par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 13 juillet 2017, 15-27248
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Cour de cassation, chambre sociale
13 juillet 2017, 15-27.248

Cette décision est visée dans la définition :
Fins




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° B 15-27.247 à J 15-27.254 et Q 15-27.259 à T 15-27.262 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Papeete, 3 septembre 2015 et 1er octobre 2015) que M. Bruno X... et onze salariés de la société Multipose ont saisi en juin 2011 le tribunal du travail aux fins d'obtenir l'indemnisation de la rupture de leur contrat de travail intervenue irrégulièrement et sans cause réelle et sérieuse, et ce antérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire prononcée à l'égard de la société par jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete du 26 janvier 2009, lequel, par jugement du 12 avril 2010, a adopté un plan de redressement par voie de continuation, M. Y..., représentant des créanciers, étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que la société fait grief aux arrêts de déclarer recevables les salariés en leur action aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que le procès-verbal par lequel un huissier de justice relate avoir procédé à un affichage ayant pour effet de faire courir un délai réglementaire de contestation fait foi jusqu'à inscription de faux quant à sa date ; qu'ayant constaté que l'huissier de justice certifiait, sur son procès-verbal daté du 11 mai 2009, avoir apposé l'avis de dépôt des créances salariales à l'entrée du siège de l'entreprise, les juges du fond ne pouvaient qu'en déduire que le procès-verbal permettait de déterminer de manière certaine la date la plus tardive à laquelle l'huissier avait procédé à cet affichage, à savoir le 11 mai 2009, et par suite faire courir de cette date le délai de forclusion de deux mois ; qu'en retenant cependant que faute pour l'avis de dépôt d'être daté et pour le procès-verbal d'indiquer explicitement à quelle date l'avis de dépôt avait été affiché, le délai n'avait pas couru, la cour d'appel a violé l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990, ensemble les articles 1317 et 1319 du code civil ;

2°/ alors que, dès l'instant où l'avis de dépôt informait les salariés du dépôt au greffe du relevé des créances et de leur faculté de saisir le tribunal dans un délai de deux mois, à peine de forclusion, à compter de l'affichage, et que la date la plus tardive de l'affichage était établie, il incombait aux salariés prétendant ignorer cette date de rapporter la preuve qu'ils n'avaient aucun moyen de la connaître ; qu'en retenant que, faute d'avis le dépôt dûment daté et de preuve que le procès-verbal du 11 mai 2009 ait été affiché dans l'entreprise, la preuve certaine de ce que les salariés ont été informés de la date de l'affichage n'était pas rapportée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 ;

Mais attendu qu'ayant rappelé, d'une part, que l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 applicable au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises en Polynésie française fait obligation au représentant des créanciers d'afficher, dans les locaux du siège de l'entreprise et à ses portes, ainsi que dans les établissements où sont employés des salariés de l'entreprise et à leurs portes, l'avis de dépôt du relevé des créances salariales au greffe du tribunal mixte de commerce, d'autre part, que cet article précise que cet avis est daté du jour de l'affichage au siège de l'entreprise et signé par le représentant des créanciers et que cette date fait courir le délai de forclusion prévu pour contester le relevé des créances, la cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'avis de dépôt des créances salariales concernant les salariés de la société Multipose ne mentionnait aucune date, contrairement aux prescriptions de l'article 75 susvisé, en a exactement déduit, par ce seul motif, que le délai de forclusion de deux mois n'avait pas commencé à courir ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Multipose aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Multipose et la condamne à payer à la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen, commun et identique aux pourvois n° B 15-27.247 à J 15-27.254 et Q 15-27.259 à T 15-27.262, produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Multipose

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'avoir déclaré recevables les actions engagées par les douze salariés de la société Multipose, défendeurs au pourvoi avant de dire qu'ils avaient fait l'objet d'un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, de fixer la créance de chaque salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité de licenciement, et d'enjoindre à M. Y..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, d'inscrire la créance de chacun des salariés sur l'état des créances salariales et au plan de la société Multipose pour son montant global ;

AUX MOTIFS propres QUE l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 fait obligation au représentant des créanciers d'afficher « dans les locaux du siège de l'entreprise et à ses portes ainsi que dans les établissements où sont employés des salariés de l'entreprise et à leurs portes » l'avis de dépôt du relevé des créances salariales au greffe du tribunal de commerce ; qu'il précise que « cet avis est daté du jour de l'affichage au siège de l'entreprise et signé par le représentant des créanciers » et que « cette date fait courir le délai de forclusion » de deux mois pour contester le relevé des créances ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'affichage établi le 11 mai 2009 par M. Z..., huissier de justice, que l'avis de dépôt des créances salariales signé par Maurice Y..., mandataire judiciaire, a été « apposé sur la porte d'entrée du bureau de la Sarl « Multipose » sis à Papeete Avenue du Prince Hanoï Immeuble Jardonnet » ; que toutefois, l'avis de dépôt des créances salariales ne mentionne aucune date, contrairement aux prescriptions de l'article 75 susvisé ; qu'en outre, le procès-verbal du 11 mai 2009 n'indique pas la date à laquelle a été affiché ledit avis de dépôt et il n'est pas démontré qu'il ait été lui-même affiché dans l'entreprise ; que dans ces conditions, le délai de forclusion n'a pu commencer à courir ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE M. Y... verse au débat un avis de dépôt des créances salariales concernant les salariés de la Sarl Multipose qui n'est pas daté ; qu'il n'est pas justifié que le procès-verbal d'affichage dressé par l'huissier, qui certifie avoir apposé sur la porte d'entrée du bureau de la Sarl Multipose l'avis de dépôt de créances salariales en date du 11 mai 2009 ait été affiché en même temps que l'avis de dépôt ; qu'ainsi, faute d'avis de dépôt dûment daté ou de preuve certaine que les salariés ont été informés de la date de l'affichage faisant courir le délai de forclusion de deux mois, ce délai n'a pas commencé à courir ;

ALORS d'une part QUE le procès-verbal par lequel un huissier de justice relate avoir procédé à un affichage ayant pour effet de faire courir un délai réglementaire de contestation fait foi jusqu'à inscription de faux quant à sa date ; qu'ayant constaté que l'huissier de justice certifiait, sur son procès-verbal daté du 11 mai 2009, avoir apposé l'avis de dépôt des créances salariales à l'entrée du siège de l'entreprise, les juges du fond ne pouvaient qu'en déduire que le procès-verbal permettait de déterminer de manière certaine la date la plus tardive à laquelle l'huissier avait procédé à cet affichage, à savoir le 11 mai 2009, et par suite faire courir de cette date le délai de forclusion de deux mois ; qu'en retenant cependant que faute pour l'avis de dépôt d'être daté et pour le procès-verbal d'indiquer explicitement à quelle date l'avis de dépôt avait été affiché, le délai n'avait pas couru, la cour d'appel a violé l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990, ensemble les articles 1317 et 1319 du code civil ;


ALORS d'autre part QUE dès l'instant où l'avis de dépôt informait les salariés du dépôt au greffe du relevé des créances et de leur faculté de saisir le tribunal dans un délai de deux mois, à peine de forclusion, à compter de l'affichage, et que la date la plus tardive de l'affichage était établie, il incombait aux salariés prétendant ignorer cette date de rapporter la preuve qu'ils n'avaient aucun moyen de la connaître ; qu'en retenant que faute d'avis de dépôt dûment daté et de preuve que le procès-verbal du 11 mai 2009 ait été affiché dans l'entreprise, la preuve certaine de que les salariés ont été informés de la date de l'affichage n'était pas rapportée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 75 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.