par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 24 septembre 2009, 08-17241
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
24 septembre 2009, 08-17.241

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales de ce qu'elle se désiste de son pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que blessé au cours d'un accident de la circulation le 12 juillet 1987, M. Jean-Pierre X... a subi des transfusions sanguines ; qu'ayant appris qu'il était atteint par le virus de l'hépatite C, il a assigné en indemnisation l'Etablissement français du sang (EFS), venu aux droits du centre de transfusion sanguine de Brest, lequel a appelé en cause son assureur, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère (la caisse) ;

Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... la somme de 85 000 euros au titre de son déficit fonctionnel et la somme de 120 000 euros au titre de son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C, alors, selon le moyen, que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C recouvre l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques, consécutifs à l'infection virale ; qu'il inclut par conséquent le déficit fonctionnel, qui correspond aux incidences, sur la sphère personnelle de la victime, de la réduction définitive de son potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel ; qu'en indemnisant à la fois le déficit fonctionnel de M. X... et son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même dommage, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale ;

Mais attendu que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant de la contamination, notamment les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances ; qu'il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les dommages esthétique et d'agrément générés par les traitements et soins subis ; qu'il n'inclut pas le préjudice à caractère personnel du déficit fonctionnel, lorsqu'il existe ;

Et attendu que l'arrêt, sous une rubrique "préjudices extra-patrimoniaux", retient d'une part au titre du poste "déficit fonctionnel", que M. X... , âgé de 55 ans à la consolidation, reste atteint d'un déficit de 55 % et qu'il lui est alloué la somme de 85 000 euros, d'autre part au titre du poste "préjudice de contamination", que le caractère spécifique de la contamination ne peut recevoir indemnisation selon les normes usuellement admises en matière de dommage corporel, et qu'outre les douleurs physiques, ce préjudice inclut les douleurs morales résultant de la contamination, ses conséquences sur la vie professionnelle devenue inexistante à une époque où M. X... était encore en droit d'espérer travailler plusieurs années , ses conséquences aussi sur la vie sociale et de loisir ralentie depuis de très nombreuses années du fait de l'asthénie et des contraintes liées aux traitements, ainsi que la crainte légitime d'une évolution défavorable de son état de santé vers une cirrhose, comme il a déjà connu un cancer du foie, alors que les premiers symptômes de la maladie ont débuté en 1988, M. X... n'étant âgé que de 37 ans, et alors que malgré la greffe du foie, le virus est toujours présent et que, néanmoins, son état est stabilisé depuis l'année 2006 ; que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu de lui allouer la somme de 120 000 euros ;

Que la cour d'appel, qui a ainsi constaté souverainement, par un arrêt motivé vérifiant leurs éléments constitutifs distincts, l'existence des deux postes de préjudices à caractère personnel du déficit fonctionnel et du préjudice spécifique de contamination, en a exactement déduit qu'ils devaient faire l'objet d'une indemnisation distincte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Etablissement français du sang aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Etablissement français du sang à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'Etablissement français du sang

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'E.F.S. à payer à M. X... la somme de 85.000 euros au titre de son déficit fonctionnel et la somme de 120.000 euros au titre de son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C,

AUX MOTIFS QUE sur le déficit fonctionnel : M. X... était âgé de 55 ans à la consolidation ; qu'il reste atteint d'un déficit de 50% ; qu'il lui sera alloué la somme de 85.000 euros ;

ET QUE sur le préjudice de contamination : le caractère spécifique de la contamination ne peut recevoir indemnisation selon les normes usuellement admises en matière de dommage corporel ce qui doit conduire à allouer une somme globale qui comprend, outre les douleurs physiques rappelées ci-dessus, les douleurs morales résultant de la contamination, ses conséquences sur la vie professionnelle devenue inexistante à une époque où M. X... était encore en droit d'espérer travailler plusieurs années, ses conséquences aussi sur la vie sociale et de loisir ralentie depuis de très nombreuses années du fait de l'asthénie et des contraintes liées aux traitements ; que les premiers symptômes de la maladie ont débuté en 1988 alors que M. X... n'était âgé que de 37 ans ; que malgré la greffe du foie, le virus est toujours présent et M. X... peut légitimement craindre une évolution défavorable de son état de santé vers une cirrhose comme il l'a déjà connu voire un cancer du foie ; que néanmoins sont état est stabilisé depuis la fin de l'année 2006 ; que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de lui allouer une somme de 120.000 euros ;


ALORS QUE le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C recouvre l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques, consécutifs à l'infection virale ; qu'il inclut par conséquent le déficit fonctionnel permanent, qui correspond aux incidences, sur la sphère personnelle de la victime, de la réduction définitive de son potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel ; qu'en indemnisant à la fois le déficit fonctionnel de M. X... et son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même dommage, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale.



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Cette décision est visée dans la définition :
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