par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 16 mars 2010, 09-12539
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 mars 2010, 09-12.539

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Syndicat des administrateurs et inspecteurs généraux de l'INSEE - Syndicat des hauts fonctionnaires (le syndicat Saigi), assigné par la société Merygreg, a été mis en liquidation judiciaire, le 22 janvier 2008, M. X... étant désigné liquidateur ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que la société Merygreg soulève l'irrecevabilité du pourvoi formé par le syndicat Saigi, représenté par son dirigeant, sur le fondement de l'article 1844-7,7°, du code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 641-9, II, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale ; que le pourvoi est recevable ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que le syndicat Saigi fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement alors, selon le moyen, que les syndicats professionnels, non astreints à l'obligation de tenir une comptabilité, ne peuvent faire l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'alinéa 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et les articles L. 640-1 et L. 640-2 du code de commerce ;

Mais attendu que les syndicats professionnels étant des personnes morales de droit privé, une procédure de liquidation judiciaire peut être ouverte à leur égard en application de l'article L. 640-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la deuxième branche du moyen :

Attendu que le syndicat Saigi fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'assignation aux fins d'ouverture d'une procédure collective doit impérativement mentionner les voies d'exécution qui ont été engagées pour le recouvrement de la créance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que selon l'article R. 631-2 du code de commerce, auquel renvoie l'article R. 640-1, l'assignation du créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et contenir tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur, sans qu'il soit requis d'y faire figurer l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de la société Merygreg était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicables ;

Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire du syndicat Saigi, l'arrêt retient que la créance de la société Merygreg, qui résulte de sommes dues pour l'occupation d'un appartement du 28 octobre 2004 au 25 septembre 2006 et d'un jugement rendu le 3 mars 2006, revêtu de l'exécution provisoire, a une assise factuelle incontestable et que, dans ces conditions, bien que litigieuse, elle doit être prise en compte pour l'évaluation du passif exigible ;

Attendu qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le jugement du 3 mars 2006 avait été frappé d'appel de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement rendu le 22 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Nanterre, l'arrêt rendu le 22 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Merygreg aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour le syndicat Saigi

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la liquidation judiciaire du syndicat SAIGI,

AUX MOTIFS QUE le syndicat SAIGI soutient qu'un syndicat professionnel ne peut faire l'objet d'une procédure collective prévue par le livre 6 du Code de commerce et fait notamment valoir à ce propos que le livre 6 du Code de commerce impose aux personnes morales qui déclarent leur état de cessation des paiements de produire leur comptabilité et qu'il s'en déduit qu'il est impossible de procéder à une liquidation sans comptabilité, que tout syndicat professionnel est dispensé de toute obligation comptable, et qu'il s'en déduit qu'un syndicat professionnel ne peut être soumis à une procédure collective, que la présente espèce en est l'illustration car le syndicat est placé en liquidation judiciaire au motif qu'en l'absence de comptabilité, il ne peut démontrer sa viabilité, que la liberté syndicale et la liberté d'association font l'objet d'une protection constitutionnelle à laquelle il ne peut être porté atteinte que par une disposition expresse de la loi et c'est la raison pour laquelle la loi mentionne expressément la possibilité d'ouvrir une procédure collective d'une association, que l'on doit déduire de l'absence d'une telle mention expresse pour les syndicats professionnels que le législateur n'a pas voulu que la procédure collective soit applicable à ces derniers ; mais que les syndicats professionnels sont des personnes morales de droit privé ; que par application des articles L. 640-1 et L. 640-2 du Code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire peut être ouverte à leur égard; qu'ils peuvent également faire l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par application des dispositions des articles L. 631-1 et L. 631-2 du même code ;

