par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 16 juin 2010, 09-13156
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 3ème chambre civile
16 juin 2010, 09-13.156

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 février 2009), que M. X..., propriétaire d'un immeuble et locataire commercial de M. Joseph Y... pour l'exploitation d'un fonds de commerce dans le sous-sol commun des deux propriétés, a sollicité l'indemnisation du préjudice subi par suite d'infiltrations d'eaux usées provenant de la propriété du bailleur, ainsi que d'une propriété voisine appartenant à Marie-Antoinette Z..., qui a appelé en cause son assureur, la société Mutuelle assurance des artisans de France ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant des condamnations prononcées à son profit, alors, selon le moyen, que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose de replacer la victime dans la situation où elle ne serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en l'espèce, pour condamner Mme Z... et M. Y... à verser certaines sommes à M. X... au titre de la réparation du préjudice subi par ce dernier, toutes causes confondues, la cour d'appel se fonde sur un préjudice évalué par l'expert à un montant de 18 769, 62 euros, tenant compte d'un abattement pour vétusté fixé par l'expert, pour certains postes de préjudices, à 80 % ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel viole le principe susvisé ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que depuis plusieurs années aucun fonds de commerce n'était exploité dans les lieux, que les équipements présents dans les locaux dataient de bien avant la précédente exploitation de la discothèque " Le Passé Simple " qui avait déjà fermé ses portes plusieurs années avant le sinistre, qu'aucun projet d'aménagement quelconque n'était en cours ou sur le point de commencer et que M. X... n'établissait pas son intention réelle de relancer l'activité de son exploitation, la cour d'appel, sans violer le principe de la réparation intégrale, a pu retenir que, sauf à faire bénéficier M. X... d'un enrichissement infondé, il y avait lieu d'appliquer le coefficient de vétusté proposé par l'expert judiciaire aux équipements présents dans les locaux avant la survenance du sinistre ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et des consorts A...- Z... et B... Z... ; Condamne M. X... à payer à Mme Nicole Y..., venant aux droits de Joseph Y..., la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par Me Blondel, avocat aux conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant des condamnations prononcées au profit de Monsieur X... à une somme de 15015, 69, sur la base d'un préjudice évalué à une somme totale de 18769, 62,

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice subi, contrairement à ce que Jean-Marie X... soutient, la réparation intégrale d'un préjudice n'est pas contradictoire avec le fait que l'on tienne compte de la vétusté ; que ne pas tenir compte de celle-ci aboutirait en fait à faire bénéficier le requérant à l'indemnisation d'un enrichissement infondé,

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS QUE concernant le préjudice subi par Monsieur X..., l'expert évalue le montant des travaux à faire à la somme de 70. 297, 84 francs TTC, soit 10. 716 euros TC et chiffre les travaux de remise en état des lieux au vu des conséquences des infiltrations à la somme de 52. 822, 80 francs TTC, soit 8052, 78 euros ; qu'il convient de dire que l'expert a justement évalué le préjudice de l'intéressé (…) ; que l'expert a pris soin de préciser en p. 17 du premier rapport que « les équipements présents dans les locaux datent de bien avant la précédente exploitation de la discothèque « le passé simple » qui a déjà fermé ses portes plusieurs années avant le sinistre. Les équipements pouvaient déjà être passablement endommagés par le manque d'exploitation (défaut de chauffage et ventilation) et par manque d'entretien un coefficient de vétusté devant être dès lors légitimement appliqué » ;

ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice impose de replacer la victime dans la situation où elle ne serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en l'espèce, pour condamner Madame Z... et Monsieur Y... à verser certaines sommes à Monsieur X... au titre de la réparation du préjudice subi par ce dernier, toutes causes confondues, la Cour se fonde sur un préjudice évalué par l'expert à un montant de 18769, 62 euros, tenant compte d'un abattement pour vétusté fixé par l'expert, pour certains postes de préjudices, à 80 % ; qu'en statuant ainsi, la cour viole le principe sus-visé.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté les demandes de Monsieur X... tendant à l'indemnisation de son préjudice,

