par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 4 octobre 2005, 04-10445
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre commerciale
4 octobre 2005, 04-10.445

Cette décision est visée dans la définition :
Commissaire à l'exécution du plan




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° X 04-10432 et M 04-10445 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Aix-en-Provence, 24 septembre 2003), que le 23 septembre 1995, la société Laporte holding (la société) a conclu avec la société Monte Paschi banque (la banque) un protocole d'accord, homologué par un jugement du 15 mars 1996 ; que la société a été mise en redressement judiciaire par jugement du 12 août 1996 fixant au 9 août précédent la date de cessation des paiements ; qu'en septembre 1997, le tribunal a arrêté le plan de continuation de la société, M. X... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que ce dernier a formé, le 4 avril 2000, tierce-opposition au jugement du 15 mars 1996 demandant que ce jugement "soit mis à néant" et que soit prononcé la nullité du protocole d'accord sur le fondement des articles L. 621-107 et L. 621-108 du Code commerce ; que la société, appelée à cette instance, s'est associée aux prétentions du commissaire à l'exécution du plan;

Sur les deux moyens réunis du pourvoi n° X 04-10432 :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes, d'avoir déclaré mal fondée la tierce-opposition déposée par M. X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et dit que l'exécution du protocole d'accord du 23 octobre 1995 homologué par le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Antibes du 15 mars 1996 n'est pas incompatible avec l'ouverture de la procédure collective, alors, selon le moyen :

1 / que le juge saisi d'une demande de rétractation formée à l'encontre d'un jugement ayant homologué une transaction comme ayant été conclue pendant la période suspecte n'est pas lié par la date de cessation des paiements telle qu'elle a été fixée dans le jugement d'ouverture de la procédure ; qu'au cas d'espèce, en énonçant pour rejeter sa demande et celle et de M. X... , que le jugement ayant homologué le protocole d'accord signé le 23 octobre 1995 était antérieur à la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture, les juges du fond ont violé les articles 582 et suivants du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-7, L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce ;

2 / qu'il résulte du jugement ouvrant la procédure collective que le tribunal a fixé "provisoirement" la date de cessation des paiements au 9 août 1996 ; qu'ainsi, en tout état de cause, les juges du fond ne pouvaient décider qu'ils étaient liés par la date fixée par le tribunal de commerce ; que, de plus fort, les juges du fond ont violé les articles 582 et suivants du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-7, L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce ;

3 / qu'en l'état de la résolution, par le jugement d'ouverture de la procédure collective, des protocoles d'accord conclus dans le cadre de la procédure de conciliation, qui avait nécessairement un effet rétroactif, les juges du fond auraient dû rechercher si, à la date du jugement homologuant la transaction, elle n'était pas en état de cessation des paiements ; que faute d'avoir procédé à cette recherche, les juges du fond ont en tout état de cause privé leur décision de base légale au regard des articles 582 et suivants du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-7, L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce ;

4 / que pour être valable, la transaction doit comporter des concessions réciproques qui ne doivent pas être dérisoires ; qu'au cas d'espèce, s'étant bornée à reconnaître l'existence de sa dette dans le cadre de la transaction, elle n'a consenti aucune concession à la banque ;

qu'en refusant d'annuler la transaction alors qu'ils constataient qu'elle s'était contentée de reconnaître l'existence de sa dette, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations et ont violé les articles 582 et suivants du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 2044 du Code civil ;

5 / que, de la même façon, elle soutenait que dans le protocole d'accord du 23 octobre 1995, la banque ne lui concédait, en réalité, aucun avantage autre que des délais de paiement ; qu'en énonçant, pour décider que le protocole d'accord comportait des concessions réciproques, qu'elle reconnaissait devoir le montant du découvert outre les intérêts "d'un montant par ailleurs moins élevé que celui prévu à l'origine" sans autre précision, et notamment sans rechercher quelle était l'exacte mesure de cet avantage ainsi consenti par la banque, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le caractère dérisoire ou non des concessions consenties par la banque et ont privé leur décision de base légale au regard des articles 582 et suivants du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 2044 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement, lequel, dans son dispositif, il a "déclaré la tierce opposition déposée par M. X... recevable en la forme et mal fondée en ses prétentions, l'en a débouté et a dit que l'exécution du protocole d'accord du 23 octobre 1995 homologué par le jugement du 15 mars 1996 rendu par le tribunal de commerce n'était pas incompatible avec l'ouverture de la procédure collective n'a pas "débouté" la société de ses demandes ; que le moyen manque en fait ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° M 04-10.445, après avertissement délivré aux parties :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit mal fondée la tierce-opposition et jugé que l'exécution du protocole d'accord du 23 octobre 1995, homologué par le jugement du 15 mars 1996 n'était pas incompatible avec l'ouverture de la procédure collective alors, selon le moyen :

1 / que l'ouverture d'une procédure de règlement amiable et les moratoires accordés par les créanciers ne font pas, en tant que tels, obstacle au report de la date de cessation des paiements, le juge, saisi d'une demande d'annulation d'un acte accompli par le débiteur au cours de la période suspecte, ayant toute latitude pour inclure, dans cette période, la phase de règlement amiable, nonobstant l'article L. 611-3 du Code de commerce ; qu'en se bornant à énoncer, pour se soustraire à l'accord transactionnel du 23 octobre 1995 aux nullités de la période suspecte, qu'aucun élément ne permettait de dire qu'à cette date la société était en état de cessation des paiements alors qu'elle avait obtenu un moratoire de la plupart de ses créanciers, la cour d'appel s'est appuyée sur un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce ;

2 / qu'en se déterminant par les mêmes motifs, sans rechercher si, au 23 octobre 1995, la société était ou non en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel, procédant par voie de simple affirmation, n'a pas justifié en fait son appréciation, et derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce ;

3 / qu'est entaché de nullité de plein droit, lorsqu'il a été souscrit depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur "excèdent notablement" celles de l'autre partie ; qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait des termes du protocole d'accord litigieux que les concessions étaient réciproques dès lors que la débitrice reconnaissait devoir le montant du découvert outre les intérêts, d'un montant moins élevé que celui prévu à l'origine, et que la banque acceptait de mettre fin à la procédure d'exécution en cours et accordait des délais de paiement, la cour d'appel, qui n'a fait ainsi que constater la réciprocité des concessions respectives des parties, sans apprécier, par cela même, l'équilibre du contrat commutatif que constituait cette transaction a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si le commissaire à l'exécution du plan peut demander l'annulation d'un acte accompli pendant la période suspecte, il n'a pas qualité pour agir en report de la date de cessation des paiements lorsque l'action n'a pas été préalablement introduite par l'administrateur ou le représentant des créanciers ; que le tribunal qui use de la faculté, offerte par l'article L. 621-7 du Code commerce, de se saisir d'office pour reporter cette date est tenu de se saisir dans les délais édictés par l'alinéa 2 de ce texte qui, en l'espèce, étaient expirés ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Laporte Holding et M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Laporte Holding et de M. X..., ès qualités ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille cinq.



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Cette décision est visée dans la définition :
Commissaire à l'exécution du plan


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.