par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 octobre 2009, 08-11245
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 octobre 2009, 08-11.245

Cette décision est visée dans la définition :
Juge aux affaires familiales (JAF)




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu qu'un jugement du 14 décembre 2004 du tribunal de grande instance de Perpignan a prononcé, sur leur requête conjointe, le divorce des époux de X... Y... et homologué la convention définitive qui prévoyait notamment que les enfants communs, Lora, née en 1999, et Axelle, née en 2001, résideraient chez leur mère et que le père bénéficierait d'un droit de visite et d'hébergement libre et à défaut d'accord les première, troisième et cinquième fins de semaine et les deuxième et quatrième mercredis de chaque mois et la moitié des vacances scolaires ; qu'un jugement du 29 juin 2006 a modifié le droit de visite et d'hébergement de M. de X... pour tenir compte de son éloignement en région parisienne ; qu'informé par lettre du 29 août 2006 du projet de Mme Y... de s'installer au sud de l'Espagne avec les enfants, M. de X... lui a fait délivrer, le 5 septembre 2006, une assignation en référé devant le juge aux affaires familiales pour une audience du 19 septembre 2006, aux fins de voir transférer la résidence des enfants à son domicile ; que Mme Y... s'est opposée à cette demande et a sollicité reconventionnellement l'autorisation de s'installer en Espagne avec ses filles ; qu'une ordonnance de référé du 17 octobre 2006 a rejeté la demande de transfert de résidence des enfants et dit que dans l'intérêt de ceux-ci, la mère ne pourrait mettre en exécution ses projets de déménagement qu'à l'issue de l'année scolaire 2006-2007 et renvoyé les partie à saisir le juge du fond pour qu'il soit statué sur les modalités du droit de visite et d'hébergement du père et la prise en charge des trajets ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. de X... fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 novembre 2007) de dire n'y avoir lieu à référé, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de désaccord des parents séparés sur le changement de résidence des enfants, le juge aux affaires familiales est saisi par le parent le plus diligent "dans les formes prévues pour les référés" et, sur le fond, statue exclusivement selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant ; qu'en déclarant statuer au regard des critères légaux d'"urgence" et de "dommage imminent" propres à la matière des référés, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 373-2 du code civil , 1179 et 1137, alinéa 1er du code de procédure civile (dans leur rédaction issue du décret du 29 octobre 2004) et par fausse application les articles 808 et suivants du code de procédure civile ;

2°/ que la fonction de juge des référés du juge aux affaires familiales, prévue par l'article 1073 et du code de procédure civile, est réservée aux litiges exceptionnels dont était antérieurement saisi le président du tribunal de grande instance aux conditions propres à la matière des référés ; qu'en se déclarant saisie sur ce fondement, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

3°/ que, juridiction d'appel du juge aux affaires familiales, juge des référés comme juge du fond, notamment susceptible d'être saisi au fond de l'ensemble des demandes "relatives à l'exercice de l'autorité parentale", la cour d'appel était compétente pour rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. de X..., si, nonobstant la renonciation à déménager en Espagne exprimée par Mme Y... en cause d'appel, le comportement inquiétant de la mère consistant à faire passer avant l'intérêt primordial des fillettes, des choix de vie exclusivement motivés par les variations rapides de sa vie sentimentale, ne justifiait pas le transfert de la résidence des enfants chez leur père, pour y trouver des conditions de vie stables auprès de ce dernier, disposant de temps pour s'occuper d'elles et prêt à les accueillir de façon permanente avec sa concubine, connue des enfants et appréciée par elles ; qu'en l'absence de cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-8 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que si en cas de désaccord des parents séparés sur le lieu de résidence des enfants, l'un d'eux peut saisir, dans les formes du référé, le juge aux affaires familiales pour qu'il statue comme juge du fond, il peut également, comme l'a fait M. de X..., saisir ce juge en référé pour qu'il prenne, à titre provisoire, toutes mesures que justifie l'existence d'un différent en cas d'urgence ou qu'il prescrive les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite et que dans tous les cas, le juge aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ; ensuite, qu'en application de l'article 1073 du code de procédure civile dans sa rédaction du décret n° 2004-1158 du 29 octobre 2004, le juge aux affaires familiales exerce les fonctions de juge des référés et que ces fonctions ne sont pas réservées à certains litiges et enfin, que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne peut statuer que dans les limites de la compétence de celui-ci ; qu'ayant constaté que la demande de transfert de résidence présentée initialement par M. de X... reposait sur le risque encouru par ses filles suite à la décision de leur mère d'aller s'installer en Espagne puis qu'il résultait des écritures d'appel de Mme Y... que ce projet avait été abandonné et qu'aucun risque n'existait plus, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la demande présentée devant la juridiction des référés n'avait plus d'objet et qu'il n'y avait donc pas lieu à référé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. de X... à une amende civile de 2 000 euros, l'arrêt retient qu'en persistant dans une demande qu'il savait dépassée au moins depuis le 21 août 2007, date des premières écritures de Mme Y... devant la cour d'appel, et qu'il a maintenue en feignant de l'ignorer ainsi que l'attestent ses dernières écritures et la plupart de ses pièces, l'appelant a abusé de son droit d'agir en justice ;