(…) que le syndicat SAIGI soutient qu'il n'est pas en état de cessation des paiements, car son seul passif est constitué par la créance invoquée de la SCI MERYGREG qui ne peut être prise en compte car elle est litigieuse; qu'il fait notamment valoir à ce propos que la créance de la SCI MERYGREG résulte du jugement rendu le 3 mars 2006 par le Tribunal d'instance du 8ème arrondissement de PARIS; qu'il a fait appel de ce jugement et que la procédure est toujours en cours; qu'il est de jurisprudence constante que les créances litigieuses ne peuvent être prises en compte pour déterminer le passif exigible, même si ces créances résultent d'une décision judiciaire exécutoire de droit; que les chances de réformation du jugement sont indéniables, alors que les moyens soulevés font apparaître que c'est la SCI MERYGREG qui est débitrice du syndicat; qu'à tout le moins, il conviendrait de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de PARIS; que le syndicat SAIGI fait également valoir qu'il dispose d'un actif notamment sur son compte postal, et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas justifier de cet actif par des documents comptables, alors qu'il n'est pas astreint à la tenue d'une comptabilité et qu'en outre, la SCI MERYGREG s'est emparée de tous ses dossiers lors de l'expulsion de son local, et ne les lui a pas restitués, contrairement à ce qu'elle prétend; qu'il relève notamment qu'il n'a pu récupérer l'ordinateur Apple qui contient les fichiers et les pièces justifiant de son activité; qu'il ressort des éléments du dossier que la créance de la SCI MERYGREG résulte des sommes dues par le Syndicat SAIGI pour avoir occupé l'appartement du 28 octobre 2004 au 25 septembre 2006; que cette créance, outre qu'elle résulte d'un jugement rendu le 3 mars 2006, revêtu de l'exécution provisoire, a une assise factuelle incontestable; qu'à l'inverse, les motifs de la créance du Syndicat SAIGI ne ressortent pas des éléments du dossier; que dans ces conditions, la créance de la SCI MERYGREG, bien que litigieuse, doit être prise en compte pour l'évaluation du passif exigible; que ce dernier a été déclaré pour 29.591,34€ ;

(…) que le syndicat SAIGI demande subsidiairement à être admis au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire et fait notamment valoir à ce propos : qu'il appartient à la SCI MERYGREG de démontrer que son redressement est manifestement impossible, qu'en l'absence de pièces justificatives, et de documents comptables, la SCI MERYGREG se trouve dans l'impossibilité de faire cette preuve, comme lui-même se trouve dans l'impossibilité de contester les allégations de cette dernière, que le syndicat ne développe pas son activité dans la sphère économique mais dans la sphère sociale et qu'en conséquence, il ne peut lui être demandé de présenter un plan de redressement fondé sur un compte provisionnel, qu'il déploie une activité sociale importante qui lui permet d'espérer raisonnablement le maintien, voire l'augmentation du nombre de ses adhérents, et son redressement; que la Cour constate que le syndicat qui pourtant aurait la possibilité de demander à ses adhérents de justifier de leur adhésion n'apporte aucune pièce pouvant combattre les allégations de la SCI MERYGREG selon lesquelles constitué à l'origine par deux personnes, il n'aurait désormais qu'un seul adhérent; que le syndicat n'apporte pas plus d'éléments pouvant faire penser qu'il dispose de ressources; que dans ces conditions, le redressement du syndicat est manifestement impossible au regard de l'importance de son passif;

ALORS, D'UNE PART, QUE les syndicats professionnels, non astreints à l'obligation de tenir une comptabilité, ne peuvent faire l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles L. 640-1 et L. 640-2 du Code de commerce;


ALORS, D'AUTRE PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'assignation aux fins d'ouverture d'une procédure collective doit impérativement mentionner les voies d'exécution qui ont été engagées pour le recouvrement de la créance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 631-2 du code de commerce ;

ALORS QU'EN TROISIEME LIEU, une créance dont le sort définitif est subordonné à une instance pendante devant les juges du fond est litigieuse et ne peut être prise en compte pour apprécier le passif exigible en vue de l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en décidant, pour juger que le syndicat SAIGI était en état de cessation des paiements, de prendre en compte la créance de la seule SCI MERYGREG résultant d'un jugement du 3 mars 2006, dont il avait été interjeté appel par le syndicat SAIGI, et dont elle a constaté qu'elle était litigieuse, la Cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce;

ALORS, ENFIN, QUE l'ouverture d'une procédure de liquidation implique que le redressement du débiteur soit manifestement impossible; que dans ses conclusions d'appel, le SAIGI a fait valoir qu'il disposait d'un actif notamment sur un compte postal, et que les documents relatifs à son activité et à ses actifs étaient détenus par l'huissier de justice mandaté par la SCI MERYGREG qui avait procédé à son expulsion des locaux qu'il occupait ; qu'en retenant, pour dire que le redressement du syndicat SAIGI était manifestement impossible, qu'il n'apportait aucune pièce pouvant combattre les allégations de la SCI MERYGREG selon lesquelles constitué à l'origine par deux personnes il n'aurait plus qu'un seul adhérent, et qu'il n'apportait pas non plus d'éléments pouvant faire penser qu'il disposait de ressources, sans répondre aux moyens du SAIGI, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.