AUX MOTIFS PROPRES QUE Jean Marie X... ne peut invoquer la perte du fonds de commerce ni les arriérés de loyers et autres indemnités et frais qu'il a été condamné à payer à Nicole Y... alors que si la résiliation de plein droit du bail commercial a été constatée par arrêt de la Cour d'appel de céans en date du 25 octobre 2007, c'est uniquement en raison de ce que l'intéressé, titulaire dudit bail, n'a pas payé son loyer à la bailleresse ; que le présent litige ne peut être considéré comme une cause sérieuse et fondée dudit non paiement ; que également, comme le souligne Nicole Y... et comme l'a relevé le premier juge, que le fonds n'était plus exploité depuis plusieurs années avant l'intervention du problème d'infiltration d'eau ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant le préjudice subi par Monsieur X..., pour privation de jouissance du local en sous-sol, l'expert indique que la perte de loyers est de 21600 francs soit 3290 euros selon l'état de perte fournit par Monsieur X... ; il convient de dire que les sommes fixées pour la privation du local en sous-sol (location à la Sté le Babylone dont Monsieur X... est le gérant), ne seront pas retenues par le tribunal, le document produit en annexe 10 apparaissant insuffisant pour établir ce poste de préjudice ; qu'en effet, l'expert a pris soin de préciser que « les équipements présents dans les locaux datent de bien avant la précédente exploitation de la discothèque « le passé simple » qui a déjà fermé ses portes plusieurs années avant le sinistre. Les équipements pouvaient être déjà passablement endommagés par le manque d'exploitation (défaut de chauffage et ventilation) et par manque d'entretien, un coefficient de vétusté devant être dès lors légitimement appliqué (…) aucun projet d'aménagement quelconque n'était en cours ou sur le point de commencer. Aucun devis ni marché de travaux n'a été remis pour justifier d'un démarrage de chantier au moment où les infiltrations ont commencé, aucun permis de construire n'a été délivré ni même demandé, aucune perte de loyer n'étant à prendre en considération au titre du préjudice (…). Concernant les pertes de loyers, l'immeuble est toujours inoccupé et sans projet effectif d'aménagement, les locaux n'étant insalubres qu'au sous-sol, rien n'empêchant d'effectuer des travaux dans les étages, l'accès au sous-sol pouvant être indépendant de ceux des autres niveaux : pas de préjudice à ce titre » ; qu'enfin, il n'est pas contesté que Monsieur X... n'a plus réglé les loyers commerciaux dont il est redevable envers Monsieur Y... depuis le 7 novembre 1998 alors même que l'activité commerciale de la SARL MAY FAIR s'est interrompue au mois d'août 1992 ; que dès lors, ainsi que le soutient légitimement Monsieur Y..., ce n'est donc pas l'exploitation des locaux qui justifiait, à elle seule, l'existence du bail, le sinistre survenu à l'intérieur des caves n'ayant pas d'incidence directe sur l'exécution de cette convention ;

ALORS QUE le droit de jouir de la chose louée constitue un élément substantiel du contrat de bail, indépendamment de l'utilisation effective du bien loué ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs propres et adoptés par l'arrêt, ainsi que du rapport d'expertise, homologué par les juges, que la cave louée au sous-sol par Monsieur X... à Monsieur Y... était insalubre (jugement, p. 8, § 5) et impropre à sa destination (rapport d'expertise du 28 sept. 1999, p. 16), l'expert ayant de fait retenu, au titre des préjudices, la privation de jouissance du local en sous-sol ; que pour écarter néanmoins tout préjudice quant à ce, subi par Monsieur X..., condamné, par un arrêt devenu définitif de la Cour de BESANCON en date du 25 octobre 2007 à payer à Monsieur Y... les arriérés de loyers ayant couru à compter de 1998, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux, la Cour retient, par motifs propres et adoptés, et en substance, que le fonds n'était plus exploité depuis plusieurs années avant l'intervention du problème d'infiltration d'eau, tandis que Monsieur X... avait néanmoins, pendant toutes ces années et jusqu'au dégât des eaux, continué à payer les loyers, de sorte que ce n'était pas l'exploitation des locaux qui justifiait, à elle seule, l'existence du bail ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Monsieur X... n'avait pas subi un préjudice du seul fait qu'il avait été tenu de payer les loyers d'un local insalubre et inutilisable, et dont il il n'avait pu, en conséquence, jouir selon son contrat de bail, et ce indépendamment de l'exploitation commerciale passée, présente, et à venir dudit local, la Cour prive sa décision de base légale au regard de l'article 1709 du Code civil, ensemble du principe de la réparation intégrale du préjudice.

Moyen produit au pourvoi incident par SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour M. A...- Z... et les consorts B...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, en confirmant le jugement rendu le 15 mars 2005 par le tribunal de grande instance de LONS LE SAUNIER, déclaré Mme Z... responsable de désordres survenus au préjudice de M. X..., solidairement avec ce dernier et M. Y... et fixé à 3 / 5e la part de responsabilité de Mme Z..., à 1 / 5e la part de responsabilité de M. Y... et à 1 / 5e celle de Monsieur X... ;