Qu'en se déterminant ainsi alors que M. de X... avait pris acte dans ses dernières écritures de la renonciation de Mme Y... à son projet, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'appelant ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu'elle a condamné M. de X... au paiement d'une amende civile de 2 000 euros, l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à amende civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. de X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt



Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. de X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé ;

AUX MOTIFS QUE le juge aux affaires familiales exerce, aux termes de l'article 1073 du Code de procédure civile (sic ; il faut lire : 1074), les fonctions de juge des référés ; qu'il peut, dans ce cadre, prendre toutes mesures que justifie l'existence d'un différend lorsqu'il y a urgence ou encore prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la demande présentée initialement par Monsieur DE X... reposait sur le risque couru par ses filles suite à la décision de la mère d'aller s'installer en Espagne ; que ce projet ayant été abandonné, aucun risque n'existe plus ; que la demande ainsi présentée devant la juridiction des référés n'a plus d'objet ;

ALORS D'UNE PART QU'en cas de désaccord des parents séparés sur le changement de résidence des enfants, le Juge aux affaires familiales est saisi par le parent le plus diligent « dans les formes prévues pour les référés » et, sur le fond, statue exclusivement selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant ; qu'en déclarant statuer au regard des critères légaux d' « urgence » et de « dommage imminent » propres à la matière des référés, la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles 373-2 du Code civil , 1179 et 1137 alinéa 1er du Code de procédure civile (dans leur rédaction issue du décret du 29 octobre 2004) et par fausse application les articles 808 et suivants du Code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la fonction de juge des référés du Juge aux affaires familiales, prévue par l'article 1073 et du Code de procédure civile, est réservée aux litiges exceptionnels dont était antérieurement saisi le Président du Tribunal de grande instance aux conditions propres à la matière des référés ; qu'en se déclarant saisie sur ce fondement, la Cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

ALORS ENFIN QUE, juridiction d'appel du Juge aux affaires familiales, juge des référés comme juge du fond, notamment susceptible d'être saisi au fond de l'ensemble des demandes « relatives à l'exercice de l'autorité parentale », la Cour d'appel était compétente pour rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de Monsieur DE X..., si, nonobstant la renonciation à déménager en Espagne exprimée par Madame Y... en cause d'appel, le comportement inquiétant de la mère consistant à faire passer avant l'intérêt primordial des fillettes, des choix de vie exclusivement motivés par les variations rapides de sa vie sentimentale, ne justifiait pas le transfert de la résidence des enfants chez leur père, pour y trouver des conditions de vie stables auprès de ce dernier, disposant de temps pour s'occuper d'elles et prêt à les accueillir de façon permanente avec sa concubine, connue des enfants et appréciée par elles ; qu'en l'absence de cette recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-8 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est par ailleurs fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur DE X... à une amende civile de 2.000 ;

AUX MOTIFS QU'en persistant dans une demande qu'il savait dépassée au moins depuis le 21 août 2007, date des premières écritures de Madame Y... devant la cour et qu'il a maintenue en feignant de l'ignorer, ainsi que l'attestent ses dernières écritures et la plupart de ses pièces, l'appelant a abusé de son droit d'agir en justice ;

ALORS D'UNE PART QUE la Cour d'appel a elle-même relevé, dans le rappel des prétentions des parties, que, « dans ses dernières écritures du 9 octobre 2007 », Monsieur DE X... soutient que « si Madame Y... a renoncé à son projet d'aller vivre en Espagne avec son compagnon, il reste que son comportement est inquiétant et justifie le transfert de résidence sollicité, les deux fillettes ne pouvant continuer à vivre au gré des aventures sentimentales de leur mère » (arrêt, p.4 dernier alinéa et p.5 alinéa 1er) ; qu'en affirmant ensuite que Monsieur DE X... aurait feint d'ignorer que sa demande aurait été « dépassée » depuis le 21 août 2007, par suite de l'abandon de ce projet, la Cour d'appel na pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait excluant tout abus de procédure et a violé l'article 559 du Code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE loin de feindre d'ignorer la renonciation de Madame Y... à déménager en Espagne, Monsieur DE X... en prenait acte dans ses conclusions d'appel (conclusions d'appel signifiées le 9 octobre 2007, p.6 dernier alinéa), puis, après avoir démontré le caractère aventureux de ce projet de déménagement, exclusivement motivé par une passion amoureuse qui devait s'avérer passagère, Monsieur DE X... fondait sa demande de transfert de la résidence des deux filles du couple, sur le caractère inquiétant et peu responsable du comportement de son ex-épouse dans l'intérêt supérieur des enfants ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Monsieur DE X... en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.