par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 16 décembre 2008, 07-20939
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 décembre 2008, 07-20.939

Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la SAS Clear Channel France que sur le pourvoi incident relevé par la ville de Saint Malo ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'aux termes de deux arrêtés du 14 septembre 1999, le maire de la ville de Saint Malo a, en application de la loi du 29 décembre 1979, mis en demeure la SAS Clear Channel France (la SAS), exerçant sous l'enseigne "Dauphin Affichage", de déposer neuf panneaux publicitaires implantés en violation du règlement local, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 519,60 francs par jour et par dispositif ; que ces deux arrêtés ont été notifiés à la société par lettre recommandée reçue le 16 septembre 1999 ; que le maire de Saint Malo a émis, les 26 octobre et 2 décembre 1999, des titres exécutoires correspondant aux astreintes ayant couru, ainsi que les 11 septembre 2001 et 6 novembre 2002, des commandements de payer ; que la société a fait assigner le maire aux fins de voir annuler les états exécutoires ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :

Attendu que la ville de Saint Malo fait grief à l'arrêt de n'avoir pas relevé d'office son incompétence au profit du juge de l'exécution, alors selon le moyen que l'action en contestation de la régularité formelle du titre de recettes relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution et, en cause d'appel, d'une formation de la cour d'appel statuant à bref délai ; que tout autre juge a l'obligation de relever d'office son incompétence ; qu'en confirmant le jugement du tribunal de grande instance qui s'était déclaré compétent pour connaître de la contestation relative à la régularité formelle de titre de recettes émis par le maire de la ville de Saint Malo, alors qu'elle avait l'obligation de relever d'office son incompétence et celle des premiers juges, irrégulièrement saisis, la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, L. 311-12-1 alinéa 5 et 6 de l'ancien code de l'organisation judiciaire en vigueur au jour de l'arrêt, ainsi que l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la SAS contestait seulement le fondement des titres exécutoires émis par la ville de Saint Malo et qu'en application de l'article L. 311-12 devenu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution ne peut être saisi des difficultés relatives aux titres exécutoires qu'à l'occasion de contestations portant sur des mesures d'exécution forcées engagées ou opérées sur le fondement de ce titre ; qu'ainsi, la cour d'appel en a justement déduit que le tribunal de grande instance était compétent pour connaître du contentieux des titres de recouvrement des astreintes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 81, alinéa 1er du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que tout ordre de recettes doit indiquer les bases de la liquidation ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la SAS, l'arrêt retient que celle-ci qui a eu connaissance du mode de calcul de la dette par les arrêtés du 14 septembre 1999 qui lui ont été régulièrement notifiés et qui fixaient à 519,60 francs par jour et par panneau publicitaire les bases de calcul était en mesure de discuter utilement le montant qui lui était réclamé et qu'elle ne prétend d'ailleurs pas qu'un élément lui aurait manqué ou lui serait apparu incompréhensible et l'aurait ainsi mise dans l'impossibilité de contester la dette ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que le maire de la ville de Saint Malo devait indiquer soit dans le titre lui-même, soit par référence expresse à un document joint à l'état exécutoire précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge du redevable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la ville de Saint Malo aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la ville de Saint Malo à paye à la société Clear Channel France la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Clear Channel France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant rejeté la demande de la Société CLEAR CHANNEL FRANCE en annulation de titres de recettes ;


AUX MOTIFS QUE :

« - sur la signature de l'ordonnateur

« Les titres exécutoires émis par les collectivités territoriales ne sont soumis à aucun formalisme particulier et l'instruction budgétaire et comptable M14, applicable en la cause précise « les titres de recettes n 'ont pas à être revetus de la signature de l'ordonnateur ».

« En conséquence la société Clear Channel FRANCE n 'est pas fondée à soutenir que les titres émis par la ville de Saint Malo seraient entachés d'illégalité pour ne pas être revêtus de la signature du maire de cette commune. Elle n 'est pas davantage fondée à se prévaloir des dispositions de la loi du 12 avril 2000 es lors que, les titres litigieux ayant été émis antérieurement à l'entrée en application de cette loi, soit les 26 octobre et 2 décembre 1999, celles-ci ne pouvaient leur être applicables ».

ALORS QUE toute décision doit être revêtue de la signature manuscrite de son auteur ; que n'échappent pas à cette règle générale les titres de recettes ; que le fait qu'aucune disposition du Code général des collectivités territoriales applicable aux titres de recettes, ni l'article L 252 A du Livre des procédures fiscales, n'imposent la signature de leur auteur, ne peut faire obstacle à l'application de cette règle générale, non plus que la simple instruction budgétaire et comptable M14 prise pour l'application de l'article 83 du décret du 29 décembre 1962 prévoyant que « les titres de recettes n'ont pas à être vêtus de la signature de l'ordonnateur » ; qu'en se fondant sur cette instruction budgétaire, la Cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés.

ALORS QUE, d'autre part, il appartenait en tout état de cause à la commune d'établir par tout moyen que les titres de recettes ont été pris par le maire ; qu'en n'effectuant pas cette recherche, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


SECOND MOYEN DE CASSATION

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant rejeté la demande de la Société CLEAR CHANNEL FRANCE en annulation de titres de recettes ;

AUX MOTIFS QUE :

«- sur les bases de la liquidation

«Aux termes du 1 er alinéa de l 'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique « tout ordre de recettes doit indiquer les bases de la liquidation ».

