par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 juin 2009, 08-12896
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 juin 2009, 08-12.896

Cette décision est visée dans la définition :
Testament




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Thierry X... s'est donné la mort le 23 octobre 1997, en laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens Mme Béatrice Y... et ses six enfants, Marie-Barbara, issue d'une première union, Sophie, Antoine, Pauline, Edouard et Constance, issus de sa seconde union ; qu'il a laissé, à la page 17, dernière écrite, d'un carnet intime dont les pages étaient numérotées, un texte manuscrit, sans en-tête ni nom de destinataire, constituant sur trente six lignes une lettre d'adieu à sa famille, suivie de sa signature et de la phrase "fait à Clichy, le 16 octobre 1997 pour tenir lieu de dernières volontés", après lesquelles ont été ajoutées trois dernières lignes, non suivies d'une signature, ainsi rédigées: "J'oubliais que tout ce qui m'appartient reviennent ( sic ) à mes six enfants en parts égales : Barbara, Sophie, Antoine, Pauline, Edouard et Constance et respecter les assurances vie chez N.S.M.-M....( illisible )." ; que, soutenant que cet écrit était de nature testamentaire et ôtait à sa mère la qualité d'usufruitière légale du quart de la succession, Mme Sophie X... a saisi le tribunal de grande instance pour voir, notamment, constater la nullité de l'acte de notoriété et de l'acte de conversion-partage (attribuant à Mme Béatrice X... la pleine propriété d'un appartement situé ...), dressés les 9 décembre 1997 et 31 mai 1999 par M. Christian Z..., notaire, et condamner ce dernier à prendre en charge les frais de régularisation de la succession ;

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Attendu que Mme Sophie X... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 10 janvier 2008) de l'avoir déboutée de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que la loi ne précise pas la place que la signature du testateur doit occuper sur le testament ; qu'en jugeant que le testament manuscrit de Thierry X... du 17 octobre 1997 ne peut être considéré comme valable, sa signature figurant juste avant ses dernières dispositions testamentaires, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil ;

Attendu qu'après avoir exactement énoncé que suivant l'article 970 du code civil, le testament olographe n'est pas valable s'il n'est signé de la main du testateur et que la signature, qui est la marque de l'approbation personnelle et définitive par le testateur du contenu de l'acte et de la volonté de s'en approprier les termes, doit nécessairement être apposée à sa suite, la cour d'appel a relevé, tant par motifs propres qu'adoptés que, dans le message du 16 octobre 1997, la signature de Thierry X... avait été apposée, avec la date, après l'exposé de ce qui doit s'analyser comme une lettre d'adieu à sa famille, ne comprenant aucune disposition testamentaire, et que le paragraphe litigieux, ajouté en post-scriptum, commençant par les termes "j'allais oublier" n'était ni daté, ni signé ; qu'ayant estimé que les deux parties du manuscrit ne formaient pas un tout indivisible, la cour d'appel en a justement déduit que seule la première avait été approuvée personnellement et définitivement par son auteur et que la seconde ne pouvait être considérée comme un testament valable ; que le grief n'est pas fondé ;

Puis sur les trois autres branches du premier moyen et sur le second moyen pris en ses deux branches ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces griefs qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Sophie X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Sophie X... à payer à Mme Béatrice Y..., épouse X... la somme de 2 500 euros et à M. Z... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme Sophie X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Sophie X... de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Béatrice X..., appelée sur les lieux du décès de son époux survenu dans un pavillon contigu aux locaux de la société Albert Menès qu'il dirigeait, a trouvé, dans le bureau de celui-ci, un cahier intime comportant à la page numérotée 17 un écrit destiné à sa famille dans lequel il fait part de sa souffrance et de ses difficultés à vivre ; que ce document se termine par les mots « Que je sois incinéré s.v.p. » suivis de sa signature ; qu'en dessous il est écrit « Fait à Clichy, le 16/10/07 pour tenir lieu de dernières volontés. J'oubliais que tout ce qui m'appartient reviennent à mes six enfants en parts égales : Barbara, Sophie, Antoine, Pauline, Edouard et Constance et respecter les assurances-vie chez N.S.M.-Mr… » (nom illisible) ; que Sophie X... après avoir vainement cherché à établir l'existence d'un autre testament notamment dans le cadre d'une procédure pénale dont elle a pris l'initiative, considérant à cette époque que le document du 16 octobre 1997 ne constituait pas un testament, soutient désormais que, puisqu'il n'existe que cet écrit, il doit être interprété comme constituant les dispositions testamentaires de son père alors qu'elle a signé sans aucune réserve l'acte du 31 mai 1999 attribuant à sa mère la pleine propriété de l'appartement situé ... pour la remplir de ses droits ce qui confirme qu'elle ne voyait pas dans le document litigieux, dont elle avait connaissance pour en avoir reçu une copie comme ses frères et soeurs dès le lendemain du décès de son père, une volonté de celui-ci d'exclure son épouse du bénéfice de l'usufruit ; qu'aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe n'est pas valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; qu'il n'est en revanche assujetti à aucune autre forme ; que ces formalités doivent être observées à peine de nullité en application de l'article 1001 du même code ; qu'il n'est pas contesté que le document litigieux est daté du 16 octobre 1997 et fut écrit de la main de Thierry X..., testateur ; que si le document comporte une signature de son auteur dont l'authenticité n'est pas remise en cause, cette signature a été apposée après l'exposé de ce qui doit s'analyser comme une lettre d'adieu laquelle ne contient aucune disposition testamentaire ; que le dernier paragraphe et notamment la phrase qui débute par « J'oubliais... » laquelle contient ce qui pourrait s'interpréter comme des dispositions testamentaires ne sont en revanche pas suivis d'une signature ; qu'or, il est de jurisprudence constante que le testament olographe n'est pas valable s'il n'est signé de la main du testateur et la signature, pour être la marque de l'approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte doit nécessairement être apposée à sa suite ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, à défaut de signature après la phrase contenant les dispositions relatives au partage des biens à parts égales entre les six enfants qui constitue un post-scriptum, le testament ne peut être considéré comme valable ; qu'il sera relevé au surplus qu'en tout état de cause la mention que tous les biens appartenant au défunt devront revenir à ses six enfants à parts égales et que les contrats d'assurance-vie souscrits auprès de N.S.M devront être respectés ne constitue pas de réelles dispositions testamentaires car Thierry X... n'a fait que reprendre les règles applicables à savoir la qualité d'héritiers, à parts égales, des enfants qu'ils soient issus d'une première ou d'une seconde union et le respect de la désignation des bénéficiaires des contrats d'assurance vie ; qu'il apparaît que par la phrase litigieuse, l'auteur n'a aucunement voulu modifier la dévolution successorale mais a seulement mentionné sa volonté que chacun de ses enfants perçoive une part égale ; que la précision apportée sur ce point était d'ailleurs accessoire pour Thierry X... puisqu'il s'est longuement exprimé sur le bilan de sa vie, ses regrets, ses souffrances et n'a abordé le problème de sa succession que de façon très succincte sous forme de post-scriptum » ;

