par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, 16-19654
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
27 septembre 2017, 16-19.654

Cette décision est visée dans la définition :
Filiation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 octobre 2014, 14 avril 2015 et 8 mars 2016), que, le 2 août 2012, Mme I...      , de nationalité camerounaise, a donné naissance, en France, à l'enfant Justin I...      ; qu'agissant tant en son nom qu'en celui de son fils, elle a assigné en recherche de paternité M. A..., de nationalité suédoise ; que celui-ci a soutenu que l'action était irrecevable, au regard du droit camerounais applicable, compte tenu de l'inconduite notoire de la mère ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, qui concernent respectivement les arrêts des 21 octobre 2014 et 8 mars 2016, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt du 14 avril 2015 d'écarter les dispositions de la loi camerounaise, désignées par l'article 311-14 du code civil, comme étant contraires à l'ordre public international français, de juger recevable l'action de Mme I...      et d'ordonner une mesure d'expertise biologique alors, selon le moyen, que n'est pas contraire à l'ordre public international français la loi étrangère qui, sans prohiber de manière générale l'établissement du lien de filiation entre le père prétendu et l'enfant, se borne à le soumettre à certaines conditions, seraient elles plus restrictives que celles de la loi française ; qu'en jugeant contraire à l'ordre public international français l'application de la loi camerounaise motif pris qu'elle aboutirait à priver un enfant mineur né en France et y demeurant habituellement de son droit d'établir sa filiation paternelle, tout en constatant que ses dispositions, identiques à celles des articles 340 et 340-1 du code civil français dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 1993, prévoyant la reconnaissance judiciaire de la paternité hors mariage dans des cas d'ouverture et des fins de non-recevoir limitativement énumérés, n'emportait pas prohibition générale de l'établissement de la filiation paternelle, la cour d'appel a violé les articles 3 et 311-14 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes de la loi camerounaise, l'action en recherche de paternité est irrecevable lorsque, pendant la période légale de conception, la mère a été d'une inconduite notoire ou si elle a eu commerce avec un autre homme, la cour d'appel a exactement retenu que ces dispositions, qui privaient l'enfant de son droit d'établir sa filiation paternelle, étaient contraires à l'ordre public international français ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme I...      , ès qualités, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. A....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt avant-dire droit attaqué (cour d'appel de Paris, 21 octobre 2014) d'AVOIR écarté la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance et du jugement ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 655 du code de procédure civile : "Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification" ; que l'huissier instrumentaire a tenté de signifier l'assignation le 12 février 2013 au dernier domicile connu de M. [...]              , où le concierge de l'immeuble lui a indiqué que l'intéressé était parti sans laisser d'adresse ; que l'huissier ayant fait une vaine recherche dans l'annuaire téléphonique de Paris a établi un procès-verbal en application de l'article 659 du code de procédure civile ; que, contrairement à ce que prétend M. A..., la seule consultation du moteur de recherches Google ne permet pas de trouver son adresse à Vevey, qui figure sur un site peu connu du grand public, adresse dont l'intéressé, au demeurant, ne démontre pas qu'il s'agit de son domicile, alors que d'autres sites internet lui attribuent de multiples adresses en Suisse, aux Etats-Unis, ou en Angleterre ; que le 18 janvier 2013, l'huissier a délivré une copie de l'assignation au siège de la SARL "Editions Cahiers d'Art" qui édite une revue dont M. A... est directeur de la publication ; qu'une salariée s'est déclarée habilitée à recevoir l'acte ; que cette délivrance au domicile professionnel de l'intéressé, dans l'ignorance de son domicile personnel est régulière ; qu'il sera en outre relevé que l'assignation a également été présentée le 24 janvier 2013 au cabinet de Me B..., avocat à Lausanne, qui a refusé de la recevoir en déclarant qu'il n'était plus mandaté par M. A..., quoique par courrier du 16 juillet 2012 il ait indiqué au conseil de Mme I...      que M. A... était domicilié à son étude où tous les actes judiciaires pouvaient lui être notifiés ; que la procédure suivie en première instance ayant été régulière, il convient de rejeter la demande d'annulation de l'assignation et du jugement et d'inviter les parties à conclure sur le fond » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'assignation introductive d'instance de Y...               a été délivrée aux trois adresses connues de M. H... A... , à savoir : le 12 février 2013, à son dernier domicile parisien, situé [...]           