par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 11 février 2009, 08-10813
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
11 février 2009, 08-10.813

Cette décision est visée dans la définition :
Entériner




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 octobre 2007) rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 14 février 2006, pourvoi n° 05-11.008), que les époux X... (les maîtres de l'ouvrage) ont, par marché sur devis estimatif, confié à M. Y... (l'entrepreneur) l'édification de leur maison ; qu'après expertise, l'entrepreneur a fait assigner les maîtres de l'ouvrage en paiement de travaux qu'il a réalisés en supplément du devis signé par les parties ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que les maîtres de l'ouvrage n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel qu'ils n'avaient pas commandé la dalle anticyclonique telle qu'elle a été réalisée, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour condamner les maîtres de l'ouvrage à payer à l'entrepreneur une somme au titre des travaux supplémentaires qu'il a réalisés, l'arrêt retient que le contrat objet du litige n'est pas un marché de travaux à forfait, que les maîtres de l'ouvrage ne pouvaient se prévaloir des exigences particulières protectrices du maître de l'ouvrage applicables au marché de travaux à forfait pour dénier à l'entrepreneur la possibilité de réclamer le paiement des travaux supplémentaires qu'il a réalisés, au prétexte que ces travaux n'avaient pas été autorisés par écrit et leur prix convenu, que les volumes supplémentaires relatifs au remblai correspondaient à une prestation supplémentaire qui s'était imposée en raison de la disposition des lieux et dont le coût avait été évalué par l'expert en fonction des prix unitaires initialement convenus, et qu' à supposer même qu'ils n'aient pas donné leur accord préalable à la réalisation d'une dalle dans le garage, ils avaient, fût-ce tacitement, donné leur agrément et accepté cet ouvrage supplémentaire puisqu'ils ne justifiaient ni n'alléguaient avoir protesté à sa réception et qu'ils avaient au demeurant circonscrit leur argumentation, lors des opérations d'expertise, à une contestation de la rémunération réclamée par l'entrepreneur ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à établir que les maîtres de l'ouvrage avaient expressément commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation, ou les avaient acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 455 du code civil ;

Attendu que pour condamner les maîtres de l'ouvrage au paiement du coût des travaux supplémentaires réalisés, l'arrêt retient que c'est avec pertinence que, suivant en cela l'avis de l'expert judiciaire, le premier juge les a condamnés au paiement de la somme de 21 027,14 euros ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des maîtres de l'ouvrage qui soutenaient qu'en évaluant le coût de la dalle anticyclonique à la somme de 83 051,32 francs tout en comptabilisant dans son bilan financier la somme de 112 273 francs, l'expert s'était contredit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code civil ;

Attendu qu'ayant, dans ses motifs, relevé que l'entrepreneur ne justifiait pas d'un préjudice autre que celui issu du retard dans le paiement indemnisé par les intérêts de droit, et rejeté sa demande de dommages et intérêts l'arrêt, dans son dispositif, confirme en toutes ses dispositions, le jugement ayant condamné les maîtres de l'ouvrage à payer des dommages-intérêts à M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., le condamne à payer aux époux X... 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour les époux X... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné les époux X... à verser à Monsieur Y... la somme de 21.027,14 euros au titre des travaux supplémentaires non prévus par le devis ;

