saint-André et devait recevoir de celle-ci une indemnité d'éviction au sens de l'article L. 145-14 du code de commerce,

AUX MOTIFS QUE « pour contester le jugement entrepris la Commune de Saint André, qui soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que le congé était irrégulier sans pour autant en prononcer la nullité et en estimant pour autant que Monsieur Marc X... avait droit à une indemnité d'éviction, fait essentiellement valoir que : Soit que, comme Monsieur Marc X... le soutient, le congé reçu par lui est nul et de nul effet, d'où il s'ensuit en droit que le bail s'est poursuivi et que s'il a quitté les lieux, sans y être contraint étant constant qu'alors il ne peut prétendre à une indemnité d'éviction mais seulement éventuellement à des dommages et intérêts au titre d'un préjudice économique, Soit que le congé est valable, mais ce n'est pas ce que Monsieur Marc X... soutient, l'irrégularité de forme de celui-ci pouvant alors être couverte par l'accord des parties sur le renouvellement et qu'il appartient alors à Monsieur Marc X... de se manifester en ce sens ce qu'il n'a pas fait, quittant volontairement les lieux sans rechercher à prolonger son bail et à continuer son activité. Il est constant en droit que le bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé donné au moins six mois à l'avance et qu'à défaut de congé, le bail se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat. Que le congé doit être donné par acte extra judiciaire et à peine de nullité préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend soit contester le congé, soit demander paiement d'une indemnité d'éviction doit, à peine de forclusion saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans. Que le bailleur, qui est en droit de refuser le renouvellement du bail doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Ceci posé, en l'espèce, il n'est ni discuté ni discutable que la commune de Saint André a effectivement donné congé à Monsieur Marc X... dans le délai de 6 mois précédant la date d'expiration du bail liant les parties soit le 23 janvier 2006 mais ce, par lettre recommandée et nullement par acte extra judiciaire contenant les mentions prescrites à peine de nullité. Or il est constant que si ce congé n'a pas été donné Monsieur Marc X... a intérêt à soutenir que le congé qui lui a été ainsi notifié est nul pour exiger éventuellement la poursuite du bail, pour autant, rien ne s'oppose à ce que, prenant acte du congé certes irrégulier en la forme mais effectif au fond, il soutienne qu'au fond il a été évincé, qu'il a du quitter les lieux et qu'il lui est dû une indemnité d'éviction. Qu'ainsi, c'est à bon droit que le premier a considéré que le caractère irrégulier en la forme du congé ne lui ôtait en rien son caractère de congé effectif au fond et que le simple fait que Monsieur Marc X... n'ait pas usé de son droit de le contester et de se maintenir dans les lieux et ait exécuté ce congé n'autorise en rien la commune de Saint André à inverser la situation de fait telle qu'elle résulte de la lettre de congé en prétendant que seul Monsieur Marc X... aurait volontairement mis fin au bail et renoncé ainsi à son droit à indemnité d'éviction. Il s'ensuit que c'est bien la commune de Saint André bailleresse qui est à l'origine du la fin du bail en litige et du départ des lieux de Monsieur Marc X... et qu'en conséquence, alors qu'aucune faute grave au sens de l'article L. 145-17 du Code de commerce ne lui est reprochée, celui-ci a bel et bien été évincé de son local et qu'il a donc droit à l'indemnité d'éviction prévue par l'article L. 145-14 du même code » (arrêt attaqué, p. 3 à 5),

ALORS QUE tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;

Qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel (page 4), la commune de Saint-André faisait valoir que, conformément aux dispositions de l'article L. 145-9, alinéa 5, du code de commerce, Monsieur X... ne pouvait assigner la commune de Saint-André qu'en choisissant l'une des deux alternatives proposées par le législateur (« soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction »), si bien que sa requête devait être nécessairement rejetée puisqu'elle reposait à la fois sur une demande de constatation de la nullité du congé et sur une demande d'indemnité d'éviction ;

Qu'en n'examinant pas le moyen péremptoire des écritures d'appel de la commune de Saint-André tiré de l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X..., la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en matière de baux commerciaux, le congé devant être donné à peine de nullité par acte extrajudiciaire, il en résulte qu'à défaut de congé valable, le bail se poursuit nécessairement par tacite reconduction et ne peut prendre fin que par un nouveau congé régulièrement délivré par le bailleur ;

Qu'en l'espèce, Monsieur X... a conclu un bail commercial avec la commune de Saint André le 28 janvier 1987 renouvelé par acte du 1er août 1997 ; que la commune a fait connaître, par une simple lettre recommandée A.R du 23 janvier 2006, à Monsieur X... qu'elle n'entendait pas renouveler le bail ; qu'il en résultait que le congé délivré par la commune de Saint-André était nul pour avoir été délivré par lettre recommandée et non par acte extrajudiciaire ; que cependant, tout en reconnaissant que le congé était nul, l'arrêt attaqué a décidé que rien ne s'opposait à ce que, prenant acte de ce congé irrégulier, Monsieur X... soutienne qu'il a été évincé et qu'il lui est du une indemnité d'éviction;

Qu'en statuant ainsi alors que le congé notifié par la commune de Saint André était nul et que par voie de conséquence le bail se poursuivait nécessairement par tacite reconduction, de sorte que Monsieur X... ne pouvait pas prétendre à une quelconque indemnité d'éviction, la Cour d'appel a violé les articles L. 145-9 et L. 145-14 du code de commerce.



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Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.