dans le 6 ème arrondissement de Paris, selon procès-verbal de recherches infructueuses, doublé d'une lettre recommandée dont l'avis de réception reçu le 14 février 2013 mentionne "destinataire non identifiable", le 18 janvier 2013, au siège de sa galerie d'art et maison d'édition parisienne, "Les cahiers d'art", dont il est l'unique propriétaire et associé, sise [...]                 arrondissement de Paris, l'acte ayant été remis à une personne présente, Mme C..., qui a accepté de recevoir l'acte, le 17 janvier 2013, à l'étude de Maître B..., [...]                    postale 5571, à Lausanne (Suisse), où M. H... A... a officiellement élu domicile par courrier du 16 juillet 2012 dans le cadre de la procédure de recherche de paternité, l'entité requise suisse ayant cependant indiqué le 31 janvier 2013 que l'avocat avait refusé de recevoir l'acte, en indiquant qu'il n'était plus mandaté pour ce faire ; qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de constater que l'assignation a été délivrée selon les formalités prévues aux articles 654 et suivants du code de procédure civile ; que M. H... A... a tout à fait été mis en mesure de se défendre et de constituer avocat à la présente instance ; que le tribunal de grande instance de Paris est par conséquent valablement saisi de la demande de Mme Y...                » ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile autorisant l'huissier de justice à établir un procès-verbal de recherches infructueuses lorsque l'adresse du destinataire demeure inconnue ne sont pas applicables lorsque des éléments sont de nature à établir que le destinataire de l'acte est domicilié à l'étranger, les articles 683 et suivants du même code étant alors les seuls applicables ; qu'en relevant néanmoins, pour juger l'assignation régulière, qu'au terme d'une vaine tentative de signification au dernier domicile connu de M. A..., l'huissier avait pu établi un procès-verbal en application de l'article 659 du code de procédure civile, bien qu'elle ait relevé qu'une recherche effectuée sur internet faisait apparaître que M. A... avait un domicile à l'étranger, la cour d'appel a violé ledit article, par fausse application, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, lorsqu'il existe des éléments faisant suspecter l'existence d'un domicile à l'étranger, l'huissier de justice chargé d'une signification ne peut se contenter de rechercher l'adresse du destinataire sur le territoire national ; qu'en se bornant à relever, pour juger suffisantes les diligences accomplies avant l'établissement du procès verbal de recherches infructueuses, que l'huissier s'était déplacé au dernier domicile connu de M. A...                   où le concierge de l'immeuble lui avait indiqué que l'intéressé était parti sans laisser d'adresse, et qu'il avait interrogé l'annuaire téléphonique de Paris, cependant qu'elle avait elle-même constaté qu'une recherche internet permettait d'établir que le destinataire avait des liens de rattachement avec la Suisse, les Etats-Unis et l'Angleterre,                                                  de sorte que les recherches devaient être effectuées relativement à un domicile dans ces pays, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 659 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la signification d'un acte ne peut être effectuée par procès-verbal de recherches infructueuses que si le destinataire n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ; qu'en se bornant à relever, pour juger suffisantes les diligences accomplies avant l'établissement du procès-verbal de recherches infructueuses, que l'huissier s'était déplacé au dernier domicile [...]                                    , où le concierge de l'immeuble lui avait indiqué que l'intéressé était parti sans laisser d'adresse, et qu'il avait interrogé l'annuaire téléphonique de Paris, sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposant soutenait que la carence de l'huissier était démontrée par le fait que le jugement lui avait été signifié à sa véritable adresse en Suisse (conclusions du 28 mai 2014, p. 5, al. 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la signification d'un acte ne peut être délivrée à domicile en un lieu où son destinataire se borne à exercer une activité professionnelle ; qu'en relevant néanmoins, pour juger l'acte introductif d'instance valable, que le 18 janvier 2013, l'huissier avait délivré une copie de l'assignation à une salariée de la SARL Editions Cahiers d'Art, où travaillait M. A... comme directeur de la publication, et que cette délivrance au domicile professionnel de l'intéressé, dans l'ignorance de son domicile personnel était régulière, la cour d'appel a violé les articles 655 et 656 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

5°) ALORS QUE les dispositions de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale évincent celles du droit interne ; qu'en retenant l'existence d'une signification à domicile élu en Suisse , sans faire application des dispositions de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965, la cour d'appel les a violées ;