« Ce texte ayant pour objecta de permettre au débiteur de discuter utilement des bases de la liqui objectif le titre doit les mentionner à moins qu'elles n''aient été préalablement portées à sa connaissance.

« En l'espèce la société Clear Channel FRANCE a eu connaissance du mode de calcul de la dette par les arrêtés du 14 septembre 1999 qui lui avaient été régulièrement notifiés et qui fixaient à 519,60 francs par jour et par panneau publicitaire les bases de calcul.

« La société Clear Channel FRANCE était donc en mesure de discuter utilement le montant qui lui était réclamé et ne prétend d'ailleurs pas qu 'un élément lui aurait manqué ou lui serait apparu incompréhensible et l 'aurait ainsi mise dans l 'impossibilité de contester la dette » ;

ALORS QU'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat, pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 ; qu'en application de ce principe, la commune de SAINT MALO aurait dû indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence expresse à un document joint à l'état exécutoire précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge du redevable ; qu'en se bornant à constater que la Société a eu connaissance du mode de calcul de la dette par les arrêtés du 14 septembre 1999 qui lui avaient été notifiés et qui fixaient les bases de calcul, sans contester que les titres émis et rendus exécutoires n'indiquaient pas les bases de la liquidation et ne comportaient ni document joint, ni référence explicite aux arrêtés du 14 septembre 1999 précédemment adressés par la commune, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe et texte susvisé ;
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la ville de Saint Malo.

Ce pourvoi n'est formé que pour le cas où la Cour de Cassation entrerait en voie de cassation sur le pourvoi principal.

MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué de n'avoir pas relevé d'office son incompétence au profit du juge de l'exécution ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 311-12 devenu l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaissait, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élevaient à l'occasion de l'exécution forcée ; qu'en application de ce texte, le juge de l'exécution ne pouvait être saisi des difficultés relatives aux titres exécutoires qu'à l'occasion de contestations portant sur des mesures d'exécution forcées engagées ou opérées sur le fondement de ce titre ; que dans le cas présent, la Ville de SAINT MALO concluait à l'irrecevabilité de l'assignation au motif qu'elle ne répondait pas aux exigences des articles 11 et suivants du décret du 31 juillet 1992 relatifs à la procédure s'appliquant devant le juge de l'exécution ; que toutefois, si la société CLEAR CHANNEL FRANCE contestait les titres exécutoires émis par la Ville de SAINT MALO, aucune mesure d'exécution forcée n'avait été engagée à ce jour ; que le juge de l'exécution n'avait donc pas compétence pour connaître de cette demande ; que dès lors seul le Tribunal de Grande Instance était compétent et l'assignation n'avait pas à respecter les dispositions du décret du 31 juillet 1992 ; que c'était donc à juste titre que le premier juge avait déclaré irrégulière l'assignation en date du 17 mars 2005 (arrêt pages 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE d'une part, l'acte introductif d'instance du 17 mars 2005 qui visait expressément le Tribunal de Grande Instance et non le Juge de l'exécution était soumis aux règles de forme des articles 56 et 752 du NCPC et non aux dispositions du décret du 31 juillet 1992 relatives à la saisine du Juge de l'exécution ; que la Ville de SAINT MALO ne pouvait pas être suivie dans son raisonnement qui reviendrait à exiger que l'acte introductif d'une instance obéisse aux règles de forme non de la juridiction saisie par le demandeur mais de celle que le défendeur considère être compétente pour connaître du litige ; que d'autre part, l'objet de l'action introduite par la société CLEAR CHANNEL FRANCE n'était pas la contestation d'une mesure d'exécution forcée mais celle de la validité des titres exécutoires, laquelle n'était en aucun cas de la compétence du Juge de l'exécution ; qu'enfin, les astreinte prévues par la loi du 29 décembre 1979 en matière d'implantation de publicité irrégulière s'apparentaient à des taxes assimilées à des contributions indirectes et, par conséquent, en vertu de l'article L199 du Livre des Procédures Fiscales, le Tribunal de Grande Instance était compétent pour connaître du contentieux des titres de recouvrement de ces astreintes (jugement page 4) ;

ALORS QUE l'action en contestation de la régularité formelle du titre de recettes relève de la compétence exclusive du Juge de l'exécution et, en cause d'appel, d'une formation de la Cour d'Appel statuant à bref délai ; que tout autre juge a l'obligation de relever d'office son incompétence ; qu'en confirmant le jugement du Tribunal de Grande Instance qui s'était déclaré compétent pour connaître de la contestation relative à la régularité formelle de titre de recettes émis par le Maire de la Ville de Saint Malo, alors qu'elle avait l'obligation de relever d'office son incompétence et celle des premiers juges, irrégulièrement saisis, la Cour d'Appel a violé les articles L 213-6 du nouveau Code de l'organisation judiciaire, L 311-12-1 alinéa 5 et 6 de l'ancien Code de l'organisation judiciaire en vigueur au jour de l'arrêt, ainsi que l'article L1617-5 du Code Général des Collectivités Territoriales.



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Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.