ALORS en premier lieu QUE la loi ne précise pas la place que la signature du testateur doit occuper sur le testament ; qu'en jugeant que le testament manuscrit de Thierry X... du 17 octobre 1997 ne peut être considéré comme valable, sa signature figurant juste avant ses dernières dispositions testamentaires, la Cour d'appel a violé l'article 970 du Code civil ;

ALORS en deuxième lieu, subsidiairement, QU'à supposer que la première Chambre civile de la Cour de cassation ait décidé de pratiquer un revirement de jurisprudence par son arrêt du 14 janvier 2003, en exigeant dorénavant que toute signature d'un testament figure à la suite du contenu de ce dernier, l'application par la Cour d'appel d'un tel revirement à un testament rédigé en 1997, à une date où il était parfaitement valable en l'état de la jurisprudence alors en cours, a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS eu troisième lieu QUE le document manuscrit signé par Thierry X... le 16 octobre 1997 énonçait clairement et précisément, après avoir indiqué qu'il tenait lieu pour son auteur « de dernières volontés », que « tout ce qui m'appartient revienn(e) à mes six enfants en parts égales » ; qu'en jugeant que par cette phrase Thierry X... n'aurait pas voulu modifier la dévolution successorale mais qu'il aurait uniquement entendu rappeler, en guise de dernières volontés, qu'aux termes de la loi chacun de ses enfants recevrait une part égale dans sa succession, la Cour d'appel a dénaturé la lettre du 16 octobre 1997, violant ainsi les articles 970 et 1134 du Code civil, ensemble l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QU'en jugeant que Madame Sophie X... « a signé sans aucune réserve l'acte du 31 mai 1999 attribuant à sa mère la pleine propriété de l'appartement situé ... pour la remplir de ses droits ce qui confirme qu'elle ne voyait pas dans le document litigieux, dont elle avait connaissance pour en avoir reçu une copie comme ses frères et soeurs dès le lendemain du décès de son père, une volonté de celui-ci d'exclure son épouse du bénéfice de l'usufruit » (arrêt, p.6), sans en tirer de conséquence juridique précise et notamment sans en conclure si selon elle Madame Sophie X... ne serait plus recevable à qualifier de testament l'acte litigieux, la Cour d'appel a statué par un motif ambigu ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 970, 784 dans sa rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 2001 et 1043 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Madame Sophie X... contre Maître Christian Z... ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Maître Z..., notaire, qui ne pouvait considérer comme testament l'extrait du document du 16 octobre 1997 qui lui a été présenté par les parties lors du règlement de la succession s'agissant d'une phrase non datée et non suivie d'une signature de son auteur ; qu'en effet, cet officier ministériel n'a jamais eu connaissance du document original complet lors de la rédaction de l'acte de notoriété puis de l'acte reçu le 31 mai 1999 ; qu'il appartenait à Sophie X..., héritière, si elle considérait que le document du 16 octobre 1997 devait s'analyser comme un testament de saisir la juridiction compétente ce qu'elle ne fit que cinq ans plus tard » ;

ALORS d'une part QUE la cassation de l'arrêt à intervenir en ce qu'il a refusé de considérer que le document du 16 octobre 1997 constituait un testament valable, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé « qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Maître Z..., notaire, qui ne pouvait considérer comme testament l'extrait du document du 16 octobre 1997 qui lui a été présenté par les parties lors du règlement de la succession s'agissant d'une phrase non datée et non suivie d'une signature de son auteur » (arrêt, p.8§1), conformément à ce que dispose l'article 624 du Code de procédure civile ;

ALORS d'autre part QU'en jugeant qu'il « appartenait à Sophie X..., héritière, si elle considérait que le document du 16 octobre 1997 devait s'analyser comme un testament de saisir la juridiction compétente ce qu'elle ne fit que cinq ans plus tard » (arrêt, p.8§1), sans énoncer à quel titre cette abstention pendant cinq années, due uniquement aux informations erronées qui lui avaient été données par Maître Z... et par Madame Béatrice X..., lui interdirait d'agir aujourd'hui, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Testament


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