6°) ALORS QUE l'avocat dont le mandat a été révoqué ne peut recevoir signification d'un acte pour le compte d'un ancien client ; qu'en relevant, pour juger l'acte introductif d'instance régulier, que « l'assignation a également été présentée le 24 janvier 2013 au cabinet de Me B..., avocat à Lausanne » (arrêt, p. 6, al. 1er), cependant qu'elle constatait elle-même que le mandat confié à l'avocat avait pris fin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 655 et 656 du code de procédure civile, ensemble l'article 2003 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt avant-dire droit attaqué (cour d'appel de Paris, 14 avril 2015) d'AVOIR confirmé le jugement du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal de grande instance de Paris s'était déclaré compétent pour statuer sur l'action en recherche de paternité engagée par Mme I...      ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'exception d'incompétence, aux termes de l'article 74 alinéa 1er du code de procédure civile, "les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir" ; que toutefois, suivant le dernier alinéa du même article, cette disposition ne fait pas obstacle à l'application de l'article 112 relatif aux nullités des actes de procédure ; que M. A..., qui n'était pas comparant en première instance et qui n'a précédemment fait valoir en cause d'appel que la nullité de l'assignation et du jugement subséquent est recevable à exciper de l'incompétence des juridictions françaises ; que pour soutenir que les juridictions helvétiques sont compétentes, il allègue qu'il est domicilié [...]                   ; mais considérant que l'acte d'achat de cette maison, en date du 9 juillet 1985, produit par l'appelant, porte en qualité d'acquéreur non pas son nom, mais celui de Mme Ulla D..., épouse A..., qui serait sa mère ; que si M. A... verse encore aux débats une autorisation de séjour en Suisse portant mention de l'adresse du [...]     , cette pièce lui a été délivrée le 24 septembre 2013, postérieurement à l'assignation délivrée le 18 janvier 2013, et ne démontre donc pas sa domiciliation à Vevey à la date de l'acte introductif d'instance ; que M. A... ne produit aucune autre pièce établissant que son principal établissement se trouvait alors en Suisse ; que l'huissier instrumentaire qui a tenté le 12 février 2013 de délivrer l'assignation au [...]           à Paris a relevé que selon le gardien M. A... avait quitté les lieux sans laisser d'adresse ; que le même acte a été délivré le 18 janvier 2013 [...]             , au siège social de la SARL Editions Cahier d'Art, revue dont M. A... est directeur de la publication, entre les mains de Mme E..., assistante qui s'est déclarée habilitée à recevoir la copie ; qu'à défaut de justification par M. A... d'un domicile en Suisse , et le dernier domicile connu de l'intéressé ainsi que le siège de ses activités professionnelles étant situés à Paris, le tribunal de grande instance de Paris était compétent pour connaître de l'action introduite par Mme I...       » ;

ET AUX MOTIFS DE L'ARRET DU 21 OCTOBRE 2014 QU'« aux termes de l'article 655 du code de procédure civile : "Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification" ; que l'huissier instrumentaire a tenté de signifier l'assignation le 12 février 2013 au dernier domicile [...]                                    , où le concierge de l'immeuble lui a indiqué que l'intéressé était parti sans laisser d'adresse ; que l'huissier ayant fait une vaine recherche dans l'annuaire téléphonique de Paris a établi un procès-verbal en application de l'article 659 du code de procédure civile ; que, contrairement à ce que prétend M. A..., la seule consultation du moteur de recherches Google ne permet pas de trouver son adresse à Vevey, qui figure sur un site peu connu du grand public, adresse dont l'intéressé, au demeurant, ne démontre pas qu'il s'agit de son domicile, alors que d'autres sites internet lui attribuent de multiples adresses en Suisse, aux Etats-Unis, ou en Angleterre ; que le 18 janvier 2013, l'huissier a délivré une copie de l'assignation au siège de la SARL "Editions Cahiers d'Art" qui édite une revue dont M. A... est directeur de la publication ; qu'une salariée s'est déclarée habilitée à recevoir l'acte ; que cette délivrance au domicile professionnel de l'intéressé, dans l'ignorance de son domicile personnel est régulière ; qu'il sera en outre relevé que l'assignation a également été présentée le 24 janvier 2013 au cabinet de Me B..., avocat à Lausanne, qui a refusé de la recevoir en déclarant qu'il n'était plus mandaté par M. A..., quoique par courrier du 16 juillet 2012 il ait indiqué au conseil de Mme I...      que M. A... était domicilié à son étude où tous les actes judiciaires pouvaient lui être notifiés ; que la procédure suivie en première instance ayant été régulière, il convient de rejeter la demande d'annulation de l'assignation et du jugement et d'inviter les parties à conclure sur le fond » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la compétence du tribunal de grande instance de Paris, en vertu des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile, étendues à l'ordre international, le tribunal compétent en matière de filiation est le tribunal du lieu où demeure le défendeur ; que comme l'a souligné le ministère public, ce lieu peut être le dernier domicile connu de l'intéressé ; qu'en outre, si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que M. H... A... , collectionneur d'art international et éditeur, n'a pas de domicile [...]                                                                                                    ; que son dernier domicile [...]                                              arrondissement de Paris, ce domicile ayant été confirmé par le gardien de l'immeuble, qui a indiqué le 18 septembre 2013 à l'huissier chargé de lui délivrer les conclusions récapitulatives de la demanderesse que M. H... A... était parti sans laisser d'adresse ; que, par conséquent, M. H... A... n'ayant ni domicile ni résidence connus et son dernier domicile connu en France étant situé à Paris, le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître de la procédure engagée par Mme Y...               , elle-même domiciliée [...] à Paris » ;

1°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt du 21 octobre 2014 qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 14 avril 2015, sur le fondement de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en l'absence d'autres chefs de compétence, le demandeur ne peut saisir la juridiction du lieu où il demeure qu'après avoir recherché si le défendeur n'a pas de domicile établi dans les pays où il possède des liens de rattachement ; qu'en jugeant la juridiction parisienne compétente pour juger de l'action aux fins d'établissement d'une filiation introduite à l'encontre de M. A..., sans vérifier si Mme I...      avait effectué des recherches afin de déterminer si l'exposant n'était pas domicilié à l'étranger, cependant qu'elle avait elle-même constaté, par sa précédente décision du 21 octobre 2014 rejetant la demande de nullité de l'acte introductif d'instance, qu'une recherche internet permettait d'établir que le destinataire avait des liens de rattachement avec la Suisse, les Etats-Unis et l'Angleterre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la preuve de ce que le domicile et la résidence du défendeur sont inconnus incombe au demandeur qui entend se prévaloir de l'article 42, alinéa 3 du code de procédure civile pour fonder la compétence de la juridiction de son propre domicile ; qu'en jugeant la juridiction parisienne compétente à défaut de justification par M. A... d'un domicile en Suisse au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 42, aliéna 3 du code de procédure civile ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt avant-dire droit attaqué (cour d'appel de Paris, 14 avril 2015) d'AVOIR confirmé le jugement du 26 novembre 2013 en ce qu'il avait écarté les dispositions de la loi camerounaise, désignée par l'article 311-14 du code civil, comme étant contraires à l'ordre public international français, avait en conséquence jugé recevable l'action de Mme I...      et avait, avant-dire droit, ordonné une mesure d'expertise génétique :

AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article 311-14 du code civil, "la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant" ; que l'intimée étant de nationalité camerounaise au jour de la naissance de Justin, la loi camerounaise est, en principe, applicable ; qu'en droit camerounais, l'action en recherche de paternité est régie par l'article 46 de l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, qui dispose que "la mère pour l'enfant mineur, ou l'enfant majeur peut, par une requête à la juridiction compétente, intenter une action en recherche de paternité. Toutefois, est irrecevable toute action en recherche de paternité lorsque pendant la période légale de conception, la mère a été d'une inconduite notoire ou si elle a eu un commerce avec un autre homme ou si le père prétendu était dans l'impossibilité physique d'être le père. A peine de forclusion, l'action en recherche de paternité doit être intentée : par la mère dans le délai de deux ans à compter de l'accouchement ou du jour où le père a cessé de pourvoir à l'entretien de l'enfant ; par l'enfant majeur dans le délai d'un an à compter de sa majorité" ; que l'article 340 alinéa 2 du code civil camerounais dispose que "la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée : 1° dans le cas d'enlèvement ou de viol, lorsque l'époque de l'enlèvement ou du viol se rapportera à celle de la conception ; 2° dans le cas de séduction accomplie à l'aide de manoeuvres dolosives, abus d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles ; 3° dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit privé émanant du père prétendu et desquels il résulte un aveu non équivoque de paternité ; 4° dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale de conception ; 5° dans le cas où le père prétendu a pourvu ou participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en qualité de père. L'action en reconnaissance de paternité ne sera pas recevable : 1° s'il est établi