AUX MOTIFS QUE, « le contrat objet du litige n'est pas un marché de travaux à forfait ; que M. et Mme X... ne le prétendent au demeurant pas ; qu'ils ne sauraient dès lors se prévaloir des exigences particulières, protectrices du maître d'ouvrage, applicables au marché de travaux à forfait pour dénier à M. Y... la possibilité de réclamer le paiement des travaux supplémentaires qu'il a réalisé au prétexte que ces travaux n'ont pas été autorisés par écrit et leur prix convenu ; qu'au titre des travaux complémentaires effectués par Monsieur Y..., l'expert judiciaire a essentiellement retenu une dalle anticyclonique, une dalle en sous-sol ainsi qu'un remblai en tuf compacté ; que les volumes supplémentaires relatifs au remblai correspondent à une prestation supplémentaire qui s'est imposée en raison de la disposition des lieux et dont le coût a été évalué par l'expert en fonction des prix unitaires initialement convenus ; que M. et Mme X... ne discutent ensuite pas avoir commandé en cours de chantier une dalle anti-cyclonique ; qu'il est légitime de rémunérer M. Y... du coût de cette prestation sur la base des prix unitaires convenus dans le marché sur devis passé le 20 août 1998 ; qu'enfin, les parties sont certes contraires sur l'existence d'une commande de dalle du sous-sol ; qu'à cet égard cependant, et à supposer même qu'ils n'aient pas donné leur accord préalable à la réalisation d'une dalle dans le garage, les époux X... ont, fût-ce tacitement, donné leur agrément et accepté cet ouvrage supplémentaire puisqu'ils ne justifient ni n'allèguent avoir protesté à sa réception et qu'ils ont au demeurant circonscrit leur argumentation lors des opérations d'expertise à une contestation de la rémunération réclamée par l'entrepreneur ; que de l'ensemble de ce qui précède, il résulte suffisamment que M. Y... demande légitimement le coût des travaux supplémentaires qu'il a réalisés pour le compte de M. et Mme X... sur la base des prix unitaires initialement convenus entre les parties (…) ; que c'est avec pertinence que, suivant en cela l'avis de l'expert judiciaire, le premier juge a condamné M. et Mme X... au paiement de la somme de 21.027,14 euros » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE quelle que soit la qualification du marché retenue, le maître de l'ouvrage ne peut être condamné à payer le coût de travaux supplémentaires dont un entrepreneur demande le paiement que s'ils ont été commandés avant leur réalisation ou acceptés, sans équivoque, après leur exécution ; qu'en condamnant les époux X... au paiement de travaux supplémentaires, à savoir la réalisation d'une dalle en sous-sol et d'un remblai en tuf compacté, sans constater que ces ouvrages avaient été commandés avant leur réalisation, ni acceptés sans équivoque après leur réalisation, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ;
que la seule absence de protestation ne saurait caractériser l'acceptation non équivoque de travaux supplémentaires ; qu'en condamnant les époux X... à payer à Monsieur Y... le prix d'une dalle qu'ils contestaient avoir commandée au motif qu'ils n'avaient pas protesté lors de sa réception et avaient circonscrit leur argumentation, lors des opérations d'expertise, à une contestation de la rémunération de l'entrepreneur, la Cour d'appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être modifiées que de leur consentement mutuel ; que si les époux X... ne contestaient pas avoir commandé une dalle anticyclonique au cours de la réalisation des travaux, ils soutenaient qu'il avait été convenu que cette dalle serait d'une dimension de 12,725 m3 et serait facturée 44.537,50 francs ; que cette affirmation était confirmée par le rapport d'expertise judiciaire ; qu'en condamnant néanmoins les époux X... à payer un supplément de prix au titre de la dalle anticyclonique au seul motif que la dalle était de dimensions supérieures à celles convenues et sans constater le moindre accord sur la réalisation d'une dalle plus grande, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE si les époux X... ne contestaient pas avoir commandé une dalle anticyclonique au cours de la réalisation des travaux, ils soulignaient que le rapport de l'expert était entaché d'une contradiction en ce qu'après avoir constaté qu'il avait été convenu que cette dalle serait facturée 44.537,50 francs, il évaluait celle-ci, en raison de ses dimensions, à la somme de 83.051,32 francs puis retenait au titre de cette même dalle dans son bilan financier, dont il a déduit la somme due par les époux X..., la somme de 112.273 francs sans aucune explication ; qu'en entérinant néanmoins les conclusions de l'expert sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond qui entérinent les conclusions d'un expert judiciaire sont réputés s'en approprier les motifs ; que lorsque les conclusions de l'expert sont entachées d'une contradiction, la décision qui les entérine se trouve entachée de cette même contradiction ; que les époux X... soulignaient que le rapport de l'expert était entaché d'une contradiction dès lors qu'en réponse à leur dire, il proposait d'évaluer la dalle anticyclonique à la somme de 83.051,32 francs, mais comptabilisait à ce titre dans son bilan financier la somme de 112.273 francs ; qu'en entérinant les conclusions de l'expertise judiciaire, la Cour d'appel a entaché sa propre décision d'une contradiction de motifs, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné les époux X... à verser à Monsieur Y... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,


ALORS QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en confirmant le jugement en toutes ses dispositions et, ce faisant, en ce qu'il avait condamné les époux X... à verser à Monsieur Y... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts après avoir pourtant énoncé dans ces motifs que Monsieur Y... ne justifiait pas d'un préjudice autre que celui issu du retard dans le paiement et indemnisé par les intérêts de droit de sorte que sa demande de dommages et intérêts serait rejetée, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Entériner


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.