AUX MOTIFS ADOPTES QU'il « résulte incontestablement des conclusions expertales que les infiltrations survenues dans les locaux occupés par M. X... provenaient d'une part des égouts situés derrière le mur mitoyen sous la propriété Z..., par défaut d'étanchéité, étant précisé ; 1) que tout l'immeuble Z... emprunte ces canaux (chutes n° 4-5-613 et eau pluviale toiture avec pavés de verre) ; 2) alors que l'immeuble Y... les emprunte pour une chute (n° 7 toiture en partie + WC et lava bo non utilisés habituellement) ; 3) l'immeuble X... déversant la vidange du circuit d'eau dans la partie haute du canal d'égout qui a été trouvée sèche et qui apparaît, aux dires de l'expert, être hors de cause dans l'origine des infiltrations ; que les infiltrations provenaient d'autre part de la fissure découverte, au fond du canal commun pour les 3 propriétaires concernés située sous la propriété X..., étant acquis que cette partie du canal est essentiellement utilisée par la propriété Z... et pour une part moindre par la propriété Y... (cf p. 10 2° rapport) (M. X... ne l'utiliserait pas du tout), et alors même que ces canaux avaient été réalisés de façon immémoriale pour desservir en commun les 3 immeubles en question relativement aux eaux pluviales et aux eaux usées, l'expert expliquant au surplus p. 9, 2° rapport : " II est bien évident qu'une répartition des infiltrations de part et d'autre du mur est impossible à quantifier. " ; que d'une part, il est constant que lorsque une servitude est établie au profit de plusieurs fonds, la charge et le coût des travaux nécessaires à l'entretien des ouvrages utiles à l'exercice de cette servitude se répartissent entre tous les titulaires ; que cependant, par ailleurs, aux termes de l'article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ; qu'il appartient au juge du fond de caractériser, au vu des circonstances de fait, de l'état des lieux, de l'interprétation et de la convention des parties, des besoins du fonds dominant et du préjudice subi par le fonds servant, l'existence d'une aggravation ; qu'en l'espèce, les changements intervenus dans l'exercice de la servitude pour satisfaire de nouveaux intérêts et besoins du fonds Z..., (à savoir la création d'un fonds artisanal de pâtisserie exploité au rez-de-chaussée de l'immeuble) constituent bien une aggravation pour les fonds servant compte tenu du volume d'eaux qui les traversent ; qu'il s'en suit que la responsabilité de chacun des propriétaires concernés tant dans la survenance des désordres que des frais de réparation leur incombant sur les ouvrages communs, doit s'apprécier différemment soit 3 / 5 à charge de Mme Z..., 1 / 5 à charge de M. Y... et 1 / 5 à charge de M. X..., ce dernier étant en effet co-utilisateur des canaux étant précisé qu'une servitude d'écoulement des eaux ne s'éteint pas par son inutilité ou par le non-usage ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « toutes les parties discutent la façon dont le premier juge a réparti les responsabilités et par voie de conséquence tant la charge des travaux que la répartitions du dédommagement de Jean-Marie X... ; sur la répartition, que le premier juge l'a à bon droit arbitrée ; qu'il sera ajouté qu'il n'est pas possible de suivre Jean-Marie X..., qui tend à l'exclusion de toute responsabilité, ni Nicole Y..., qui tend à une responsabilité moindre que celle de 1 / 5 retenue, ni les Consorts B... Z... et leur assureur, qui tendent à la responsabilité intégrale de Jean-Marie X... ; en effet, ainsi que l'expert D... l'a relevé, que le conduit principal des eaux usées et pluviales qui passe sous la propriété X... et qui s'est révélé fendu sous cette propriété dans le cadre de la seconde expertise, est commun aux trois fonds de Jean-Marie X..., de Nicole Y... et des Consorts B... Z... ; en conséquence que la chacun des fonds doit participer aux frais de remise en état au prorata non seulement de l'utilisation mais encore de l'utilité que lui procure ce conduit principal passant sous la propriété X..., et qui est à l'origine des infiltrations en litige ; que la répartition décidée par le premier Juge respecte ces deux critères, peu importe comme l'a relevé le premier Juge, que Jean-Marie X... utilise ou non de manière effective ledit conduit qui est également relié à sa propriété » ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motivation ; que dans leurs dernières écritures, les exposants faisaient valoir que lorsque M. X... avait entrepris les travaux d'aménagement de la cave et les dévoiements de la canalisation litigieuse, il avait commis une faute en ne garantissant pas l'étanchéité du canal reconstitué au droit de sa propriété et que les infiltrations d'eau avaient pour origine ce dévoiement du canal commun réalisé par M. X... ; qu'ils versaient aux débats un dire de Me E... en date du 12 juillet 2001, dont il résultait que M. X... avait « précisé très clairement que le parcours du canal avait été dévoyé il y a environ 25 ans lors de la création d'un établissement de nuit dans la cave de l'immeuble » ; qu'il ressortait également de ce dire que « les infiltrations du local en sous-sol de l'immeuble X... n'étaient dues qu'à une négligence et malfaçon lors des travaux initiaux ; qu'en laissant sans réponse ce moyen péremptoire, accompagné d'une offre de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.