que, pendant la période légale de conception la mère était d'une inconduite notoire ou a eu commerce avec un autre individu ; 2° si le père prétendu était, pendant la même période, soit par suite d'éloignement, soit par l'effet de quelque accident, dans l'impossibilité physique d'être le père de l'enfant; 3° si le père prétendu établit par l'examen des sangs qu'il ne peut être le père de l'enfant" ; que l'application de la loi camerounaise, qui ne permet la recherche de paternité que dans des cas extrêmement limités, aboutirait à priver un enfant mineur, né en France et y demeurant habituellement, de son droit d'établir sa filiation paternelle; qu'elle doit donc être écartée comme contraire à l'ordre public français et la loi française reconnue applicable au litige » ;

ET QUE « sur l'expertise, M. A... ne conteste pas avoir eu des relations intimes avec l'intimée pendant la période légale de conception ; qu'il ne fait valoir d'autre motif légitime de ne pas ordonner une expertise biologique que la prétendue irrecevabilité précitée de l'action de Mme I...      ; que cette fin de non-recevoir devant, ainsi qu'il a été dit, être rejetée, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a ordonné une expertise biologique » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur l'action en recherche de paternité, l'article 311-14 du code civil dispose que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; qu'au regard de la nationalité camerounaise de la mère au jour de la naissance de l'enfant, la loi camerounaise se trouve applicable ; que selon l'article 340 du code civil camerounais, "la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée :- dans le cas d'enlèvement ou de viol, lorsque l'époque de l'enlèvement ou du viol se rapportera à celle de la conception ; - dans le cas de séduction accomplie à l'aide de manoeuvres dolosives, abus d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles, et s'il existe un commencement de preuve par écrit, dans les termes de l'article 1347 - dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit privé émanant du père prétendu et desquels il résulte un aveu non équivoque de paternité ; - dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale de la conception ; - dans le cas où le père prétendu a pourvu ou participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en qualité de père. L'action en reconnaissance de paternité ne sera pas recevable : - s'il est établi que, pendant la période légale de la conception, la mère était d'une inconduite notoire ou a eu commerce avec un autre individu ; - si le père prétendu était, pendant la même période, soit par suite d'éloignement, soit par l'effet de quelque accident, dans l'impossibilité physique d'être le père de l'enfant. L'action n'appartient qu'à l'enfant. Pendant la minorité de l'enfant, la mère, même mineure, a seule qualité pour l'intenter. Elle devra, à peine de déchéance, être intentée dans les deux années qui suivront l'accouchement. Toutefois, dans les cas prévus aux paragraphes 4 et 5 ci-dessus, l'action pourra être intentée jusqu'à l'expiration des deux années qui suivront la cessation, soit du concubinage, soit de la participation du prétendu père à 1'entretien et à l'éducation de l'enfant" ; que l'article 46 de la loi sur l'état civil 81/002 du 29 juin 1981 modifiée en 2011 prévoit également que "la mère pour l'enfant mineur, ou l'enfant majeur peut, par une requête à la juridiction compétente, intenter une action en recherche de paternité. Toutefois, est irrecevable toute action en recherche de paternité lorsque pendant la période légale de conception, la mère a été d'une inconduite notoire ou si elle a eu un commerce avec un autre homme ou si le père prétendu était dans l'impossibilité physique d'être le père. A peine de forclusion, l'action en recherche de paternité doit être intentée par la mère dans le délai de deux (2) ans à compter de l'accouchement ou du jour où le père a cessé de pourvoir à l'entretien de l'enfant" ; que l'application de la loi camerounaise, qui ne permet la recherche de paternité que dans des cas extrêmement limités, aboutirait à interdire à un enfant mineur, né et résidant habituellement en France, d'établir sa filiation paternelle ; qu'elle doit donc être écartée comme étant contraire à l'ordre public français et la loi française reconnue applicable au présent litige ; qu'en vertu des dispositions de l'article 327 du code civil, la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée ; qu'en vertu de l'article 328 du même code, le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est établie, a pendant la minorité de l'enfant, seul qualité pour exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité ; qu'en conséquence, que l'action est recevable » ;

ALORS QUE n'est pas contraire à l'ordre public international français la loi étrangère qui, sans prohiber de manière générale l'établissement du lien de filiation entre le père prétendu et l'enfant, se borne à le soumettre à certaines conditions, seraient elles plus restrictives que celles de la loi française ; qu'en jugeant contraire à l'ordre public international français l'application de la loi camerounaise motif pris qu'elle aboutirait à priver un enfant mineur né en France et y demeurant habituellement de son droit d'établir sa filiation paternelle, tout en constatant que ses dispositions, identiques à celles des articles 340 et 340-1 du code civil français dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 1993, prévoyant la reconnaissance judicaire de la paternité hors mariage dans des cas d'ouverture et des fins de non-recevoir limitativement énumérés, n'emportait pas prohibition générale de l'établissement de la filiation paternelle, la cour d'appel a violé les articles 3 et 311-14 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué statuant au fond (cour d'appel de Paris, 8 mars 2016) d'AVOIR dit irrecevables les demandes de M. A... tendant à voir constater les manoeuvres de Mme I...      pour contourner la loi camerounaise applicable et juger irrecevables les demandes de cette dernière au regard de la loi française et d'AVOIR dit que M. A..., est le père de Justin I...      né le [...] de Mme I...      ;

AUX MOTIFS QUE « la cour ayant confirmé le jugement qui a écarté la loi camerounaise comme contraire à l'ordre public français, déclaré Y...               ès qualités de représentante légale de son fils Justin Troy I...      né le [...] à Sèvres (Hauts-de-Seine) recevable en son action tendant à établir la paternité de M. H... A... , les demandes de l'appelant tendant à voir constater les manoeuvres de Mme I...      pour contourner la loi camerounaise applicable et juger irrecevables les demandes de cette dernière au regard de la loi française, sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée ; que, sur le fond de l'action, il y a lieu en premier lieu de constater que, bien que régulièrement convoqué par l'expert à trois reprises par lettres recommandées avec avis de réception dont deux sont revenus signés, M. A... ne s'est pas présenté aux opérations d'expertise ; qu'en second lieu, l'appelant qui fait état de "rares rapports sexuels occasionnels et tarifés" avec Mme I...      , et de ce qu'il a été "piégé" par celle-ci qui a multiplié les rapports et partenaires sexuels durant la période légale de conception, ne justifie d'aucun motif légitime à son absence aux opérations d'expertise ordonnées tant par le tribunal que par la cour ; que M. A... soutient que Mme I...      ne démontre pas la réalité d'une relation intime avec lui au cours de la période légale de conception de l'enfant, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une relation exclusive avec lui au cours de cette même période alors qu'elle vivait en couple, de notoriété publique, avec un certain Daniel F... jusqu'en février 2012, qu'elle entretenait des relations avec Patrick G... qui lui versait des subsides sans contrepartie de son travail ; mais considérant que A... admet avoir eu des relations sexuelles avec la mère de l'enfant ; que la période légale de conception de celui-ci s'étend du 6 octobre 2011 au 3 février 2012 ; que Mme I...      fait état d'une relation amoureuse suivie et régulière avec M. A... du mois d'octobre 2010 au mois de décembre 2011 ; qu'il résulte des correspondances entre les conseils des parties que M. A... avait proposé de prendre en charge les frais de déplacement de Mme I...      en Suisse afin de procéder à une expertise biologique (pièces 3, 4 et 7) ; qu'il résulte de ces éléments que M. A... n'excluait pas sa possible paternité ; qu'en l'état de ces éléments et du refus sans motif légitime de l'intéressé de participer aux opérations d'expertise qui lui aurait permis de lever ses doutes sur sa paternité, il convient de dire que M. H... A... est le père de l'enfant Justin Troy I...      né le [...] à Sèvres (Hauts-de-Seine) » ;

1°) ALORS QUE la cassation des arrêts du 21 octobre 2014 et 14 avril 2015 qui ne manquera pas d'intervenir sur les trois premiers moyens, entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 mars 2016, sur le fondement de l'article 625 du code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE l'établissement judiciaire d'un lien de filiation ne peut résulter de sa seule composante biologique présumée lorsque la réunion des indices qui rendent vraisemblable la paternité du défendeur procède de manoeuvres frauduleuses ; qu'en déduisant la paternité de M. A... de son refus de se soumettre à l'expertise génétique ordonnée par sa précédente décision et de l'existence de relations sexuelles avec la mère sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par les conclusions d'appel, si le refus de M. A... n'était pas justifié par les manipulations de Mme I...      rencontrée à l'occasion de relations sexuelles tarifées, alors qu'elle vivait par ailleurs en couple avec un homme et était entretenue par un autre, et dont la grossesse ne pouvait, compte tenu de leurs rapports sexuels protégés, résulter que d'un vol de gamète et d'une escroquerie à la paternité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 327 du code civil et 11 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Filiation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.